mardi, décembre 2, 2025
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Vers quel modèle évolue l’engagement de Défense des Etats-Unis en Europe et en Asie ?

La semaine qui se termine aura vu évoluer les positions américaines en matière d’engagement de ses forces pour renforcer la défense de ses alliés. En premier lieu, le président Trump annonça, dans un de ses Tweet, que la Corée du Sud devra payer bien davantage que le Milliard de dollars annuel actuel pour co-financer le déploiement des forces américaines sur son sol. Vendredi, c’est une nouvelle fois au tour de l’Allemagne, et de son effort de défense trop limité, d’être pointé du doigt par Washington, et de menacer de redéployer les forces US présentes sur son sol vers la Pologne, officiellement parce que Varsovie dépense plus de 2% de son PIB en investissement de Défense. En outre, les polonais dépensent l’essentiel de leurs crédits d’équipement de Défense aux Etats-Unis, ce qui n’est évidemment pas le cas de Berlin, et qui irrite profondément le président Trump. Rappelons enfin que le gouvernement Polonais avait déclaré être prêt à participer au financement du déploiement d’une brigade blindée américaine permanente sur son sol, allant jusqu’à promettre 2 Md€ de crédits le cas échéant.

Hérité de la guerre froide, le positionnement sur le sol allemand d’une grande partie des forces américaines déployées en Europe répondait à des impératifs stratégiques liés à La Défense de l’OTAN, et notamment pour être en mesure de protéger la « trouée de Fulda » , une vallée qui constituait l’axe le plus favorable pour une offensive mécanisée du Pacte de Varsovie contre les pays occidentaux, qui traversait la République Fédérale d’Allemagne de la frontière Est-allemande jusqu’à Frankfort. Avec l’extension de l’OTAN à l’Est, et notamment l’intégration des anciens membres du Pacte de Varsovie dans l’Alliance, les forces américaines stationnées en Allemagne ont, il faut le reconnaitre, beaucoup moins de raisons d’être qu’elles n’en avaient durant la guerre froide. Et il est vrais que redéployer tout ou partie de ces forces dans les pays limitrophes de la façade orientale de l’OTAN répondrait à une justification technique.

US in germany abrams Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les Etats-Unis ont aujourd’hui 38 bases en Allemagne, pour 40.000 hommes déployés.

Mais tel n’est pas l’argument retenue par l’administration Trump, qui lie le déploiement de forces américaines à l’augmentation des dépenses de défense du pays, et ce au bénéfice de l’industrie de défense américaine. Comme avec Séoul, Washington semble donc basculer du rôle d’allié à celui de nation tutélaire, les pays européens ou asiatiques étant ramenés au rang de protectorats, devant déléguer leurs moyens en matière de Défense et de Politique internationale aux Etats-Unis.

On peut évidemment comprendre que les autorités américaines soient de plus en plus irritées du manque d’implication de Berlin dans sa propre Défense comme dans La Défense collective de l’OTAN, alors que le pays est le plus peuplé en Europe et représente la première économie du continent. En outre, le budget fédéral allemand est excédentaire, contrairement à celui des Etats-Unis, comme l’est la balance de son commerce extérieure, notamment vis-à-vis des USA. Difficile dès lors de justifier dans l’opinion publique américaine les efforts et les dépenses consentis pour protéger un pays qui n’y consacre que peu de moyens, et qui semble profiter de cette protection tutélaire pour soutenir sa propre économie. Mais en liant la protection représentée par le déploiement de forces américaines, au volume de commandes d’un pays vis-à-vis de son industrie de Défense, Washington risque de faire basculer l’OTAN d’une alliance de protection collective, vers une entité tutélaire visant à rentabiliser l’effort de défense américain, économiquement et politiquement.

Le siege de lOTAN a Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le siège de l’OTAN à Bruxelles

Comme l’avait déclaré la ministre des Armées Florence Parly en s’adressant officiels américains, l’OTAN repose sur l’article 5, non l’article F35. Il est de moins en moins certain que ce soit le cas, pour Washington, comme pour un nombre croissant de pays européens. Reste à voir combien de temps la France, traditionnellement très attachée à son autonomie de décision en matière de Défense, pourra composer avec les positions très intrusives de l’administration américaine. Mais tant que Paris ne sera pas prêt à étendre sa politique de dissuasion à la protection de certains de ses alliés européens, il est très peu probable, pour ne pas dire impossible, que puisse se créer le socle nécessaire pour faire émerger une défense européenne indépendante.

Avec le missile hypersonique 9-S-7760 Kinzhal, la Russie prend l’initiative stratégique en Europe

Les autorités russes ont annoncé que le couple Mig-31BN et Missile 9-S-7760 Kinzhal (Dague en russe) participerait à l’édition 2019 de la compétition Aviadarts qui aura lieu lors des Jeux Militaires Internationaux, à Dubrovichi en Russie à partir du 10 aout. Le binôme aura pour mission de simuler l’attaque d’une batterie de missiles anti-aériens adverse à l’aide du nouveau missile hypersonique russe.

Le missile 9-S-7760 Kinzhal a été présenté pour la première fois en 2018 lors de l’élection présidentielle russe, par le président sortant Vladimir Poutine, à l’occasion d’une interview télévisée durant laquelle il présenta plusieurs des « nouvelles armes stratégiques » développées par le pays : Planeur hypersonique Avangard, torpille drone océanique Stratus-6, missile de croisière nucléaire Burevestnik, et le missile hypersonique aéroportée Kinzhal. Mais c’est lorsque, 2 mois plus tard, apparurent les premiers clichés montrant un Mig31 modifié transportant le nouveau missile que la menace se fit bien plus présente en occident.

le president russe vladimir poutine lors de son discours annuel au parlement l Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
L’existence du missile Kinzhal a été officialisée lors de la campagne présidentielle russe de 2018 par le président Poutine lors de son interview télévisée de campagne

En effet, dérivé du missile Iskander, le Kinzhal peut atteindre, selon les autorités russes, des cibles à plus de 2000 km de son point de largage à haute altitude, ainsi que la vitesse de Mach10, tout en maintenant une capacité de manoeuvre pour éviter les zones d’efficacité des systèmes anti-missiles en phase de transit. En l’état des technologies occidentales, le missile est donc impossible à arrêter par les systèmes anti-missiles actuels (THAAD, Patriot, SM3, Mamba ..) ou en déploiement (PAC-3, SM6, Aster Block1NT..), créant un situation unique depuis les années 50, la perte de l’initiative par les forces aériennes occidentales en Europe.

En effet, jusqu’ici, la puissance aérienne des pays de l’OTAN et de leurs alliés, permettait de faire peser une menace permanente sur les dispositifs militaires russes, qui étaient alors incapables d’y faire face efficacement. L’entrée en service du Kinzhal donne, pour la première fois, une capacité de frappe en profondeur aussi efficace à la Russie. En outre, associées à la défense anti-aérienne et anti-missile multi-couche très moderne dont dispose désormais Moscou, les capacités de riposte ou de frappes en profondeur de l’OTAN sont, elles, largement entamées.

Batterie de M104 Patriot de larmee allemande Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les batteries de Patriot PAC-3 ne sont pas en mesure d’intercepter le Kh47M2 Kinzhal

Les forces occidentales, qu’elles soient européennes ou américaines, n’ont pas anticipé l’entrée en service aussi rapide de cet équipement, pas plus qu’elles n’ont anticipé l’entrée en service prochaine de l’Avangard (2020), du missile hypersonique anti-navire Tzirkhon (2021/22) et de la Stratus-6 (2024). Dès lors, et pendant au moins 5 à 10 ans, la Russie pourra bénéficier d’une situation de surprise stratégique sur le Théâtre européen, de part sa capacité à frapper les forces et les infrastructures dans la profondeur de son dispositif, tout en se prémunissant de frappes en retour, et ce alors qu’elle dispose d’une force blindée très sensiblement supérieure en nombre à celle des forces présentes en Europe.

Un nouveau bombardier tactique entre en service en Chine

Les autorités militaires chinoises ont annoncé l’entrée en service d’une nouvelle version du chasseur bombardier JH-7, le JH-7AII, présenté comme ayant des performances et une puissance de feu supérieure à celle du JH-7A, sans pour autant donner plus de détails sur les améliorations apportées. Il pourrait s’agit de l’appareil identifié jusqu’ici comme JH-7B, doté de moteur chinois WS9 plus puissants, de capacités d’emport plus étendues notamment pour mettre en oeuvre des armes de précision et le missile supersonique anti-navire YJ-12, ainsi que d’une perche de ravitaillement en vol. Dans ces conditions, pourquoi en parler ? Cette non-information est en fait interessante à plus d’un titre.

En premier lieux, beaucoup d’observateurs de l’industrie de Défense chinoise attendent, depuis plusieurs mois, la présentation du successeur du JH-7, identifié pour l’heure comme le JH-XX. Il s’agirait d’un chasseur bombardier de 5ème génération, à la furtivité renforcée, affichant un potentiel offensif bien supérieur à celui du Jh-7A, fut-il AII, dont les premiers vols auraient été constatés par différents spotters chinois. L’existence de ce programme avait d’ailleurs été confirmée par les renseignements américains, dans leur rapport annuel sur la puissance chinoise de 2018.

Maquette JHXX Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La maquette du JH-XX présentée lors du salon de Pekin en 2017. On remarquera les entrées d’air sur le dos de l’appareil, pour augmenter la furtivité vis-à-vis des radars au sol, principaux adversaires de cet avion d’attaque

Ce nouvel appareil devait donc, logiquement, entamer prochainement le remplacement du JH-7, dont les 270 exemplaires en service ont été construit entre 1991 et 2017, et qui arrivent en limite d’âge. L’annonce de cette nouvelle version du JH-7, dont la construction a semble-t-il débutée lorsque les livraisons de JH-7A prirent fins, ouvre le champs à plusieurs hypothèses :

  • La mise en service du JH-XX serait retardée, soit en raison de problèmes techniques, soit en raison de contraintes opérationnelles. Rappelons que si l’industrie chinoise dispose officiellement de 2 appareils de 5ème génération, le J-20 et le FC-31, les armées chinoises ne disposent effectivement aujourd’hui que d’une vingtaine de J20. La production de l’appareil est ralentie, sans que l’on sache si il s’agit d’une décision pour permettre aux nouvelles structures de l’APL d’atteindre un certain degré de maturité sur des appareils plus rustiques, comme le J10 ou le J11/16 ; ou si il s’agit de contraintes technologiques qui empêchent une production de série.
  • La mise en service du JH-XX serait « confidentielle », à l’instar du F117 à la fin des années 80 dans l’US Air Force, pour disposer d’un atout opérationnel insoupçonné si le pays devait entamer une conflit de haute intensité, comme la prise de Taiwan par exemple. Dans cette hypothèse, le JH-XX agirait comme un multiplicateur de force, disponible en faible quantité, pour soutenir l’action des appareils de ligne de génération précédente, en l’occurence le JH-7, ainsi que les J10C et J16 polyvalents.
  • Le programme JH-XX n’aurait été qu’un leurre, destiné à mettre la pression sur les Etats-Unis et leurs alliés. Sans pouvoir être écartée, cette hypothèse paraît peu probable, car les USA ayant déjà le F22 et le F35, l’existence du JH-XX n’aurait pas amené de changements profonds dans les postures et plans de l’adversaire.
Avion J10C Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Malgré l’entrée en service du J-20, l’APL continue de recevoir chaque année une soixantaine de J-10 et J-16 de 4eme génération, mais équipés de nouvelles technologies de pointe (radar AESA, fusion de données, liaison de données etc..)

La réponse la plus probable serait à la croisée des deux premières hypothèses, sachant que pour l’heure, les forces chinoises sont engagées dans un plan très méthodique de montée en puissance, dans lequel des appareils de 5ème génération n’auraient que peu de valeur ajoutée à court terme. En revanche, disposer d’un ou deux escadrons d’élite équipés de ces appareils, à l’instar de ceux employant le J-20, ouvrirait des options tactiques à ne pas négliger, tout en laissant planer un doute sur l’existence ou non de tels appareils.

Cette stratégie serait d’ailleurs à rapprocher de celle visée par la Russie avec le Su-57, l’appareil devant entrer très progressivement en service à compter de 2022, à raison de 10 appareils par an, sans pour autant suspendre la livraison d’appareils de 4eme génération modernisés, comme le Su35s, et la modernisation des appareils existants, comme le Su30SM et le Su34. A l’inverse des occidents, la Chine comme le Russie construisent leur puissance aérienne sur la complémentarité d’appareils spécialisés, et non sur la polyvalence d’un unique appareil affecté à l’ensemble des taches. Connaissant les problèmes de disponibilité que rencontrent le F22 et le F35 aujourd’hui, on est en droit de se demander si l’approche sino-russe n’est pas, en fait, plus efficace dans l’absolue …

La disponibilité opérationnelle du F35 une nouvelle fois pointée du doigt

Depuis plusieurs années, la cours des comptes américaine, le Government Accountability Office ou GAO, se montre très attentive quand aux performances effectives et aux dérives des couts du programme F35. Mais c’est avant tout les questions de disponibilité opérationnelle et de maintenance qui focalisent désormais ses critiques, aidée en cela par le POGO, qui effectue un suivit précis des dépenses de l’Etat fédéral américain. Ensemble, ces deux organismes ont mené une étude sur la disponibilité de l’escadron interarmées destiné aux essais opérationnels, stationné sur la base d’Edwards en Californie, dont le rapport a été publié début aout. Et les résultats sont, on peut le dire, calamiteux …

Ainsi, les 23 appareils en parc affichent qu’une disponibilité opérationnelle complète qui évolue entre 11 et 5% ces derniers mois. Or, cet escadron bénéficie de personnels de maintenance supplémentaires et d’un flux privilégié pour l’accès aux pièces détachées vis-à-vis des escadrons opérationnels, et devrait, selon le directeur des essais du Pentagone, atteindre une disponibilité de 80% pour préfigurer celle escomptée dans les unités opérationnelles. Ces chiffres sont en outre divulgués à un bien mauvais moment, à peine quelques mois avant le lancement de la production en grande série, qui devait débuter cet automne, et qui sera, dès lors, probablement remise en cause. On voit mal en effet comment les autorités militaires américaines pourraient justifier une telle décision alors que l’appareil présente de telles défaillances opérationnelles.

Le systeme Autonomous Logistic Information System du F35 aurait de nombreuses failles de securite Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le système ADLIS de maintenance du F35 est souvent désigné comme problématique vis-à-vis de la maintenance des appareils

Ces très mauvais chiffres sont le résultat, comme souvent, de plusieurs facteurs concomitants, chacun rognant la disponibilité des appareils : taux de panne trop élevé, maintenance longue et complexe, difficulté d’approvisionnement en pièces détachées, manque de maturité de certaines technologies employées … Si un programme complexe comme un avion de combat fait généralement face à ces problèmes dans sa phase de developpement, le F35 semble ne pas parvenir à en sortir, malgré les presque 500 appareils déjà construits et livrés. Il est d’ailleurs notable de constater que certains de ces problèmes, comme le nombre de panne bien supérieur à ceux constater sur d’autres appareils, ne semblent pas trouver de solution, bien qu’étant identifiés depuis plusieurs années, et que plusieurs versions du F35 soient passées par là.

On peut se demander, dès lors, si, à l’instar d’autres programmes récents, le F35 n’aurait pas dépassé un certain seuil de stabilité technologique, au delà duquel il devient impossible par des correctifs de rétablir la situation, sans engendrer de nouveaux dysfonctionnements. On peut se rappeler, à une autre échelle, le logiciel Louvois qui n’a jamais pu atteindre une niveau opérationnel satisfaisant, au point qu’il fut décidé purement et simplement, de le remplacer. Ce phénomène intervient surtout dans l’ingénierie logicielle, et notamment dans l’implémentation excessive des ERP, lorsque le nombre de modules dépasse un seuil au delà duquel il devient impossible de modéliser efficacement l’architecture logique du système. Ce seuil est évidemment évolutif, le temps apportant souvent de nouvelles approches logiques et de nouveaux paradigmes pour ordonner la structure logique du programme, afin d’augmenter ses capacités de traitement et d’interactions. Mais à structure donnée, il est immuable, même en augmentant artificiellement la puissance de traitement du système, la limite étant logique, et non physique.

Atterrissage premier F35 norvegien Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Retenu par la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-bas, la Belgique et la Norvège, le F35 va représenter une part importante de la force aérienne présente en Europe.

Si tel est le cas pour le F35, cela signifierait que l’appareil ne sera jamais à même de résoudre efficacement ses problèmes actuels, et qu’il sera condamné à ne proposer qu’une disponibilité opérationnelle faible, avec des couts de maintenance élevés, et une resilience opérationnelle très limitée, contribuant à affaiblir très massivement l’efficacité opérationnelle d’une grande partie de la flotte aérienne de combat occidentale. Peu importe, dans ces conditions, la furtivité de l’appareil, ou ses extraordinaires capacités de fusion de données, si il est incapable de suivre un rythme opérationnel soutenu.

Avec plus de 250 Md$ déjà investis, le programme F35 est souvent présenté comme « too big to fail », trop gros pour échouer, selon l’expression anglo-saxonne consacrée. Mais en ces temps de regain de tensions majeures sur de nombreux théâtres, le retour d’une certaine course aux armements, une logique de réthorique nucléaire qui apparait à nouveau, parier l’avenir de l’occident sur un appareil que l’on sait présenter d’importants défauts, ne représente-t-il pas un risque majeur dépassant largement les intérêts économiques et politiques en jeux ici ?

Le futur de la stratégie US se révèle dans les déclarations concernant le programme Next-Generation Air Dominance

L’US Air Force, comme l’US Navy, ont d’ores-et-déjà entamé les études visant à concevoir la prochaine génération de systèmes de combat aériens, en l’occurence le Next génération Air Dominance program pour l’Air Force. Ce nouveau programme, dont très peu d’informations ont pour l’heure filtrées, bénéficie d’un budget annuel de R&D de 5 Md$, et ambitionne de remplacer les F22 et les dernières versions de F15 à horizon 2040. A l’instar du SCAF franco-allemand, le NGAD sera un système de systèmes, voir un programme de programmes, puisque reposant sur une ensemble d’équipements interconnectés destinés à assurer la suprématie aérienne aux Etats-Unis quelque soit l’adversaire.

Au delà du discours entendu concernant ce type de programme, puisque rigoureusement identique à ceux du SCAF et du Tempest, les déclarations du major Général Michael A. Fantini, dirigeant l’intégration des technologies de combat pour l’US Air Force, interpellent sur ce qu’elles donnent comme indications sur le devenir de la stratégie géostratégique US dans les décennies à venir.

Nous le savons, les Etats-Unis font aujourd’hui face à un problème majeur mobilisant beaucoup d’énergies, et de ressources budgétaires, l’hypothèse du double-front, selon laquelle il est désormais possible qu’un conflit majeur dans lequel les Etats-Unis seraient impliqués entrainerait l’apparition, par opportunisme, d’un second front, car le pays n’est aujourd’hui plus en capacité de faire face à deux adversaires majeurs simultanément, la Chine dans le Pacifique, et la Russie en Europe, pour ne pas les citer. On aurait pu croire que, à l’instar de ce qui se passa durant la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis tenteraient d’aligner des forces suffisantes pour neutraliser les deux fronts simultanément, quitte à en prioriser un pendant un temps, comme ce fut le cas du front européen à partir de 1942. Mais la situation aujourd’hui n’a plus grand rapport avec celle des années 40, et une telle stratégie risquerait, rapidement, de mener l’économie américaine au delà de ses limites, déjà ténues.

F 22 to Lakenheath top Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La stratégie US reposera sur le maintien d’une posture dissuasive forte sur le second front, pour éviter toute contagion, ou opportunisme militaire.

Dans ses propos, le général Fantini laisse transparaitre que l’objectif stratégique des Etats-Unis sera d’intervenir militairement et massivement sur un front, nous parlons là très probablement de la Chine qui représente l’adversaire le plus puissant comme le plus menaçant pour Washington, tout en maintenant une posture dissuasive suffisante pour prévenir tout aventurisme militaire sur un second front, et en maintenant des capacités d’intervention contre le « terrorisme », comprendre au Moyen-Orient.

Il est dès lors très probable que dans les années à venir, les moyens de défense du pays se concentreront vers le théâtre Pacifique, alors que Washington tentera de déléguer aux européens, et notamment aux européens de l’Est, la responsabilité de neutraliser toute initiative de la part de Moscou, grâce à des contrats d’armements massivement aidés par le FMS. Cela supposera également le déploiement de moyens de dissuasion, allant bien au delà des bombes nucléaires B61 actuellement présentes sur le sol européen.

Lockheed nets 5618M for tactical missiles for Bahrain Poland Romania Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La présence de missiles nucléaires tactiques américains sur le sol européen engendrerait très certainement une détérioration très rapide et intense des relations avec la Russie

En tenant compte des paramètres économiques, stratégiques, et démographiques actuels, et à venir, les Etats-unis n’ont, en fait, guère d’autres options face à eux, d’autant que les grands pays européens, Allemagne en tête, ne semblent pas décidés à assumer seuls leur propre Défense, ni à prendre en charge la défense collective du continent. Pour y parvenir, les Etats-Unis devront, en outre, déployer un nombre significatif de systèmes nucléaires renforçant la posture dissuasive sur le continent. Or, le déploiement de systèmes nucléaires tactiques et de portée intermédiaire controlés par les Etats-Unis sur le sol européen, s’avérerait inacceptable pour Moscou, entrainant probablement un cycle de tensions comparable à celui que connu l’Europe en 1983 lors de la crise des euromissiles.

Il semble désormais évident que le manque de volonté des européens pour être en mesure d’assumer leur propre défence aujourd’hui pourrait bien, dans les années à venir, avoir des conséquences aux ramifications plus que dramatiques pour la sécurité de tout le continent. Si la concertation entre les européen n’est pas parvenue, dans les délais qui furent les siens, à trouver le consensus pour y parvenir, peut-être serait-il temps pour la France d’assumer son rôle européen historique, et de prendre en charge cette défense et tenter, par l’exemple, de fédérer les européens autour d’une alternative factuelle au scénario qui se dévoile aujourd’hui ?

Rheinmetall et MBDA vont developper un système de défense Laser pour les corvettes K130 allemandes

A son tour, l’Allemagne vient d’annoncer le lancement d’un programme confié à Rheinmetall et MBDA Deutschland pour developper un système de protection rapprochée laser destiné à équiper les corvettes K130 de la classe Braunschweig. Le communiqué de presse de Rheinmetall et MBDA ne donne aucune information de puissance ni de délais de réalisation ou de budget engagé, si ce n’est que le laser permet d’atteindre des cibles à la vitesse de la lumière. On s’en serait douté …

MBDA est déjà engagé dans le developpement du programme britannique de laser de protection naval pour équiper les futures frégates Type 26 de la Royal Navy. A la différence des corvettes allemandes, les Type 26 sont conçues pour disposer d’une réserve de puissance électrique permettant de recevoir de nouveaux systèmes énergivores, et notamment des systèmes d’arme à énergie dirigée, comme les laser. Or, selon les déclarations de l’US Navy, les lasers embarqués doivent atteindre une puissance minimum de 500 Kw pour être en mesure d’intercepter des missiles anti-navires, sachant qu’une puissance de 1 Mw est recommandée. Il est dès lors très peu probable que le programme allemand soit destiné à renforcer la défense anti-aérienne et anti-missile rapprochée des bâtiments, mais plutôt de disposer d’un système économique pour éliminer les drones aériens ou navals, et dissuader des embarcations légères le cas échéant.

K130 corvette Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La Marine allemande dispose de 5 corvettes K130, et en a commandé 5 exemplaires supplémentaires

La première série de 5 corvettes K130 a été construite entre 2004 et 2013, la construction de la seconde série, également de 5 bâtiments, a elle été entamée il y a quelques mois, la quille du premier navire ayant été posée en avril 2019. Ces corvettes sont équipées d’un canon de 76 mm, 4 missiles anti-navires RBS-15, et 2 systèmes RAM d’autodéfense aérienne à courte portée. Le navire est conçu pour mettre en oeuvre deux drones aériens de type Camcoptère 100, mais est dépourvu d’hélicoptère embarqué. En revanche, il ne dispose d’aucune capacité de lutte anti-sous-marine, et n’a qu’une autonomie à la mer de 7 jours en condition normale. De fait, Les K130 entrent davantage dans une classification de vedettes lance-missiles que de corvettes, à l’instar des navires de la classe Guépard qu’elles vont remplacer.

Les forces aéroportées russes vont recevoir un nouveau blindé d’engagement de l’infanterie

Le concept de blindé d’engagement de l’infanterie Terminator fait, semble-t-il, des émules dans les forces russes. C’est ainsi que les forces aéroportées vont adapter une tourelle Epokha sur les châssis BMD-4 des 2S25 Sprut de sorte à transformer le char léger initialement armé d’un canon de 125 mm destiné aux missions anti-chars, en un blindé beaucoup plus polyvalent, et capable d’appuyer les forces légères dans de multiples environnements, y compris urbain. La tourelle Epokha est composée d’une tourelle entièrement automatisée équipée d’un canon de 30 mm, d’une mitrailleuse 7,62mm, et de deux lanceurs doubles pour missile anti-char Kornet-ER, permettant d’engager un grand nombre d’objectifs, allant des forces d’infanterie retranchées aux chars lourds, et aux hélicoptères et drones survolant le champs de bataille.

le BMTP Terminator 2 lors du defile du 9 Mai 2018 Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Le BMTP Terminator 2 russe est conçu pour l’engagement de l’infanterie et de ses unités de soutien

Le nouveau blindé sera également doté d’un drone aérien de reconnaissance, controlé depuis l’interieur du blindé, et probablement connecté à celui-ci par un câble assurant le transfert des données comme une autonomie illimitée. Ce système, qui équipe déjà le T-14 et le T-15, permettrait de fournir à l’équipage des informations très précises sur leur environnement, le drone pouvant grimper à plus de 100 m d’altitude, et s’éloigner à prés de 300 m du char. En toute logique, même si ce n’est pas précisé dans le communiqué de presse des autorités russes, le blindé bénéficiera comme l’ensemble des nouveaux blindés russes, d’un système de protection actif-passif pour réduire sa vulnérabilité aux roquettes et missiles anti-chars.

La configuration de ce nouveau blindé est, on le constate, très proche de celle du Terminator 2 dont 30 exemplaires ont été commandés en 2018 par l’armée russe. Elle marque une certaine rupture avec les configurations traditionnelles, d’un coté les véhicules de combat d’infanterie équipés de tourelles légères, et de l’autre les chars légers, emportant un canon anti-char imposant. Le solution retenue, une tourelle légère sur un corps de char ou de char léger, offre des atouts incontestables. Non contraint par la mission de transport de troupe, il peut être plus bas, et plus manœuvrant qu’un VCI, alors que le couple canon 30 mm / missiles Kornet permet d’engager des cibles en surplomb ou à grande distance, leçon apprise chèrement par les forces russes dans les rues de Grozny.

Prototype de lEBRC Jaguar lors de sa presentation publique Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
La configuration de l’EBRC Jaguar français se rapproche de celle des blindés d’engagement de l’infanterie russes

On ne peut, dès lors, s’empêcher de remarquer la proximité de concept entre ces nouveaux blindés d’engagement de l’infanterie russes, et l‘EBRC Jaguar français, qui proposent des caractéristiques similaires. En outre, sa configuration 6×6 lui offre une manoeuvrabilité très importante en milieu urbain ou péri-urbain, alors que ses nombreux capteurs couplés à un haut degré d’automatisation, offrent à l’équipage un important choix d’options tactiques. En revanche, le Jaguar, par sa haute stature, l’absence de drone de reconnaissance, et l’absence de système de protection actif, risque d’être bien plus vulnérable que ses homologues russes. De fait, une version « lourde », emportant ces éléments, un blindage réactif supplémentaire, et une seconde tourelle MMP, aurait, on le comprend, beaucoup de sens pour les unités destinées à opérer sur des théâtres dits de haute intensité.

Des armes hypersoniques bientôt équipées sur le bombardier stratégique H-6K chinois ?

Le journal d’État Global Times annonce que le H-6K, bombardier stratégique chinois, pourrait être équipé d’armes hypersoniques, et serait ainsi en capacité de détruire des organes militaires ennemis situés à 3 000 kilomètres en quelques minutes.

Le H-6K est une version modernisée du H-6, lui-même étant une version construite sous licence du bombardier bimoteur soviétique Tu-16, qui entra en service en Union Soviétique en 1954. Son premier vol est effectué en 2007 et il est entré en service en 2013. Le H-6K est propulsé par deux turboréacteurs D-30KP russes et disposerait d’une autonomie supérieure à celle des H-6 précédents. La variante K, avec sa structure renforcée par des matériaux composites, dispose d’un nez retravaillé remplaçant la station vitrée du navigateur par un radar plus performant et de six points d’ancrage sous les ailes pour des missiles de croisière CJ-10A. Rappelons également que les armes hypersoniques font parties intégrantes des programmes de modernisation des puissances militaires de premier plan. Nous retrouvons ainsi en tête, les États-Unis, la Russie, la Chine mais également l’Inde et la France.

L’intérêt de ce système d’armes assez récent ne résulte pas uniquement dans la vitesse du projectile : Les planeurs hypersoniques étant également capables de manœuvrer en vol. Cette capacité permet ainsi d’échapper aux intercepteurs de défense antimissile ; et contraste avec les missiles classiques qui eux traversent l’atmosphère sur une trajectoire balistique prévisible et peuvent être suivis et interceptés par les systèmes modernes de défense antimissile à l’instar des THAAD américain, S-400 russe, Arrow 2 israélien ou encore du SAMP/T français.

Le général Denis Mercier, ancien CEMAA, alertait à l’Assemblée nationale sur la nécessité de moderniser la composante nucléaire aéroportée, dès 2014 : « En effet, la maîtrise de l’hypervélocité apparaît d’ores et déjà comme une donnée centrale. J’observe à cet égard qu’aux États-Unis, en Russie, en Chine, en Inde – autant de pays où la question de la modernisation de leur composante nucléaire aéroportée ne se pose même pas – des programmes expérimentaux de véhicules hypervéloces sont conduits ».

Une nouvelle course aux armements est lancée et la recherche et le développement de cette nouvelle technologie mais aussi son futur déploiement à grande échelle dans les arsenaux vont remettre en cause les équilibres stratégiques et régionaux entre les pays de l’OTAN, la Russie et la Chine. En effet, à l’heure actuelle, les missiles hypersoniques ne sont pas interceptables : la non-possibilité de contrer cette menace conduira les puissances nucléaires à adopter des doctrines de frappes nucléaires préventives ou de premières frappes sur simple détection.

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Une image d’un planeur hypersonique diffusée par les médias d’État chinois en octobre 2017.

Le développement de cette technologie par la Chine est relativement avancé : le DF-17, portant une charge utile de type HGV (Hypersonic Glide Vehicule) dont la portée est estimée entre 1 800 et 2 500 km, devrait atteindre sa capacité opérationnelle initiale d’ici 2020. Le DF-17 sera capable de livrer des charges utiles nucléaires et conventionnelles, permettant d’établir une dualité déstabilisatrice dans le cadre d’une stratégie de première frappe – Bien que la Chine dans son LB2019 maintient encore sa doctrine du non recours en premier aux armes nucléaires.

Une adaptation des six points d’ancrage sous les ailes du H-6K pour accueillir ce nouveau missile hypersonique est évidemment envisageable. Mais, l’arrivée prochaine du bombardier stratégique furtif H-20 est à prendre en compte. Ce dernier sera dévoilé à l’occasion du 70e anniversaire de la création de la Force aérienne de l’APL (PLAAF) se déroulant en novembre 2019 et remplacera le H-6K dans quelques années : le H-20 pourrait ainsi hériter du système d’armes destiné à l’actuel bombardier stratégique.

Clément Guery
Spécialiste des questions de politiques étrangère et de sécurité de la République populaire de Chine.

L’US Army veut un système micro-ondes à haute-énergie pour compléter sa défense anti-aérienne

Depuis 2 ans, l’US Army consacre un important budget pour reconstituer ses capacités de défense anti-aérienne rapprochée, et notamment pour intercepter obus, roquettes, missiles et drones qui pourraient viser ses forces, par l’intermédiaire du programme IFPC, pour Indirects Fires Protection Capability system. Piloté par l’intermédiaire du Rapid Capabilities and Critical Technologies Office (RCCTO), ce programme évolue rapidement. Ainsi, là ou, il y a encore quelques mois, l’US Army visait la construction d’un système laser de 100 Kw transportable identifié comme le programme High Energy Laser Tactical Vehicle Demonstrator, ou HEL TVD, cette étape a finalement été purement et simplement annulée il y a quelques semaines, pour aller directement vers un laser de 250 à 300 Kw, aux capacités d’interception largement accrue.

L’US Army ne compte pas se satisfaire du couple IM-SHORAD et HEL pour assurer la protection de ses forces. Elle développe, en parallèle, et toujours sous l’égide du RCCTO, un programme d’arme à micro-ondes destinée à éliminer, avant tout, les essaims de drones. Les armes micro-ondes émettent une impulsion Electro-magnétique sur la gamme de fréquences 300 MHz- 300 GHz, capable de détruire les systèmes électroniques non protégés à proximité, à l’instar d’une arme à impulsion électro-magnétique. Cette technologie semble donc en effet indiquée pour éliminer des systèmes électroniques légers évoluant de façon groupée et à proximité du dispositif, comme ce serait le cas d’un essaim de drones. En revanche, la portée des systèmes de ce type est relativement courte, la puissance Electro-magnétique délivrée diminuant avec le carré de la distance. En outre, l’arme n’est pas discriminante, et tous les systèmes électroniques non protégés, ennemis ou alliés, présent dans la zone d’effet, seront endommagés.

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Le programme HEL TVD visera directement une puissance de 250 à 300 Kw

Les informations sur ce programme sont toutefois très limitées. On ignore ainsi la puissance du dispositif, donc sa protée théorique, la source d’énergie qui l’alimente, son vecteur et donc sa mobilité, ni même sa date d’entrée en service. Toutefois, l’objectif annoncé est de developper un démonstrateur pour 2022, soit dans un délais cohérent avec les programmes laser en cours. En outre, comme pour les lasers à haute énergie, l’US Army s’est rapprochée de l’US Air force pour mettre en commun leurs efforts dans le domaine, cette dernière assurant le developpement, l’US Army participant au financement et à la construction des prototypes.

Les armes à énergie dirigée sont, avec les systèmes hypersoniques, les deux developpements prioritaires du RCCTO, qui a abandonné ou suspendu le developpement de prés d’une centaine de programmes secondaires pour y consacrer son énergie et ses ressources. Il s’agit d’un profond changement de méthodes et d’objectifs, révélateurs de l’urgence de ces développements pour les armées américaines qui, de façon évidente, sont désormais engagées dans une préparation opérationnelle intense en vue d’un possible conflit avec une puissance technologique, pouvant intervenir dans des délais relativement proches.

Péril sur la coopération industrielle franco-allemande : le Bundestag à l’offensive

Objet de virulentes critiques outre Rhin, le partage industriel franco-allemand autour du char de combat du futur – le Main Ground Combat Vehicle (MGCS) – est remis en cause par certains parlementaires allemands qui n’hésitent pas à faire pression sur Berlin pour stopper toute négociation avec la France. Profonde source d’inquiétude pour le gouvernement français, la mise en péril de ce programme impacterait directement la viabilité du Système de Combat Aérien Futur (SCAF), un projet essentiel au renforcement de la défense européenne.

L’accord politique franco-allemand sur le SCAF et le MGCS prévoyait une répartition équitable pour les industriels de part et d’autre du Rhin : pour la France, le leadership sur le programme aérien – avec Dassault en maître d’oeuvre pour la réalisation du New Generation Fighter (NGF) – et pour l’Allemagne, la main haute sur le programme terrestre via l’entreprise KNDS, cette dernière réunissant le français Nexter et l’allemand KMW. Le socle commun de ce partage était dès lors fondé sur l’idée d’une distribution équilibrée. Or force est de constater que la mise en œuvre de cet accord s’avère plus que difficile, les racines de cet imbroglio qui n’en finit plus étant à chercher côté allemand.

En effet, la proposition des autorités franco-allemandes d’un partage à hauteur de 50 % pour Nexter, 25 % pour KMW et 25 % pour Rheinmetall, a été refusé par ce dernier. Menant dès lors un lobbying actif au sein du Bundestag, l’industriel rhénan est parvenu à convaincre une partie des députés allemands que KNDS ne portait pas suffisamment la part allemande au sein du MGCS. Ces derniers ont alors intimé au gouvernement allemand de « cesser toute négociation avec la France au sujet des futurs programmes communs, en matière aérienne et terrestre, tant que Rheinmetall n’entrait pas majoritairement dans le capital de KNDS ». Au regard des faits, il semble plus que difficile de soutenir une telle affirmation : non seulement KNDS appartient pour 50 % à l’industriel KMW mais Rheinmetall est détenu à 29 % par des fonds de pension américains, principaux actionnaires du groupe de Düsseldorf. On parle donc d’un conglomérat industriel pas si « germain » qu’il ne prétend l’être.

De plus, l’offensive lancée par Rheinmetall pour prendre le contrôle de KNDS a considérablement complexifié le contexte. Cette approche traduit des intentions très « capitalistiques » de l’industriel qui, par cette action, aspire avant tout à créer de la valeur pour ses actionnaires tout en renforçant son positionnement au sein du MGCS pour ainsi monter dans la chaîne de valeur du secteur de la Défense allemand. Ce serait indubitablement une opération dont il serait le principal bénéficiaire – si ce n’est le seul – car il parviendrait à prendre le contrôle de la société franco-allemande KNDS, au détriment des intérêts français et au mépris de l’équilibre franco-allemand.

En toute logique, l’État français a répondu par la négative aux ambitions capitalistiques de Rheinmetall et à la ministre des Armées, Florence Parly, de préciser qu’il était dès lors inconcevable « de subordonner à des intérêts actionnariaux et patrimoniaux privés le bon déroulement d’un programme tel que le char de combat du futur ».

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Ainsi, le feu allumé par Rheinmetall n’est pas près de s’éteindre et risque d’impacter l’équilibre structurel du SCAF. Dans un rapport d’information sur la Défense européenne émanant du Parlement français, les sénateurs Ronan Le Gleut (LR) et Hélène Conway-Mouret (PS) ont jugé « nécessaire d’alerter aujourd’hui tous les acteurs de ce dossier sur les risques que cette approche fait peser sur ces deux projets essentiels au renforcement de la défense européenne » tout en soulignant que « cette logique de conquête industrielle n’est pas tenable dans un contexte aussi compétitif, et où les défis technologiques et industriels seront déjà considérables ».

En choisissant de procéder à un partage industriel entre programmes et non au sein d’un seul et unique programme, la France et l’Allemagne ont mis en place un équilibre structurel qui se révèle aujourd’hui très instable, menaçant de facto un axe prioritaire de la politique industrielle de Défense française, à savoir la coopération franco-allemande.

Axel Trinquier – Spécialiste des questions de défense européenne