mardi, décembre 2, 2025
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Faut-il un nouveau Livre Blanc sur La Défense en France ?

Lors de sa prise de fonction, le nouveau chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre, le général Burkhard, a déclaré que le combat de haute intensité était désormais devenu une hypothèse probable, et qu’il fallait donc s’y préparer. Enfin, diront certains … Dès lors le postulat émis, on ne peut que constater que les formats et les moyens dont disposent les armées françaises sont forts peu adaptés à ce type d’engagement. Pire, la LPM2019-2025, pourtant présentée comme la solution à tous les problèmes des forces armées nationales, n’y apporte que très peu de réponse. Et c’est bien normal, car la LPM en cours, comme la Revue Stratégique 2017 qui lui servit de cadre, s’appuient toutes deux sur un document fondateur, le Livre Blanc sur la Sécurité et La Défense nationale de 2013, document qui n’est, aujourd’hui, plus du tout en phase avec les réalités géostratégiques et opérationnelles du Monde.

Il faut dire que le LBSDN2013 est né dans un moment très particulier. Sa rédaction a en effet été entamé suite à la victoire du président Hollande aux élections de 2012, et était encore très imprégnée des paradigmes issus de la période de déflation massive des effectifs et des moyens du quinquennat Sarkozy. En outre, elle prenait corps alors que la France, et l’Europe, était en pleine crise économique issue de la dette des Etats, et le maitre-mot alors était « économie ». La Défense apparaissait à ce moment comme un outil divisé en deux parties :

  • Les forces de dissuasion qui représentaient l’assurance vie du pays face à un acte irrationnel d’une nation tiers
  • Les forces conventionnelles, organisées sous la forme d’un corps expéditionnaire, qui devaient assurer la projection de puissance de la France en coalition pour le maintien de l’ordre international.

Grace à l’implication du ministre de La Défense JY Le Drian et des Chefs d’Etat-Major de l’époque, le LBDSN2013 évita de justesse de sombrer dans le plan « Z » proposé par Bercy, qui prévoyait un format des armées ramené à 150.000 hommes, pour un corps expéditionnaire de 50.000 hommes, des forces spéciales, et des moyens aériens et navals adaptés aux théâtres de basse et moyenne intensité, sans notion d’autonomie stratégique. Malgré tout, le LBDSN 2013 fut construit sur un format très limité, de seulement 200.000 hommes, dont une force opérationnelle terrestre ramenée à 70.000 hommes, une force navale limitée à 1 porte-avions et 15 frégates, et une force aérienne ne disposant que de 185 chasseurs. En outre, les moyens lourds, comme les chars de combat, les systèmes d’artillerie lourds, les destroyers, et les avions de combat, étaient limités à leur plus stricte minimum pour conserver des savoir faire durement acquis, et être en mesure, le cas échéant, de participer à des coalitions.

Mirage2000D de lArmee de lAir un patrouille seree Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La modernisation des mirage 2000D de l’Armée de l’Air débutée cette année n’est pas adaptée à un engagement des appareils sur des théâtres de haute intensité

La réalité ne tarda pas cependant à ramener le pays aux dures réalités du monde dans lequel nous évoluons. L’encre du Livre blanc n’avait pas encore séché que débutait la crise ukrainienne, avec l’annexion russe de la Crimée et le début du conflit dans le Donbass. Dans le même temps, la france intervenait militairement au Mali et en Centre-afrique. Un an plus tard, ce furent les attentats de Paris, l’intervention russe en Syrie, le début de la main mise chinoise en mer de Chine. En quelques années, il devint évident que la Russie, la Chine, la Turquie, mais également l’Inde, le Pakistan, et les Etats-Unis, étaient entrés dans une nouvelle ère de tensions internationales, avec la réapparition du spectre des conflits entre états.

Pour autant, le LBDSN2013, pourtant construit sur la base de postulats dont il était désormais évident qu’ils ne s’appliquaient plus, ne fut pas remis en question. Et les décisions politiques de l’époque se concentrèrent autour d’un moratoire sur les déflations d’effectifs, et le lancement de quelques programmes symboliques, visant toujours le même objectif d’action en coalition, et d’engagements de faible à moyenne intensité.

Lors de la campagne présidentielle de 2017, La Défense fut un des thèmes de campagne, et la plupart des candidats inclurent dans leur programme la volonté d’amener le budget de La Défense à 2% du PIB, seuil dont la pertinence est très contestable, mais qui est présenté depuis quelques années comme l’Alpha et l’Oméga de la sécurité nationale. Suite à son élection, le président Macron ordonna la rédaction d’une Revue Stratégique qui servirait de cadre à la rédaction de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025. Mais cette revue stratégique était limitée par 2 paradigmes stricts imposés par l’exécutif :

  • Le respect de la limite du budget des armées à 2% de PIB à la fin de la LPM
  • Le respect du format défini par le LBDSN2013

Evidemment, dans ce contexte, l’intérêt d’une Revue Stratégique était très limité, puisque la conclusion stratégique était écrite avant même qu’elle fut rédigée. Et de fait, la LPM qui en découla fut atteinte des mêmes stigmates que les lois de programmation précédentes. Elle était conçues certes dans une optique de recapitalisation des moyens des armées, avec la progression annoncée du budget des armées de 1,7 Md€ par an jusqu’en 2023, mais ces ressources furent concentrées vers des moyens adaptés aux engagements de faible intensité, à l’image de ceux auxquels participent la France en zone sud-saharienne ou au Levant.

La fregate 22Languedoc22 une des 6 fregates de 1er Rang FREMM Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Depuis de nombreuses années, la Marine nationale estime le besoin de frégates de 1er rang à 24 unités, contre 15 prévus par le LBDSN2013 et la LPM20219-2025

En outre, les exemples récents ont montré que le postulat de l’action coalisée peut lui aussi s’avérer incertain, comme la Royal Navy en fait l’experience aujourd’hui. Les agendas des capitales européennes peuvent diverger de celui de Paris, ou plus simplement, les capitales peuvent ne pas disposer de moyens à consacrer à la mission coalisée. Rappelons à ce titre que lorsque la France a déclenché la mission Serval au Mali, seule le Belgique déploya des forces (hélicoptères SAR) en soutien des forces françaises sur le sol Malien. Pour autant, la France n’était pas isolée, puisque plusieurs pays européens, et l’allié américain, apportèrent un soutien logistique massif au déploiement des forces françaises. Il en fut de même en RCA, ou le seul pays qui déploya des forces au coté des unités françaises fut la Georgie.

Face aux cadre stricte imposé par le LBSDN2013, et non amendé par la RS2017, les chefs d’Etat-Major français ont commencé, depuis peu, à mettre en évidence les moyens trop limités dont ils disposent pour faire face aux enjeux de défense actuels et à venir, comme le CEMA et le CEMAT qui firent référence à la résurgence des conflits de haute intensité, le CEMM qui pointa le format trop restreint de la flotte combattante de surface, et le CEMAAE qui regretta il y a quelques jours le nombre trop limité de Rafale pour assurer les missions de la Force aérienne stratégique. Considérant le cadre stricte dans lequel les chefs d’état-major peuvent s’exprimer, il est évident que la problématique devient de plus en plus pressante, et le manque de moyens et de prise de conscience des risques au niveau politique créé aujourd’hui une réelle inquiétude.

Dans ce contexte, il apparait évident que le document encadrant La Défense nationale, le Livre Blanc, doit être renouvelé, avec une analyse préalable objective des risques et des moyens requis sur une base temporelle identifiée sous forme de revue stratégique. En séparant les approches, d’un coté une analyse et une expression de besoin objective sous forme de Revue Stratégique, et un Livre Blanc qui constitue la réponse politique à ces besoins, l’efficacité, mais également les responsabilités, des décisions entourant La Défense nationale apparaitront clairement, ce qui pourrait, d’ailleurs, inciter l’exécutif à étudier sérieusement de nouvelles approches économiques et budgétaires pour le financement des besoins de Défense.

Les Etats-Unis seraient-ils de plus en plus isolés sur le front diplomatique ?

Sur l’ensemble des capitales occidentales et asiatiques sollicitées pour participer à une coalition « anti-Iran », Donald Trump n’aura, finalement, obtenu le soutien que de la Corée du Sud, dont les moyens de projection dans le golfe persique sont limités. Dans le même temps, l’initiative lancée par Jeremy Hunt, alors ministre des affaires étrangères de Grande-Bretagne, pour protéger les navires de commerce occidentaux dans la même région, obtint, en quelques jours, le soutien formel de la France, de l’Italie et du Danemark, alors que l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l’Espagne ont annoncé soutenir l’initiative, notamment par des moyens aériens, et ce malgré le Brexit.

Si l’initiative européenne pourrait être remise en cause suite à l’arrivée de Boris Johnson au 10 Downing Street, la différence de réponse entre les deux initiatives marquent clairement un essoufflement marqué du soutien des européens, mais également des pays de la zone indo-pacifique, à l’allié américain. Car dans le même temps, il y a quelques mois, l’Australie a initié le rassemblement des pays alliés de la zone autour de concept de défense et de coopération, sans y inviter les Etats-Unis.

La prise de distance des alliés des Etats-Unis avec les initiatives de la Maison Blanche ont plusieurs causes, bien que toutes liées, ou exacerbées, par le président américain, Donald Trump. Pour les Européens, il s’agit avant tout de tenter de préserver, autant que possible, ce qui peut être préservé de l’accord sur le Nucléaire Iranien, qui visait à lever certaines sanctions économiques touchant le pays contre la garantie de ne pas developper de programme nucléaire militaire. Il est, dès lors, impossible aux européens de rejoindre une coalition avec le pays qui est à l’origine des tensions actuelles, lorsqu’il s’est retiré de l’accord, qu’il rétablit les sanctions contre Téhéran, et qui menace de sanctions extraterritoriales les pays et entreprises qui continueraient à tenter d’appliquer cet accord.

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Le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle escorté par la frégate belge Leopold 1er lors de la mission Arromanche

Pour les australiens, mais également les japonais, sud-coréens ou indonésiens, il s’agit de se distancier des positions de Washington vis-à-vis de Pekin, notamment en matière de sanctions économiques et douanières, les économies des pays de la zone indo-pacifique étant évidemment très dépendantes de l’économie chinoise.

L’émancipation diplomatique de ces pays vis-à-vis de Washington va, toutefois, rapidement atteindre ses limites, en se heurtant à des réalités opérationnelles et économiques, comme la dépendance des forces européennes au soutien logistique et au renseignement américain, et celle des pays de la zone pacifique à la dissuasion US. Et c’est bel et bien fort de cette certitude que le Donald Trump et son administration se permettent des prises de position et des déclarations de plus en plus excessives et parfois outrageantes qui, venant de n’importe quel autre chef d’Etat ou gouvernement, aurait provoqué des incidents diplomatiques à répétition. Il ne tient qu’aux européens de developper leur autonomie stratégique pour rebâtir des relations plus saines, et plus équilibrées, avec Washington, et donc avec Moscou et Pekin. Encore faut-il en avoir la volonté …

Naval Group a finalisé le developpement de sa technologie AIP de seconde génération

Le constructeur naval français Naval Group a annoncé la fin du developpement de sa nouvelle technologie de propulsion anaérobies pour sous-marin, permettant aux submersibles à propulsion conventionnelle de rester jusqu’à 3 semaines en plongée. L’industriel à ainsi pu tester cette technologie lors d’une plongée de 18 jours, validant l’ensemble des choix de cette deuxième génération de piles à combustible plus puissantes, plus sures, et plus faciles à entretenir.

Avec cette annonce, Naval Group prend une position dominante dans le domaine des sous-marins AIP, d’autant que, selon le constructeur, cette technologie peut être implémentée dans tous les sous-marins à propulsion diesel classique, ce qui lui ouvre, au delà des nouveaux marchés, d’immenses possibilités en terme de Retrofit des flottes existantes.

Cette annonce arrive à point nommée, alors que le groupe français se positionne en Inde sur le programme P75i, portant sur 6 sous-marins AIP à capacités océaniques. Or, si le français a un savoir-faire reconnu en terme de sous-marins océaniques, sa maitrise de la technologie AIP était globalement considérée comme inférieure à celle des allemands et des suédois, qui exploitent cette technologie sur leurs propres submerssibles. Désormais, Naval Group sera en mesure de proposer le meilleur de la conception navale de sous-marins, avec la technologie AIP la plus aboutie du moment.

Scorpene Inde Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La nouvelle technologie de Naval Group peut être implémentée sur des sous-marins déjà en service, comme les P75 Kilvari indien basés sur le Scorpene français.

Les performances offertes par cette nouvelle technologie pourraient également intéresser l’Etat-Major de la Marine Nationale, qui jusque là considérait les sous-marins à propulsion conventionnelle comme étant inférieur au niveau des performances aux sous-marins nucléaires. Si un sous-marin AIP de seconde génération n’égalera certainement pas un SNA comme la classe Suffren, il offrira d’autres atours, en particulier, et cela semble naturel, l’absence de réacteur nucléaire. Or, il est aujourd’hui particulièrement ardu de fournir des équipages aptes à mettre en oeuvre de tels systèmes, la formation étant longue et délicate, et le secteur civil très friand des compétences de ces spécialistes.

Dès lors, pour les missions « proches », comme celles en mer Méditerranée, en mer du Nord, et à proximité des cotes françaises et européennes, un SSK AIP répondrait parfaitement aux besoins, avec des contraintes inférieures, et libérant les SNA pour les missions pour lesquelles ils sont particulièrement efficaces. En outre, 4 ou 6 sous-marins AIP NG pour la Marine Nationale renforcerait considérablement sa puissance de feu, tout en renforçant très sensiblement l’attrait de l’offre française à l’internationale. On ne le dira jamais assez, mais il est remarquable que Naval Group soit parvenu à vendre, ces dernières années, autant de corvettes Gowind2500 et de sous-marins Scorpène sans que ces materiels ne soient en service, ni prévus de l’être, dans la Marine Nationale.

Pour plus de détails sur le fonctionnement de la nouvelle technologie AIP de Naval Group, vous pouvez vous reporter sur l’article de notre confrère NavalNews.com

L’Inde commande 1000 missile air-air longue portée R-27 à la Russie

Selon l’agence Tass, citant les service fédéraux russes de coopération technique et militaire, l’Inde aurait signé un contrat portant sur la commande de mille missiles air-air à moyenne et longue portée R-27 de la société Vympel. Il semble que plusieurs versions du missile aient été commandées, afin d’équiper les chasseurs lourds Su30-MKI, dont l’Indian Air Force dispose de plus de 250 exemplaires.

Bien qu’entré en service en 1984, le R-27, identifié par l’OTAN en tant que AA-10 Alamo, a connu de nombreuses améliorations, passant d’un guidage radar semi-actif dans la version initiale avec une portée de 20 km en tir de poursuite, à un missile à guidage actif atteignant les 130 km de portée. Des versions à guidage infra-rouge et radar passif (anti-radar) existent également, cette dernière ayant très probablement été commandée par l’Inde dans son bundle. Le contrat est dit atteindre les 15 Md de roupies, soit 200 m$.

L’inde avait déclaré s’intéresser aux missiles à longue portée russes, et envisageait l’acquisition de ces missiles pour équiper ses Su30 et Mig29. Toutefois, le choix du R27 est surprenant, dans la mesure ou le missile est globalement considéré comme inférieur au R77, plus récent, atteignant la même portée, disposant d’un autodirecteur radar actif sensé être plus moderne, et beaucoup plus léger, puisqu’un R27EA atteint les 350 kg là ou un R77 n’en fait que 225. En outre, la recherche spécifique indienne portant sur des missiles à longue portée pour éliminer les avions de soutien comme les ravitailleurs et les awacs, on pouvait penser que les négociations porteraient sur le missile lourd R37M, AA-13 Arrow pour l’OTAN, récemment entré en service dans les forces russes, et dédié à cette mission grâce à une portée pouvant atteindre les 400 km et à son autodirecteur radar couplé à une centrale de navigation inertielle.

Missile R27R sur un Mig29 Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Missiles R27 à moyenne portée et R73 à courte portée équipant un Mig29. Le R27 était le missile moyenne portée standard des forces aeriennes russes avant l’entrée en service de R-77

Si l’on peut penser que Moscou puisse ne pas souhaiter proposer à l’export le tout nouveau R37M, notamment à un pays utilisant des équipements occidentaux comme l’Inde, le choix du R27 face au R77 pose question. L’explication pourrait venir des Su30 présents lors de l’accrochage avec les forces aériennes Pakistanaises, qui étaient armés de R77 (et de R73), dont les performances n’auraient pas été au niveau des attentes. Ainsi, selon certains témoignages apparus dans la presse indienne, les Su30 n’étaient pas parvenu à accrocher les JF17 et F16 Pakistanais, alors que les 2 mirage 2000 qui les accompagnaient y parvinrent avec leur MICA EM. Une autre explication pourrait être purement économique, car il n’est guère aisé aujourd’hui de trouver sur le marché un missile longue portée à guidage radar actif à seulement 200.000 $ l’unité, soit 40% de moins qu’un missile Mistral à très courte portée et guidage infrarouge, et 7 fois moins cher qu’un MICA à 1,5 m$.

La Japon souhaite intégrer le programme F35

Les autorités japonaises ont adressé à Washington une demande d’information concernant le statut de « partenaire » du programme F35, avec pour objectif de tenter de le rejoindre alors que la Turquie, un des partenaires de premier niveau du programme, vient d’en être exclue. Avec la nouvelle commande de 63 F35A venant en complément des 42 appareils commandés en 2013, et de 42 F35B destinés à embarquer sur les destroyers porte-aéronefs de la classe Izumo, Tokyo est aujourd’hui le premier client à l’exportation du programme et, à ce titre, souhaite avoir son mot à dire sur les orientations de celui-ci dans les années à venir.

Mais la demande nippone n’est pas très favorablement accueillie par Washington. En effet, de nombreux acteurs du programmes se sont manifestés suite à l’exclusion d’Ankara, dont le Japon et Israël, alors que les découpages industriels sont déjà très étirés entre les partenaires existants. Difficile dès lors de satisfaire les clients actuels et les prospects, comme la Finlande, Singapour ou la Suisse, qui demandent également des compensations industrielles. Surtout, les Etats-Unis savent parfaitement que le Japon développe son propre programme d’avion de combat de 5ème génération, appelé à remplacer les F2 et les F15J les plus récents lors de la prochaine décennie. En intégrant le statut de partenaire, le Japon aurait accès à des technologies susceptibles d’être intégrées à son nouveau programme.

LHD japonais de la classe Izumo qui emportera des F35B dans le futur 1 Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les F35B nippons seront mis en oeuvre à partir des deux destroyers porte-aéronefs de la classe Izumo, redonnant à la marine japonaise une capacité aéronavale perdue depuis 1945

Reste à voir si les autorités américaines pourront longtemps conserver la porte entrebâillée vis-à-vis du plus important client du programme, et, qui plus est, un allié stratégique des Etats-Unis pour contenir la montée en puissance chinoise, au moins pour un temps. Tokyo ne se satisfera pas indéfiniment d’un statut secondaire, d’autant qu’un certain déséquilibre se créé aujourd’hui entre les partenaires et clients OTAN du programme, à savoir le Royaume-Unis, les Pays-Bas, l’Italie, la Norvège, le Danemark, la Belgique et le Canada , représentant aujourd’hui moins de 350 commandes fermes d’appareils, et les clients du théâtre pacifique, Japon, Corée du Sud et Australie, qui représentent près de 250 appareils commandés, pour un seul et unique partenaire, l’Australie. Or, les exigences sur ces deux théâtres divergent grandement, notamment en terme de rayon d’action, de capacités de frappes navales et, plus prosaïquement, d’adversaires potentiels.

Peut-on créer et financer un programme de corvettes franco-britannique ?

Les tensions entourant les relations irano-britanniques ont servi de révélateur d’une faiblesse majeure de la Royal Navy, à savoir le faible nombre de ses unités de surface, trop insuffisant pour pouvoir déployer une force cohérente et dissuasive par elle-même. Et en effet, depuis 1990, elle a perdu, au travers des différents programmes de « modernisation » et de « rationalisation » qui furent légions en Europe sur l’autel des « bénéfices de la Paix », pas moins de 30 frégates sur la cinquantaine dont elle disposait alors. De son coté, la Marine nationale n’a pas connu meilleur sort, en ayant vu sa flotte d’aviso éliminée des inventaires, comme le sera prochainement celle des frégates de second rang, représentée par la classe La Fayette.

De fait, les deux principales marines européennes, celles qui disposent de porte-avions et sous-marins nucléaires, font face à un important déficit en matière de flotte de surface, déficit qui ne sera pas comblé par les programmes en cours, que ce soit les frégates Type 26 et 31 britanniques, ou par les classe Alsace et les FDI françaises. Or, toutes deux pourraient trouver de gros bénéfices à déployer une flotte de corvette, des bâtiments plus légers et moins onéreux que les frégates, mais parfaitement adaptés pour de nombreuses missions allant de la lutte anti-sous-marine à l’escorte de bâtiments civils. Dans cet article, nous étudierons l’opportunité de developper une nouvelle classe de corvettes franco-britanniques, afin de rapidement réduire le déficit operationnel constaté, avec une impact minimum sur les finances publiques.

Vue dartiste du programme de fregate legere Type 31 de la Royal Navy Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La Royal Navy ne disposera que de 5 frégates légères Leander Type 31

Sans entrer dans le détail des besoins exacts des deux marines, nous prendrons comme base de travail une corvette de 2200 à 2500 tonnes en charge, disposant d’une capacité d’autoprotection et de protection rapprochée anti-aérienne par 2×8 missiles CAAM ou Mica VL, d’une réelle capacité ASM avec tubes Mu90 et sonar de coque, de 8 missiles anti-navires type MM40, d’un canon de 57mm, de 2 tourelles de protection 20mm, et d’une plate-forme et hangar hélicoptère pour un appareil de 6 tonnes type HIL ou Super-Lynx. Le nouveau navire devra disposer d’un très haut degré d’automatisation, et d’un équipage réduit vis-vis des standards, d’une endurance à la mer de 20 jours et d’une vitesse de pointe de 30 noeuds. Ces caractéristiques en font le successeur direct de la corvette Gowind 2500, mais également des frégates Type 21 britanniques. Ces corvettes seront, en outre, optimisées pour collaborer ensemble, notamment en ASM, ainsi qu’avec les frégates des deux marines. Nous pouvons dès lors viser un prix unitaire de 300 m€, et un prix de conception de 600 m€, avec pour seule obligation d’avoir un taux d’équipements importés ne dépassant pas 5% (contrairement aux Gowind par exemple, dont une grande part des équipements ne sont pas d’origine française).

Pour la Marine nationale, le besoin peut -être évalué à 18 unités, soit 6 unités pour la façade Atlantique, 6 unités pour la façade méditerranéenne, et 1 unité par zone outre-mer en complément de la Frégate de Surveillance, afin de disposer de 2 bâtiments armés par zone. Pour la Royal Navy, nous admettrons un besoin similaire, sachant que les besoins exacts méritent une étude propre. Dans ce modèle, nous admettrons que chaque pays construira 1,5 navire par an, soit 18 navires en 12 ans, avec une phase d’étude de 2 ans, soit un programme ayant une durée de vie de 14 ans.

Les avisos A69 auront constitue la colonne vertebrale de la Marine Nationale pendant 40 annees Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les aviso A69 ont formé la colonne vertébrale de la Marine Nationale pendant prés de 4 décennies

Le cout pour chaque état sera donc de 1,5 x 300 m€ = 450 m€, soit 500 m€ en tenant compte des hélicoptères et drones nécessaires à la mise en oeuvre de cette flotte.

En prenant en considération les études faites par la doctrine Défense à Valorisation Positive, nous savons que l’augmentation d’un million d’euro investi dans l’industrie de Défense finance 10 emplois directs de la BITD, 9 emplois de sous-traitance, et 8 emplois induits par la consommation des 19 emplois industriels. Les 500 m€ par an nécessaire au financement de ce programme financeront ou génèreront donc 5000 emplois directs, 4500 emplois de sous-traitance, et 4000 emplois induits, soit 13500 emplois.

En France, un emploi génère en moyenne chaque année 24.000 € de charges sociales et d’impôts payés par les sociétés, alors que chaque salarié pait, de son coté, en moyenne, 6000 € d’impôts et taxes, par la TVA, l’impôt sur le revenu, etc.. De fait, un emploi génère 30.000 € de recettes sociales et fiscales chaque année. Or, aujourd’hui, l’Etat compense les déficits des organismes sociaux, qui n’ont pas le droit, statutairement, de faire de la dette. De fait, l’Etat économise directement les recettes sociales payées dans le cadre de ce contrat. Il a donc un solde budgétaire de 30.000 € par emploi et par an. Les 13.500 emplois liés vont donc générer 405 millions de solde budgétaire direct, ramenant le cout réel sur le budget à 95 m€ par an, soit 1,140 m€ sur les 12 années de fabrication.

A ce montant vont s’ajouter deux niveaux de recettes complémentaires :

  • les économies sociales donc budgétaire sur la part des emplois créés quittant le chômage indemnisé, ainsi que les économies budgétaires sur l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi (indemnisées ou non), comprenant notamment les formations professionnelles. Les estimations de ces couts sont très variables selon les méthodes utilisées, allant de 15.000 € par an à 55.000 € par an. Un montant de 20.000 € par an semble raisonnable, sachant que les chômeurs perçoivent en moyenne 15.000 € par an net d’indemnités.
  • Les recettes liées aux commandes à l’exportation potentielles de ces corvettes.

Sans entrer dans une étude approfondie, il apparait donc plus que probable que le retour budgétaire du programme pour la France soit positif dans les faits. En prenant une économie sociale de 20.000 € sur 50% des emplois, et un taux d’exportation de 15%, cohérent avec les programmes navals français précédents, le taux de retour budgétaire dépasse les 120% pour l’Etat. Pour le Royaume-Uni, ce taux s’élève à 80%, les taux de prélèvement sociaux et d’imposition en Grande Bretagne étant moins élevés qu’en France. Il n’en demeure pas moins que chaque corvette ne coutera que 60 m£ au budget de l’Etat britannique, déduction faite des taxes, prélèvements sociaux et impôts supplémentaires perçus.

FTI short Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les chantiers navals européens ont acquis une grande experience dans la conception de bâtiments de faible tonnage mais aux performances très élevées.

La Phase d’étude, soit 300 m€ par pays, subit la même ventilation, hors exportation, avec un retour neutre pour la France, et un retour de 65% pour le Royaume-Unis, ramenant son cout budgétaire à 85 m£. Au total, un programme de 2×18 corvettes de nouvelle génération pour la Royal Navy et la Marine nationale couterait donc 1,165 m£ sur 14 ans au budget britannique, alors qu’il rapporterait un peu plus de 1 Md€ au budget français, ceci en tenant compte des 28 hélicoptères navals supplémentaires par marine, et autant de drones aériens embarqués.

La mise en oeuvre d’un tel programme est donc largement à la portée des finances publiques des deux pays, et marquerait, en outre, une volonté forte de coopération dans le domaine naval pour les deux pays, appelé à devenir de plus en plus stratégique dans les années à venir. Il ne manque, en somme, qu’une volonté politique marquée pour donner naissance à ce programme, et reconstituer, en à peine plus de 10 ans, une part importante de la puissance navale des deux plus vielles nations européennes.

L’US Air Force veut préparer ses officiers à l’arrivée prochaine des armes à énergie dirigée

Pour l’US Air Force, l’entrée en service d’armes à énergie dirigée, comme les lasers ou les armes électromagnétique (Rail Gun), va profondément modifier les paradigmes de la guerre aérienne, et ce dans un futur proche. Pour s’y préparer, au delà des recherches menées pour disposer de ces systèmes, l’Air Force Research Lab vient de publier à appel à proposition pour intégrer ces armes dans leurs simulations et wargames, afin d’en étudier les implications opérationnelles, les atouts de ces systèmes comme les moyens d’y faire face, du point de vu tactique et stratégique.

Et en effet, ces systèmes sont constitutionnellement très différents des systèmes de combat, notamment anti-aériens, connus à ce jour. Ainsi, dès lors que l’on sort de la bulle de protection à très courte portée encore couverte par certains systèmes d’artillerie anti-aériens, la menace actuelle, pour les avions de combat, est constituée de missiles guidés, dont les points forts comme les faiblesses sont parfaitement connus : nombre de munitions limitées, guidage radar ou infra-rouge pouvant être brouillés ou leurrés ..

Les systèmes à armes dirigées, comme les laser ou les rail-gun, ont des paramètres constitutifs très différents, comme par exemple une capacité de feu beaucoup plus importante, des tirs insensibles aux leurres, une grande vitesse du projectile, mais également des effets limitants, comme la baisse des performances d’un laser dans les basses couches de l’atmosphère du à la nébulosité ou une sensibilité accrue aux manoeuvres. En disposant de modèles évolués des performances de ces systèmes, l’US Air Force pourra, dès lors, étudier l’efficacité des tactiques employées et des technologies retenues comme la furtivité radar, voir d’en révéler les lacunes face à ces nouveaux acteurs.

Prototype de test du Rail gun au Etats Unis Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
le prototype de Rail Gun américain a été testé à nouveau ce printemps

Le programme de formation de l’Air Force Research Lab se décompose en 5 composantes: la modélisation des systèmes, la simulation de leur emploi, l’analyse des différents paramètres et tactiques d’utilisation de ces systèmes, l’alimentation en données des études pour les systèmes d’armes et programmes de l’US Air Force, et enfin, les wargames afin d’intégrer ces éléments au niveau de la conduite des opérations. En procédant ainsi, l’AFRL veut permettre aux officiers de l’Air Force d’anticiper l’entrée en service de ces systèmes, tant au sein de ses propres forces que des forces adverses, de sorte à bénéficier d’un avantage tactique et stratégique marqué.

Rappelons que la Chine et, dans une moindre mesure, la Russie, developpement aujourd’hui des systèmes d’armes à énergie dirigée, comme le Rail Gun naval qui équipera dès 2025 les destroyers lourds Type 055 chinois, ou le laser Perevest en service dans les forces russes. Les Etats-Unis ont depuis quelques années massivement investi dans les systèmes d’armes laser, tant au niveau de l’US Air Force avec le programme d’autoprotection laser des aéronefs SHIELD, que l’US Army avec les systèmes MEHEL et HEL TVD, et la Navy avec les laser de protection rapprochée anti-drones et anti-missiles déjà déployés sur certains bâtiments. Le programme de Rail Gun américain, un temps en perte de vitesse, a connu, depuis l’apparition du Rail Gun chinois il y a un an, un retour en grâce, avec de nouveaux essais ayant eu lieu il y a quelques semaines.

La Marine Nationale entame sa transformation vers l’utilisation de drones

Lors de son audition par la Commission Défense de l’Assemblée nationale, le Chef d’Etat-Major de la Marine, l’amiral Prazuck, a présenté la stratégie de transformation de la Marine Nationale pour intégrer la technologie des drones à tous les étages opérationnels.

Ainsi, si aujourd’hui la Royale ne disposerait que de 5 systèmes de drone, tous destinés à des tests et expérimentations, elle aura, à l’horizon 2030, 1200 systèmes, allant des drones sous-marins aux drones MALE de surveillance, en passant par les drones embarqués destinés à étendre les capacités opérationnelles des unités de surface, et de préciser que, selon lui, la France n’aura pas besoin d’acquérir certains de ces systèmes auprés des Etats-Unis.

Ces drones se décomposent en 5 grandes familles :

  • Les drones de reconnaissance aériens à longue autonomie, parmi lesquels la Marine s’intéresse au Patroler de Safran déjà choisi par l’Armée de Terre, mais également l’EuroMale, dont la configuration bi-moteur en fait un outil idéal pour les missions navales de longue durée, sont mis en oeuvre à partir de bases à terre, pour surveiller les étendues maritimes, et alléger la charge sur les appareils de patrouille maritime, pouvant dès lors se spécialiser davantage dans la lutte anti-sous-marine.
  • Les drones aériens embarqués, comme le VRS 700 conçu conjointement par Naval Group et Airbus Hélicoptères, sont mis en oeuvre par les bâtiments de surface, et emportent des moyens de détection et de communication, de sorte à étendre les capacités de contrôle de zone de ces unités.
  • Les drones de surface, qui sont des navires autonomes, au sujet desquels la Marine nationale semble privilégier l’utilisation pour la guerre des mines, avec le système SLAMF de Thales développé dans le cadre du programme franco-britannique MMCM.
  • Les drones sous-marins, qui seront employés tant dans les missions de guerre des mines que par les nouveaux sous-marins nucléaires français, à des fins de reconnaissance, observation et éventuellement, neutralisation des cibles.
  • Les drones tactiques, déjà en service dans certaines unités, sont employés pour des missions de reconnaissance par les fusiliers marins et commandos de Marine.
Drone sea hunter 1 Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La Marine Nationale ne développe pas, pour l’instant, de bâtiment de surface de combat autonome comme le programme MUSV américain

Contrairement à l’US Navy, la Marine Nationale ne semble pas developper, pour l’instant, de drones de surface combattant, comme les Etats-Unis par exemple, avec les programmes MUSV ou LUSV, pas plus qu’elle ne développe de drones sous-marins imposants, comme le XLUUV américain, ou la torpille drone Poseidon russe. De même, aucun programme de drone de combat embarqué n’est aujourd’hui à l’étude en dehors du programme SCAF, contrairement aux Etats-Unis ou à la Chine.

La France est, comme la majorité des marines européennes, en retard dans le domaine de l’utilisation des drones militaires par les forces navales. Outre l’US Navy, plusieurs marines ont depuis quelques années déjà, commencé à utiliser massivement ces outils, comme la marine chinoise, russe, japonaise et sud-coréenne.

La nouvelle stratégie spatiale française déplait à Berlin

Si la nouvelle stratégie spatiale, présentée par la ministre des Armées Florence Parly, a été bien accueillie par les autorités militaires et industrielles françaises, on ne peut pas dire que ce fut le cas de l’autre coté du Rhin.

Rappelons que la Ministre à annoncé l’augmentation du budget consacré à l’espace de 700 m€ sur la période 2019-2025, portant l’effort français dans le domaine à 4,3 Md€ sur la période. L’objectif annoncé par Me Parly est de renforcer les capacités de renseignement et de communication des forces françaises, ainsi que de disposer de moyens de détection des menaces et de protection de la constellation de satellites français, par l’usage de systèmes actifs, comme des lasers embarqués, et même des armes à projectile. Par cet effort, la France veut renforcer son autonomie stratégique.

Et c’est bien cela qui créé l’émois à Berlin, la Chancelière allemande étant une fervente adepte de la coopération européenne dans ce domaine, oubliant au passage les entorses que l’Allemagne a elle-même faite aux accords de coopération spatiale franco-allemands. A ce titre, plusieurs autorités allemandes ont été visiblement désagréablement surprises de la prise de distance de Paris avec la vision de Berlin, certains n’hésitant pas à qualifier l’attitude française de « prédatrice ».

Il est vrais que les décisions françaises semblent avoir été prises de manière très unilatérale, rompant avec la tradition de concertation étendue, parfois naïve, qui fut celle du pays durant les 10 dernières années. Elle révèle également le fossé que sépare Paris et Berlin sur les questions stratégiques. La France reste, ainsi, très attachée à son autonomie de décision et d’action en matière de dissuasion nucléaire, alors que l’Allemagne maintien une position très atlantiste, la décision ultime d’utilisation de l’arme nucléaire pour protéger son territoire étant, depuis les années 50, délégué à Washington.

Mais au delà de cette divergence concernant les questions de dissuasion, cette annonce française marque également une certaine prise de distance de Paris avec la stratégie centralisatrice de Berlin en matière de Défense européenne, et représente un des exemples des divergences de plus en plus visibles dans la vision stratégique à moyen terme des deux pays.

Ainsi, les déclarations du Chef d’Etat-major, le Général Lecointre, lors de la conférence des ambassadeurs de cette année, montre que ce dernier, et l’ensemble des autorités nationales, commencent à prendre en considération le bouleversement géostratégique en cours dans le monde, et avec eux, l’augmentation des risques de conflits majeurs. Il est d’ailleurs remarquable de constater que le budget 2020, en cours de préparation, ne semble pas remettre en cause la trajectoire d’augmentation des moyens de Défense définis par la LPM 2019-2025.

Type212 allemagne Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les forces allemandes font face à d’important problèmes de disponibilité de leurs équipements.

En Allemagne, au contraire, le Budget de La Défense est identifié comme la principale variable d’ajustement budgétaire pour absorber les variations de croissance auquel fait face le pays. Non seulement le pays a déjà clairement annoncé qu’il n’atteindrait pas le taux d’effort de Défense de 2% de PIB en 2025 imposé par l’OTAN pour se limiter à 1,5% ( permettant au passage de respecter l’équilibre des dépenses de Défense franco-allemandes en place depuis les années 50), mais désormais, il semble que même cet objectif soit remis en question, le budget étant même appelé à se contracter en 2021.

Il semble donc que les divergences franco-allemandes dépassent celles de la construction de l’effort de Défense, en prenant naissance au niveau de la perception du risque lui même, tout au moins de la communication autour de cette perception. Et cela n’a rien de surprenant. En effet, L’Allemagne est beaucoup plus exposée en cas de tensions avec certaines des menaces identifiées, comme la Russie, auprés de laquelle l’Allemagne achète plus de 35% de son gaz, créant une dépendance stratégique difficile à négocier. En outre, le pays a une très importante communauté russe de plus de 1,2 millions de résidants. Il en va de même avec la Turquie, avec plus de 2,7 millions de résidants turcs dans le pays.

Une chose est certaine, si la France et l’Allemagne ne parviennent pas à trouver une position commune et cohérente avec les menaces sur les questions de Défense, que ce soit pour la protection de l’Europe comme pour la protection de ses intérêts dans le monde, l’initiative d’Europe de La Défense se limitera à quelques coopérations européennes industrielles, et beaucoup de discussion, mais bien peu d’actions concrètes ; au plus grand plaisir des Etats-Unis, de la Chine, ou de la Russie.

L’OTAN confirme la présence d’armes nucléaires sur le sol belge

Un document public de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, en date du 16 avril 2019 et portant sur la dissuasion nucléaire, est venu confirmer ce que tout le monde savait déjà depuis longtemps : des ogives nucléaires américaines sont bien présentes sur la base belge de Kleine-Brogel. Convoqué en urgence par la nouvelle commission parlementaire de la Défense – et bien qu’étant l’un des secrets les moins bien gardé de l’État fédéral belge – le ministre de la Défense, Didier Reyners, a réitéré la position officielle : ni confirmation ni infirmation.

Pour ce dernier, comme pour l’OTAN, ce document n’aurait aucune valeur officielle. Depuis des décennies, une position générale de l’Alliance atlantique est communément admise, empêchant les responsables politiques belges de dire distinctement ce que tout le monde sait déjà depuis longtemps. M. Reynders dans sa réponse aux parlementaires n’y a pas fait exception et a martelé la posture officielle du gouvernement, « La Belgique a marqué son accord sur le concept stratégique de l’OTAN qui prévoit que la dissuasion soit basée sur des capacités conventionnelles et nucléaires. Dans ce cadre de dissuasion, comme l’OTAN, la Belgique n’a jamais confirmé, ni infirmé, la présence d’armes nucléaires sur son territoire ».

Et pourtant, dès les années 1980, la fragilité de ce « secret de polichinelle » est saisissante : l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air belge, Guido von Hecke, reconnaissait la présence d’ogives nucléaires sur sa base de Kleine-Brogel. Le dit rapport vient lui-même confirmer, noir sur blanc, la présence de 150 ogives disséminées par les Etats-Unis en Europe dans six bases américaines et européennes en Allemagne (Büchel), Italie (Aviano et Ghedi-Torre), Turquie (Inçirlik), Belgique (Kleine-Brogel) et aux Pays-Bas (Volkel).

Le rapport nous apprend également que les bombes actuelles de type B61 – largables par les F-16 Fighting Falcon du 10e Wing Tactique1 vont être renouvelées par des bombes B61-12, ce qui n’a certainement pas été sans conséquence dans le remplacement des avions de combat belges : le chasseur F-35 de Lockheed Martin est le seul à avoir la capacité d’emporter les nouvelles bombes B61-12. À cet égard, M. Reynders avait déclaré que « le choix du successeur du F-16 a été fait sans tenir compte de la capacité nucléaire, celle-ci n’étant pas disponible à ce moment ». Difficile d’accorder du crédit à de tels propos alors qu’il est désormais largement admis que l’appel d’offres belge (RfGP2) incluait directement la capacité d’emport nucléaire dans la section consacrée au potentiel d’évolution et de croissance de l’appareil.

F 35 Belgique Alliances militaires | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
En choisissant le F-35, la Belgique a placé sa doctrine aérienne, ses alliances stratégiques et ses capacités décisionnelles indépendantes sous le prisme transatlantique et ce, pour le demi-siècle.

Ainsi, à la lumière de ce rapport, le retrait de Boeing en avril 2017 de l’appel d’offres, puis la décision de la France de proposer un partenariat stratégique autour du Rafale et en dehors du RfGP, font désormais pleinement sens. En optant pour le F-35, les autorités belges n’ont fait que confirmer un manque de sincérité manifeste dans la question du renouvellement des F-16, renforçant de facto l’idée selon laquelle la solidarité au sein de l’OTAN pourrait être subordonnée à l’achat de matériel américain.

Enfin, la perception belge des relations transatlantiques s’inscrit profondément dans la pensée de l’illustre Premier Ministre belge Paul-Henri Spaak – l’un des fondateurs et secrétaire général de l’OTAN (1957-1961) – qui déclara en 1955 : « the European idea is necessarily a limited idea » et qu’il convenait de considérer la construction européenne comme un des éléments d’un « Commonwealth atlantique ». De la sorte, la politique européenne devrait être constamment évaluée à la lumière de sa compatibilité avec la coopération dans le cadre atlantique. Force est de constater que le « tropisme » otanien demeure prégnant au sein des autorités belges, la finalité étant de maintenir la place de la Belgique au rang des plus fidèles contributeurs de l’OTAN, et donc de jouer dans la résolution diplomatique et militaire des crises internationales un rôle sans commune mesure avec son investissement réel dans la défense alliée.

Axel Trinquier – Spécialiste des questions de défense européenne

2 Request for Government Proposal

1 Escadre de la composante air de l’armée belge basé à Kleine-Brogel.