Après plus de 6 jours de silence, le président Trump s’est enfin exprimé au sujet de la livraison à marche forcée des systèmes S400 à la Turquie. Mais sa déclaration laisse les observateurs de la vie politique américaine sur leur faim. En effet, loin du plan de sanctions global attendu, car promis depuis plusieurs mois par l’administration US, ce dernier s’est contenté de déclarer que la Turquie ne pourra plus acheter de F35 aux Etats-Unis. Aucune référence à de possibles sanctions économiques, aucune référence à de possible sanction opérationnelle, le président américain semble atteint d’une étonnante crise d’aphasie sur le sujet.
Le Département d’Etat américain n’est guère plus prolixe sur le sujet. Interrogé par des journalistes sur la question le 16 juillet, Morgan Ortagus, le porte-parole du ministère, se contenta de dire que l’administration étudiait les sanctions possibles, et renvoya les journalistes à l’étude du CATSAA pour connaitre quelles étaient ces sanctions.
Une maquette grandeur nature du programme TF-X a été présentée au Salon du Bourget 2019
Coté turc, on ne met pas d’huile sur le feu. Le ministère des affaires étrangère se contenta de rappeler que la Turquie avait déjà investi plus de 2 Md$ dans le programme F35, et que l’annulation de la commande turque augmenterait mécaniquement le prix unitaire des appareils.
Reste que, maintenant qu’Ankara a la position établie des Etats-Unis concernant le F35, les autorités turques vont pouvoir ouvertement négocier les alternatives qui s’offrent à elle, au nombre de 3 :
L’accélération du programme TF-X dont la maquette a été présentée lors du salon du Bourget 2019, conçu en collaboration avec BAe et Rolls Royce.
Se rapprocher de Pekin pour acquérir ou co-developper le FC31, un appareil de 5eme génération destiné à l’exportation, et dont les caractéristiques générales sont très proches de celles du TF-X
Acquérir le Su57 auprés de Moscou, et co-developper le TF-X avec la Russie, ce qui pourrait représenter une réelle opportunité pour MIG qui peine à s’imposer sur son marché intérieur
Le choix que fera R.T Erdogan dans ce dossier donnera des indications précises sur les objectifs réels du président turc. Accélérer le TFX avec les britanniques indiquerait une position de désescalade vis-à-vis de l’OTAN et de l’occident en général. Le rapprochement avec Moscou déclencherait une nouvelle crise avec Washington, avec une très probable sortie rapide de la Turquie de l’OTAN comme de la sphère occidentale pour une alliance avec la Russie. En faisant le choix du FC31, Ankara prendrait une position intermédiaire, avec une sortie probable à terme de l’OTAN, et un rapprochement, si pas de la Chine, en tout cas du Pakistan, et des ambitions régionales exacerbées.
Une chose est certaine, Washington a clairement perdu l’initiative dans ce dossier, et c’est aujourd’hui RT Erdogan qui dispose du plus grand nombre d’options à sa disposition.
Pendant longtemps, le domaine spatial est resté hors d’atteinte de toute menace offensive. Les armées ont profité de cette « safe zone » pour y déployer des équipements clés à leur succès mais vulnérables, permettant de concentrer les coûts sur les fonctions coeur de l’équipement tout en en simplifiant les complexités.
« Terre » d’aubaine, elle est continuellement envisagée pour de nouvelles armes :
Bouclier anti-missiles balistiques
Satellite de frappe électromagnétique ou de laser à haute énergie
Satellite de désignation (« JTAC »)
Piratage, brouillage…
Mais la donne a brusquement changé :
La fin d’un monde…
Il était devenu inacceptable de laisser ces armes agir en toute impunité. Et, ces dernières années, 3 menaces ont émergées :
Les satellites parasites : Des satellites anti-satellite (chargés d’espionner ou de brouiller un satellite) ont commencé à apparaitre, obligeant parfois à mettre en sommeil le satellite parasité afin de sauvegarder l’intégrité des données et des missions.
Le brouillage de signal : En 2018, lors de l’exercice Trident Juncture, la Russie aurait profité de l’occasion pour jouer son rôle d’empêcheuse de tourner en rond et tester et valider une solution de brouillage de signal GPS, perturbant sévèrement l’exercice OTAN. Au-delà du Retex russe, cela a permis de rappeler aux forces de l’OTAN leur dépendance absolue à un système (GPS) et les handicaps associés à la perte ou la perturbation du signal.
Les missiles « sol-espace » : En 2007, la Chine détruisait un de ses satellites par le biais d’un missile lancé depuis leur territoire. Plus récemment (2018), l’Inde annonçait à son tour avoir détruit un satellite en orbite basse à partir d’un tir lancé depuis le sol.
Avec ces 3 menaces avérées, c’est tout le modèle de doctrines reposant sur des solutions satellites qui s’effondre, obligeant les forces ayant un tel modèle à le repenser…
Contre-attaquer
Avec sa nouvelle doctrine spatiale, la France lance (à son tour) sa contre-offensive. Si les modes d’actions restent à préciser, il en est un à l’étude depuis plusieurs années qui assurément devrait être envisagée :
Face aux satellites hors d’usage et autres débris, diverses solutions de captation et/ou de détournement d’orbite sont actuellement en phases de développement ou de test.
Solution de harpon par Airbus
Détournée de son application première, ce genre de solution pourrait présenter certains atouts face aux satellites présents en orbites plus hautes. Un autre de ses atouts est le fait de ne pas disperser de débris et donc pas polluer l’espace dans lequel circulent vos propres satellites.
Mais au-delà de cet exemple pouvant constituer un 4e mode d’action anti-satellite, c’est bien tout un nouveau champ du possible qui s’ouvre… … Un champ incluant également des actions offensives à partir des satellites, comme évoqué précédemment. Et un champ du possible contenant nécessairement des axes visant à protéger ses propres satellites contre les menaces possibles.
Un modèle stratégique à repenser
Mais ces menaces ne font en fait que mettre le doigt sur un abcès, et cette dépendance aux satellites, vulnérables, est un bloc de failles :
Assurer les pleines protection et intégrité de ses satellites n’est pas viable :
Elle ne l’est pas pour les satellites existants ;
Quant à « armer » les prochains pour les rendre résistants aux menaces, cela supposerait une évolution de design (et de coûts) remettant en cause la pertinence de leur solution.
Bien qu’offrant des atouts de part leur positionnement en hauteur, les solutions satellites ne sont pas exemptes de faiblesses :
Ainsi, les communications par satellite offrent un débit de données plus faible que d’autres modes (radio multi-bandes…), ce qui rentre en conflit avec l’évolution exponentielle des volumes de données
Moins de débit, ces modes sont aussi moins sécurisés, comme l’a démontré l’exercice Trident Juncture 2018.
Certaines capacités opérationnelles sont entièrement dépendantes et même affiliées aux satellites, sans solution alternative, ou même redondance possible.
Ces limites dans un espace désormais menacé oblige de fait à repenser nombre d’aspects opérationnels. Dans ce cadre, certaines solutions font ou refont surface depuis quelques années :
https://www.youtube.com/watch?v=Vj1JnN98FRI
Stratobus, le ballon-dirigeable « mi-drone, mi-satellite » stratosphérique de Thales
Les constellations de micro-satellites : Pesant quelques dizaines de kilogrammes, voire quelques kilogrammes, ces satellites au design simplifié permettent à la fois d’assurer de la redondance et aussi d’être plus difficile à contrecarrer (du fait du nombre et de la taille). D’une durée de vie limitée, ils représentent un peu le rôle de « satellites jetables » ou à « durée déterminée ».
Les dirigeables et ballons stratosphériques : Comme substitution ou redondance locale aux satellites. Facilement déployables dans la durée pour un coût modeste, ils permettent d’apporter une réponse adaptée aux besoins, dans un espace-temps limité.
Les systèmes de navigation inertielle : Délaissés au profit du GPS, ces systèmes (pouvant s’appuyer sur les étoiles, le champ magnétique, des systèmes gyro, ou désormais avec l’IA la reconnaissance de formes…) permettent selon les cas :
De connaitre sa position absolue (Astro-Inertial Navigation System), au même titre que le GPS
Ou connaitre sa position relative à son point connu [typiquement : le point de départ], compte tenu des différents mouvements (vitesses, durées, accélérations) orchestrés tout au long du parcours
Les transmissions radio multi-bandes : Avec les nouvelles doctrines de théâtre en éco-système intra-connecté, le satellite n’est plus indispensable pour concentrer les données, celles-ci pouvant passer par des « répéteurs » locaux, tels que des dones SDT et/ou MALE. De plus, le mode multi-bandes offre un niveau de sécurité très élevé tout en permettant un débit de données plus conséquent.
Les aéronefs ISR : Par pilote embarqué ou télécommandés (drones), ces aéronefs jouent un rôle de plus en plus important. Ainsi, les drones MALE ISR sont devenus incontournables et réalisent de plus en plus de la mission continue, comme lorsque des otages français en Afrique ont pu être repérés par un drone US en mission routinière. Malheureusement, ils sont eux aussi de plus en plus menacés. Pour leur part, les avions-espions #U2 reviennent sur le devant de la scène médiatique, signe du retour en grâce de ce vecteur ISR, face à drones MALE et des satellites tous deux avec des vulnérabilités de plus en plus exposées. Enfin, #LockheedMartin a dévoilé il y a quelques années un programme TR-X visant à remplacer les actuels U2, par des drones Haute Altitude, tandis que #NorthropGrumman travaillerait sur le #RQ180.
Drone HALE « TR-X » de Lockheed Martin devant remplacer les avions-espions U2
C’est tout un modèle stratégique qui est en train de tomber de son orbite. De l’autre côté, les solutions de drones tactiques MALE se révèlent eux aussi plus vulnérables que prévus. … Entre les 2, la couche stratosphérique, où évoluent déjà les U2 et où pourraient se glisser les ballons, ainsi que les missiles hypersoniques, semble constituer aujourd’hui le nouveau domaine aérien à investir pour maintenir sa suprématie… et dont le projet #SCAF se devra de prendre en considération…
Des exercices de l’Armée populaire de libération (APL) ont récemment été annoncés au large de la côte sud-est de la Chine par le ministère de la Défense nationale chinois. L’APL aurait déjà effectué un exercice en mer et dans l’espace aérien dans cette zone ces derniers jours selon un communiqué publié dimanche par le ministère de la Défense nationale.
Ces exercices font écho à l’annonce par Washington de l’autorisation de vente de 108 chars Abrams M1A2 à Taïwan, mais également à une réception organisée par la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, pour des représentants de l’ONU à New York. La Chine maintient son cap en réalisant de nouvelles manœuvres, elle qui avait déclaré que des sanctions seraient imposées aux entreprises américaines impliquées dans les ventes d’armes à Taïwan. De plus, l’organe de presse officiel du Comité central du PCC a récemment identifié les entreprises américaines qui pourraient être ciblées par des sanctions : Honeywell International Inc, constructeur des tanks Abrams, et Gulfstream Aerospace, constructeur de jets privés.
Plusieurs éléments intéressants sont à relever dans cette annonce. Premièrement, il est assez inhabituel pour ce ministère d’annoncer activement de tels exercices et aucune branche précise de l’APL n’a été mentionnée. Les milieux militaires chinois annoncent que nous pouvons nous attendre à un exercice de grande envergure incluant les cinq branches de l’APL : la Force terrestre, la Marine, la Force aérienne, la Force des fusées et la Force de soutien stratégique. De plus, la formulation de la déclaration suggère que l’exercice pourrait être organisé par le commandement conjoint d’un commandement de théâtre – Le commandement méridional ou oriental – ou par la Commission militaire centrale directement, organisme présidé par Xi Jinping.
Les cinq commandements de théâtre de l’Armée populaire de libération (APL)
Finalement, ces exercices menacent certes directement Taïwan et sa souveraineté, mais viennent également contester l’hégémonie américaine en Asie du Sud-Est. Cet évènement, d’une façon plus général, montre la pente que semble emprunter ces deux nations vers un piège de Thucydide – Concept polémologique nommé par Graham Allison en référence à Thucydide qui écrivait dans La Guerre du Péloponnèse que « ce fut l’ascension d’Athènes et la peur que celle-ci instilla à Sparte qui rendirent la guerre inévitable. ». Qu’il s’agisse de la Chine et son hubris ou des États-Unis et sa paranoïa, ce piège semble contraindre ces deux acteurs à une guerre future. Cependant, la Chine sur le plan capacitaire reste loin d’égaler les États-Unis à l’échelle mondiale, mais demeure une menace régionale pour les alliés de Washington en Asie. Graham Allison laisse suggérer que le piège serait encore évitable en conseillant à Pékin la modération, et à Washington de ne pas confondre ses intérêts vitaux et ceux de ses alliés asiatiques. Néanmoins, la Chine et plus particulièrement les projets de Xi Jinping sont aux antipodes de la modération, quant aux États-Unis, soutenir plus légèrement ses alliés asiatiques reviendrait à laisser la sphère d’influence de cette puissance régionale qu’est la Chine se développer davantage. Ce cas se présente comme une variante du dilemme du prisonnier d’Albert W. Tucker : c’est-à-dire une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l’absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l’autre si le jeu n’est joué qu’une fois.
Clément Guery Spécialiste des questions de politiques étrangère et de sécurité de la République populaire de Chine.
La visite officielle du président Macron dans la capitale Serbe a été l’occasion de retisser les liens distendus entre les deux pays depuis les guerres de Yougoslavie, et l’inexplicable bévue protocolaire lors de la commémoration de la fin de la Grande Guerre, ou le président Serbe, représentant un des alliés les plus fidèle de la France dans ce conflit, fut relégué au second rang, alors que les présidents Turcs et Kosovar, avaient les honneurs du premier rang. Quoiqu’il en soit, Belgrade semble ne pas tenir rigueur à la France de ces événements, puisque le président Macron a été, semble-t-il, très bien accueilli, et qu’il repart de Serbie avec un contrat de Défense, une commande de systèmes dé défense anti-aérienne Mistral 3 de l’entreprise MBDA.
Ces dernières années, Belgrade s’était surtout rapproché de Moscou en matière d’équipements de Défense, avec plusieurs commandes de systèmes d’arme comme la livraison de 6+3 Mig29 modernisés, la commande de blindes T72 et BRDM-2, et celle de 7 hélicoptères Mi17 et 3 Mi35. Parallèlement, le pays fut le premier pays européen à mettre en oeuvre un drone MALE chinois Wing Long II, dont elle acquit 7 exemplaires. Mais les autorités serbes ont toujours maintenu un lien fort avec l’Union européenne dans ce domaine, avec par exemple en 2018 la commande de 9 hélicoptères H145M auprés d’Airbus Hélicoptères.
le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle dispose de deux systèmes SADRAL équipés de missiles Mistral pour assurer sa protection rapprochée
Le missile anti-aérien à courte portée Mistral est un des grands succès du groupe franco-britannique MBDA. Vendu à plus 16.000 exemplaires à plus de 25 pays, il peut engager aussi bien des aéronefs que des hélicoptères, des missiles de croisières et des drones de taille suffisante, quelque soit leur exposition. Sa portée dépasse les 6000 mètres, et sa vitesse atteint les Mach 2,7, permettant d’engager des appareils rapides en secteur arrière. Depuis son entrée en service en 1989, le missile a évolué pour s’adapter aux nouveaux contextes d’engagement. Ainsi, le Mistral 3, dispose d’un autodirecteur affichant une grande résistance aux leurres, et une sensibilité accrue permettant d’engager des cibles aeriennes comme terrestres.
A ce titre, un hélicoptère Tigre de l’ALAT utilisa, lors de l’intervention française en Libye en 2011, un missile mistral pour détruire un véhicule blindé évoluant grande vitesse avec un important dépointage, alors que les gazelle Viviane équipées de missiles HOT n’y parvenaient pas. Outre les hélicoptères Tigre, le Mistral équipe les régiments d’artillerie des forces terrestre françaises, ainsi que par divers unités navales, via les systemes SIMBAD et SADRAL, assurant notamment la protection anti-missile et anti-aérienne rapprochée du PAN Charles de Gaulle, des PHA Mistral et des Frégates Légères Furtives.
Alors que Washington n’a toujours pas dévoilé la liste des sanctions qui seront appliquées à la Turquie suite à la livraison des S400 d’origine russe, c’est au tours des européens de hausser le ton contre Ankara, cette fois au sujet de Chypre. En effet, les autorités turques ont décrété être en droit d’exploiter les réserves de gaz découvertes autour de l’Ile, et ce en contradiction avec les règles internationales, qui donne à l’état independant Chypriote ce droit. La France, par l’intermédiaire du président Macron, avait déjà, il y a quelques mois, déclaré que la France se tiendrait au coté de Chypre et de la Grèce dans ce dossier le cas échéant. Mais finalement, ce sont les 27 pays européens qui font bloc derrière Nicosie, et qui menacent désormais Ankara de sanctions économiques sévères si cette dernière persistait à vouloir forer dans des eaux ne lui appartenant pas.
Selon Ankara, onze avions An124 transportant les systèmes S400 sont déjà arrivés en Turquie
La réaction unanime des européens est remarquable et courageuse, car nul dans les capitales européennes n’ignore que le président Erdogan pourrait à nouveau agiter la menace d’un flot de réfugiés déferlant sur les côtes grecques si les autorités turques cessaient de contrôler cette vague migratoire (contre rétribution généreuse de Bruxelles). En dépit des mises en garde européennes, la Turquie a déjà envoyé 3 navires de forage en zone chypriote, et un quatrième navire serait en route, selon le ministre des affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu. Il a également précisé que la Turquie était déterminé à « faire prévaloir les droits des chypriotes turcs, même si cela signifiait devoir utiliser la force armée », une menace explicite contre une intervention européenne dans cette affaire.
La Turquie qui, semble-t-il, est engagée sur tous les fronts, puisque le ministère de La Défense du pays a annoncé, il y a deux jours, la mise en alerte des forces stationnant à proximité de la frontière syrienne, laissant entendre qu’une opération pourrait être menée dans le nord de la Syrie, contre les Forces Démocratiques Syriennes, là ou se trouvent, précisément, les forces spéciales américaines, françaises et britanniques.
L’Armée de l’air hellénique assure la protection aérienne de la partie Chypriote de l’Ile de Chypre
De fait, chaque jour qui passe semble éloigner encore davantage la Turquie du camps occidentale, le pays n’étant aujourd’hui plus guère soutenu sur la scène internationale que par Moscou et Pékin. Toutefois, il faut s’attendre à ce que le probable divorce d’avec l’OTAN et l’Union européenne, se fasse dans la douleur, et ce pour les deux camps. Dans ce contexte, les batteries de S400 russes réceptionnées ces deniers jours, 3 ans jours pour jours après la tentative de coup d’Etat avortée contre le président Erdogan, ce dernier accusant les Etats-Unis et l’OTAN d’avoir, si pas fomenté la révolte, en tout cas laissé faire; apparaissent comme un atout remarquable dans les mains du président turc pour tenir en respect les forces aériennes occidentales dans le rapport de force qui se profile en Syrie, en Mer Égée et en Méditerranée Orientale.
Il n’y aura pas que MBDA qui profitera de sa double-nationalité franco-britannique dans la compétition stérile qui se prépare entre le Tempest et le SCAF. En effet, le groupe Thales vient d’annoncer avoir signé un protocole d’entente, ou Mémorandum of Understanding, avec l’avionneur britannique Aeralis, pour concevoir un simulateur de vol et un outil de gestion de la progression des stagiaires sur Tempest, avec pour objectif de pouvoir présenter un démonstrateur au Salon de Farnborough de 2022.
La démarche visant à concevoir un avion d’entraînement et son environnement de formation au sein du programme Tempest est interessante à plus d’un titre. D’une part, le besoin sera effectivement présent puisque le Tempest doit entrer en service en 2035, date à laquelle les avions d’entrainement Hawk de la RAF devront être retirés du service. D’autre part, cela permet de concevoir une formation optimisée pour le nouvel appareil, qui sera appelé à être la colonne vertébrale de la RAF pour plusieurs décennies.
Enfin, cela permettra de proposer, à l’exportation, une solution complète intégrant non seulement le volet matériel et doctrinal, mais également le volet humain, dans le domaine de la puissance aérienne. Il serait d’ailleurs peut-être pertinent pour Thales et Aeralis de dépasser le cadre du Tempest , et de proposer une solution de formation couvrant les 3 appareils qui seront en service dans la RAF en 2035 et au delà, à savoir le Tempest, le Typhoon et le F35, en intégrant des interfaces et des commandes de vol reproduisant au plus prêt celles de chacun des appareils.
Outre le Tempest, le Typhoon et le F35 seront en service dans la RAF en 2035 et pendant de nombreuses années
Reste que le programme Tempest fédère de plus en plus autour de lui en Europe. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le binôme BAe/Rolls-Royce est également présent dans le programme T-FX turc, et propose des solutions attractives pour les programmes Japonais et Sud-Coréens d’avions de 5ème génération. Et si le programme SCAF apparait sans nul doute comme le plus ambitieux, le Tempest apparait, quand à lui, le plus pragmatique, ce qui n’est pas pour déplaire à d’éventuels partenaires supplémentaires, comme l’Italie, la Grèce, les Pays-bas et même la Norvège.
Or, comme le soulignait le rapport sénatorial sur l’Europe de La Défense à ce sujet, plus le temps passe, plus la fenêtre d’opportunités pour passer de deux programmes européens fabriquant le même avion, à un programme européen fabricant une gamme d’appareils, se réduit, et il sera bientôt impossible, tant politiquement que technologiquement, de fusionner les programmes pour éviter de refaire l’aberration Typhoon/Rafale/Gripen. Ce sujet mérite d’être pris à bras le corps et rapidement par les plus hautes autorités de l’Etat, seules susceptibles d’infléchir la trajectoire actuellement suivie.
Les forces russes ont reçu les premiers exemplaires de leurs nouveaux véhicules de déploiement des champs de mine, destinés à remplacer le système UMZ sur camion ZIL-131, jugé trop vulnérable pour les conflits modernes.
Le premier modèle, l’UMZ-K, est un système lourd de 15 tonnes sur camion blindé Astey 6×6, pouvant déployer un champ de 180 mines en 15 minutes. Le second, l’UMZ-T, n’emporte « que » 60 mines déplorables en quelques minutes, montées sur un camion blindé 4×4 Typhoon VDV de Kamaz, pour une masse de combat de 11 tonnes. L’automatisation a été renforcée sur ces véhicules, les opérateurs pouvant contrôler l’ensemble de la dispersion du poste de pilotage. En outre, Ils peuvent opérer avec précision dans des environnements de guerre électronique intense avec déni du signal GLONASS de localisation.
l’UMZ-T de 11 tonnes transporte lui 60 mines
Cette annonce, qui fait suite au Salon Army 2019 qui s’est tenu fin juin prés de Moscou, intervient quelques jours après celle faite par l’US Army au sujet du retour en service des systemes M139 et M126 Volcano, et de son déploiement en Pologne, ou la système a été testé. Rappelons que la Russie, comme les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Pakistan et les deux Corées, n’ont pas ratifié la convention proscrivant l’utilisation de mines anti-personnelles, même si les mines russes, comme américaines, disposent désormais d’une option pour en limiter le potentiel destructeur de ces munitions vis à vis des populations civiles, en limitant la durée de vie opérationnelle des mines une fois déployées.
Le SOUVIM suivit d’un VAB LEMIR suivit et d’un BUFFALO au abords de la FOB de NIJRAB
Les forces françaises ne disposent évidemment pas de systèmes de déploiement de mines terrestres, le pays ayant signé la convention proscrivant cet usage. Mais elle dispose d’un petit nombre de véhicules permettant l’ouverture de voie dans les zones minées, parmi lesquels 5 véhicules blindés Buffalo acquis auprés des Etats-Unis lors de l’intervention en Afghanistan, le véhicule blindé hautement protégé Aravis pour transporter et déployer les unités du Génie en zone à risque, et le Souvim 2, pour Système d’OUverture d’itinéraires minés, capable d’ouvrir un itinéraire de 150 km en 8 heures. Les unités du Génie utilisant ces systèmes sont fréquemment déployées en zone sahélo-saharienne pour accompagner et protéger les unités de l’opération Barkahne. Cependant, si cette dotation est suffisante pour les opérations exterieures françaises en Afrique et au Moyen-Orient, elle s’avère sous-dimensionnée si d’aventures, des tensions venaient à survenir en Europe face à un pays comme la Russie, disposant d’un grand nombre de solutions de minages.
L’usage de drones dans les conflits en environnement urbain a pris une ampleur inédite lors des dernières années, en particulier sur le théâtre syrien. L’utilisation par différentes factions – dont l’organisation État Islamique – de drones civils, simplement lestés de grenades ou de petites charges explosives, pour frapper les positions des forces gouvernementales (dont la fameuse « Golden Division »), a causé une part importante des pertes, lors de la bataille de Mossoul notamment.
Partant du constat que rien, en l’état, ne permet de prévenir ce type de menace difficilement détectable tout en étant relativement simple à mettre en oeuvre – certains modèles peuvent se « piloter » avec un simple smartphone –, l’U.S. Army a décidé de développer un prototype de contre-mesures s’adossant sur des moyens cyber devant permettre de détecter, voire de cibler ces aéronefs afin de resserrer le maillage de la « bulle de protection » couvrant l’évolution des troupes au sol.
Née de la volonté de l’U.S. Army Cyber Command (ARCYBER), faisant lui-même parti de l’U.S. Cyber Command, et mis en oeuvre par la 780th Military Intelligence Brigade, cette initiative vise à l’intégration de moyens cyber dans les unités de l’armée de terre américaine. Ces derniers viennent s’ajouter à la composante déjà bien fournie des capacités de changements de milieu des fantassins étatsuniens. Si ce type d’équipement vise les drones, les troupes au sol disposent déjà de moyens de transmission, de renseignement et de guerre électronique.
Selon le communiqué de l’U.S. Army, cette « solution intérimaire », en passe de subir nombre d’améliorations pendant la phase de tests, tant du point vue capacitaire qu’opérationnel, fera l’objet d’une évaluation en situation opérationnelle au cours de l’été par l’U.S. Special Operations Command, suivie d’une phase d’intégration de multiples mises à jour logicielles visant à l’amélioration des performances globale du système.
Et ce qui devait arriver … arriva ! Dans un article du quotidien digital economique « La Tribune », le spécialiste de l’industrie de Défense Michel Cabirol révèle que le groupe allemand Rheinmetall bloquerait actuellement le programme Main Ground Combat System ou programme MGCS franco-allemand destiné à concevoir le futur char de combat des forces françaises et allemandes. Ce programme avait été confié par les autorités des deux pays au groupe KNDS, formé à part égale par le français Nexter, fabricant du Leclerc, et le groupe allemand Krauss Maffei Wegman, fabricant du Leopard 2.
Or, en novembre 2018, le groupe industriel Rheinmetall, intervenant notamment dans le Leopard 2 et le Boxer, annonçait entrer en négociation avec la famille Baude, détenant KMW, pour en acquérir les droits, ce qui évidemment, poserait d’importants problèmes dans le partage industriel autour du MGCS, dans l’équilibre au sein du groupe KNDS, et qui pourrait même mettre à mal l’ensemble des projets de coopération franco-allemands en cours.
Rheinmetall s’est associé à BAe pour produire le Boxer destiné aux forces britanniques
Si le gouvernement allemand est resté évasif sur le sujet, considérant la consolidation du secteur comme pertinente, car donnant naissance à un géant de La Défense pesant presque 10 Md€, Paris, en revanche, a clairement fixé les limites, que ce soit concernant le groupe KNDS, dont il est actionnaire à 50%, et le programme MGCS : ce sera 50% pour l’Allemagne, et 50% pour la France. Et là, cela ne convient plus du tout à Rheinmetall, qui ambitionne de prendre le contrôle du projet comme du groupe, sur la base de son envergure financière supérieure, envergure qui s’est encore renforcée ces dernières semaines avec la création d’une Joint Venture avec l’anglais BAe dans le domaine des armements terrestres, et dans laquelle le groupe allemand détient la majorité absolue.
En outre, si les autorités Française ont accepté de donner la maitrise d’ouvrage à Krauss Maffei Wegman, concepteur du Leopard 1 et 2, sur le MGCS en contre-partie de celle de Dassault Aviation sur le SCAF, elles ne sont pas prêtes à la confier à Rheinmetall, jugée trop peu expérimentée dans le domaine par Paris. Surtout, avec la maitrise d’ouvrage, Rheinmetall pourrait aisément privilégier son propre réseau d’entreprises et de sous-traitants, qui représente la force du groupe, au détriment des sous-traitants de KMW, mais surtout des sous-traitants de Nexter. Or, ces derniers représentent 40% de l’efficacité economique des programmes de Défense aujourd’hui en France, ce qui, évidemment, ferait peser un poids important sur la soutenabilité du programme par les finances publiques du pays.
Le SCAF pourrait être menacé par les positions de Rheinmetall
Reste que la situation présente était largement prévisible, et même prévue, et qu’elle peut mettre en péril tout l’équilibre industriel et budgétaire créé autour des programmes franco-allemands de défense lancés depuis l’arrivée du président Macron à l’Elysée. Ce risque a été présenté tant par B. Meyer, le Pdg de Nexter, que par E.Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors de leurs auditions respectives par la commission Défense de l’Assemblée nationale. Mais, aujourd’hui, les autorités françaises, comme les industriels nationaux, n’ont d’autres choix que de tenir ferme sur les positions définies, et d’attendre que les autorités allemandes remettent de l’ordre dans leur propre BITD. Ceci dit, rien ne garantit que le bon sens l’emportera dans ce dossier …
La société Skyborg, en partenariat avec la société Scale Composite, ont annoncé leur participation au programme Futur Lift Programme de l’US Army avec un prototype issu d’un programme de la DARPA Heliplane, un girodyne. Contrairement à un hélicoptère, un girodyne utilise des moteurs propulsifs pour assurer sa poussée horizontale, et un rotor pour assurer sa sustentation, notamment à basse vitesse, ou dans les phases de décollage et d’atterrissage vertical, à l’instar du E-Racer d’Airbus Hélicoptère.
Mais le modèle de Skyborg va plus loin que le prototype européen, puisque sa propulsion est assurée par 2 turbo-réacteurs Williams FJ44 de 840 kg de poussée chacun, la puissance pour le rotor principal étant captée sur ces moteurs, et non l’inverse, comme pour l’E-Racer. De fait, l’appareil présente des performances remarquables, avec une vitesse de pointe dépassant les 600 km/h, et une distance franchissable dépassant les 1800 km, un record pour un appareil de ce gabarit. En outre, le constructeur met en avant la simplicité de l’entretien de l’appareil et de ses moteurs, en comparaison des appareils à rotor-basculants comme le V22 Osprey, connu pour être très complexe.
Le Bell V280 Valor a rotor basculant est le prototype le plus avancé du programme FVL
Parmi les autres particularités mises en avant par le constructeur, on peut citer le plafond très élevé de l’appareil, puisque donné pour atteindre les 35.000 pieds, et une très faible dégradation des performances verticales en haute altitude. Il dispose également de deux points d’emports sous chacune des ailes, pouvant supporter des charges légères, comme des missiles Hellfire ou des paniers de roquettes, mais pas de munitions plus lourds comme des bombes à guidage laser, l’appareil ne pouvant emporter plus de 500 livres (250 kg) de charges externes, ce qui reste très suffisant pour un hélicoptère de cette catégorie. On remarque également un canon rotatif dans le nez, sans qu’aucune information ne soit donnée en ce sens.
Si l’appareil parvenait à être plus lourd, blindé, et mieux armés, il pourrait représenter le graal attendu par l’US Army depuis des décennies, elle qui cherche par tous les moyens à disposer de sa propre capacité en matière de Close Air Support, mais qui en est régulièrement privée par l’US Air Force très agressive dès lors qu’il s’agit de préserver ses prérogatives. L’Heliplane étant une voilure tournante, il entre dans les attributions de l’US Army d’en posséder, même si l’appareil a les performances d’un avion d’appui tactique. Toutefois, pour survivre au combats de haute intensité pour lesquelles l’US Army se prépare, l’aéronef devra augmenter sa survivabilité, donc son blindage et la puissance de ses moteurs, sa capacité d’emport d’armements, et réduire sa signature radar et surtout infrarouge. Mais si le prototype de Skyborg tient ses promesse, on peut être certain que l’US Army s’y intéressera de très prés !
Le prototype du S97 Raider de Sikorsky participe également au programme FVL
Le programme FVL de l’US Army est devenu, aujourd’hui, un véritable creuset du developpement technologique dans le domaine de l’aérocombat et de l’aéromobilité. Les grands constructeurs, Bell avec le V280 à rotor basculants, Sikorsky avec le S97 raider à hélice de queue propulsive, se confrontent désormais à des approches comme le Heliplane, qui pourrait bien intéresser l’US Army par ses performances annoncées. Quoiqu’il en soit, les prochains hélicoptères de l’US Army, qu’ils soient léger pour remplacer les Kiowa, lourds pour remplacer les Apache, ou de manoeuvre pour remplacer les Black Hawk, auront des performances sans communes mesures avec les appareils existants.