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Projet ASGARD : La France et l’Allemagne développent un démonstrateur de radar de surveillance aérienne avancée

Aujourd’hui, dans le monde de l’aviation militaire, les projets franco-allemands ne manquent pas. Outre la création d’un escadron bilatéral doté de C-130J Super Hercules ou la conception du SCAF (système de combat aérien du futur), Paris et Berlin s’associent également pour la conception et le développement dans les prochaines années d’un radar spécialisé dans la surveillance aérienne aéroportée.

En effet, fin juin 2019, une équipe franco-allemande s’est réunie sur la base aérienne 120 de Cazaux dans le cadre du projet ASGARD, pour Advanced Surveillance next Generation Airborne Radar Demonstrator (démonstrateur de radar de nouvelle génération pour la surveillance aérienne avancée), qui vise à développer un démonstrateur de radar européen.

D’après nos informations, ce démonstrateur de radar doit contenir trois caractéristiques clés. La première est celle de la modularité. Il est envisagé de décliner cette nouvelle technologie sur des antennes de différentes tailles et capable d’être mise en oeuvre par des « remote carrier » (aéronef hybride à mi-chemin entre le drone et le missile) ou des aéronefs de plus grande taille, du chasseur à l’avion d’alerte avancée. Pour permettre cela, à ce stade de l’avancée du programme, deux antennes sont envisagées pour le démonstrateur, l’une de 1 mètre et une seconde de 2,5 mètres.

La deuxième caractéristique est celle du bistatisme. Dans cette optique, deux porteurs distincts disposeront d’une antenne d’émission pour l’un et d’une antenne de réception pour l’autre. Cela devrait notamment permettre d’améliorer la détection à la fois de cibles furtives ou de très petite taille (drones, « remote carrier », missiles, …). Dans le cadre du développement et des essais de cette capacité, la France et la Direction générale de l’armement, avec l’ABE NG (avion banc d’essais de nouvelle génération), un Fokker 100, testeront en vol la plus grande des deux antennes.

Enfin, troisième et dernière caractéristique, c’est celle de la synchronisation. Le démonstrateur de radar sera équipé d’une horloge atomique qui doit permettre « la datation correcte des informations transmises entre les antennes d’émission et de réception » tout en s’affranchissant au maximum du GPS. Cette notion est particulièrement importante aujourd’hui dans un contexte où les forces armées sont de plus en plus confrontées à des dénis d’accès et au brouillage de leurs systèmes GPS par des forces adverses, que ce soit sur les théâtres d’opérations ou même lors d’exercices internationaux majeurs (« Trident Juncture 18 », par exemple).

En France, ce projet réunit THALES DMS (Defense Mission Systems) et la Direction générale de l’armement (DGA) avec de nombreux centres d’expertise et d’essais dont le Service de préparation des systèmes futurs et d’architecture (SPSA), l’Unité de management Avions de missions et de support (UM AMS) ainsi que la DGA Ingénierie des Projets (IP), Essais en vol (EV) et Maîtrise de l’information (MI). De l’autre côté de la frontière, l’Allemagne apporte ses compétences avec l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr (BAAINBw), la société Industrieanlagen-Betriebsgesellschaft mbH (IABG) spécialisée dans l’ingénierie d’analyse et de test ainsi que HENSOLDT, entreprise spécialisée dans l’électronique militaire.

Après cette première rencontre en France, une seconde doit se tenir en Allemagne courant septembre 2019. Elle doit permettre de finaliser les principaux documents de ce projet ASGARD afin de lancer ensuite le développement et les expérimentations de cette nouvelle technologie.

Loïc Lauze
Spécialiste aéronautique France

Ralliement suédois au programme britannique Tempest : l’ouverture du champ des possibles pour les États-Unis ?

Depuis l’annonce du programme Tempest, les avis étaient partagés. Les uns se sont persuadés que les Britanniques cherchaient, par un effet d’annonce, à attirer l’attention de Paris et de Berlin en vue d’intégrer le programme SCAF, tandis que les autres exprimaient leurs inquiétudes à l’égard d’un projet susceptible de diviser, une fois de plus, l’industrie aéronautique européenne. Si le ralliement suédois à Tempest venait a se confirmer, l’hypothèse d’un partenariat américain deviendrait plus crédible, portant un coup dur à la dimension européenne du SCAF.

Bien que n’étant pas encore acté, l’arrivée des Suédois ferait définitivement taire les sceptiques à l’égard du programme Tempest. À la lumière des priorités stratégiques suédoises, cette annonce ferait sens et serait alors en passe d’établir l’effectivité de deux programmes similaires mais distincts en Europe. Ainsi, un affrontement direct entre SCAF et Tempest sur les mêmes segments d’exportation constituerait indéniablement une aberration au sein d’une Europe où il n’y a guère de place pour deux projets aussi semblable : des bi-réacteurs servant de coeurs à des systèmes complexes paraissent trop directement concurrentiels, en dépit de l’accroissement des besoins mondiaux.

Selon Doug Barrie – chercheur associé à l’International Institute for Strategic Studies (IISS) et spécialiste en aérospatial militaire – le seul bénéficiaire de l’existence de ces deux programmes en Europe serait indubitablement les Etats-Unis. Il existe un risque important que Tempest et SCAF divisent le marché, offrant ainsi une opportunité intéressante pour les compagnies américaines de participer à des projets de chasseurs étrangers, d’après Eric Fanning, président et CEO de l’Aerospace Industrie Association (AIA). L’avion de 6e génération, régulièrement évoqué aux Etats-Unis depuis les années 2000, est un enjeu important pour l’industrie américaine.

Bien que paraissant pour le moment peu plausible, il ne faut pas prendre cette hypothèse à la légère. En terme capacitaire, il existe un important dilemme autour de la modernisation du F/A 18 E/F Super Hornet américain. Il est question de proposer une version améliorée et équipée de technologies issues du F-35 afin de surclasser le Rafale et le Typhoon dans les pays non-éligibles à la machine de Lockheed Martin, mais traditionnellement acquéreurs de matériel américain. Pourtant, il n’est pas inenvisageable de penser que le programme Tempest pourrait répondre à cette exigence, dans l’optique de laisser maturer le F-35 et les technologies afférentes à celui-ci afin de constituer une offre plus compétitive que le Rafale et plus endurante qu’un Super Hornet modernisé. Il s’agirait pour le Department of Defense d’anticiper les priorités stratégiques fluctuantes de clients potentiels qui, dans un contexte d’instabilité croissante, pourraient devenir sensibles aux risques de déclassement de leur force aérienne en cas de nouvelles menaces. Le dernier-né de Lockheed Martin pourrait constituer un marche-pied de choix vers le Tempest et préparer la voie à un contournement de la CSP et du FED, qui devraient très probablement rester clôts aux industriels américains.

Enfin, les Britanniques ont déjà vendu des concepts de systèmes d’armes majeurs aux Américains tout en collaborant avec ces derniers pour leur développement, à l’instar du Harrier/AV-8B et du Hawk/T-45 que les Etats-Unis ont par la suite produit en série. Une solide expérience de travail en commun existe d’ores-et-déjà et le statut particulier obtenu par le Royaume-Uni au sein du programme de développement du F-35 ne fait que souligner les affinités industrielles et technologiques existantes entre ces deux Etats. Les Etats-Unis pourraient dès lors être la pièce maîtresse de la viabilité d’un programme onéreux et hautement technologique, car lorsque les Britanniques souhaitent monter en gamme dans leurs systèmes d’armes, ils n’en sont pas capables.

AV8B US NAvy Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Le AV-8B Harrier II développé par les Etats-Unis à la fin des années 1970 est l’évolution d’une version conçue initialement par le Royaume-Uni

Ainsi, tout ceci demeure encore à l’état de supposition et seul l’avenir nous dira si ladite hypothèse se vérifiera, néanmoins on ne peut nier l’existence d’une convergence d’intérêts entre Britanniques, Suédois et Américains : crainte de la menace russe, désir de renforcer les communications stratégiques et la coopération au sein de l’OTAN, volonté de préserver son tissus industriel. À cet égard, le SCAF n’apportent aucune garantie aux Suédois car en verrouillant prématurément le programme tout en s’en arrogeant des pans entiers pour leur propre BITD, les pays membres du SCAF en ont limité la portée européenne, se cantonnant de facto à une vision très restreinte de « l’Europe de la Défense ».

Axel Trinquier – Spécialiste des questions de défense européenne

Livraison des S400 à la Turquie : La Maison Blanche reste sans voix

Pendant plus d’un an, les autorités américaines n’ont cessé de menacer Ankara de représailles de tous genres si la Turquie venait à effectivement acquérir le système S400 de défense anti-aérienne auprés de la Russie. Aujourd’hui, alors que les premières livraisons ont été annoncées depuis 3 jours, et que ce sont déjà 7 avions An124 transportant les systèmes russes qui se sont posés sur les bases aeriennes ottomanes, la présidence américaine américaine n’a toujours pas fait la moindre déclaration à ce sujet.

L’embarra semble à ce point important que la conférence de presse hebdomadaire qui devait se tenir le 12 juillet a été annulée sans préavis par la Maison Blanche, dès que l’information sur la livraison effective des premiers systèmes a été annoncée. La seule déclaration officielle que les journalistes US spécialisés Défense ont pu obtenir est celle de la direction du comité de La Défense et la Sécurité du Sénat, composée d’un sénateur républicain et d’un sénateur démocrate, qui appelle à « des conséquences pour la Turquie », sans plus entrer dans les détails.

En fait, à l’image de l’annulation de dernière minute des frappes américaines sur l’Iran ordonnée par le Président Trump, il est possible que ce dernier touche du doigt les limites de sa méthode de gestion des relations internationales, lorsque l’adversaire n’est plus prêt à céder face aux menaces itératives présidentielles et Il semble que désormais ni Ankara, Pékin ou Moscou, et plus récemment Téhéran, Pyongyang et même Bruxelles, ne sont plus impressionnés par le discours du président américain.

Quoiqu’il en soit, Donald Trump est désormais dans une situation très délicate, ne présentant, pour lui, aucune conclusion favorable. Soit il décide d’appliquer effectivement les sanctions économiques et opérationnelles promises à l’encontre de la Turquie, avec un très grand risque de voir cette dernière se retirer de l’OTAN pour rejoindre l’alliance sino-russe et affaiblissant d’un coup l’ensemble du dispositif défensif de l’alliance en Europe du Sud, au Moyen-orient et en mer Noire ; soit il décide de faire « le dos rond », et verra sa crédibilité sur la scène internationale, comme celle des Etats-unis, très largement compromise, avec le risque de voir les démocrates d’emparer du sujet contre lui au élection présidentielle de 2021. Reste la solution « intermédiaire », à savoir des sanctions limitées contre Ankara, comme par exemple l’exclusion du programme F35. Mais cela ne ferait que reporter de quelques mois le problème, puisque les autorités turques se tourneront probablement rapidement vers Moscou ou Pékin pour acquérir des avions de combat modernes, Su57 ou FC31, avec un tempo bien peu favorable pour les élections présidentielles américaines à venir.

C’est d’ailleurs probablement cette absence de solution satisfaisante qui génère l’assourdissant silence qui règne à Washington. Il faudra bien cependant, tôt ou tard, que le président Trump s’exprime sur le sujet, et désigne une ligne de conduite dans ce dossier, et en assume les conséquences …

Le Commandement des Opérations Spéciales s’intéresse au CH-47 Chinook américain

Selon le dossier de presse du COS fournit à l’occasion du 14 juillet 2019, ce dernier étudierait actuellement l’acquisition d’hélicoptères lourds Boeing CH-47 Chinook afin d’étendre les solutions d’aéromobilité pour ses forces spéciales, que seul un hélicoptère lourd comme le Chinook pourrait fournir.

Le COS dispose d’un régiment d’hélicoptère de combat qui lui est propre, le 4eme Régiment d’hélicoptères des forces spéciales, basé à Pau, formé d’un état-major et de 7 escadrilles et disposant d’un panachage d’hélicoptères légers gazelle, d’hélicoptères de manœuvre Puma, Cougar et Caracal, et d’une escadrille d’hélicoptères de combat tigre. Même si les Puma seront bientôt remplacés par des NH90 spécialement adaptés aux besoins des FS, et les gazelles par des H160M Guépard, le besoin de transport lourd reste non solutionné, si ce n’est par la coopération européenne. En effet, britanniques, néerlandais et espagnols disposent de CH47 Chinook, qu’ils ont a plusieurs reprises déployés en soutien des opérations françaises, notamment au Sahel.

Le 4eme RHFS gazelle tigre cougar caracal Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Le 4eme RHFS dispose d’un parc hétéroclite de machines : Gazelle, Tigre, Cougar et Caracal

Bien qu’entré en service en 1962 dans l’US Army, le CH47 reste une référence en occident dans le domaine des hélicoptères de transport lourds, n’étant concurrencé dans ce domaine que par le CH53 de Sikorsky. Avec une masse maximale au décollage de plus de 22 tonnes, il peut emporter plus de 40 hommes équipés en plus de l’équipage, et les transporter sur de longues distances, très au delà des performances d’un NH90 TTH, deux fois moins lourd, mais également presque deux fois moins cher. Il est aujourd’hui en service dans plus d’une vingtaine de pays, dont 8 membres de l’OTAN, l’appareil ayant été jusqu’ici construit à plus de 1200 exemplaires.

Les Forces Spéciales ne sont pas les seules à souhaiter disposer d’un hélicoptère lourd dans les armées françaises. L’ALAT, pour renforcer et étendre ses moyens d’aéromobilité, et l’Aéronavale, pour augmenter les capacités de projection des Porte-Hélicoptères Amphibies, bénéficieraient grandement d’un tel appareil. Dans les faits, la majorité des armées européennes ont un besoin pour ce type d’appareil, représentant un parc suffisant pour envisager une conception européenne d’un tel hélicoptère. En revanche, pour les FS, l’urgence du besoin imposerait un achat sur étagère de quelques unités aux Etats-Unis.

Vente d’armes américaines à Taïwan : la Chine annonce des sanctions

Faisant suite à l’annonce par Washington de l’autorisation de vente de 108 chars Abrams M1A2 à Taiwan, le directeur adjoint du Département de l’information du Ministère des affaires étrangères de la République populaire de Chine, Geng Shuang, a déclaré que « la Chine imposera des sanctions aux entreprises américaines impliquées dans les ventes d’armes à Taïwan ». La nature des mesures de représailles envisagées n’a pas été précisée, pourtant l’annonce de sanctions contre des entreprises américaines est inhabituelle mais fait naturellement écho aux récentes sanctions américaines contre Huawei, entreprise chinoise.

Dans sa déclaration, Geng Shuang invoque notamment le droit international et les trois communiqués conjoints entre la Chine (RPC) et les États-Unis pour justifier de la supposée illégalité de ces ventes d’armes. Toutefois, ni la Chine, ni les États-Unis, ni même Taïwan n’ont signé et ratifié le Traité sur le commerce des armes (TCA). De plus, dans les trois communiqués conjoints, aucune conclusion définitive n’a été tirée sur la question de la vente d’armes à Taïwan, bien que les États-Unis ont déclaré leur intention de réduire progressivement ces ventes. Un point qui sera clarifié par l’un des principes du « Six Assurances » de John H. Holdridge, ancien Secrétaire d’État adjoint aux affaires de l’Asie de l’Est et du Pacifique : « Nous n’avons pas accepté de fixer une date précise pour la fin des ventes d’armes à Taïwan ».

m1a2 abrams battle tank 02 Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
La commande, autorisée par Washington, de 108 chars de combat américains Abrams M1A2 par Taïwan, ne peut être tolérée par Pékin qui considère l’ile indépendante comme une « affaire intérieure »

Les réactions de la Chine pourrait démontrer une crainte que le rapport de force entre la Chine et Taïwan tende vers l’équilibre dans le cas d’une offensive chinoise, bien que la différence entre le budget militaire chinois (177,6 milliards de dollars en 2019) et taïwanais (10,7 milliards de dollars en 2019) demeure considérable. Les technologies modernes rendent plus difficiles les actions de projection de forces, qui plus est dans le cadre des nouvelles stratégies de déni d’accès favorisant la défense. Ainsi une nation comme Taïwan, avec un soutien matériel suffisant des États-Unis, peut espérer être en mesure de tenir la Chine à distance en rendant les « coûts » humains et matériels d’une intervention bien trop élevés au regard des bénéfices politiques et économiques espérés. Toutefois, la population taïwanaise, elle, semble de moins en moins confiante dans les capacités dissuasives de leurs forces, 65% d’entre eux estimant que les armées taïwanaises ne seraient pas en mesure de faire face à une offensive militaire de Pékin.

Type 055 croiseur Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
La Marine Chinoise dispose déjà de 2 croiseurs Type 055 et au moins 4 unités supplémentaires sont en cours de finition dans les chantiers navals du pays

De plus, la puissance militaire chinoise ne sera à son potentiel maximum en 2050, et Pékin pourrait être tenté d’attendre pour obtenir le meilleur gradient de puissance. Mais cela irait en contradiction avec les engagements de Xi Jinping, qui a fait de la réunification avec Taïwan un objectif stratégique prioritaire de son action politique. De fait, le dilemme actuel réside entre des moyens encore trop limités pour mener une action de front (la Chine n’a que 6 navires d’assaut Type 071 aujourd’hui, mais aura 9 LPD Type 071 et 9 Porte-hélicoptères d’assaut Type 075 en 2030, ainsi qu’au moins 5 PA dont 3 dotés de catapultes, et 12 à 15 croiseurs Type 055), la faiblesse relative de Taïwan et des États-Unis aujourd’hui sur ce secteur, et la volonté de « réaliser son destin » du leader chinois. En outre, l’invasion n’est pas le seul moyen d’action de Pékin pour parvenir à ses fins, comme par exemple un blocus naval et aérien, au prétexte d’empêcher la livraison d’armes sur l’ile. Dans cette hypothèse, Pékin aurait dès à présent les moyens de mener une telle action, bien qu’il serait préférable d’attendre 2025, pour disposer de davantage de croiseurs Type 055, de sous-marins d’attaque Type 039B (parfois identifiés comme Type 041), de sous-marins nucléaires Type 093 et 095, ainsi que de davantage de destroyers, frégates et corvettes modernes .

Clément Guery
Spécialiste des questions de politiques étrangère et de sécurité de la République populaire de Chine.

Le président E.Macron présente la nouvelle doctrine spatiale « offensive » française

A l’occasion de la conférence de presse donnée le 13 juillet en amont du Défilé militaire de la Fête Nationale, le président Macron a détaillé la stratégie spatiale française pour les années à venir. Celle-ci commence par le rattachement du Commandement Interarmées de l’Espace, ou CIE, sous le commandement de l’Armée de l’Air, comme celle-ci l’avait réclamée. Du coup, l’Armée de l’Air devient « l’Armée de l’Air et de l’Espace ». Cette nouvelle architecture ne sera pas sans poser de problèmes, puisque les 3 armées, ainsi que la DRM, avaient des effectifs appartenant au CIE, avec des approches spécifiques.

Le second volet, beaucoup plus interessant, détaillé par le président est le changement de doctrine spatiale pour la France. Plus question désormais de rester spectateur lorsqu’un satellite d’une autre nation viendra menacer ou mener l’action de nos propres unités. La France sera désormais « offensive » dans l’Espace, comme elle l’est depuis peu dans le domaine cyber. Concrètement, cela suppose de developper des systèmes pour être en mesure de contrer, donc de dissuader, un adversaire potentiel spatial. On pense naturellement à la dernière communication de l’ONERA au sujet de ses travaux sur les Laser à optique adaptative, capables de viser un satellite même lorsque la couche nuageuse est épaisse, pour rendre ses optiques inopérants. Il est probable que d’autres solutions, plus radicales, seront également développées maintenant que la France a officiellement adopté une nouvelle doctrine, comme des armes micro-ondes, des attaques cyber, des lasers à haute énergie, et, pourquoi pas, des armes cinétiques (missiles, rail gun). Il reviendra à l’Etat-Major de l’Armée de l’Air et de l’Espace d’apporter les solutions adaptées pour y répondre rapidement.

ONERA Laser Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
l’ONERA a développé des systèmes laser à optique adaptative très adaptés pour la lutte anti-satellite.

Reste à voir comment ces ambitions vont réellement prendre forme, dans la mesure ou la LPM actuelle ne laisse que très peu de marges de manoeuvre pour intégrer de nouveaux postes de dépense. Les industriels français, comme Airbus DS, Thales et Dassault, sont en mesure d’apporter des solutions susceptibles de faire basculer la France dans le club des nations spatiales militaires les plus performantes, encore faut-il financer ces programmes, avec des délais cohérents. En créant le US Space Force, le Pentagone lui attribua également un budget annuel de 500 m$ sur 5 ans. Si la France ne faisait pas de même, avec un budget suffisant et garanti pluriannuellement, ces annonces risquent de se limiter à n’être que cela … des annonces, tout au moins durant l’exécution de la LPM, menant jusqu’en 2025.

Une chose est certaine, cependant; La perception du besoin d’investissements dans La Défense nationale commence, depuis peu, à dépasser le cadre purement de politique intérieure pour rejoindre celui imposé par les bouleversements géopolitiques internationaux. Il était temps …

La Grèce va pouvoir acquérir 7 hélicoptères navals MH-60R de Sikorsky pour 600 m$

La solvabilité de la Grèce ne semble pas être perçue aux Etats-Unis de la même manière qu’en France. En effet, le FMS (Foreign Military Sales) vient d’autoriser la vente à Athènes de 7 hélicoptères navals MH-60R Seahawk avec un grand nombre d’équipements et d’armements, incluant 10 radars APS-i 53, des missiles AGM-114 Hellfire, des canons de sabord GAU-21 et M-2400, plus de 1000 sunoboy (bouées sonars largables), ainsi que des torpilles anti-sous-marines légères Mark54, des moteurs et un ensemble de pièces détachées, pour un montant total de 600 m$. Ces voilures tournantes, destinées à la Marine Hellénique, vont remplacer les Bell 212 de lutte anti-sous-marine en service depuis plus de 30 ans. Cette dernière rationalisera par la même occasion son parc, déjà équipé de S-70.

Les Etats-Unis sont déjà exposés en Grèce avec le contrat portant sur la modernisation de 80 F16 au standard Block70+, pour un montant de 1,6 Md$. Pourtant, cela ne les a pas empêchés d’autoriser cette vente, qui sera probablement abondée d’une manière ou d’une autre par l’Etat Fédéral ou l’OTAN.

En revanche, coté français, les arbitrages concernant une éventuelle vente de 2 Frégates Belh@rra à la Grèce, pour un montant évalué entre 1,2 et 1,3 Md€, semblent toujours bloqués sur des questions de financements et donc de garanties de paiements. La France reste en partie échaudée par les difficultés de paiements qu’elle a rencontré avec Athènes au sujet des mirages 2000 vendus dans les années 90. Mais surtout, les autorités françaises, et notamment le ministère de l’Economie, n’intègrent pas dans leur analyse la production de recettes sociales et fiscales engendrées en France par cette commande, de sorte à compenser en partie l’exposition au risque.

Avec seulement 16 missiles anti aeriens Aster30 la FDI Belharra sera tres vulnerable aux attaques de saturation Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
La Marine Hellénique souhaite acquérir 2 frégates Belh@rra construites par Naval Group auprés de la France

Ainsi, les Belh@rra, contrairement aux Gowind2500, ont une très faible exposition aux importations, de sorte que l’essentiel de leur valeur est effectivement produite en France par la BITD, et par son réseau de sous-traitance. De fait, les 1,2 Md€ que représentent le contrat vont engendrer, pour l’Etat français, plus de 600 m€ de recettes sociales, et plus de 400 m€ de recettes fiscales, dans les 3 ans encadrant l’exécution du contrat. Si l’on venait à ajouter les économies faites sur les prestations chômages, le total des effets sur le budget de l’Etat atteindrait 1,6 Md€. Mais même en ne tenant compte que des recettes sociales et fiscales, l’exposition au risque serait dès lors ramené à seulement 1300-(600+400) = 300 m€ pour l’Etat si celui-ci devait assumer le risque de la transaction, soit 25% de la valeur du contrat, un montant qui peut aisément être couvert par l’acompte demandé à Athènes.

C’est précisément ce raisonnement qu’appliquent les Etats-Unis pour évaluer l’exposition au risque de leurs contrats d’armements, et ce qui leur permet, d’ailleurs, d’accompagner souvent ces contrats d’un abondement faisant baisser le cout final pour le client, tout en faisant apparaitre Washington comme un bon samaritain.

L’interception Maritime du pétrolier iranien « Grace 1 » au regard des lois internationales

L’interception d’un pétrolier « iranien » Grace 1 par les Royal Marines au large de Gibraltar le 04 juillet dernier a généré de nombreuses réactions politiques, comme elle a suscité aussi beaucoup de questions dans le monde du transport maritime et des spécialistes des sanctions internationales. Sous une apparente simplicité – des militaires britanniques saisissent un pétrolier iranien – l’affaire se révèle être d’une grande complexité, à la croisée des chemins entre droit maritime, droit international, sanctions et embargos. 

L’objet de cet article est donc de rassembler les différentes sources ouvertes disponibles afin de clarifier le débat et de proposer une analyse du fond comme de la forme de l’affaire.

Le Navire

Le Grace 1 est un pétrolier de 300 579 tonnes de port en lourd, ce qui le classe dans la catégorie « VLCC » (Very Large Crude Carriers). Cette catégorie de pétroliers ne peut transiter par le canal de Suez qu’en déchargeant préalablement une partie de sa cargaison, ce qui justifie souvent un contournement de l’Afrique. Construit en 1997 en Corée du Sud aux chantiers Hyundai, il porte le numéro IMO 9116412. Il faut rappeler qu’il s’agit d’un numéro unique, qui ne change pas pendant toute la vie du navire (sauf fraude), à la différence du nom, qui peut lui-même changer plusieurs fois. Ainsi, le navire s’est appelé « Overseas Meridian » jusqu’en 2011, puis « Meridian Lion » jusqu’en 2013. Il  était alors sous pavillon des Îles Marshall.

La plupart des informations sont disponibles sur le site « Marine Traffic ». L’armateur est la « Russian Titan Shipping Lines », une compagnie basée à Dubaï (la connexion avec la Russie – en dehors du nom – est à ce stade incertaine mais possible). Il semble que le Grace 1 soit le seul navire de cette « compagnie ». Le navire semble bien transporter du pétrole brut, comme l’indique le Gouvernement de Gibraltar dans un communiqué du 08 juillet.

Le navire avait été annoncé comme « battant pavillon du Panama » lors de son interception, ce qui avait laissé nombre d’experts perplexes, le Royaume Uni n’ayant visiblement pas contacté le Panama préalablement.

Il est apparu depuis que l’Autorité Maritime du Panama (AMP) avait retiré au Grace 1 son pavillon le 24 mai 2019, suite à une « alerte » reçue du gouvernement de Panama qui indiquait que le navire « participait ou était lié au financement du terrorisme ». L’AMP a déclaré avoir agi sur la base de la Convention Internationale contre le Financement du Terrorisme de 1999 et de la loi de transposition panaméenne de 2002.

Un « dépavillonnement » est un acte fréquent en transport maritime. Le retrait du droit de porter le pavillon est un acte important, car le navire doit impérativement « trouver » un autre pavillon. Dans l’intervalle, beaucoup d’experts du droit maritime considèrent qu’il existe une forme de « juridiction universelle » sur les navires sans pavillon : tous les États peuvent exercer leur juridiction, jusqu’à ce qu’un État revendique juridiction sur celui-ci. Ce qu’a donc fait l’Iran, mais après la saisie en mer du Grace 1

La question de la juridiction universelle sur les navires sans pavillon est très débattue et il est également admis qu’elle doit être limitée en fonction de principes généraux de nationalité (on contrôle ses propres ressortissants), de territorialité (on contrôle les navires dans ses eaux territoriales), de protection (on protège les victimes ou l’environnement d’un crime ou d’un accident en cours), ou encore d’universalité (on peut toujours agir, même en dehors du flagrant délit, en cas de piraterie, de génocide, de crime contre l’humanité ou de terrorisme).

La saisie par les Britanniques d’un navire « sans pavillon » s’étant déroulée dans les eaux territoriales de Gibraltar, elle répond donc au principe de respect de territorialité dans l’exercice de la juridiction universelle : l’autorité de Gibraltar s’étend sur tous les navires sans pavillon passant dans ses eaux territoriales.

La saisie

Dans la nuit du 04 juillet 2019, une escouade du 42 Commando des Royal Marines aborde le Grace 1 depuis un hélicoptère AW159 Wildcat, alors que le pétrolier « transitait dans les eaux territoriales de Gibraltar ». Il se situait à moins de trois milles nautiques de la possession britannique, la distance revendiquée par le Royaume Uni au large de Gibraltar.

InterceptGrace1 Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Photo de l’interception, communiquée par le MoD
L’absence de sillage et la verticalité de la fumée indique que le navire était à l’arrêt, comme le suggère le communiqué officiel.

L’opération, et c’est important, a été menée sous la direction de l’autorité de police du port de Gibraltar, les Royal Marines agissant en « soutien » suite à une « demande d’assistance émanant du Gouvernement de Gibraltar ». Très rapidement, l’Iran a réagi en réclamant la « propriété » du navire, ce qui indique qu’il se considère comme étant maintenant l’État du pavillon. La carte indiquant la position et la route du Grace1 au moment de l’interception a été communiquée par le Gouvernement de Gibraltar, qui indique qu’il était entré « de plein gré » dans les eaux territoriales, pour un « rendez-vous (en mer) pré-arrangé » afin de charger des provisions et pièces détachées.

GibralMap Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Carte communiquée par le Gouvernement de Gibraltar. On y voit le Grace 1 au moment de l’interception, dans les eaux territoriales de Gibraltar (matérialisées par un trait brun continu autour de la péninsule).

Le gouvernement de Gibraltar a déclaré avoir agi « en application des sanctions Européennes à l’encontre de la Syrie », car il avait « des raisons sérieuses de soupçonner » que le Grace 1 se dirigeait vers la raffinerie du port de Banyas en Syrie, propriété de la « Banyas Refinery Company », qui est l’objet de sanctions de la part de l’UE (règlement 36/2012 – Annexe II – point M21.56 du 23/07/2014).

Les bases légales de la saisie

Pour comprendre les bases légales invoquées par les britanniques, il faut se pencher sur le statut politique de Gibraltar.

Gibraltar est un « British Overseas Territory ». Un territoire d’outre-mer à statut particulier. Il fait partie de l’Union Européenne, mais pas de l’espace Schengen. Son statut l’exclut de l’union douanière, de la politique commerciale commune, de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche. Il faut noter que la population a voté à 96% pour rester dans l’Union Européenne, bien que son destin soit de suivre celui du Royaume Uni quant au « Brexit ».

Gribraltar jouit d’une large autonomie politique, incarnée par « Her Majesty’s Gibraltar Governement » : si la Reine est le chef de l’État, le territoire dispose d’un parlement et d’un gouvernement autonomes. Le gouverneur qui représente la Reine est responsable devant le gouvernement du Royaume Uni pour la défense du territoire et les sujets de politique internationale et de sécurité, mais le territoire est largement autonome en matière légale et réglementaire et dispose d’un Premier Ministre (Chief Minister), Fabian Picardo.

L’intervention semble s’appuyer sur deux règlements locaux : l’un pris le 28 mars 2019 et l’autre le 03 juillet 2019, moins de 24 heures avant l’abordage.

Le « Sanctions Act 2019 » n°2019-06 du 28 mars 2019 définit l’applicabilité des différentes sanctions internationales à Gibraltar, dont le gouvernement local reconnait ainsi la pleine application des sanctions de l’ONU et de l’Union Européenne[10].

Le règlement « Sanctions Regulations » du 03 juillet 2019 permet quant à lui au Premier Ministre du gouvernement de Gibraltar de désigner et détenir des navires à l’encontre desquels il aurait « des soupçons raisonnables de violation des sanctions de l’Union Européenne ». Le règlement porte d’ailleurs la nomenclature 2019/131, tandis que l’acte désignant le Grace1 est le 2019/132, ce qui suggère fortement un « règlement d’opportunité » (le Grace1 restant le seul navire désigné).

Le règlement permet la détention « administrative » d’un navire désigné pendant 72 heures dans les eaux territoriales de Gibraltar, le temps qu’une cour de justice se prononce sur son statut. La Haute Cour de Gibraltar a prononcé la prolongation de la détention le 05 juillet. La rétention peut durer un total de 90 jours.

La déclaration au Parlement du Premier Ministre reprend l’ensemble des arguments du Gouvernement de Gibraltar pour justifier la légalité de l’acte. Le Premier Ministre a d’ailleurs confirmé qu’une fouille avait été menée et des interrogatoires en cours, le commandant et son second ayant été arrêtés.

Il faut noter que le règlement offre des possibilités de saisie du navire et de sa cargaison très larges : « dans l’intérêt de la justice, de la paix et de la sécurité internationales ou de la loi » (sic). Ce point est capital, car une des raisons majeures qui font que les saisies de navires marchands sont rares est le coût engendré par la détention à quai du navire et de son équipage aux frais de l’État qui procède à la saisie. En la circonstance, la vente de plus de deux millions de barils de pétrole brut seuls pourrait rapporter au Gouvernement de Gibraltar plus de 100 millions de dollars, ce qui couvrirait largement la plupart des frais imaginables.

Ce que disent les sanctions européennes en la circonstance

Le règlement 36/2012 interdit l’importation en UE de produits pétroliers en provenance de Syrie, mais pas le transit vers la Syrie de produits pétroliers. Ce n’est donc pas sur cette base que peut s’appuyer le gouvernement de Gibraltar.

La collaboration avec une entité désignée par les sanctions (la raffinerie de Banyas) semble être la justification invoquée.

Au titre de l’article 14 du règlement 36/2012[1], « tous les fonds et ressources appartenant aux entités désignées par l’UE sont gelés, aucun fonds ni aucune ressource économique ne peut être mis à disposition, directement ou indirectement, des entités destinées et il est interdit de participer en connaissance de cause à une activité ayant pour objet de contourner les mesures de gel et de non fourniture de fonds et de ressources ».

Le raisonnement justifiant l’abordage pourrait ainsi être le suivant :

  • Le Grace 1 apporte du pétrole brut à la raffinerie de Banyas (ce qui reste à prouver – mais des documents ont pu être saisis à bord et des témoignages de l’équipage obtenus).
  • La vente des produits pétroliers issus du raffinage de ce pétrole serait de nature à fournir des ressources à la raffinerie de Banyas,
  • La raffinerie de Banyas appartient à une compagnie désignée sur la liste des entités pour lesquelles les fonds sont gelés sur le territoire de l’UE et toute activité de « contournement » est interdite,
  • Le Grace 1, en pénétrant sur le territoire de l’Union, se rend « coupable » de viol d’une interdiction de contourner les mesures de non fourniture de ressources à une entité désignée,
  • Le Grace 1 ayant été dépavillonné par le Panama et n’ayant aucun pavillon connu, le Gouvernement de Gibraltar a le « droit » d’exercer une juridiction tant qu’il est dans ses eaux territoriales sans en référer à aucun pays, pour, en la circonstance, faire respecter les sanctions de l’UE qui s’appliquent « à bord de tout aéronef ou de tout navire relevant de la juridiction d’un État membre » d’après les Directives relatives à l’application des sanctions de l’UE,
  • En vertu des règlements locaux, le gouvernement de Gibraltar a le droit de retenir le navire sur la base de soupçons, le temps d’une enquête afin de rechercher les preuves éventuelles.

On le voit, le diable est dans les détails et, à aucun moment, le raisonnement n’implique l’Iran, ni le gouvernement du Royaume Uni à Londres…

Au delà de la forme, le fond – éléments de contexte politique international

Il ne fait pas de doute, sur le plan politique, que Londres souhaite participer à la démarche américaine de pression « maximale » sur l’Iran. Mais l’important pour les Britanniques est de le faire en sauvegardant absolument les bases légales et l’intégrité du droit de la mer. Vis-à-vis de la Russie (en mer Noire) et de la Chine (dans le détroit de Taiwan et en mer de Chine du Sud), les pays occidentaux entendent préserver la liberté de navigation et le droit international. Il ne s’agit donc pas de se livrer à ses arraisonnements de pétroliers iraniens sans aucune base légale. Cela relativiserait toute violation russe ou chinoise du droit maritime sur fond de respect du droit à géométrie variable.

Au final, la justification britannique apparait mince, mais néanmoins probante. Elle ne constitue pas une « extension extraterritoriale » des sanctions européennes au Panama ou à l’Iran, puisque le navire était « dépavillonné ». Elle ne constitue pas non plus une opération allant à l’encontre du droit de transit, puisque le Grace 1 était entré volontairement dans les eaux de Gibraltar avec l’intention de s’y ravitailler.

Elle représente bien une action de police de l’État côtier, qui exerce sa juridiction dans ses eaux territoriales et y fait respecter ses lois et règlements. Un point est important à considérer si la justification légale est admise par l’Union Européenne (le Gouvernement de Gibraltar a notifié Bruxelles officiellement) : tous les États de l’Union pourraient (devraient ?) donc faire de même. Or le Grace 1 est forcément passé à un moment ou un autre dans les eaux espagnoles pour traverser le détroit de Gibraltar, comme l’indique cette carte des eaux territoriales :

GibralMapWaters Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire

L’Espagne, qui a accusé (avec un manque de tact patent mais coutumier) le gouvernement de Gibraltar d’agir sous « pression américaine » aurait donc pu, en tout état de cause, se saisir du navire, de même que de tout navire pouvant être soupçonné de violer les sanctions européennes… Il faut noter que Madrid suit l’affaire de près : comme l’Espagne ne reconnait pas les eaux territoriales britanniques autour de Gibraltar, son gouvernement s’apprête à envoyer une protestation à Londres pour « violation des eaux territoriales espagnoles ». Madrid a néanmoins déclaré ne pas s’être opposé à l’intervention qui concernait l’application de sanctions européennes. Un navire espagnol a d’ailleurs « surveillé » l’opération.

Sur le fond de l’affaire, il ne fait aucun doute que c’était bien l’Iran qui était visé et que le gouvernement du Royaume-Uni était « fortement impliquée » : en l’absence de tout lien entre le Grace 1, son armateur et la raffinerie de Banyas en source ouverte, le renseignement ne pouvait guère venir que de Londres ou de Washington. Le calendrier de publication des règlements de Gibraltar suggère également que la saisie était préméditée de longue date, tout comme la présence du 42 Commando, qui est basé dans le Devon et dont on imagine mal qu’il ait été déployé sur la base d’une demande inopinée de l’autorité portuaire de Gibraltar. Enfin, le dépavillonnement par le Panama sur la base d’un signalement pour « financement du terrorisme » dont les détails n’ont pas été communiqués suggère là encore une action anglo-saxonne préméditée.

Londres se désolidarise ainsi « un peu » de la position de l’E3 (France, Allemagne, Royaume Uni) qui entendait jusqu’à présent maintenir l’accord JCPOA sur le nucléaire iranien malgré le retrait américain. Cette saisie, survenant trois jours  après l’annonce du dépassement du stock autorisé d’uranium enrichi par l’Iran, s’inscrit dans une logique d’escalade de tensions symboliques autour de la capacité de l’Iran à exporter un pétrole vital pour la survie de son économie.

Pour mémoire, le 11 juillet la frégate HMS Montrose a du s’intercaler entre le pétrolier British Heritage et des navires soupçonnés d’être iraniens qui menaçaient ce dernier dans le détroit d’Ormuz. La frégate britannique a envoyé un simple avertissement verbal aux assaillants qui ont reculé, ce qui montre aussi qu’une certaine retenue est encore de mise de part et d’autre. Pour faire face à ce type de menaces, la Royal Navy a annoncé le 12 juillet l’envoi d’un second bâtiment sur la zone, le HMS Duncan, un destroyer anti-aérien Type 45 comparable aux frégates de défense anti-aériennes Forbin de la Marine Nationale.

Plus largement, l’affaire relance la question des interceptions maritimes dans le cadre de l’application des résolutions de l’ONU ou des sanctions européennes. Le sujet est sensible, en particulier en lien avec la Corée du Nord qui se livre à de nombreux transbordements de pétrole en mer pour contourner les sanctions. Une piste à explorer donc. Que l’on soit favorable ou non à des pressions accrues sur l’Iran, le sujet est en tous cas passionnant au regard des problématiques de droit maritime ou de sanctions internationales.


Stéphane Audran

La détection par ondelettes, le nouvel axe de la détection anti-sous-marine russe

Selon un article publié par l’Agence Tass, les scientifiques des bureaux d’étude Krylov, ont entamé des travaux visant à étudier et concevoir des outils permettant de détecter des sous-marins ou des mobiles sous-marins par l’analyse des traces ondulatoires laissées par ces derniers. Selon eux, cette approche permettrait de contrer la furtivité croissante des submersibles, et donc de prendre l’avantage sur un adversaire potentiel.

Jusqu’à présent, la détection sous-marine s’effectuait essentiellement par l’utilisation de sonar actif ou passif. Un sonar actif émet une forte onde sonore et en écoute les échos, à l’image de l’écholocation des cétacés, ou des chiroptères. Il s’agit du fameux « Bang » mis en scène dans de nombreux films. L’information de localisation est très précise, mais l’utilisation de cette méthode révèle également la présence et la localisation de l’assaillant, permettant à la cible de faire feu en retour, ou d’engager des manoeuvres évasives. Le sonar passif est, lui, avant tout un hydrophone directionnel de très grande sensibilité, qui permet de détecter et d’isoler le son spécifique d’un bâtiment sous l’eau, comme celui fait par ses hélices, ses moteurs, sa tuyauterie, son équipage. Le sonar passif est très discret, mais beaucoup plus difficile d’emploi. C’est la raison pour laquelle les sonars, au fil du temps, ont été connectés à des ordinateurs de plus en plus puissants, capables d’analyser les sons enregistrés, de les classifier, d’en déterminer la position etc…

Suffren Thales Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Le Suffren dispose d’un arsenal de capteurs et de systèmes sonar lui permettant détecter et localiser les autres bâtiments bien avant d’être lui-même détectable

Pour faire face à ces sonars passifs, de plus en plus performants, les concepteurs de submersibles se sont livrés à une guerre sans merci pour éliminer tous les bruits susceptibles de faire repérer le bâtiment. Ainsi, les ponts et les moteurs ont été placés sur des amortisseurs, la coque des sous-marins recouverte d’un revêtement caoutchouteux dit « anéchoïque », les pales des hélices ont été modifiées, puis carénées , pour en réduire la signature sonore comme les phénomènes de cavitation. A ce titre, la furtivité avait envahit le domaine naval bien avant qu’il ne devienne la marotte des constructeurs aéronautiques. Au final, aujourd’hui, les sous-marins modernes rayonnent moins de bruit que n’en fait un réfrigérateur dans votre cuisine.

Le raisonnement des ingénieurs russes prend tout son sens dans ce contexte. Les ondelettes, ces phénomènes ondulatoires générés par les mobiles immergés, ne sont pas, pour l’heure, au coeur des préoccupations des ingénieurs navals. Dès lors, en développant un système de détection basé sur ce principe, il serait possible de contrer la furtivité acoustique de plus en plus performante des submersibles modernes. En outre, les phénomènes ondulatoires ont des caractéristiques relativement semblables à celles de la propagation du son sous l’eau, elle même phénomène vibratoire. Dès lors, passer d’une analyse de signal acoustique à une analyse de signal vibratoire ne suppose pas de devoir « tout re-développer », mais d’adapter les systèmes de traitement et d’analyses à ce nouvel environnement .

Vague sous marin Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Tous les sous-marins génèrent des ondelettes dans l’océan

D’autres axes de recherche, alternatifs à l’utilisation du sonar, sont en cours dans le Monde. La Chine veut ainsi developper un satellite doté d’un laser à haute puissance pour détecter les sous-marins jusqu’à une profondeur de 500 m, ce qui parait toutefois très exagéré au regard des connaissances actuelles sur le sujet. Les Etats-Unis ont également développé un système de détection de mines navales par laser, et la Darpa étudie aujourd’hui la possibilité d’utiliser des micro-organismes pour détecter les phénomènes ondulatoires, comme les russes donc, générés par un sous-marin, dans une logique de chaine de détection statique, à l’image de la célèbre ligne SOSUS de détecteurs sonars qui permit de détecter et de suivre les mouvement des sous-marins soviétiques dans l’Atlantique nord durant toute la guerre froide. N’oublions pas, enfin, les applications des phénomènes quantiques qui, dans tous les domaines de la détection, risquent de profondément modifier les paradigmes.

Comme depuis la nuit des temps, à chaque bouclier, il apparait sa lance ….

Bientôt des drones de combat furtifs embarqués pour la marine chinoise ?

La Shenyang Aircraft Corporation, un constructeur chinois d’avions de chasse embarqués, serait en capacité de fabriquer des drones aériens de combat (UCAV) furtifs pour de futurs porte-avions.

En effet, cette filiale de la China Aviation Industry Corporation (AVIC) possède une grande expertise dans le domaine de l’aviation en ayant mis au point le premier avion de chasse embarqué chinois, le J-15, mais également d’une manière générale en développant le Shenyang FC-31, avion de chasse de cinquième génération.

La Shenyang Aircraft Corporation est en charge du programme chinois AVIC 601-S, un programme de développement de drones aériens de combat furtifs, en collaboration avec l’AVIC et la Shenyang Aerospace University. Ce programme est déjà à l’origine du Lijian « Sharp Sword », un drone aérien de combat furtif et les nouveaux drones de combat furtifs embarqués pourraient être issus de ce programme de développement.

AVIC Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Vidéo promotionnelle (produite par ordinateur) de la Shenyang Aircraft Corporation montrant un drone aérien de combat furtif embarqué doté d’une aile volante.

Ce nouveau drone pourrait apporter à la marine chinoise de nouvelles opportunités : un expert chinois anonyme relate au Global Times que le futur drone serait capable d’effectuer des missions d’attaques terrestres, de ravitaillements aériens et de collecte de renseignements.

Nous observons depuis quelques années un véritable tournant stratégique de la Chine à travers les efforts réalisés dans la modernisation de son armée mais particulièrement de sa marine et de sa composante aéronavale. Officiellement affichée dans son livre blanc sur sa stratégie militaire, la doctrine maritime chinoise évolue de la « défense des eaux au large des côtes » à une stratégie combinée de défense de ces eaux et de « protection en haute mer ». La Chine, par ce livre blanc, rappelle sa volonté de sécuriser ses intérêts commerciaux s’étendant de la mer Jaune à la mer Rouge, volet maritime des nouvelles routes de la soie, mais se pose également comme garante de la stabilité régionale.

Ainsi, les récentes modernisations et les nombreux programmes chinois montrent que la Chine se donne les moyens de ses ambitions : le programme de développement AVIC 601-S ou encore la récente version embarquée de l’hélicoptère utilitaire Z-20 en sont de parfaits exemples.

Clément Guery
Spécialiste des questions de politiques étrangère et de sécurité de la République populaire de Chine.