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7 raisons qui rendent la construction de l’Europe de la Défense indispensable

Comme abordé dans l’article « Les 7 prémices erronés de la construction de l’Europe de La Défense« , la forme prise aujourd’hui par la construction de l’Europe de la Défense est la conséquence d’une analyse erronée et idéalisée des réalités européennes et mondiales. Il est dès lors aisé de conclure que l’Europe de la Défense est un projet irréaliste, et qu’il convient donc d’y mettre fin. Cela reviendrait à nier le fond sur un problème de forme.

Pour s’en convaincre, encore faut-il présenter une analyse objective et réaliste de la situation sécuritaire européenne, comme des pays qui la composent, et d’évaluer si une réponse globale, européenne, serait en mesure d’y apporter une réponse pertinente et efficace.

1- La résurgence des menaces en Europe et dans le Monde

Le premier paramètre intervenant dans cette analyse, et qui étonnement n’apparait que très peu dans la réflexion européenne actuelle, concerne la profonde modification entamée de la géopolitique européenne et mondiale, transformant rapidement et radicalement les équilibres qui présidèrent à la décision politique pendant prés de 30 années. L’exemple le plus évident concerne, bien évidemment, la Russie qui, malgré des moyens limités, est parvenue en deux décennies seulement à reconstituer une force armée de premier plan, suffisante pour surpasser l’ensemble des forces armées européennes, dans la majorité des domaines. Chaque année, les forces russes reçoivent une centaine chars de combat modernes (T72B3M, T80BVM et T90M) supplémentaires, 400 blindés de tous types, 30 à 45 avions de combat (Su30, Su34, Su35 et Mig35), autant d’hélicoptères (Ka52, Mi28, Mi17..) et plus d’une dizaine de bâtiments navals dont au moins 1 sous-marin. Elle dispose aujourd’hui d’une force blindée 3 fois supérieure à celle présente en Europe (3000 MBT vs 1000), et d’une force aérienne à parité. En outre, le pays a fait preuve d’une impressionnante innovation pratique, de sorte à developper des équipements apportant des avantages tactiques et stratégiques très nets sur les forces de l’OTAN, identifiées par l’Etat-Major russe comme le principal et unique adversaire du pays. L’entrée en service des systèmes de déni d’accès S400 et Bastion, des systèmes d’artillerie à longue portée Tornado-S ou Iskander, et des missiles hypersoniques Kinjal embarqués sur Mig31, ont amené l’OTAN a lancé en urgence des programmes et des modifications doctrinales pour tenter d’y faire face.

kinjal Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Mig31 Russe équipé du missile hypersonique Kinjal d’une portée de 2000 km. Ce missile est en mesure de détruire n’importe quel poste de commandement ou noeud logistique en Europe à l’est d’un méridien Londres-Paris.

Mais la Russie n’est pas, loin s’en faut, l’unique menace visant les pays de l’Union européenne. La Grèce fait face, aujourd’hui, à une Turquie de plus en plus radicale, de plus en plus revendicative concernant les iles de la mer Egée, et de plus en plus puissante militairement, son budget défense étant passé de 7 à 20 Md$ en 15 ans. Les tensions dans les Balkans, que l’on espérait passées, semblent aujourd’hui ressurgir, avec des risques d’embrasement et de contagion régionale.

Au delà des frontières européennes, les tensions extrêmes agitant le moyen-orient, et la réponse qu’y apporteront l’Alliance Sunnite, les Etats-unis ou Israel, sont de nature à modifier les bases économiques mondiales durablement. En Afrique, la présence islamiste terroriste est encore loin d’être éradiquée, faisant peser une menace constante sur l’ensemble des pays de la bande Sahel-saharienne, exacerbée par des luttes tribales intestines, et l’intervention opportuniste d’autres acteurs, comme la Russie, ou la Chine. Enfin, la montée en puissance rapide et massive des forces militaires chinoises, modifient tout aussi rapidement les rapports de force dans le Pacifique et l’océan Indien, menaçant des territoires français (Nouvelle Calédonie, Reunion, Polynésie ..), ainsi que l’équilibre géostratégique mondial.

Les pays européens partagent un destin géopolitique, économique et historique, et face à ces bouleversements en cours, ils partagent la même exposition à ces menaces, même si celles-ci sont mal connues des opinions publiques comme des élites politiques. Si les pays de l’Est et du nord de l’Europe se sentent avant tout menacées par la Russie, un déclenchement des hostilités, même limité, contre un membre de l’UE engagerait l’ensemble de l’Union, et accroitrait les risques d’un embrasement global de l’Europe. Inversement, si la bande sahélo-saharienne venait à tomber aux mains des islamistes radicaux, les conséquences pour la sécurité de nombreux pays européens et nord-africains seraient de nature à faire profondément reculer la construction européenne face au risque terroriste, voir de la faire imploser.

Canon Automoteur CAESAR francais en Irak Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
L’intervention des forces françaises dans la bande sahélienne a un effet sur la sécurité de l’ensemble de l’Union européenne, même si cet effet est mal connu de beaucoup d’européens.

Quoiqu’il en soit, les années et décennies à venir s’annoncent comme très incertaines, et très conflictuelles. L’Europe de La Défense, en créant une unité de destin et de moyen des pays européens du point de vu de La Défense, serait de nature à renforcer la resilience et la capacité dissuasive de chacun de ses membres, profitant de la force du groupe.

2- La possible défaillance de la protection US

La situation sécuritaire européenne n’est, en fait, pas très différente de celle qui prévalait durant la guerre froide, même si l’Europe est aujourd’hui beaucoup plus riche, peuplée et étendue. Mais là ou le théâtre européen représentait la principale préoccupation des Etats-Unis, et l’Union Soviétique, son principal adversaire potentiel, celle-ci est aujourd’hui bouleversée par l’arrivée de la Chine au premier plan des nations militaires mondiales. En 20 ans, la Chine a su transformer son armée d’une force défensive, articulée autour d’un contingent très massif, mais technologiquement très en retard, en une force militaire moderne, technologique, beaucoup plus professionnelle, et toujours alimentée par l’extraordinaire démographie du pays. Hors, aujourd’hui, les Etats-Unis ne sont pas en mesure d’intervenir sur plus d’un front majeur, comme par exemple en Europe face à la Russie, et dans le Pacifique face à la Chine, si le besoin s’en faisait sentir. Il s’agit d’ailleurs d’une problématique qui focalise l’attention au Pentagone depuis plusieurs années. Car rien n’indique que les Etats-Unis seront en mesure dans un avenir plus ou moins proche, de pouvoir combler ce déficit operationnel. Dès lors, si un conflit impliquant les Etats-Unis devait survenir dans le Pacifique face à la Chine, ou même au Moyen-Orient pour peu qu’ils s’y enlisent dans le temps, les moyens que Washington pourraient allouer à La Défense de l’Europe s’en verraient très nettement diminués, avec le risque de créer un effet d’aubaine pour la Russie, ou la Turquie, afin de renforcer leur position sur le continent.

Le porte avions chinois Type 001 Liaoning Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
La puissance navale chinoise augmente très rapidement, au point d’être potentiellement capable de neutraliser l’ensemble de l’US Navy d’ici 2035

Mais la défaillance américaine peut également se présenter sous une autre forme, toute aussi problématique, à savoir l’isolationnisme. Cette pulsion est rémanente dans l’opinion publique américaine, et s’oppose à celle de l’interventionnisme, toute aussi rémanente. Mais à l’occasion d’une crise économique majeure, par exemple, le réflexe isolationniste pourrait refaire surface outre-atlantique, comme ce fut le cas dans les années 30.

De fait, l’Europe de La Défense se doit, d’être en mesure d’assurer La Défense collective du continent de manière autonome, sans le soutien des Etats-Unis, non seulement du point de vu opérationnel, mais du point de vu stratégique, en développant une large autonomie stratégique en matière de technologies et de capacités industrielles de Défense.

3- Les limitations démographiques européennes

A la lecture des deux premières raisons pour la création d’une Europe de La Défense, il est possible de conclure que la France serait en mesure de faire face, seule, aux menaces évoquées. En effet, par son industrie de Défense globale, et grâce à la force de dissuasion dont elle dispose, elle devrait être en mesure de se protéger, voir de protéger certains de voisins, le cas échéant, de toutes formes d’agression. Ce serait négliger un paramètre déterminant dans cette analyse, la structure démographique des pays européens aujourd’hui. En effet, les courbes démographiques de la majorité des pays européens tendent à avoir une base de plus en plus réduite, alors que la longévité des populations s’allonge. Or, dans le domaine militaire, l’âge reste déterminant. En outre, les systèmes sociaux européens requièrent une activité importante des populations jeunes pour financer les retraites de leurs ainés. Dès lors, le volume adressable de personnels éligibles à la mission militaire est aujourd’hui très limité, et ce dans tous les pays européens.

Defile Maistrance Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Les armées peinent de plus en plus à recruter des personnels qualifiés répondant à leurs attentes

Par ailleurs, la technicité du métier des armes augmentant très rapidement, les critères de recrutement dans les armées ont eux aussi subit un durcissement, réduisant encore la population cible potentielle des militaires et réservistes d’un pays. En France, par exemple, il semblerait très difficile de dépasser le nombre de 350.000 militaires d’active et autant de réservistes, pour les raisons indiquées. En Allemagne, pourtant le pays le plus peuplé de l’Union, ce nombre ne pourrait pas dépasser les 250.000 militaires, pour 400 à 500.000 réservistes. Dès lors, aucun pays n’a la possibilité d’assurer simultanément seul la protection de son territoire et de ses intérêts nationaux en missions exterieures. Seule une vision coordonnée de plusieurs pays pourrait atteindre le seuil planché pour assurer une dissuasion et une capacité de projection conforme aux besoins.

4- L’interpénétration économique des nations européennes

Dans ce cas, pourquoi ne pas se satisfaire de l’OTAN, dont le but est précisément de créer une réponse militaire coordonnée pour faire face à une agression contre un ou plusieurs des membres de l’alliance ? C’est évidemment une question légitime, et nombre d’européens préfèrent aujourd’hui s’en remettre à une OTAN existante plutôt qu’à une Europe de La Défense incertaine pour assurer La Défense du continent. Mais cela revient à opposer les deux initiatives, et donc, par transitivité, à limiter la construction de l’Europe de La Défense aux aspects purement industriels, de sorte à préserver les prérogatives de l’alliance. Il s’agit, dès lors, d’une entrave conceptuelle qui explique, en grande partie, la structure tronquée et imparfaite de l’Europe de La Défense aujourd’hui. La question du rôle potentiel de l’OTAN sera abordée ultérieurement, de sorte à ne pas réitérer ce biais en forme de syllogisme.

LEurope de la Defense ne manque pas de symboles mais de materialite. Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
L’Europe de La Défense ne doit pas être pensée en opposition ou en interaction avec l’OTAN, car cela créé un biais conceptuel entravant l’analyse des besoins, et donc des solutions, que peut apporter cette initiative

Car, dans les faits, les pays européens partagent aujourd’hui bien davantage qu’une alliance purement militaire. Ils partagent en grande partie leurs économies, leur relations commerciales exterieures, leurs aspects réglementaires, leurs frontières, et même, pour beaucoup, leurs monnaies. En d’autres termes, les économies européennes sont à ce point intriquées qu’une agression contre l’une d’elle entrainerait des conséquences majeures sur toutes les autres. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler les craintes qu’a fait peser la dette grecque sur la zone euro, alors qu’il ne s’agissait que d’aspects purement monétaires et économiques. En outre, une agression contre un membre de l’Union, non seulement bouleverserait l’economie de toute la zone, mais engendrerait des mouvements de population majeurs, créant des difficultés très importantes pour ses voisins, et leurs voisins. Là encore, rappelons nous ce que firent 1 million de réfugiés Syriens arrivés en Europe en 2 ans, et imaginons 10 millions de baltes déplacés en 2 mois. Enfin, n’oublions pas que les pays de l’UE sont les premiers partenaires commerciaux de ses membres. Une défaillance de la Pologne aurait d’importantes conséquences sur les économies de l’Allemagne et des Pays-Bas, eux mêmes conditionnant les économies belges, françaises et Italiennes, tel un parcours de dominos.

Cette interdépendance économique, politique et sociale, est un catalyseur majeur pour justifier d’une défense commune à l’échelle de l’union, car en protégeant chacun des membres, on se protège soit-même.

5- L’indépendance de décision et d’action sur la scène internationale

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la France a, à plusieurs reprises, eut des positions divergentes, voire antagonistes, avec l’allié américain, que ce soit sur la gestion de la décolonisation (et notamment de l’affaire de Suez), des relations avec l’URSS et la Chine, de la politique africaine et moyen-orientale, ou de la dissuasion. Il n’est donc pas surprenant que le pays soit attaché à son indépendance de décision et d’action sur la scène internationale. Mais tel n’est pas le cas de nombreux pays européens, traditionnellement alignés sur les décisions américaines. Pourtant, plusieurs exemples ces dernières années ont montré que les agendas, et les intérêts américains pouvaient diverger nettement de ceux de ses alliés européens. Et quand un pays a l’outrecuidance de ne pas s’aligner sur la position US, les mesures de rétorsions sont systématiques et parfois même, disproportionnées. Rappelons nous de la campagne « anti-française » lorsque le pays avait refusé de soutenir l’intervention américaine en Irak. Le cas iranien aujourd’hui est tout aussi caractéristique, puisque la majorité des européens est opposée à un recours armé contre Téhéran.

PAN CHarles de gaulle copie Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle, symbole de la volonté du pays de conserver une autonomie de décision et d’action sur la scène internationale

Or, la dépendance instaurée par les Etats-Unis vis-à-vis de leur puissance militaire et technologique est un outil majeur et un formidable moyen de pression contre les européens, n’en déplaise aux plus américanophiles. Ainsi, lorsque l’Union européenne refuse de céder aux revendications US concernant le PESCO, ceux-ci n’hésitent pas à menacer non seulement d’interdir les marchés de défense US aux entreprises européennes (ce qui est déjà le cas pour 90% des programmes US), mais surtout de mettre sous embargo les pièces détachées des systèmes d’armes américains pour les pays européens utilisateurs. Et que dire des menaces de guerre économique contre la Turquie et contre sa monnaie si celle-ci venait à confirmer sa décision d’acquérir les systèmes S400 russes, tout en excluant le pays du programme F35, malgré les 2 Md$ investis par celui-ci.

De fait, si l’Europe, comme les pays qui la constituent, veulent disposer d’une indépendance politique cohérente avec la puissance économique de l’Union, la construction de l’Europe de La Défense, de façon indépendante et globale, est une condition nécessaire, bien que non suffisante.

6- Equilibrer le rapport de force dans l’OTAN

En maintenant une division formelle entre les pays européens au sein de l’OTAN, les Etats-Unis se sont assurés d’une prévalence massive, de part l’écart majeur qui les sépare du pays européen le plus riche et le plus peuplé de l’alliance, l’Allemagne. Il s’agit, ni plus ni moins, de l’application du précepte antique « diviser pour régner », parfaitement employé par l’empire Romain pendant plus de 5 siècles pour maintenir une main mise absolue sur le bassin méditerranéen et européen. Qui plus est, en maintenant ce statu quo, il n’y a aucune possibilité d’apporter le moindre changement dans les rapports de forces qui président aux décisions au sein de l’OTAN. De fait, les décisions stratégiques concernant La Défense de l’ensemble du continent européen sont, depuis 70 ans, soumises aux arbitrages de Washington. Si cela a relativement bien fonctionné sur cette période, du fait d’une opposition idéologique majeure entre les deux superpuissances, rien ne garantit que cela sera le cas dans le futur, surtout si des contraintes connexes venaient à apparaitre, comme par exemple une crise économique mondiale majeure.

Photo devenue culte du president Trump offensif et de la chanciellere allemande desabusee lors du sommet de lOTAN Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Les oppositions entre européens et américains ne sont pas anecdotiques, comme lors de cette conférence du président D.Trump et de la Chancelière allemande A. Merkel, au sujet des investissements de Défense

De fait, le seul moyen cohérent et réaliste, aujourd’hui, qui permettrait aux Européens de reprendre en main les clés de leur défense, repose sur la constitution d’une alliance européenne de Défense, l’Europe de La Défense, et de remplacer la présence morcelée et divisée des états européens dans les instances décisionnaires de l’OTAN, par cette puissance collective comparable à celle des Etats-Unis. Dans le cas contraire, les membres de l’UE resteront dans un statut de vassal de la puissance américaine, sans avoir la possibilité d’arbitrer ensemble leur propre destin.

A noter, d’ailleurs, qu’il n’est pas du tout nécessaire d’opposer Europe de La Défense et OTAN de façon conceptuelle, dès lors que l’on admet le paradigme pré-cité. L’OTAN deviendrait, dés lors, une alliance militaire pour renforcer et coordonner La Défense sur le théâtre Europe-Atlantique Nord- Amérique du Nord entre américains et européens, et non l’organe politique de pilotage de l’action stratégique en Europe.

7- Le besoin de légitimité régalienne de l’Union européenne face à son opinion publique

Nous avons jusqu’ici beaucoup fait état de défense collective et de relations internationales, mais nullement de ce qui fait l’Europe, à savoir, les européens eux-mêmes. Car en effet, l’Europe de La Défense répondrait à une attente profondément ancrée pour beaucoup de citoyens de l’union. Pourquoi ?

La conception occidentale de l’Etat, repose sur la sécurité des citoyens garantit par la Nation. Cette sécurité prend de nombreux aspects, comme la justice, l’économie, l’éducation, la santé … et La Défense. Or, dans le discours des opposants à la construction européenne qui se renforcent au fil des années dans la majorité des pays membres de l’Union européenne, c’est précisément le déséquilibre entre les pouvoirs transmis à Bruxelles, et l’absence de réponse régalienne de cette union, qui transparait, et engendre la tentation d’un retour sur soit pour assurer cette sécurité. En d’autres termes, l’action politique de l’Union européenne est aujourd’hui inaudible à beaucoup d’européens du fait de l’absence de dimension régalienne, et de la légitimité que cela procure pour l’opinion publique.

Parlement europeen Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
L’Europe de La Défense pourrait bien constituer une étape indispensable pour la pérennité de l’Union européenne.

De fait, l’Europe de La Défense pourrait bien représenter une étape clé et indispensable à la construction européenne, et un échec dans ce domaine pourrait bien signer l’échec de l’aventure européenne dans son intégralité. Car plus que l’économie, la politique, l’éducation ou la santé, c’est avant tout La Défense qui créé et définit le périmètre des sociétés humaines.

Conclusion

Nous le voyons, de nombreux éléments objectifs plaident en faveur d’une construction d’une Europe de La Défense ambitieuse et autonome. Cette construction répond aux besoins capacitaires concernant les menaces et aux questions de pilotage politique de la défense collective en Europe. Surtout, elle pourrait représenter une étape clé de la construction européenne, avec des implications pouvant s’étaler sur plusieurs décennies, et même plusieurs siècles. Nous remarquons également, et cela en surprendra surement certains, que les questions industrielles, technologiques, ou des capacités de financement, ne sont nullement centrales dans cette problématique. Et pour cause, ces points sont largement secondaires vis-à-vis des points stratégiques abordés.

Pour les derniers réfractaires à l’idée d’Europe de La Défense, il est possible d’ajouter ce dernier point : Aujourd’hui, l’Union européenne, et la notion d’Europe de La Défense, sont aussi bien la cible de manoeuvres américaines que russes, pour empêcher son avènement. Les premiers se satisfont d’une Europe militairement faible dépendante de leur protection (on appelle cela un protectorat), les seconds cherchent à diviser les pays européens afin de créer un gradient de puissance favorable lui assurant une liberté d’action en Europe de l’Est. Si ces pays voient en l’Europe de La Défense un adversaire menaçant leurs volontés hégémoniques, c’est évidemment qu’elle représente un objectif majeur en faveur de la sécurité, de l’indépendance, et de la protection des intérêts de l’ensemble des européens.

Le troisième, et dernier, article de cette série, présentera un modèle pour la construction de l’Europe de La Défense, cohérent avec les prémices définis aujourd’hui, ainsi qu’avec les réalités politiques et économiques des pays européens, dans un calendrier adapté à l’évolution des menaces dans le monde.

Les 7 prémisses erronées de la construction de l’Europe de La Défense

La construction de l’Europe de La Défense est devenue, depuis quelques années, le fil directeur de la politique de défense française, le pays ne ménageant pas ses efforts pour tenter de créer l’impulsion suffisante pour donner naissance à cette initiative. Cette construction porte plusieurs formes, comme les programmes industriels en coopération, la consolidation européenne des industrie de Défense, et les programmes de Défense de l’Union Européenne.

Si de nombreux arguments ont été présentés pour soutenir cette politique, leur analyse méthodique et objective révèle des faiblesses dans ces justifications pourtant portées au rang de paradigme. Dans cette analyse, nous allons étudier 7 des principaux arguments avancés, au spectre des réalités opérationnelles, politiques et économiques, qui s’appliquent en Europe.

1- « Aucun pays ne peut developper seul les technologies de défense à venir »

Il s’agit là d’un des deux principaux arguments avancés pour justifier la coopération franco-allemande concernant le programme SCAF[efn_note]Système Aérien de Combat du Futur[/efn_note]. Les bons technologiques nécessaires pour developper un programme d’avions de combat de nouvelle génération seraient, selon ce prémisse, hors de portée d’un unique pays. Ce qui est parfaitement faux.

Maquette du SCAF Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Présentation de la maquette de la maquette du nouveau avion de combat du programme SCAF lors du salon du Bourget 2019

En effet, la Base Industrielle et Technologique Française intègre un constructeur aéronautique expérimenté, Dassault Aviation, un des principaux motoristes d’aviation de la planète, SAFRAN, une des principales entreprises en matière de Radar, systèmes de détection et avionique, Thales, et un des principaux missilier, MBDA. Ces 4 entreprises seraient, sans difficulté, en mesure de mener à bien le programme SCAF. Notons d’ailleurs que les partenaires européens du programme, comme Airbus DS et MTU, n’ont jamais conçu en autonomie d’avions de combat, ou de turboréacteurs pour avions de combat. L’argument est à ce point contestable que, dès le lancement du programme, la France n’a eut de cesse que de tenter de privilégier le partage industriel sur la base des compétences, qu’elle sait maitriser, en non sur la base du partage économique, défavorable aux performances finales du programme. Ce qui a été, évidemment, rejeté tant par les entreprises que le gouvernement allemand…

2- « Aucun pays ne peut financer le developpement des systèmes de défense modernes »

Second argument avancé, tant par les programmes SCAF que MGCS[efn_note]Main Ground Control System[/efn_note], le partage des couts de conception, et l’optimisation des couts de fabrication. Le raisonnement est simple, en partageant à plusieurs les couts de developpement, et en cherchant les meilleurs sous-traitants sur des quantités supérieurs, les prix des équipements seront réduits. Une théorie qui, malheureusement, n’a que très rarement été confirmée par la pratique. En effet, une fois passé l’objectif initial, chaque pays aura tôt fait d’imposer des caractéristiques propres qui, au final, finiront par réduire à ce point l’homogénéité du programme que toute notion d’économie aura été effacée. Ainsi, le programme NH90 a plus de 12 versions différentes en fonction des demandes des clients, et une étude portant sur le programme FREMM, a montré que la différence de prix entre le programme FREMM franco-Italien, et un programme FREMM 100% français, aurait été de 15 m€, sur un programme global de 8,5 Md€ pour la France.

FREMM Italie Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Les FREMM Italiennes partagent moins de 15% de composant avec leurs homologues françaises

En outre, ce raisonnement ne prend pas en compte la réalité du retour budgétaire généré par l’industrie de Défense. La doctrine Défense à Valorisation Positive a montré qu’un programme 100% français générait un retour budgétaire supérieur à 1m€ (hors exportations) dans les caisses de l’Etat par million d’euro investis, engendrant la création de 25 emplois annuels par ailleurs. Si le solde budgétaire de l’investissement dans l’industrie de Défense nationale est positif pour l’Etat, répartir ces investissements avec d’autres pays en réduit, mécaniquement, les bénéfices pour les finances publiques, au point de pouvoir passer sous le seuil de rentabilité. Ce point est d’autant plus sensible lorsque le partenaire sur-évalue ses besoins de sorte à bénéficier d’une compensation industrielle supérieure, pour réduire, par la suite, les montants commandés.

3- « Les programmes européens étendent le marché potentiel européen accessible »

Ce prémisse suppose qu’en développant des programmes entre acteurs européens, d’autres pays européens feront valoir leur préférence européenne pour s’équiper, en choisissant cet équipement au détriment d’un équipement importé, notamment des Etats-Unis. Dans les faits, il n’en est rien. Le programme Tornado n’a été choisi par aucun état européen en dehors des participants au programme, et le programme Typhoon n’aura été choisi que par l’Autriche, en quantité très limitée, en dehors des 4 pays membres du consortium Eurofighter. Au final, les résultats enregistrés par ces 2 programmes européens n’auront pas été meilleurs en Europe que ceux du Rafale et mirage 2000 construits par la France, et choisis par la Grèce (m2000). De même, aucune FREMM n’a été vendu à une marine Européenne, pas plus qu’une frégate de défense aérienne Horizon, construites pourtant en coopération avec l’Italie, alors que les sous-marins allemands, sans coopération de conception, ont été choisis par plusieurs pays. Ce prémisse ne repose donc sur aucune réalité constatée, et relève davantage d’un voeux pieu que d’une constatation objective.

Rafale Typhoon Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Rafale comme Typhoon n’ont pas connu de véritable succès dans les armées de l’air européennes

4- « Cela permettra d’être plus fort face aux Etats-Unis »

Cet argument, version moderne du proverbe « L’Union fait la Force », suppose qu’en fédérant plusieurs pays européens autour d’un même programme, et d’un même objectif, il sera possible de faire face à la puissance politique et technologique américaine dans les programmes d’équipements, notamment en Europe. Dans les faits, ce postulat n’a jamais été avéré concernant des programmes majeurs. Ainsi, le F35 s’est imposé en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège (non membre de l’UE), mais également en Pologne, en Roumanie, et en Grèce, sans que le Typhoon, pourtant fédérant 4 pays européens, n’ai pu s’y opposer. De même, l’hélicoptère Tigre réunissant 3 pays européens n’aura jamais réussi à s’imposer en Europe face à l’AH 64 Apache américain. Enfin, le système Patriot PAC-3 aura été préféré au système franco-italien SAMP/T Mamba par la Suède, la Pologne et la Roumanie, et n’aura jamais été choisi, jusqu’ici, par un pays européen, en dépit de performances supérieures au système américain, et d’un prix plus compétitif. Pour faire face aux Etats-Unis, la coopération industrielle européenne ne semble pas être une solution efficace.

F35B et Typhoon RAF Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Le F35 américain s’est imposé en Europe face au Typhoon européen

5- « Cela empêchera les compétitions fratricides à l’exportation »

Il s’agit là probablement de l’argument ayant le plus de matérialité, bien qu’il soit loin d’être absolu. En effet, en fédérant plusieurs acteurs dans un même projet, on réduit théoriquement le nombre de compétiteurs possibles auquel il faudra faire face dans une compétition internationale. Toutefois, ce serait oublier que parfois, un acteur peut avoir des intérêts divergents au sujet d’un marché, même s’il est partenaire du programme présenté. C’est le cas par exemple de la France et de l’Italie, pourtant partenaires sur le marché Naval, qui viennent de signer une très médiatique Joint Venture, et qui pourtant continues de s’affronter violemment en Bulgarie, et ailleurs. Dans un autre domaine, le partenariat avec l’Allemagne concernant divers programmes pose de nombreuses difficultés concernant les arbitrages politiques liés aux exportations. Dès lors, les bénéfices potentiels à l’exportation de la coopération européenne sont loin de neutraliser les risques et dérives liés aux partenariats industriels.

Illustration de la corvette Gowind 2500 de Naval Group acquise par lEgypte et les EAU Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Malgré la création de la Joint-Venture entre Naval Group et Fincantieri, ce dernier a attaqué son partenaire en Bulgarie pour la commande de corvette Gowind 2500

6-  » Il faut être en mesure de faire face aux acteurs émergents, comme la Chine, la Turquie, ou la Corée du Sud.. »

Parfois présentée comme un des objectifs des partenariats industriels de Défense en Europe, l’émergence de nouveaux acteurs sur ce marché impose une compétition accrue sur chaque compétition, et donc des succès potentiels plus ténus. L’hypothèse avancée est que l’action conjointe des pays européens serait de nature à compenser les arguments commerciaux et politiques de ces émergents, de sorte à préserver le volume global du marché adressé. Argument plus que contestable, s’il en est. En effet, un des principaux atouts mise en avant par les pays émergents repose sur le prix des équipements proposés. Ainsi, une frégate Type 054A chinoise est proposée à moins de 160m$, là ou une frégate européenne de même performance ne peut être proposée sous la barre des 500 m$. En outre, ces pays s’embarrassent peu de considérations politiques, et sont, bien souvent, non signataires des traités internationaux sur la régulation des ventes d’armes. Les pays européens, eux, sont tous soumis aux mêmes contraintes économiques, politiques et législatives, de sorte que, dans ce domaine, l’augmentation du nombre d’acteurs n’agit pas comme une force, le périmètre économique et politique de l’offre restant inchangé.

Type 054A fregate Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
La Chine propose la frégate Type 054A à 180 m$ à l’exportation, 3 fois moins cher qu’une FTI Belh@rra de même tonnage et de même puissance de feu

7- « Il faut renforcer l’autonomie stratégique européenne »

La dernière justification avancée pour soutenir le modèle actuel de coopération industrielle européenne de Défense, met en scène son action pour renforcer l’autonomie stratégique européenne, notamment face aux Etats-Unis. Cet argument est le plus contestable de tous, dans la mesure ou cet objectif est loin d’être partagé par l’ensemble des acteurs européens. La notion d’autonomie stratégique est avant tout une notion française héritée du gaullisme, et de la dissuasion, visant à garantir une autonomie de décision et d’action au pays. « Il faut être en mesure de choisir nos guerres, et de les gagner » soutenait le général de Gaulle. Dans les faits, aucun pays européen aujourd’hui, autre que la France, ne cherche à s’émanciper de la bulle protectrice américaine, ce qui, évidemment, explique les très nombreux succès commerciaux qu’ils enregistrent sur le vieux continent. Et pour cause, les Etats-Unis sont aujourd’hui indispensables à l’équilibre des puissances, et donc à la dissuasion à l’échelle du continent, face à la Russie, comme ils sont indispensables en matières de capacité logistique et de renseignement, même à la France, pour les interventions exterieures. De fait, l’Autonomie Stratégique se résume, aujourd’hui, pour les européens, à ne plus dépendre, pour les équipements de défense produits, de la réglementation ITAR américaine, notamment concernant les exportations, les Etats-Unis utilisant celle-ci pour s’assurer de positions plus avantageuses commercialement. Il s’agit donc d’un objectif très relatif et, qui plus est, très peu engageant à moyen ou long terme, pour les pays européens, qui ont tôt faits de changer de position pour revenir se blottir contre l’allié américain à la moindre alerte. Même les récentes déclarations allemandes en matière d’autonomie stratégique n’ont pas amené le pays à privilégier une solution de défense anti-aérienne et anti-missile européenne, au profit d’un partenariat avec Raytheon, ni à envisager la construction d’un hélicoptère super lourd européen, au profit de Sikorsky.

Leonardo Falco Xplorer MALE drone Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Le drone MALE Falco Xperience de l’italien Leonardo présente sa construction ITAR-Free comme une argument commercial

Conclusion

Nous le voyons, les arguments avancés tant par les autorités politiques qu’industrielles, pour justifier des programmes de coopération européenne de Défense, manquent considérablement de matérialité. En outre, ces actions sont bien souvent menées au détriment de la BITD et des savoir-faire industriels nationaux français, pour soutenir une ambition idéalisée française peu partagée au niveau européen. Quand la France parle de coopération industrielle de Défense, le mot clé, pour elle, est le mot « Défense », alors que la majorité de nos partenaires ne s’intéressent qu’au seul mot « industrielle ». Les exemples, malheureusement, de cet idéalisme français exploité par nos partenaires à nos dépends ne manquent pas au fil des années, allant du partenariat DCNS-Navantia au porte-avions franco-britannique.

Est-ce à dire que l’Europe de La Défense est un projet inutile, et néfaste pour la France comme son industrie ?

Au contraire, et le prochain article de cette série apportera les arguments objectifs justifiant de l’impérieuse nécessité qu’il représente , tant du point de vu industriel qu’opérationnel. En revanche, sa forme actuelle, qui résulte d’une analyse défaillante des réalités objectives, est non seulement contre-productive pour l’économie et La Défense française, mais limite les ambitions et les chances de succès du projet lui-même.

A suivre :
Les 7 raisons pour lesquels l’Europe de La Défense est Indispensable
Les 7 clés de la construction d’une Europe de La Défense pérenne, fédératrice et efficace

Clap de fin pour le programme FREMM ASM

A l’occasion de la fin des travaux sur la 6ème FREMM en version lutte anti-sous-marine à l’Arsenal de Lorient, Naval Group a annoncé que la cérémonie marquant le démarrage de la construction des frégates FDI[efn_note]Frégate de Défense et d’Intervention[/enf_note] aura lieu mi-octobre 2019, à l’occasion de la première « découpe de tôle », un moment clé pour un programme naval. A cette même occasion, la ministre des Armées, Florence Parly, a précisé que le radar Sea Fire de Thales, un radar AESA qui équipera les FDI, avait été installé pour évaluation sur le site de test de la DGA.

Il y aurait beaucoup à dire sur le programme FREMM, qui modérerait l’afflux de superlatifs utilisés lors de cette cérémonie, comme sur le programme FDI, qui prend le relais. Initialement, le programme FREMM portait sur 17 unités, 9 en version ASM, et 8 en version AVT (Action vers la terre), dans l’objectif de remplacer non seulement les frégates Type 70 (7 unités) et Type 67 (3 unités) de la Marine Nationale, mais également une partie des 17 avisos escorteurs A69 qui avaient été vendus à la Turquie. Le programme qui n’a d’européen que le nom, puisque les FREMM françaises et Italiennes ne partagent que 15% de composants commun, était alors évalué à 8,5 Md€, avec un rythme de production de 1 nouveau bâtiment tous les 7 mois. Adossé au programme Horizon, qui prévoyait alors 4 frégates anti-aériennes par pays (Italie/france), la Marine Nationale aurait alors, si mené à terme, de 21 frégates de plus de 6000 tonnes chacune, d’une capacité anti-aérienne totale de 592 missiles Aster 15/30, et de 128 missiles de croisières MdCN, auxquelles venaient s’ajouter les 5 Frégates légères furtives de seconde rang.

Avec seulement 16 missiles anti aeriens Aster30 la FDI Belharra sera tres vulnerable aux attaques de saturation Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Les FDI Belh@rra remplaceront 5 FREMM ASM

Rappelons que depuis une quinzaine d’année, la Marine Nationale évalue son besoin en matière de frégates à 24 unités, dont 6 anti-aériennes, pour être en mesure d’assurer ses missions en France et dans le monde. Sans entrer dans le détails des décisions de réduction de format et des reports successifs, aujourd’hui, le programme FREMM se compose de 6 frégates anti-sous-marins avec capacités de frappe à terre, et de 2 frégates anti-aériennes, version « allégée » des 2 Horizons annulées, car n’emportant que 32 missiles Aster contre 48, et disposant d’un radar Herakles modifié, moins performant dans cette mission que celui des Horizons. Le programme aura été étalé sur 15 ans, soit 3 ans de plus qu’initialement prévu, et couté, au final, 8,5 Md€ pour 8 bâtiments, a comparer aux 8,25 Md€ initialement prévus pour 17 navires.

En outre, il fut décidé de remplacer les 5 dernières FREMM ASM (N°7 à 12) par 5 Frégates de Tailles Intermédiaires, un nouveau bâtiment de 4500 tonnes, qui deviendra la FDI. Le contrat global pour l’étude et la construction de ces 5 bâtiments, mais également du radar SeaFire AESA qui l’équipera, atteindra les 3,8 Md€, les livraisons s’étalant de 2022 à 2028. Or, les FDI françaises, si elles disposent d’une architecture numérique modernisée, et d’une capacité ASM sensiblement équivalente à celle des FREMM ASM, n’emportent en revanche que 16 Missiles anti-aériens Aster30, certes servis par un Radar beaucoup plus performant. En outre, pour assurer l’intérim des frégates de 1er rang, dont le Livre Blanc de 2013 a fixé le nombre à 15, 3 Frégates Légères Furtives seront dotées d’un Sonar (mais pas de tubes lance torpilles …), afin de tenter de ne pas s’éloigner de façon trop marquée du format politique établi.

Au final, donc, la modernisation de la Marine Nationale, sera passée de 17 FREMM et 4 Horizon, pour une enveloppe globale de 12 Md€ soit 21 bâtiments pour une jauge de 140.000 tonnes et 800 missiles majeurs (Aster15/30, MdCN, MM40), à 6 FREMM ASM, 2 FREMM anti-aériennes, 5 FDI et 2 Horizon soit 15 bâtiments jaugeant 90.000 tonnes, emportant 530 missiles majeurs, pour 14 Md€, soit une baisse d’efficacité et de potentiel opérationnel de 35%, pour une hausse de 16,5% des couts …

La fregate de defense aerienne Forbin de la Marine Nationale issue du programme franco italien Horizon Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
La Frégate de Défense anti-aérienne Forbin emporte 48 missiles Aster 15/30

En outre, on peut s’interroger sur quel aurait été le succès commercial de la FREMM sur le marché international si celle-ci avait été proposée à 500 m€, soit le prix actuel d’une FDI, au lieu des 700 m€ de la version du programme dégradé.

Cette gabegie budgétaire devrait nous amener à revoir les processus de décision et d’arbitrages de la planification en matière de programme de Défense, en de nombreux aspects, que ce soit concernant la durée de la planification actuelle incompatible, car trop courte, avec la réalité industrielle (obligeant le developpement en urgence d’un nouveau programme FDI pour maintenir la charge des BE de Naval Group et Thales), ainsi que sur les effets des reports et réductions de programme qui, au final, finissent par couter aussi cher que l’application du programme intégral (car sinon, il faudrait alors licencier beaucoup de monde ..), et, enfin, sur l’impartialité et la pertinence de l’arbitrage politique et budgétaire, que l’on sait basé sur des paradigmes économiques erronés.

Les Missiles air-air chinois de nouvelle génération

En 1980, les forces de l’Armée Populaire de Libération, les forces armées chinoises, ne disposaient que de copies de mauvaises qualités de systèmes soviétiques, que ce soit en terme d’avions de combat, d’hélicoptères, de blindés, et de missiles. En matière de missiles air-air, les avions chinois embarquaient des missiles PL-2, copie du missile AA-2 Atoll russe, et PL-5, premier missile de conception entièrement chinoise, à guidage radar.

Lors des années 80, Pékin entrepris de moderniser en profondeur ses forces armées comme son industrie de Défense. S’en suivirent de nombreux contrats visant à acquérir des technologies russes et occidentales, qui donneront naissance au PL-7, copie du missile français Magic 1 de Matra, PL-8, copie du Python 3 israélien, et le PL-10, très inspiré du missile IRIS-T allemand, qui représente aujourd’hui le missile standard pour combat tournoyant de l’APL.

PL 10 et PL 12 equipant un chaqsseur leger J10 Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
PL-10 (premier plan) et PL-12 équipant un J10C chinois

A partir des années 1990, la Chine commença à concevoir ses propres systèmes, mêmes si ceux-ci étaient des versions améliorées de systèmes existants. Ils équipent désormais les avions de combat de l’APL, et ont des performances comparables à celles de leurs homologues occidentaux comme le missile air-air à guidage radar semi-actif PL-11, une version améliorée du missile Aspide italien, lui même dérivé du missile Sparrow Américain.

Le missile PL-12 (2005 – Moyenne portée – radar actif)

Conçus dans les années 90 avec le soutien de la société russe Wympel, le SD10 entra en service en 2005, lorsqu’il prendra la dénomination PL-12. Il s’agit d’un missile à moyenne portée à guidage radar actif, à l’instar de l’AMRAAM américain, ou du Mica français. D’une portée allant de 70 à 100 km, il a connu plusieurs versions pour renforcer les performances de son autodirecteur, et sa résistance au brouillage ainsi qu’aux leurres.

PL 10 sous laile dun JF17 Pakistanais Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
PL-12 sous l’aile d’un JF17 pakistanais

Le missile PL-13 (2013 – Courte portée – radar actif)

Entièrement conçu en Chine, les caractéristiques du PL-13 sont mal connues en occident. Il s’agirait d’un missile air-air à courte et moyenne portée conçu pour le combat tournoyant, doté d’un autodirecteur radar actif offrant une capacité de dépointage de 60° une fois connecté au système de visée à casque du J-20. Il disposerait d’une importante résistance aux leurres thermiques et serait évidemment multi aspect. Selon plusieurs évaluations, il aurait des performances similaires au missile AIM-9X Sidewinder américain.

Le missile PL-14 (inconnue – Longue portée – radar actif)

Si le PL-13 est mal connu, le PL-14 est, lui, particulièrement bien dissimulé par les armées chinoises. Il s’agirait, ni plus ni moins, d’une copie (partielle?) du missile Meteor européen. Comme le Meteor, le PL-14 serait propulsé par un statoréacteur double, conférant au missile une portée très importante, et une vitesse maintenue sur l’ensemble du vol, donc une zone létale très importante. Il semble toutefois que le système de guidage soit entièrement chinois, sans que l’on sache quelles en sont les performances.

PL15 et PL10 sur J20 Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
PL-10 et PL-15 (en soute) équipant un J20

Le missile PL-15 (2016 – Très longue portée – radar actif)

Le missile PL-15 est un missile air-air à très longue portée, dépassant les 300 km, dérivé du PL-12 et du PL-14, dont il partage une partie des systèmes de guidage. En revanche, le PL-15 a des dimensions plus réduites que le PL-12, permettant d’embarquer par 2 dans chacune des soutes du J-20. Ce missile est particulièrement performant pour éliminer les avions de soutien, comme les Awacs ou les avions-ravitailleurs, à l’image du R-37M russe. Il est considéré comme très problématique par l’US Air Force et l’US Navy, qui ont entrepris la conception du missile à longue portée AIM-260 afin de pouvoir disposer de capacités d’engagement similaires. Il peut équiper les avions J10C, J16 et J-20, et a été exporté en Serbie (Mig29) et semble être en mesure d’équiper les JF17 pakistanais.

Le missile PL-21 (inconnue – longue portée – radar actif)

Dernier venu dans la riche famille des missiles air-air de facture chinois, le PL-21 est propulsé par un statoréacteur, guidé par un radar AESA, et pourrait atteindre une portée de 160 km, dans un environnement de guerre électronique intense. Il s’agirait, en ce sens, de l’équivalent réel du Meteor européen, et des dernières versions de l’AIM 120 américain. Il semble toutefois que sa taille importante, rendent son utilisation dans les soutes du J20 difficile. Il a été en revanche remarqué sous les ailes des J-16.

Conclusion

A la vue de ces éléments, on comprend aune la Chine est aujourd’hui en situation de contester l’ascendant technologique qui fut celui des pays occidentaux pendant prés de 40 années en matière de missiles air-air. Il faut également remarquer que les informations concernant les systèmes chinois sont particulièrement parcellaires, contrairement, par exemple, à la Russie. Les missiles sont la majeur partie du temps identifiés lorsqu’ils commencent à équiper les aéronefs de l’APL.

Considérant ce que nous savons, on ne peut ignorer la menace que peut représenter ce que l’on ne sait pas. Il semble dès lors probable que, dans les années à venir, la Chine mettra en service des systèmes de combat air-air aux performances encore supérieures à ceux existants, et donc, potentiellement, supérieurs aux systèmes américains et européens existants. Ceci explique le lancement rapide et confidentiel du programme AIM-260 américain, comme cela devrait inciter les européens à moins d’assurance concernant la supposée supériorité du missile Meteor dans les années à venir.

La Russie répond aux menaces de l’OTAN en entamant la production du Novator

Le ministère de La Défense russe a annoncé pouvoir entamer la production du système de missiles de croisière à courte portée 9M728 Novator, aussi identifié comme Iskander-K, suite à la signature de la commande par Vladimir Poutine lors d’une cérémonie s’étant tenue ce jeudi au Parc des Patriotes de Moscou. Les systèmes Novator 9M728 et 9M729 reposent sur un missile de croisière, dont la portée excède, selon les services de renseignements américains et britanniques, la portée maximum de 500 km exigée par le traité INF. C’est ce système qui entraina le regain de tensions entre Washington et Moscou autour de ce traité, ces derniers assurant que la portée maximale du missile était bien de 480 km, comme les autres systèmes Iskander à trajectoire balistique.

Cette signature, par ailleurs venant du président Poutine lui-même, est donc la réponse donnée par la Russie aux récentes menaces faites par le Secrétaire Général de l’OTAN, J. Stoltenberg, au sujet de l’ultimatum de 6 posé par les Etats-Unis pour maintenir en place le traité INF. La Russie a, par ailleurs, prévenu que le déploiement en Europe de missiles à portée intermédiaire américains, entrainerait une réponse ferme de sa part, un scénario qui n’est pas sans rappeler la crise des Euromissiles en 1983, qui justement fut à l’origine du traité INF.

Lors de la même cérémonie de signature, les armées russes ont commandé un nouveau système blindé autonome de dépôt de mines auprés de la société Tecmash, ainsi que le missile anti-aérien sol-air 48N6-P01, permettant d’éteindre la portée du système S400 à 380 km.

La Russie est, elle aussi, victime d’attaques cyber

On a souvent l’habitude, avec raisons, de pointer la Russie comme la source d’attaques cyber contre des intérêts occidentaux. Il est vrais qu’à de nombreuses reprises, beaucoup d’éléments désignaient ce pays comme étant à l’origine des attaques. Mais les intérêts stratégiques russes sont également la cible de nombreuses attaques cyber. Ainsi, selon Nikolai Murashov, le directeur adjoint du centre national d’identification des incidents informatiques, l’équivalent russe de l’ANSSI, les installations nucléaires et de Défense du pays auraient été la cible d’attaques coordonnées visant à dérober des informations, selon un rapport transmis par le GosSOPKA (government system of identification, warning and elimination of effects of cyberattacks against Russia’s IT resources). Selon lui, l’origine des attaques se trouverait aux Etats-Unis.

Bien qu’il soit impossible d’évaluer la véracité des affirmations de M Murashov, on peut raisonnablement admettre que les occidentaux, Etats-Unis en tête, mènent eux aussi des opérations cyber pour tenter de s’introduire dans les services gouvernementaux russes, chinois ou iraniens. D’ailleurs, le porte-parole du ministère de La Défense russe, le major-général Igor Konashenkov, a déclaré le 25 juin que son ministère avait neutralisé plus de 25.000 attaques cyber depuis 2013, représentant une hausse de 60% durant les 6 dernières années.

Le rapport du GosSOPKA précise également que 38% des attaques identifiées visaient le système bancaire russe, 35% des agences d’Etat, 7% des infrastructures éducatives ou de défense, 4% contre l’industrie spatiale et 3% contre des centres de soin. Là encore, les Etats-Unis sont désignés comme principales sources avec 27% des attaques, suivis de la Chine (10%), les Pays-Bas (4%), la France (4%), et l’Allemagne (3%).

Ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de précautions, d’une part car il est très difficile d’identifier l’origine d’une attaque cyber (raison pour laquelle les accusations sont très difficiles à porter lorsque cela arrive en France), mais également parce qu’ils manquent de cohérence. Le fait de voir l’Allemagne dans ce classement, et pas la Grande-Bretagne, par exemple, laisse naturellement perplexe. En outre, les grands pays de cyber-criminalité, comme la Bulgarie, ou l’Albanie, en sont également absents. Enfin, la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et les Etats-Unis, sont parmi les pays ayant ouvertement mis en cause la Russie pour des attaques cyber. Qu’ils soient identifiés dans cette liste semble davantage relever de la manoeuvre politique que de la réalité technique.

Va-t-on vers un retour des programmes X de l’US Air Force ?

Durant les années 50, 60 et 70, l’US Air Force développa, avec la DARPA, et le group Skunk de Lockheed, un nombre impressionnant de prototypes visant à repousser les limites technologiques et le savoir théorique du pays. Ces programmes permirent à la génération d’appareils allant du F14 au F18 d’apparaitre, et de prendre un ascendant technologique fort sur le camp soviétique. A la fin des années 80, cet avantage technologique était au plus haut, et se révéla déterminant lors de la première guerre du Golfe, et de la campagne aérienne Desert Storm.

Avec la chute du bloc soviétique, le besoin en matière de course technologique disparu, et les Etats-Unis, comme les Européens, se calèrent sur un rythme de progression technologique beaucoup plus long. Là ou le programme F15 fut développé en moins de 5 ans, le programme F22 en prit 10, et le programme F35 15 années. En France, le developpement de la prochaine génération d’appareils de combat, le programme SCAF, est planifié sur une période dépassant les 20 années. Avec l’assurance de disposer de la supériorité aérienne dans tous les contextes, et l’absence de besoin opérationnels marqués, les programmes de recherche, comme d’avions de combat, s’étalèrent dans le temps, au point que désormais, la durée de vie prévisible d’un aéronef de combat excède les 40 ans, alors qu’elle ne dépassait pas 7 à 10 ans dans les années 60.

X36 prototype Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
Le prototype X36 de Boeing

Il semble que cette situation soit désormais révolue, et qu’un retour à un cycle industriel et technologique beaucoup plus court soit nécessaire. C’est en tout cas ce qu’a exprimé Will Roper, le secrétaire adjoint aux acquisitions de l’US Air Force, lors d’un forum se tenant en marge du Salon du Bourget. Selon lui, les Etats-Unis doivent revenir à une planification par tranche de 5 années, de sorte à être en mesure de répondre aux évolutions technologiques constatées ou provoquées. En outre, il considère qu’il est nécessaire de relancer la dynamique des programmes X, de sorte à maintenir ou re-acquerir la suprématie technologique aujourd’hui contestée.

Cette valeur de 5 années n’est pas arbitraire : c’est la durée moyenne séparant 2 programmes d’avions de combat chinois depuis 30 ans. Aujourd’hui, la Chine produit en effet un nouvel appareil tous les 5 ans, et une nouvelle génération tous les 20 ans. C’est ainsi que l’industrie chinoise a été capable de passer, entre 1990 et aujourd’hui, d’une situation technologique marquant 20 années de retard sur les technologies occidentales, à la situation d’équilibre technologique ayant court aujourd’hui. A ce titre, plusieurs témoignages ont indiqué qu’un nouveau prototype d’avion d’attaque avait pris l’air la semaine dernière, respectant une nouvelle fois le rythme des 5 années. Cet appareil est probablement le successeur du JH-7, un avion d’attaque très inspiré du Su24, qui entra en service au début des années 90.

Dès lors qu’un pays, surtout lorsqu’il dispose des moyens de la Chine, s’engage dans une accélération des cycles technologiques de Défense, ce rythme doit s’imposer à tous les acteurs qui souhaitent maintenir une offre crédible dans les années à venir. L’appel de Will Roper n’est pas, à ce titre, sans rappeler celui fait par le GIFAS en 2016, appelant à l’augmentation du budget d’équipements et de recherche des armées à 24 Md€ (10 Md€ aujourd’hui), et à la mise en place d’un programme de developpement de prototype pour constituer les briques technologiques permettant d’accélérer et de fiabiliser les programmes d’avions de combat dans les décennies à venir.

Le Scorpene de Naval Group attaqué (à tort) dans la presse indienne

A l’occasion des tests concernant le second sous-marin de la classe Kalvari, appartenant au programme P75 attribué initialement au consortium franco-espagnol MDL, puis au français DCNS à la suite de la dissolution de la Joint-Venture entre DCNS et Navantia, la presse indienne a, une nouvelle fois, publié des articles à charge sur le programme, sur la base d’informations contestées ultérieurement par le constructeur Naval Group (ex DCNS)

Selon les informations de la presse indienne, la Marine Indienne aurait refusé de valider le Khanderi (nom de bâtiment du second Scorpene), en relevant plus de 35 défauts et non-conformités lors des tests en mer, et notamment une non conformité sur la furtivité acoustique du bâtiment, reportant de plusieurs mois l’entrée en service du bâtiment.

Naval Group a apporté des précisions sur ces points dans les colonnes du site « Naval News« . Selon le constructeur, les informations obtenues par la presse indienne ont été partielles, sorties de leur contexte, et transmise par des sources manquant de crédibilité. Si les tests ont effectivement duré plus longtemps que prévus, les non-conformités constatées, et par ailleurs majoritairement traitées, n’entraveront pas l’entrée en service du navire. D’autre part, un problème concernant l’hélice propulsive avait créé des sources sonores parasites, mais une fois celle-ci remplacée, le Khanderi a pu passer les tests acoustiques de la Marine Indienne, en excédant très nettement les attentes de celle-ci.

Une attaque du même ordre avait mis en cause la discrétion acoustique du Kalvari lors de son déploiement faisant suite à l’affrontement des aviations pakistanaises et indiennes le 28 février. La Marine Pakistanaise a alors déclaré avoir été en mesure de détecter le nouveau sous-marin indien, information immédiatement reprise par la presse indienne, malgré les dénégations de l’Etat-major de la Marine indienne. Le Pakistan s’était déjà livré à ce type d’accusation, n’hésitant pas à faire circuler des videos truquées pour appuyer ses dire.

Deux Rafales B indiens en patrouille Analyses Défense | Europe | Négociations internationales
2 Rafale B des forces aériennes indiennes

Ces attaques n’interviennent cependant pas dans un contexte neutre, pas plus que les accusations portées contre le contrat Rafale l’année dernière, et classée sans suite par manque de « matérialité » par la cour suprême du pays. En effet, dans les deux cas, les industriels français participent à de nouvelles compétitions les opposants à des industriels européens, américains et russes, avec, à la clé, des contrats de très haute valeur, tant financière que stratégique. Or, en Inde, comme en Europe, l’opinion publique joue un rôle déterminant dans l’attribution des contrats d’armement. Altérer l’image d’un industriel, surtout lorsqu’il est déjà positionné dans le pays, comme Naval Group et Dassault Aviation, constitue un moyen efficace pour nuire à ses chances de succès.

Cette approche est d’autant plus efficace que, contrairement aux anglo-saxons ou aux russes, les industriels français ne communiquent traditionnellement que très peu vers l’opinion publique, laissant de fait de grandes libertés à leurs adversaires pour établir une hiérarchie altérée et une narrative largement répandue touchant jusqu’aux élites politiques. Les discours de certains acteurs politiques flamants concernant le Rafale en sont une quelques exemples.

Les F35B britanniques ont effectué leurs premières missions opérationnelles

On ne pourra plus, désormais, se moquer des britanniques à cause de leurs F35B hors de prix et non opérationnels. En effet, le ministère de La Défense a confirmé que des F35B déployés sur la base aérienne britannique de Chypre, et appartenant au 617 Squadron de la Royal Air Force, ont effectué, conjointement avec des Typhoon, des missions opérationnelles au dessus du ciel Syrien. Les appareils déployés auraient effectués 16 sorties depuis le 16 juin 2019.

Pour l’heure, la Grande-Bretagne dispose de 17 F35B, sur la quarantaine d’exemplaires commandés. Les plan de la Royal Air Force concernant l’appareil ne sont pas encore confirmés, allant de 60 à plus de 120 exemplaires. En outre, la RAF n’a pas encore statué sur une commande éventuelle d’une partie des F35 au standard F35A, moins onéreux, mais ne pouvant ni décoller ni atterrir verticalement ou sur piste très courte, ou être mis en oeuvre à partir des 2 porte-avions Queen Elizabeth et Prince of Walles. Il est, en outre, question de remplace une partie des F35 envisagés par des Typhoon, moins onéreux à l’utilisation, et plus performants en matière de combat aérien, rayon d’action et vitesse.

Quand aux britanniques, pas de panique, il reste toujours leurs porte-avions sans avion pour continuer à les titiller (pour l’instant..).

Le russe Almaz développe un laser aéroporté de contre-détection

Depuis les années 70, de nombreux systèmes d’arme ont été développés sur la base d’un guidage laser, offrant une grande précision, notamment contre les cibles mobiles. Si en occident, aujourd’hui, il existe de nombreux programmes reposant sur l’effet thermique d’un rayon laser sur une cible, dans le but de la détruire, d’autres programmes cherchent à utiliser ce rayon pour brouiller les détecteurs et auto-directeurs de ces armes.

C’est le cas notamment d’un programme de la société russe JSC NPO Almaz, de developpement d’un laser de contre-détection aéroporté, et dévoilé dans le rapport annuel de la société. Contrairement aux systèmes d’arme utilisant le laser pour détruire une cible, les systèmes de contre-détection nécessitent une puissance électrique beaucoup plus réduite, permettant une mise en oeuvre rapide des équipements. Dans le cas de ce système, il serait transporté et alimenté par un avion de transport, voir un avion de combat, sans qu’il soit nécessaire de le modifier en profondeur pour fournir la puissance électrique nécessaire.

Toutefois, l’utilisation de cette technologie restera, très probablement, anecdotique, ou en tout cas limité. En effet, la contre-détection laser n’a d’intérêt que face à un adversaire utilisant des systèmes de guidage laser, donc lors d’un engagement de moyenne ou haute intensité. Dans ce cas, il est probable que ce même adversaire disposerait d’armes anti-aériennes, d’autant que la portée effective des lasers de faible puissance est limitée par les conditions météorologiques, et notamment la nébulosité. De fait, cette approche sera certainement limitée à de la nuisance de temps de paix, ou sera utilisé avec grande parcimonie sur le champs de bataille.

Reste que cela représente, une fois encore, une démonstration du pragmatisme des programmes de défense russes, cherchant à prendre un avantage même limité, par des investissements eux aussi limités.