mardi, décembre 2, 2025
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Le Congrès US veut interdire tout équipement importé pour les nouvelles frégates de l’US Navy

Une chose est certaine, il va être beaucoup plus délicat pour Ellen Lord désormais, de tenter de faire valoir l’ouverture du marché américain aux entreprises de Défense Européenne, dans le cadre des tensions entourant le PESCO. En effet, et sans que cela n’ait aucune lien, le Congrès américain, par l’intermédiaire du House Appropriation Committee, a approuvé le financement du programme FFG/X, celui-là même qui doit fournir à l’US Navy dans un délais très court une vingtaine de frégates modernes, uniquement si l’intégralité des équipements constitutifs des bâtiments soit fabriquée aux Etats-Unis.

Or, sur les 4 finalistes retenus par l’US Navy, Lockheed-Martin ayant décidé de renoncer à présenter une frégate sur la base de son LCS, deux offres sont proposées par des entreprises européennes, en partenariat avec des chantiers navals américains. C’est le cas de l’espagnol Navantia, qui propose une frégate basée sur la F110, comme de l’Italien Fincantieri, qui propose une structure issue du programme FREMM. Il semble acquis que les évaluations tarifaires des deux groupes européens, intégraient une certaine forme d’optimisation tarifaire en faisant appel à des composants fabriqués en Europe. Ils risquent donc, s’ils ne parviennent pas à s’adapter rapidement, d’être écartés de la compétition pour non conformité …

Cela montre également, et surtout, que les Etats-Unis, et plus particulièrement les spécialistes de l’investissement de Défense du Congrès, connaissent parfaitement les effets de retour budgétaire concernant ces investissements. L’exigence parlementaire tient davantage, en effet, à l’attention portée au budget fédéral et à la résilience de l’économie US, qu’à une quelconque forme de conservatisme. Et dès lors que l’on comprend le fonctionnement de l’investissement de Défense fédéral aux Etats-Unis, on comprend comment le pays parvient à investir de tels montants, et proposer des aides financières aussi importantes pour accompagner ses offres à l’exportation. A titre d’exemple, pour garantir le contrat de 1,6 Md$ pour le Retrofit des F16 grecs au standard block70, les Etats-Unis ont accompagné la facture d’une aide de plus de 600 m$, sachant pertinemment que les recettes fiscales générées par ce contrat dépasseront largement ce montant.

Il est plus que temps que les Européens, et surtout les français, prennent conscience de l’obsolescence et de l’inefficacité des paradigmes économiques en usage pour la construction du budget de La Défense.

La Norvège teste l’AIM9X Sidewinder pour son systeme NASAMS

Alors que l’Australie vient de signifier le contrat pour l’acquisition de batteries NASAMS dans le cadre du programme LAND, un communiqué de Raytheon, partenaire du norvégien Kronsberg, concepteur du système, annonce avoir mené des tests afin d’y intégrer le missile AIM9X Sidewinder à guidage infrarouge. L’objectif de la démarche, selon le communiqué, est d’étendre les capacités opérationnelles du système, en disposant de missiles à guidage infrarouge Sidewinder et de missiles à guidage radar AIM120 AMRAAM.

En outre, l’utilisation de missiles air-air pour des systèmes sol-air permet de donner une seconde vie aux missiles ayant atteint leur potentiel d’heures de vol. En effet, comme tous les équipements volants, les missiles air-air sont conçus pour pouvoir effectuer un certain nombre d’heures de vol, au delà desquels le missile n’est plus apte à être monté sur un avion. En revanche, moyennant un retrofit economique, il peut être utilisé par des équipements sol/surface-air, les contraintes n’étant pas du tout les mêmes sur les cellules .

Sidewinder Amraam F15 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Missiles AIM9X Sidewinder et AIM120 Amraam sous les ailes d’un F15

On comprend dès lors la multiplication des systèmes basés sur des missiles air-air, comme le MICA-VL, le Sea/Land Ceptor, et donc, le NASAMS. Toutefois, dans ce cadre d’utilisation, les missiles voient leurs performances, notamment en terme de portée, très sensiblement réduites. En effet, ils ne profitent pas de l’énergie cinétique initiale de l’aéronef pour acquérir leur vitesse initiale, et doivent, qui plus est, en général prendre de l’altitude, deux paramètres consommant beaucoup d’énergie, donc réduisant la portée.

A noter que parfois, ce sont des missiles sol-air qui sont transformés en missiles air-air. C’est le cas, par exemple, du Mistral français, qui équipe les hélicoptères de combat Tigre, ou du Stinger américain, pouvant équiper les Apaches.

Nouveau succès pour le systeme anti-aérien NASAMS de Kongsberg

Le Norvégien Kronberg, avec l’israélien Rafael et le suédois Saab, ne cessent de remporter des succès commerciaux dans le domaine des missiles tactiques, au détriment des acteurs acteurs traditionnels de ce secteur, comme la France et la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, c’est en Australie que le groupe Norvégien, associé au géant américain Raytheon, s’impose avec une commande de plus de 170 m€ pour la livraison de systèmes NASAMS de défense anti-aérienne à courte portée, dans le cadre du programme LAND de modernisation des forces terrestres australiennes.

Le NASAMS est un système conçu autour du missile AMRAAM AIM120, et du radar AN/MPQ64 PESA, permettant de fournir une couverture anti-aérienne dans un rayon de 15 à 20 km autour de la batterie. Simple d’utilisation et bon marché, il est déjà en service dans 5 forces armées (Norvège, Finlande, Pays-Bas, Chili, Espagne) ainsi que pour la protection des cibles de haute-valeur et de Washington DC par les Etats-Unis. L’Australie, l’Inde, L’Indonésie, la Lituanie et Oman ont également commandé le système.

Land ceptor de MBDA Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Le Land Ceptor britannique de MBDA

Si la Grande-Bretagne propose désormais le systeme le Land Ceptor, basé sur le missile CAMM(ER) pour succéder au Rapier exporté dans 14 pays (dont l’Australie, Oman et l’Indonésie), la France semble rester bloquée dans le scénario saoudien qui vit s’opposer le Crotale VT4 de Thales et le Mica VL de MBDA, pour n’être, au final, en mesure de ne proposer aucune système avec une vision dans la durée. Les systèmes Crotale équipaient (et équipent encore dans la majorité des cas), les armées de 10 pays, auxquels doivent s’ajouter les utilisateurs du Crotale Naval. Une situation qui n’est pas sans rappeler celles concernant les missiles anti-navires, ou les missiles anti-chars. A force de toujours vouloir tout faire en partenariat européen, peut-être oublie-t-on de valoriser les savoir-faire uniques qui existent encore en France …

Israël aurait envoyé une demande d’autorisation pour 2 KC-46 Pegasus

Le gouvernement israélien aurait envoyé aux autorités américaines une demande d’autorisation d’exportation pour la commande 2 avions ravitailleurs Boeing KC-46 Pegasus, avec une option sur 6 autres appareils. Il s’agirait, si confirmé, d’une déception pour Airbus qui proposait son A330 MRTT à l’Etat Hébreux.

L’armée de l’air israélienne utilise aujourd’hui encore une flotte de 9 Boeing 707 pour les missions de ravitaillement en vol, des appareils datant de plus de 40 ans, épaulés par 4 KC-130 Hercules. La décision de remplacer les 707 a été prise en 2018, alors que le Kheil HaAvir est en pleine phase de modernisation, pour faire face aux enjeux des décennies à venir en matière de puissance aérienne.

Le programme KC-46A Pegasus de Boeing, sélectionné par l’US Air Force pour remplacer ses KC135 après une action en justice du constructeur Boeing ayant annulé les résultats de la compétition qui avait vu l’A330 MRRT d’Airbus l’emporter, a rencontré, et rencontre encore, de nombreux délais et dépassement de budgets. Le constructeur a du intégrer des provisions de plus de 1,3 Md$ pour financer les dépassement d’enveloppe, et les livraisons ont déjà plus de 2 années de retard, alors même que l’US Air Force les a, un nouvelle fois, suspendu, suite à la découverte de débris dans les 6 premiers appareils livrés entre janvier et avril. Cela n’a pas empêché le Japon, et donc visiblement Israel, de se prononcer en faveur de l’avion américain.

Eurofighter lance les études pour les évolutions à moyen terme du Typhoon

A l’occasion du salon du Bourget, le consortium Eurofighter et les groupements associés, fabricant de l’avion européen Typhoon, se sont vus notifier un contrat d’une valeur de 50 m€ pour une étude visant à déterminer quelles sont les pistes d’évolutions de l’appareil, dans les domaines de la communication, le système d’arme et de détection, l’auto-protection et dans la gestion moteur, de sorte à accompagner les performances de l’appareil dans les années à venir, rassemblés sous l’acronyme LTE pour Long Term Evolution. Les études structurelles vont durer 19 mois, alors que celles concernant le moteur EJ200 s’étaleront sur 9 mois.

Les axes retenus par cette étude sont, chose interessante, strictement les mêmes que ceux définis pour le nouveau standard F4 du programme Rafale, montrant, s’il était encore besoin de le faire, à quel point ces deux programmes suivent des trajectoires parallèles.

On ne peut qu’espérer qu’à l’occasion de la nouvelle génération d’avions de combat et systèmes associés, les européens parviendront à entendre qu’il est largement préférable d’étudier et construire ensemble une gamme d’appareils de combat et de drones, plutôt que de construire 3 appareils sur des segments concurrents, allant chercher aux Etats-Unis les technologies manquantes. En effet, si les 5 grands acteurs européens de l’aéronautique militaire, la France, la Grande-Bretagne, L’Allemagne, l’Italie, L’Espagne et la Suède, veulent tous légitiment maintenir leurs BITD propres, il serait bien plus efficace, tant du point de vu technologique, économique et militaire, de répartir les savoir-faire, études et fabrication, sur des appareils traitants de segments différents :

  • un chasseur léger monomoteur sur le segment F16/JAS39/M2000
  • un chasseur moyen sur le segment Rafale/F18/F35
  • un chasseur lourd sur le segment F15/Typhoon

Cette approche a déjà été détaillée dans cet article : https://meta-defense.fr/2018/10/18/pourquoi-le-partage-industriel-autour-du-scaf-est-il-si-complique-et-comment-resoudre-le-probleme/

L’Iran a abattu un drone MALE MQ-4C de l’US Navy

A peine quelques jours après qu’un drone MQ-9 Reaper, qui surveillait le détroit d’Ormuz, ait été visé par ce qui semble être un missile SA-7 modifié, tiré à partir d’une embarcation iranienne, les autorités américaines ont reconnu la destruction d’un drone MALE RQ-4 Global Hawk (et non MQ-4C comme déclaré précédemment) qui effectuait une mission de renseignement dans ce même détroit. Selon la version américaine, l’appareil aurait été détruit dans l’espace aérien international, alors qu’évidemment, selon la version iranienne, il avait pénétré l’espace aérien du pays.

Il s’agit d’une étape supplémentaire dans l’accroissement des tensions entre les deux pays dans zone, celle-ci intervenant alors que le premier ministre iranien vient de préciser que le délais de 60 jours négocié entre l’Iran et les acteurs de l’accord sur le renoncement par le pays à la fabrication d’armes nucléaires ne serait pas prorogé, faisant peser une menace supplémentaire sur la paix de la région. A ce sujet, le chef de la diplomatie française, J.Y Le Drian, disait ce matin que, s’il restait encore du temps pour parvenir à un accord, aucun accord n’était encore en vu avec Téhéran.

Il se joue, dans ce dossier, la même problématique que dans le dossier Nord Coréen, ou, même s’il ne s’agit pas des mêmes conséquences, dans le dossier turcs. Les pressions américaines sont telles que les gouvernements qui en font l’objet n’ont aucune possibilité de trouver une porte de sortie sans altérer leur image forte vis-à-vis de leur population, et donc préserver leur pérennité. Ainsi, il est inconcevable, pour les autorités iraniennes, par ailleurs contestées par la jeunesse du pays, de montrer des signes de faiblesse, même face au Etats-Unis, au risque de se mettre en grave péril. Dès lors, les seules options sont, comme celles qui furent laissées en son temps à S.Hussein, la guerre contre les Etats-Unis ou la guerre civile, voir les deux, comme dans le cas irakien.

En l’absence d’un profond changement d’approche diplomatique américaine, que ce soit vis à vis des « ennemis traditionnels » comme l’Iran ou la Corée du Nord, des grandes puissances comme la Russie et la Chine, ou de ses alliés, comme la Turquie et même l’Union européenne, non seulement le pays risque de s’isoler progressivement sur la scène international, mais les risques de confrontations, voir de confrontation globale, qui ne cessent de croitre, cont finir par se convertir en confrontations militaires réelles. A ce titre, on peut faire un parallèle entre la trajectoire des Etats-Unis ces 100 dernières années, et l’Empire Romain entre le 1er et le 4eme siècle qui, par la pression et l’intransigeance qu’il montra face à ses vassaux comme face à ses adversaires, finit par s’effondrer sur ses propres certitudes.

Une vidéo présentant les tests d’un laser anti-drone de 10 Kw interroge sur l’efficacité de la technologie

Une video de l’américain Raytheon publiée à l’occasion du salon du Bourget 2019 montre les performances d’un système anti-drone utilisant une arme laser de 10Kw contre, entre autre, des drones quadcoptères du commerce d’origine chinoise. La video, qui se veut déterminante, puisque effectivement les drones sont abattus par le système laser, pose davantage de questions qu’elle n’apporte de certitude sur l’efficacité de cette technologie.

La video est accessible ici (étonnement elle ne peut être importée) : https://www.youtube.com/embed/Yumr_OkdHeo?feature=oembed

On remarque, outre les excellentes conditions météorologiques du test, intervenant en milieu semi-désertique, qu’il est nécessaire de suivre et d’engager les drones pendant une durée allant de 5 à 8 secondes pour porter des dégâts suffisants entrainer la perte de la suspension. Or, les drones du commerce ont une vitesse relativement faible, et surtout, ne sont pas structurellement conçus pour résister à un laser. La structure est en général constituée de matières plastiques, très sensibles aux effets thermiques d’un laser, et ayant un point de fusion particulièrement bas, entre 125 et 300° selon les polymères employés. Ce qui n’est pas le cas des missiles et munitions militaires, dronisés ou pas.

Stryker MEHEL 2 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Blindé Stryker MEHEL 2.0 équipé d’un laser de 5 Kw

Dès lors, sachant que la puissance du laser de test était de 10 Kw, on peu raisonnablement s’interroger sur l’efficacité des lasers d’une puissance inférieure à 50 Kw dans un environnement opérationnel, sachant que les cibles seront, alors, plus rapides et plus manoeuvrantes, donc limitant la durée d’exposition possible, et nettement plus résistantes aux effets thermiques du laser, d’autant qu’en dehors des théâtres moyen-orientaux, les conditions météorologiques seront probablement bien moins favorables, et donc la dispersion énergétique du rayon plus importante.

Que dire alors de l’efficacité probable des Stryker MEHEL 2, des blindés américains emportant un laser de 5 Kw, et déployés notamment en Europe, pour, selon l’US Army, être en mesure de traiter les cibles comme les drones…

Les Etats-Unis réitèrent leurs menaces de représailles si le PECSO leur reste fermé

La diplomatie américaine et le Département d’Etat ont, semble-t-il, décidé de faire du salon du Bourget une tribune pour faire fléchir les positions européennes concernant l’attribution des aides industrielles européennes de Défense aux seules entreprises européennes. Et pour cela, ils manient simultanément, une petite carotte, et un gros bâton ..

Rappelons que l’administration américaine considère que le PESCO, et l’IDF, deux des outils européens pour soutenir les efforts de collaboration de l’industrie de Défense des membres de l’Union européenne, devraient être ouverts aux entreprises américaines. Et face à l’intransigeance de la commission européenne, qui, par la voix de la haute-représente pour les affaires étrangères et la sécurité, l’italienne Federica Mogherini, a fait savoir que le PESCO resterait réservé aux projets européens, la diplomatie US n’a pas hésité à faire savoir qu’elle irait jusqu’à user de représailles, et d’interdir aux entreprises européennes de participer aux appels d’offres du Pentagone, si l’UE ne modifiait pas ses positions.

A l’occasion du salon du Bourget, il semble que la menace soit devenue plus précise, puisque, interrogée sur le sujet par un média américain, Ellen Lord, la sous-secrétaire aux acquisitions du Pentagone, a indiqué que les Etats-Unis pourraient aller jusqu’à suspendre les livraisons d’armes et de pièces détachées vers les pays européens, ceci refusant de céder aux exigences de Washington, reprenant en cela les termes de la première mise en garde faite par Michael Murphy la semaine dernière. Parallèlement, la sous-secrétaire d’état, ainsi que le secrétaire au commerce Wilbur Ross, ont entrepris de mener de nombreux entretiens bilatéraux avec les entreprises de Défense européennes, officiellement pour « informer » ces groupes industriels de la position américaine. Rappelons également que les Etats-Unis ont déjà lancé une première offensive effective pour affaiblir la cohésion européenne, au travers du programme ERIP, de soutien au remplacement des équipements datant du Pacte de Varsovie, à destination des pays de l’Est de l’Europe.

Une chose est certaine, l’avenir du PESCO, comme de l’ensemble de l’indépendance politique et sécuritaire de l’Union européenne, va dépendre de sa capacité à résister aux pressions américaines. Dans le cas contraire, l’Union européenne apparaitra comme un géant de papier face aux Etats-Unis, ce qui ne manquera pas d’alimenter les griefs des euro sceptiques. Les pressions américaines actuelles, plus que de simplement menacer le PESCO, pourraient bien, à terme, menacer la légitimité même de l’Union européenne. Une hypothèse qui ne serait pas pour déplaire à la très anti-européenne administration américaine du président Trump …

Les bombardiers russes sont-ils précis ?

Dans une déclaration faite à l’occasion de l’ouverture de la conférence technique annuelle avec les chefs d’état-major des armées, le ministre de La Défense russe, Sergei Choïgou, a déclaré que, désormais, les bombardiers russes étaient en capacité de larguer des bombes lisses avec une « précision de 10 à 15m », soit la précision moyenne des bombes à guidage GPS utilisées dans les armées occidentales, comme la JDAM américaine, ou l’A2SM française (en version GPS). Il a ajouté que cette précision était atteinte à l’aide de nouveaux systèmes de visée, et a été démontrée lors de l’intervention en Syrie.

On peut légitimement s’interroger sur la véracité des déclarations du ministre, notamment lorsque l’on a vu les premières vidéos des bombardements russes en Syrie, qui interpelaient par leur manque de précision. Par ailleurs, cette déclaration vient en contradiction avec d’autres déclarations précédentes, faisant valoir que les forces aériennes russes avaient besoin d’augmenter rapidement leurs capacités en matière de munitions aériennes guidées, missiles et bombes.

Alors, est-ce une nouvelle exagération dont les autorités russes sont coutumières ? La réalité est, comme souvent, un peu plus compliquée.

A l’issue de la première guerre du Golfe, les forces aériennes occidentales effectuèrent un très important basculement vers les armes de précision et les bombes guidées, par laser ou GPS. En effet, durant cette campagne, le manque de précision et les risques pris par les équipages lors des bombardements conventionnels à basse altitude avait été mis en évidence, et comparé aux résultats obtenus par des armes guidées larguées à distance de sécurité, avec des conséquences opérationnelles très marquées. De fait, elles entamèrent un basculement vers une doctrine mêlant armes de précision et distances de sécurité, ce qui donnera naissance aux systèmes que nous connaissons aujourd’hui.

Cockpit Su43 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Cockpit cote-à-cote du bombardier Su34 russe

A cette époque, les forces russes peinaient pour continuer à exister dans la période post-soviétique. Dépourvus de moyen, mais pas de contextes opérationnels, les ingénieurs russes continuèrent à developper des calculateurs de visée pour bombes gravitationnelles, comme alternative à l’absence de munitions guidées, hors de portée financière du ministère de La Défense du pays. Ces travaux aboutirent au système de visée Sh141 qui équipe notamment les bombardiers Su34, qui se révéla être d’une très grande précision, avec un écart circulaire probable de 10 à 15 m, comme annoncé par Sergeï Shouïgou, lors de son discours.

Le Sh141 se compose du radar PESA V004, optimisé pour le mode air-sol, le suivi de terrain, notamment en vol à très basse altitude et très haute vitesse, ainsi pour la détection et l’engagement de cibles au sol; ainsi que d’un système d’acquisition optronique Platan, intégré sous le fuselage entre les entrées d’air, et capable de suivre simultanément deux cibles au sol; et enfin, du calculateur de tir K-030B, qui fusionne les données des deux systèmes, pour les envoyer sur le viseur du pilote. Outre les Su34, des systèmes comparables sont intégrés aux versions modernisées des bombardiers Tu-160 (M2), et du Tu-22M3 (M), permettant à ces deux appareils de larguer des bombes lisses avec une précision accrue.

Gros plan sur le Platan du Su34 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Gros plan sur le système d’acquisition optronique Platan du Su34

Il faut toutefois modérer les chiffres présentés par le ministre russe, car cette précision est atteinte dans un profil de vol particulier, à relativement basse altitude, ne pouvant être utilisé dans toutes les conditions. Si le conflit Syrien permet des vols de ce type, en l’absence d’une défense anti-aérienne performante adverse, ce ne serait pas le cas dès lors que l’adversaire disposerait de systèmes anti-aériens en nombre, obligeant les appareils à évoluer soit à des altitudes beaucoup plus élevées, soit à distance de sécurité, précisément les raisons pour lesquelles les forces aériennes mirent l’accent sur les munitions guidées stand-off.

Quoiqu’il en soit, disposer d’outils permettant une visée très précise avec des bombes lisses, n’est pas sans intérêt, loin s’en faut. L’intérêt économique est évident, lors de conflits de basse et moyenne intensité, une bombe lisse coutant beaucoup moins cher à produire d’une munition guidée. Mais il ne faut pas oublier également l’impact que peut avoir une opération intensive sur les stocks de munitions guidées, comme ce fut le cas pour les Etats-Unis en Irak, ou pour la France au Mali. Dans le cas d’un conflit de haute intensité, si celui-ci venait à de prolonger dans la durée, la capacité à pouvoir et savoir utiliser des munitions non-guidées pourrait s’avérer déterminante, pour soutenir l’effort militaire.

Cette résilience et cette rusticité, dans la conception des équipements comme dans celle des doctrines militaires, ne sont-elles pas, aujourd’hui, les plus grandes forces des armées russes et chinoises, face aux armées occidentales ?

Les industriels appelés à revoir leur copie au sujet de l’Eurodrone

L’Eurodrone est un des programmes clés marquant la volonté des européens d’atteindre une certaine autonomie technologique et stratégique vis-à-vis des Etats-Unis. Alors que le ton monte entre Washington et Bruxelles au sujet du PESCO, les industriels en charge du programme piloté par Airbus DS, ont présenté leur estimation des couts du projet aux 4 états participants, l’Allemagne, l’Italie, la France et l’Espagne.

Visiblement, le tarif proposé n’a pas été du gout des clients, puisque les industriels sont appelés a revoir leurs estimations. En effet, outre le cout direct pour les finances publiques des 4 clients, les gouvernements estiment qu’à ce tarif, les possibilités de contrat sur le marché international sont très limitées, face à la concurrence américaine, israélienne et surtout chinoise, qui s’impose chaque jour davantage dans le domaine des drones MALE sur la scène internationale.

C’est d’autant plus sensible que l’Italien Leonardo vient de présenter, à l’occasion du salon du Bourget, son nouveau drone MALE Falco Xplorer, aux performances interessantes bien qu’inférieures à celles du Reaper américain, et construit sans aucun composant soumis à la réglementation ITAR américaine, et dont le prix est jugé, lui, très compétitif.

Reste que, comme nous l’avons à plusieurs reprises évoqué ici, la notion de prix brut est une notion extrêmement peu efficace en matière de finances publiques. En effet, les équipements conçus et étudiés par l’industrie locale, qui plus est en prenant soin de garantir une totale autonomie stratégique, génère un retour budgétaire dépassant l’investissement de l’Etat, et ce sans tenir compte des possibles exportations. Dès lors, et au delà de la recherche bien légitime du bon équipement au bon prix, la comparaison des simples prix entre des équipements n’ayant pas le même impact industriel, n’a aucun sens du point de vu des finances publiques, même si, temporairement, cela en a du point de vu des dépenses ministérielles.

Dans le cas de l’Eurodrone, la conception retenue, notamment la structure bimoteur, procure un intérêt majeur concernant la securité des vols, surtout en environnement dénué de pistes d’atterrissage d’urgence, comme les espaces désertiques africains, ou le survol maritime. En outre, il permet aux drones de respecter les réglementations internationales en matière de survol des agglomérations, et l’intégration dans le trafic civil, sans avoir à passer par un principe dérogatoire national.

Quoiqu’il en soit, évoquer l’abandon du programme pour des raisons de couts bruts, comme l’a fait la ministre des armées, semble très largement prématuré. Il est désormais indispensable de changer les paradigmes économiques présidant à la décision Défense, si la France, et l’Europe, veulent effectivement atteindre l’autonomie technologique, et donc stratégique.