Selon les estimations, les forces armées russes auraient perdu entre 2 200 et 2 800 chars de combat depuis le début de l’opération militaire spéciale. Ces pertes représentent, peu ou prou, 80 % du nombre de chars opérationnels dans les unités russes avant le début du conflit.
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À l’instar des chars, tous les équipements majeurs engagés en Ukraine ont connu des taux d’attrition très importants, allant de 15 à 20 % pour les matériels volants pilotés (avions de combat, hélicoptères), à plus de 70 % pour les véhicules blindés de première ligne, comme le BMP et le BTR.
Malgré des pertes effroyables, les armées russes conservent un potentiel militaire très important
En dépit de ces pertes qui auraient dû dissuader n’importe quel autre assaillant de mettre fin au conflit, de l’aveu même de l’état-major ukrainien, Moscou semble, aujourd’hui, plus déterminé que jamais à poursuivre son action militaire, sans qu’elles ne viennent entamer le potentiel militaire russe jusqu’à son point de rupture, comme le montre l’échec de la contre-offensive ukrainienne.
Si l’absorption des pertes humaines, toutes aussi importantes que les pertes matérielles, relève de la main mise du Kremlin et de sa propagande sur les esprits, maintenir un potentiel militaire significatif, en dépit de l’attrition des équipements, n’est possible qu’au travers d’un formidable effort industriel, allant bien au-delà des capacités dont l’industrie de défense russe était capable avant le conflit.
Sur les 1 500 chars annoncés livrés par le ministère de la Défense russe, une part importante est constituée de modèles anciens sortis de cocon, et envoyés rapidement vers le front, comme ce T-62
Ce sujet a été à plusieurs reprises abordé sur ce site, dès le mois de janvier 2023. Pour autant, en partie du fait d’une communication ukrainienne très mal dosée, visant à présenter l’imminence d’une victoire totale comme probable pour soutenir l’engagement de l’occident, mais également de l’opinion publique du pays, il n’a été considéré qu’une fois l’échec de la contre-offensive d’été ukrainienne incontournable.
Non seulement était-il alors évident que les armées russes avaient conservé un potentiel opérationnel important, mais soudain, la menace que représente la montée en puissance de la production industrielle militaire russe, devenait un enjeu stratégique, pour convaincre les occidentaux d’accroitre leur aide militaire à Kyiv.
1 500 chars et 2 200 véhicules blindés de combat livrés par l’industrie de défense russe en 2023
Les chiffres annoncés cette semaine par le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, tendent à confirmer la réalité de cette menace, pour l’Ukraine, et au-delà, pour l’Europe. Dans un document de synthèse concernant la production industrielle russe militaire pour 2023, cité par l’Agence Tass, le ministère de la Défense annonce, en effet, avoir reçu pas moins de 1 500 chars de combat, soit au moins autant qu’il n’en a perdu sur l’année, probablement davantage.
Ce même document relate la livraison de 2 200 véhicules de combat blindés, de 1 400 systèmes d’artillerie et lance-roquettes, ainsi que de 12 000 véhicules, dont 1 400 blindés sur l’année. Pas moins de 22 000 drones de différents types auraient aussi été livrés sur cette seule année.
La production de nouveaux chars de combat par l’usine Uralvagonzavod, atteint probablement aujourd’hui la trentaine d’unités par mois. Ce nombre pourrait croitre dans les mois à venir, si effectivement, la production de nouvelles turbines permettait la reprise de la production de T-80.
Bien évidemment, il convient de mettre en perspective ces chiffres. Ainsi, sur les 1 500 chars indiqués livrés, une grande partie, probablement 60 à 70 %, sont des modèles anciens, gardés en réserve dans des conditions souvent mauvaises, rapidement remis en état et encore plus sommairement modernisés pour rejoindre le front.
C’est ainsi que le nombre de T-72A, de T-64M et même de T-55, identifiés comme détruits ou endommagés cette année, a considérablement cru, signalant une augmentation importante de leur présence relative sur le front.
La Production industrielle militaire russe atteint des niveaux historiques
Toutefois, il faut aussi remarquer que ces mêmes pertes documentées de modèles récents, T-90M, T-80BV et T-72B3 en version modernisée 2022 ont, elles aussi, explosé en 2023, ce qui confirme qu’aux côtés de la remise en état d’anciens modèles, les armées russes reçoivent aussi un nombre significatif de chars modernes et livrés neufs. De fait, le nombre avancé de vingt à trente chars modernes neufs, produits chaque mois par l’usine Uralvagonzavod, s’avère bien cohérent avec l’ensemble des données disponibles.
Bien évidemment, les armées russes continuent de perdre un grand nombre de blindés au combat, y compris ces chars modernes, souvent à l’occasion d’offensives absurdes menées en parfaite application de la doctrine soviétique, bien peu regardante sur la préservation de ses moyens. Ainsi, aujourd’hui, on peut admettre que si le format global des forces blindées russes ne parvient pas à croitre, il a, en revanche, cesser de baisser.
Les forces armées russes disposent aujourd’hui d’un soutien industriel leur permettant de ne plus éroder leur potentiel militaire en Ukraine.
Difficile, à l’inverse, d’espérer qu’il en soit de même pour les armées ukrainiennes, alors que les stocks de blindés européens commencent à s’étioler, et qu’aucune capacité industrielle, en miroir de celles mises en œuvre par la Russie, n’a été lancée en occident, pour dissuader Moscou de jouer le temps long dans ce conflit.
La situation pourrait d’ailleurs s’aggraver dans les mois à venir, alors que certaines informations se faisaient l’écho de la possible reprise de la production de turbines pour le T-80BV, afin de compenser les seuils atteints dans la production des moteurs diesels qui propulsent les T-72 et T-90. Si le cas se révélait exact, la trentaine de chars modernes produits chaque mois par l’industrie russe, pourrait croitre pour dépasser les 40, voire les 50 exemplaires par mois.
Des perspectives préoccupantes à court terme pour la défense de l’Ukraine, et à moyen terme, de l’Europe
S’il en va de même des autres véhicules, et sachant que la production aéronautique russe ne semble que peu souffrir des contraintes imposées par le conflit, les armées russes pourraient rapidement se doter d’un rapport de force qu’il sera très difficile de contenir par les forces ukrainiennes dans un premier temps, mais aussi, rapidement, par les forces de l’OTAN stationnées en Europe.
Car si les Challenger 2 et Leopard 2 européens se montrent effectivement plus performants et résistants au combat que leurs homologues russes, comme c’est aussi le cas de véhicules de combat d’infanterie Bradley, Marder ou CV90, le rapport de force, en termes de nombre, sera à ce point déséquilibré, que l’avantage technologique ne sera plus un paramètre sur lequel construire une doctrine militaire défensive efficace.
Les chars occidentaux, comme le Leopard 2, se montrent effectivement plus performants et résistants au combat en Ukraine, que les modèles russes, sans toutefois venir compenser un important écart numérique des forces engagées.
Face à de tels chiffres, qu’il convient cependant de consolider, il est dorénavant probablement temps, pour les armées européennes comme pour les alliés de l’Ukraine, de prendre la mesure de cette évolution qui semble aussi incontrôlable que dangereuse, sur un calendrier particulièrement court.
Et de cesser de vouloir se persuader qu’un Leclerc, ou un Leopard 2, vaut une dizaine de chars russes, du fait d’une technologie supérieure, d’une meilleure doctrine et d’un entrainement plus poussé des équipages. Les armées russes de 2024 ne sont pas les armées irakiennes de 1991, et le régime de Vladimir Poutine n’est pas celui de Saddam Hussein
Au début de l’année 2023, le diffuseur Amazon Prime publiait un véritable OVNI télévisuel, la série française « Coeurs noirs ». Au travers de six épisodes aussi haletants que crédibles, la série raconte la traque d’un groupe terroriste d’extraction française en Irak, par les forces spéciales françaises.
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Rompant avec tous les classiques du genre de la réalisation française traditionnelle lorsqu’elle se penche sur le sujet des armées, Cœurs Noirs n’est ni porté sur l’introspection, ni sur les huis clos, encore moins sur la difficile relation entre les militaires déployés et les familles, même si tous ces sujets y figurent.
Au contraire, celle-ci s’appuie sur une narration dynamique insufflée par les scénaristes du Bureau des légendes, une réalisation efficace et un jeu d’acteurs remarquables, et particulièrement crédibles, y compris dans les scènes d’engagements.
« Coeurs noirs » devient la série préférée des lecteurs d’AlloCiné sur Amazon Prime en 2023
Mais la plus grande surprise, concernant Cœurs noirs, n’aura ni été son scénario, ni sa réalisation, ni même ses acteurs justes. La surprise est venue du succès que la série a rencontrée sur la plateforme de streaming, en France tout au moins.
Malgré la présence de plusieurs blockbusters américains, celle-ci est parvenue à se maintenir plusieurs semaines dans le trio de têtes des films et séries diffusés, et est restée dans le TOP 10 d’Amazon Prime France pendant une dizaine de semaines.
Servie par un jeu d’acteurs convaincant, la série Cœurs noirs s’est imposée comme la série préférée sur Amazon Prime en 2023 pour les lecteurs du site AlloCiné
Ce succès, parfaitement mérité, va pouvoir faire évoluer la perception profondément ancrée dans l’écosystème de la production cinématographique et audiovisuelle française, qui a toujours traité avec un certain dédain les thèmes liés aux armées, au point que l’icône historique nationale a dû être traitée par un réalisateur américain dans un film plutôt contestable.
Les échecs des productions défense françaises ces dernières années
Il est vrai que certaines expériences passées se sont montrées décevantes, comme le sous-estimé « Les Chevaliers du Ciel » de Gérard Pires, étrillé par la critique et boudé par le public, ou le très dispensable « Le chant du loup« , mieux accueillis par la critique, mais dont les 12 m$ de recettes n’auront pas compensé les 20 m$ qu’aura couté le film.
À l’inverse, Cœurs Noirs a montré la voie à suivre pour rencontrer son public, avec une histoire réaliste et parfaitement ancrée dans l’actualité récente, ou dans la perception publique, servie par une réalisation dynamique et des acteurs crédibles, tout ce que l’on ne trouvait, ni dans « Les chevaliers du ciel », et encore moins dans « le chant du loup ».
Un potentiel historique et narratif inexploité par les armées et la production audiovisuelle française
Il faut dire que les armées ne manquent pas d’histoires à raconter, pour peu que l’on accepte de se défaire des possibles implications politiques d’un contexte historique, pour se concentrer sur l’action menée par les militaires, mais également les civils engagés dans ces opérations qui ont jalonné leur parcours, y compris récent.
Top Gun Maverick est l’un des grands succès au box office de 2022, avec presque 1,5 Md$ de recettes au box office, pour un film qui aura couté moins de 180 m$.
Reste à voir si le ministère des Armées, et les services en charge de la production audiovisuelle, sauront capitaliser sur l’éclatant succès de Cœurs noirs, pour engager de nouvelles productions destinées aussi bien à divertir qu’à consolider le roman national.
Dans ce domaine, américains, russes et chinois savent, depuis longtemps, trouver l’équilibre idéal pour y parvenir, sans tomber dans la propagande évidente, mais en obtenant des résultats souvent probants.
Entre une nouvelle LPM 2024-2030, des avances technologiques majeures, et la profonde évolution du périmètre opérationnel de ses armées, l’année 2023 aura été marquée par d’importantes transformations pour les armées françaises, et l’industrie de défense du pays. Pour autant, les mutations entamées cette année ne répondent qu’à une partie des enjeux géopolitiques et sécuritaires qui se dessinent, faisant de 2023 une année de transition notable, mais partielle, pour l’outil de défense français.
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Une nouvelle Loi de Programmation Militaire LPM 2024-2030 vers la haute intensité
Au-delà de ses aspects budgétaires, la nouvelle LPM confirme une évolution lente, mais sensible, des armées françaises pour s’adapter aux nouvelles menaces ainsi qu’au risque de combat de haute intensité face à un adversaire symétrique.
La Loi de Programmation Militaire 2024-2030 a sécurisé le développement du PANG qui remplacera le PAN Charles de Gaulle à partir de 2038.
C’est ainsi que plusieurs programmes clés ont été gravés dans le marbre, comme le nouveau porte-avions nucléaire de nouvelle génération qui doit prendre le relais du PAN Charles de Gaulle en 2038, ou le standard Rafale F5, véritable reboot du chasseur bimoteur français, traité dans le point suivant.
Mais la LPM aura surtout permis d’apporter des premiers éléments de réponse à des attentes fortes de la part des armées, avec l’arrivée annoncée d’un système de protection hard-kill, le système Diamant, pour protéger les blindés de l’Armée de terre, et le retour de capacités de suppression des défenses antiaérienne pour les forces aériennes. Les révolutions des drones, du combat infocentré et de l’intelligence artificielle, figurent aussi en bonne place dans les priorités de cette LPM.
Celle-ci entend également apporter une première réponse à la question des effectifs, et à la question de la masse mise en évidence par la guerre en Ukraine et ses pertes effroyables. Pour cela, la LPM 2024-2030 prévoit le recrutement de plus de 40 000 réservistes supplémentaires, au-delà des 40 000 réservistes opérationnels actuellement sous contrat.
Mais le point le plus marquant de cette LPM, quoique souvent ignoré, aura été l’extrême vitalité du débat parlementaire qui l’aura entourée, ayant permis de considérablement l’améliorer et l’enrichir.
Le débat entre le ministère des Armées et les parlementaires autour de la LPM 2024-2030 aura permis des avancées notables, et devrait inviter à accroitre le rôle du Parlement dans cet exercice.
Après une décevante Revue Stratégique 2023, rédigée comme il se doit de manière très opaque, le débat parlementaire pour le vote de cette LPM, aura en revanche été exemplaire, les députés et sénateurs, de la majorité présidentielle comme d’une grande partie de l’opposition, ayant apporté des amendements performants, dans un dialogue constructif avec un ministère des Armées tout aussi impliqué.
Au final, le texte aura su grandement évoluer à l’occasion de ce débat parlementaire, afin de proposer une loi optimisée au regard des moyens consentis, dans un exercice de consensus majoritaire rare au sein de la 5ᵉ République, qui appelle probablement à revoir en profondeur le rôle du Parlement dans la programmation militaire, plutôt que d’en faire un simple fait du Prince, tel qu’il a été voulu par la constitution.
Bien sûr, cette situation a été induite par l’absence de majorité législative. Mais, force est de constater que la LPM est l’un des rares textes passé ces derniers mois sans renoncement ni recours au 49.3.
Le développement du Rafale F5 et d’un drone de combat dérivé du Neuron
L’évolution du standard F5 du Rafale aura été l’un des faits les plus marquants de cette LPM 2024-2030 et des discussions l’ayant entourée. Initialement, celui-ci devait constituer une évolution itérative, comme les standard F3R et F4.x, pour doter l’appareil de nouvelles capacités, notamment pour garantir l’efficacité de la mission des forces aériennes stratégiques.
Les enseignements de la guerre en Ukraine, et le retour de la menace symétrique, en Europe et ailleurs, ont amené le ministère des Armées à profondément revoir les ambitions du programme. Au final, le Rafale F5 sera un véritable reboot de l’avion de combat français, tels que sont les Super Hornet et le Gripen E/F au regard des Hornet et Gripen C/D qu’ils remplacent.
L’annonce du développement du Rafale F5 et d’un drone de combat dérivé du Neuron dans le cadre de la LPM 2024-2030 aura été l’un des événements majeurs en matière de défense en France.
Doté d’un nouveau radar, de nouvelles munitions, mais surtout d’un système d’information et de communication entièrement renouvelé et recâblé en fibre optique pour transporter les importants flots d’informations numériques générés par ses senseurs, le Rafale F5 aura de fait un pied fermement ancré dans la 5ᵉ génération d’avions de combat.
Cette évolution se caractérise par l’ajout de nouveaux appendices opérationnels au Rafale, avec notamment le développement d’un drone de combat lourd furtif dérivé du Neuron, pour étendre le potentiel opérationnel de l’appareil, et le mettre sur un pied d’égalité avec l’archétype de la 5ᵉ génération, le F-35 américain.
De manière aussi surprenante que bienvenue, alors que le programme Rafale F5 s’est vu profondément modifié, son calendrier, lui, a été raccourci, puisqu’il doit entrer en service à partir de 2030, et non 2035 comme initialement prévu. Cette accélération constitue naturellement une réponse à l’évolution de la menace, mais également aux attentes des industriels de la Team Rafale face au difficile partage industriel autour du programme SCAF.
Le nouveau drone de combat qui fera office de Loyal Wingman pour le Rafale F5 sera plus imposant que le Neuron, selon Eric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation.
Au-delà des aspects opérationnels et industriels, le nouveau standard majeur du Rafale, comme son drone de combat, permettront de maintenir l’attractivité de l’offre française sur la scène internationale pour la décennie à venir, et peut-être la suivante, jusqu’à l’arrivée du SCAF, tout en permettant aux armées d’expérimenter au plus tôt l’utilisation de ce type d’appareil pour préparer l’arrivée du chasseur de 6ᵉ génération.
À drone toutes pour les armées françaises et les industries de Défense
La plus emblématique des annonces dans ce domaine aura naturellement été celle du développement d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron évoquée précédemment, pour faire office de Loyal Wingman auprès du futur Rafale F5. Pour autant, celui-ci ne sera pas le seul drone à évoluer dans la sphère de combat aérien française au-delà de 2030.
Ainsi, le missilier MBDA a présenté le drone aéroporté Remote Carrier Expendable à l’occasion du salon du Bourget de cette année. Léger, économique et aéroporté, celui-ci aura, selon l’industriel, de nombreuses missions, qu’il s’agisse de localiser les menaces et les cibles, de diriger des frappes de précision, voire d’attirer le feu ennemi pour permettre à d’autres systèmes de franchir le barrage défensif.
Le drone Remote Carrier Expendable de MBDA viendra probablement étoffer la panoplie du Rafale F5 au-delà de 2030
Complémentaire de l’Eurodrone RPAS et du Patroller, l’Aarok et ses 5 tonnes en vol, pourra emporter une importante charge utile de près de 1,5 tonne, pendant plus de 24 heures, pour un prix unitaire le mettant en concurrence avec des systèmes beaucoup plus légers comme le Bayraktar TB2 turc, ou le Wing loong 2 chinois.
Pour les forces navales et terrestres, la DGA a notifié, dans le cadre de la LPM, deux contrats majeurs de munitions rôdeuses. La première, baptisée Colibri, est une munition légère d’infanterie qui se veut l’équivalent du Switchblade 300 américain, sera développée par MBDA. La seconde, confiée à Nexter, est baptisée Larinae, et devra tenir l’air 3 heures jusqu’à 80 km de son point de départ.
L’essai réussi du planeur hypersonique VMAX
Le 26 mai, les habitants de Biscarrosse, dans les Landes, ont pu assister à un spectacle aussi rare qu’inattendu. En effet, avec l’aide de l’US Navy, la DGA, l’ONERA et Ariane espace, ont procédé au premier essai du planeur hypersonique VMAX, traçant des motifs uniques dans le ciel landais pour l’occasion parfaitement dégagé.
Comme toutes les grandes nations industrielles militaires occidentales, la France s’est engagée avec un certain retard dans l’aventure hypersonique, donnant à la Russie, ainsi la Chine, l’opportunité de prendre une avance significative dans ce domaine avec certains missiles comme le 3M23 Tzirkon et le DF17, ainsi que dans le domaine des planeurs hypersoniques, avec l’Avangard russe qui équipe désormais les nouveaux missiles ICBM RS-28 Sarmat.
Observation de l’essai du planeur hypersonique VMAX dans le ciel des Landes le 26 mai 2023
Alliant une vitesse supérieure à mach 5 à une manœuvrabilité importante, ces munitions sont conçues pour déjouer les systèmes antiaériens et antibalistiques modernes, en suivant des trajectoires imprévisibles et en réduisant considérablement le temps de réponse des adversaires.
Après une période marquée par une certaine forme de déni, la France s’est finalement engagée pleinement dans ce domaine, avec notamment le programme VMAX visant à rassembler les données et à developper les compétences pour la conception d’un planeur hypersonique qui prendra place, à l’avenir, dans les missiles stratégiques français, mais aussi à bord de certaines munitions tactiques.
À l’autre bout du spectre, le missilier MBDA a présenté, à l’occasion du Paris Air Show 2023, le missile Aquila, destiné à proposer une réponse à la menace hypersonique, avec le développement d’un intercepteur à grande manœuvrabilité.
Celui-ci aurait reçu le soutien de la France et de l’Italie, les deux partenaires du consortium Eurosam ayant développé la famille des excellents missiles sol-air, surface-air et antibalistiques Aster, mais aussi de l’Allemagne et des Pays-Bas.
Vers la fin de l’aventure africaine pour les armées françaises
Dans un registre bien moins optimiste, l’année 2023 aura aussi marqué le désengagement, probablement global et définitif, des armées françaises en Afrique. Après avoir été expulsées du Mali puis du Burkina Faso à la suite de deux coups d’État, les armées françaises ont, en effet, dû évacuer, en fin d’année 2023, le Niger, là encore après un coup d’État militaire.
La mission africaine a profondément influencé le dimensionnement et l’équipement de l’Armée de Terre française ces dernières décennies.
Cette série marque un profond échec de la politique africaine française, qui n’aura pas su se transformer pour contrer l’appétence exercée par la Russie vers les régimes autoritaires et des opinions publiques alimentées par une propagande grossière, mais très efficace.
Les armées françaises, elles, n’ont en rien démérité dans la mission antiterroriste qui était la leur en Afrique. Toutefois, ce désengagement marque aussi le début de la fin d’une expérience plus que dimensionnante pour les armées françaises, leur format et leur équipement, pour la mission africaine.
En effet, l’ensemble des armées françaises, et plus particulièrement les forces terrestres, ont été conçues depuis plus de vingt-cinq ans, par des LPM successives, pour répondre au mieux à cette mission africaine, ceci expliquant notamment la surreprésentation des blindés légers projetables et des systèmes mobiles dans son inventaire, au détriment de systèmes plus lourds conçus pour le combat de haute intensité.
Même l’organigramme et le commandement de l’Armée de Terre sont révélateurs de ce biais africain, avec un nombre important d’unités d’infanterie et de forces légères, comme les troupes de marine, les unités parachutistes ou les troupes de montagne, face aux unités de ligne, alors que 80 % de ses chefs d’État-major et Major-généraux, ces 20 dernières années, ont été choisis parmi ces forces légères.
La composante lourde de l’Armée de Terre française demeure insuffisamment dimensionnée pour répondre aux enjeux de défense en Europe dans les années à venir.
Bien plus que la fin de la France-Afrique, les épisodes maliens, burkinabés et nigériens, représentent, pour l’Armée de terre, la fin d’une doctrine structurelle, et l’amorce d’une profonde mutation pour répondre aux enjeux sécuritaires en Europe. Une transformation nécessaire, mais qui sera, de toute évidence, douloureuse pour celle-ci.
Une nouvelle doctrine pour exporter les armements français
Enfin, l’année 2023 aura été celle d’un changement radical, et pourtant passé en grande partie inaperçu, concernant la doctrine d’exportation et de coopération des équipements de defense du pays.
Jusqu’à présent, et non sans raison, la France privilégiait, en effet, les partenariats industriels de défense avec ses voisins directs, en l’occurrence, des pays avec qui Paris partageait un socle économique, industriel et technologique commun, mais aussi des besoins opérationnels d’une menace soviétique partagée.
C’est ainsi que l’immense majorité des programmes, ou tentatives de programmes, en coopération, s’appuyait sur des partenaires européens voisins, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou la Grande-Bretagne.
Les ministres de la Défense français (Lecornu à gauche), espagnole (Robles au centre) et allemand (Pistorius à droite), lors des négociations ayant permis au SCAF de sortir de l’ornière en 2022.
Toutefois, et en dépit des convictions souvent excessivement pro-européennes des dirigeants français ces 30 dernières années, ces programmes ont, le plus souvent, échoué, parfois de manière spectaculaire, comme le programme de sous-marin Scorpène franco-espagnol, qui se termina devant les tribunaux avec des accusations de pillage industriel.
Les dernières tentatives, initiées par le Président Macron peu après son élection en 2017, ne furent guère plus satisfaisantes. Le programme SCAF d’avion de combat de 6ᵉ génération, et le programme MGCS de char de combat de nouvelle génération, ont été préservés grâce à une implication politique intense. Les autres programmes MAWS, CIFS ou Tigre III, ont, en revanche, échoué avec l’Allemagne, comme l’ambition de faire émerger un « Airbus naval » en faisant se rapprocher Naval group et l’italien Fincantieri.
La volonté de l’exécutif de faire aboutir cette vision européenne continue de diriger l’action gouvernementale, au travers des ambitieux programmes SCAF, MGCS, FMC/FMaN ou VBAE.
Cependant, le ministère des Armées, et la DGA, ont entrepris, dans le cadre de la LPM, de faire évoluer ce tropisme pour étendre les possibilités de partenariats industriels vers les clients clés de l’industrie de défense depuis plusieurs décennies, précisément ceux qui lui permettent de se positionner dans le trio de tête des exportateurs mondiaux de systèmes de défense.
La première allusion a ce profond changement de doctrine, fut fait par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, au sujet du programme Rafale F5 et de son drone de combat, lorsqu’il évoqua la possibilité pour Paris d’ouvrir le programme au « Club Rafale », qui rassemble la Grèce et la Croatie en Europe, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le Qatar au Moyen-Orient, l’Inde et l’Indonésie en Asie.
Le standard F5 du Rafale permettra à l’avion français de pouvoir s’imposer face au F35 américain dans certaines compétitions.
Sans renoncer à son ambition européenne, comme le montre le lancement récent du programme de blindé léger VBAE avec la Belgique, et l’annonce de l’acquisition par la Marine nationale des grands navires de guerre des mines développés par Naval group pour la Belgique et les Pays-Bas, mais aussi par l’ouverture du programme SCAF à la Belgique, et des programmes MGCS et FMAN/FMC à l’Italie, cette nouvelle doctrine s’exprime aujourd’hui dans plusieurs dossiers, comme dans la récente présentation du char EMBT à l’Égypte, qui ne peut s’envisager que dans le cadre d’un partenariat industriel étendu avec la France.
Conclusion
Bien que riche en annonce et en avancée, avec notamment une nouvelle Loi de Programmation Militaire qui rompt définitivement avec les années de disette pour les armées, sans pour autant renoncer au format hérité du Livre Blanc de 2013, 2023 aura surtout été une année de transition pour les armées françaises, et leur industrie de défense, d’une période marquée par des opérations extérieures et une menace mal perçue, vers une prise de conscience des bouleversements en cours sur la scène géopolitique, mais aussi technologique et industrielle, dans le monde.
Pour autant, de nombreux dossiers semblent ne pas encore avoir trouvé de réponse satisfaisante, comme pour ce qui concerne le format des armées, donc le poids de l’effort de defense consenti pour répondre à l’évolution de la menace, en Europe face à la Russie, mais aussi au Moyen-Orient face à l’Iran ou dans le Pacifique face à la Chine.
L’arrivée de nouveaux acteurs industriels défense, comme la Corée du Sud, entraine une profonde mutation de l’écosystème mondial dans ce domaine.
Au-delà de ces menaces que l’on peut qualifier d’évidentes, la France va devoir, également, répondre à la probable multiplication des conflits d’opportunités, y compris en Europe (Balkans) ou à proximité (mer Égée, Caucase, bassin Méditerranéen, Proche-Orient), mais aussi sur d’autres théâtres, notamment pour protéger les territoires ultramarins et la ZEE du pays, pour lesquels les Armées françaises ne sont ni dimensionnées, ni équipées pour une réponse se voulant suffisamment dissuasive.
Dans le domaine industriel, là aussi, la transformation entamée n’est qu’à mi-chemin de ce qu’elle devra être pour garantir de préserver la position de la BITD française sur la scène technologique internationale, face à l’arrivée de nouveaux acteurs aussi ambitieux que performants (Corée du Sud, Turquie, Espagne, Inde…), la montée en puissance de la Chine, le retour de la Russie et l’omniprésence des États-Unis, de plus en plus courtisés pour s’assurer du soutien de Washington en cas de menace, le tout entrainant une accélération sensible du tempo technologique défense dans les années à venir.
De fait, la transformation entamée en 2023 par l’écosystème défense français, si elle est, en bien des domaines, satisfaisantes, n’est que partielle, et il faudra, dans les années à venir, s’appuyer sur ces acquis, et ne se reposer dessus, pour continuer à faire évoluer l’outil militaire et industriel du pays, ainsi que la manière dont il est politiquement encadré et financé, pour répondre aux enjeux sécuritaires majeurs qui se dessinent.
Il y a quelques jours, le ministère de la Défense polonais a présenté un effort de défense polonais 2024 qui dépassera la barre des 5 % de PIB. Comme l’avait laissé entendre Donald Tusk à la mi-décembre, celui-ci s’inscrit pleinement dans la continuité des années précédentes. Pour le financer, Varsovie va s’appuyer sur 185 Md de zlotys de déficits publics, soit 5% du PIB du pays, sur les 682 Md de zlotys du budget de l’État 2024. Loin de provoquer l’ire des autorités budgétaires européennes, le gouvernement polonais a obtenu, pour 2024 tout au moins, qu’aucune sanction pour déficit excessif ne lui soit imposée.
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La Pologne a-t-elle réussi là où la France a échoué pendant près de trois décennies ? C’est la question que l’on peut se poser aujourd’hui, alors que Varsovie a obtenu de l’Union européenne que ses 5 % de déficits publics, pour 2024, ne donneront pas lieu à une procédure européenne pour déficits excessifs, avec les amendes qui y sont liées.
L’effort de défense polonais 2024 de 5 % PIB sera financé par de la dette souveraine
En effet, pour financer un effort de Defense exceptionnel représentant plus de 5 % du PIB du pays, les autorités polonaises n’ont eu d’autres choix que de créer de la dette souveraine, avec un déficit public prévu pour 2024 représentant, là encore, un peu plus de 5 % du PIB du pays. En d’autres termes, on peut aisément considérer que l’ensemble de l’effort de défense polonais sera, en 2024, financé par de la création de dettes souveraines.
Varsovie va dépenser 3,6 Md€ pour ses 3 frégates polyvalentes britanniques formant le programme Miecznick (Espadon)
Dans la décision rendue par ce conseil auquel participe la France et l’Allemagne, il est fait état du rôle décisif que la Pologne, et ses puissantes armées en devenir, vont représenter face à la menace russe, tout en prenant en considération le poids important qu’a représenté l’aide militaire et humanitaire polonaise à l’Ukraine depuis le début du conflit.
Cette décision a de quoi surprendre, surtout en France, alors que le pays a, à plusieurs reprises, tenté d’obtenir des mesures similaires pour le financement de sa dissuasion, ou de ses interventions en Afrique contre le terrorisme islamiste.
Pourtant, Paris s’est à chaque fois heurté à un refus ferme de la part de Bruxelles dans ce domaine. Comment expliquer, alors, que Varsovie ait obtenu un soutien européen, là où la France a systématiquement échoué ? Loin d’être idéologiques, les explications sont, pour beaucoup, parfaitement factuelles.
La Santé budgétaire polonaise comme garant pour l’Union européenne
En premier lieu, force est de constater que Varsovie peut présenter, jusqu’à présent, un profil budgétaire particulièrement positif. Ainsi, la dette souveraine dépasse aujourd’hui à peine les 50 % du PIB du pays, contre 110 % pour la France, et 65 % pour l’Allemagne en 2023.
Le renforcement du Zloty sur les marchés financiers va réduire le poids des investissements polonais en matière de matériel militaire importé.
Or, la procédure pour déficit excessif est enclenchée par Bruxelles lorsque le déficit public dépasse 3 % ou que la dette publique dépasse 6 %, selon les traités. Le « ou » du traité s’est, dans les faits, transformé en « et », faute de quoi un trop grand nombre d’États européens serait en permanence sous sanction.
Avec un déficit budgétaire de 5 % en 2024, et une croissance prévue au-delà de 3 %, la dette souveraine du pays restera, en fin d’année, sous la barre des 55 %, et ce sera encore le cas en 2025, si un effort identique était maintenu. Rappelons également que la Pologne n’appartient pas à la zone euro, entrainant des exigences moindres de la part des autorités européennes en matière de déficits.
Surtout que les perspectives économiques du pays demeurent très positives, avec notamment un renforcement du zloty sur les marchés monétaires depuis l’élection de Donald Tusk, qui pourrait bien venir abaisser les dépenses publiques des armées polonaises, alors qu’une grande partie des investissements d’équipements sera importée des États-Unis et de Corée du Sud, avec une probable baisse des dépenses en zlotys sur 2024, du fait du renforcement de celui-ci.
L’espoir suscité par le retour de Donald Tusk à la tête de la Pologne
À ce contexte budgétaire déjà autrement favorable que celui qui a régulièrement accompagné les demandes françaises dans le domaine, s’ajoute un contexte politique lié à la victoire de la coalition de centre-gauche pro-européenne de Donald Tusk face au Pis, qui dirigeait le pays depuis 2015, lors des élections législatives d’octobre 2023.
La victoire de Donald Tusk et de la coalition pro-européenne de centre-gauche aux élections législatives de 2023 a redonné confiance aux marchés financiers et économiques, entrainant une rapide appréciation du zloty et de la bourse de Varsovie.
En effet, si le rôle de la Pologne au sein de l’OTAN face au flanc est de l’alliance face à la Russie, est reconnu de tous, les positions de ses dirigeants ces dernières années, notamment concernant l’indépendance de la justice, la protection de minorités ou la liberté de la presse, engendrèrent d’intenses frictions entre Varsovie et Bruxelles.
Dans ce contexte, le retour du très europhile Donald Tusk aux manettes, engendra un profond soulagement dans de nombreuses chancelleries européennes, mais aussi auprès des marchés financiers, comme le montre l’appréciation du zloty face à l’euro de 20 % depuis début octobre 2023, alors que l’index boursier WIG de Varsovie s’est apprécié de 27 % sur la même période.
De fait, les perspectives économiques polonaises, donc les recettes fiscales et sociales qui vont avec, sont prometteuses, tout comme le sont les perspectives politiques, engendrant une confiance renforcée des autorités budgétaires, concernant une certaine mansuétude vis-à-vis d’un glissement des déficits publics.
Le rôle clé de Varsovie pour contenir la menace russe en Europe
La décision de l’Union européenne ne manque pas, cependant, d’un certain cynisme. Rappelons à ce titre que l’Allemagne et la France, les deux principaux états à l’origine de cette décision, représentent ensemble un PIB représentant 10 fois le PIB polonais, et une population presque quatre fois plus importante.
Avec 200 chars Leclerc en 2030, la France, 4 fois plus riche que la Pologne, n’alignera que 15 % du nombre de chars modernes de ce pays.
Pourtant, ensemble, ces deux pays ne prévoient d’aligner qu’à peine la moitié du nombre de chars lourds et 30 % d’hommes en moins, que les forces armées polonaises terrestres ne prévoient de disposer en 2030. C’est précisément pour atteindre cet objectif que Varsovie augmente autant ses dépenses de défense, en s’inscrivant dans une évidente continuité vis-à-vis de la trajectoire suivie par le précédant gouvernement dans ce domaine.
Plus globalement, tant la France que l’Allemagne, ne prévoient pas d’apporter leur effort de defense au-delà des 2 % imposés par l’OTAN, avec un format global des forces armées inférieur à celui de la Pologne à la fin de la décennie. Par sa position géographique, la Pologne est, en effet, le passage obligé d’une éventuelle offensive russe vers l’Europe, là où les armées des deux pays européens ne seront que très partiellement engagées pour protéger la Pologne, le cas échéant.
En d’autres termes, loin de faire preuve de souplesse, Français et Allemands, dans ce dossier, se déchargent d’une grande partie de la responsabilité de protection collective, tout au moins dans le domaine terrestre, et peuvent paisiblement continuer à ne dépenser que 2 % de leur PIB dans leur effort de défense respectif, protégés qu’ils seront par le glacis polonais.
En outre, la Pologne ne peut échapper à sa géographie, alors que la France peut décider, ou pas, d’employer ses armes de dissuasion pour protéger un allié, ceci expliquant pourquoi les européens ont toujours été réticents à accorder la même souplesse budgétaire à Paris pour le financement de sa dissuasion nucléaire, que celle accordée à Varsovie.
Quant au financement des opérations extérieures françaises en Afrique, il convient de reconnaitre que la menace était perçue, alors, de manière bien plus diffuse que ne l’est aujourd’hui la menace russe, partout en Europe.
Conclusion
On le comprend, l’autorisation de déficits budgétaires donnée par Bruxelles à Varsovie, s’inscrit dans un contexte budgétaire, économique, politique et géopolitique radicalement différent de celui qui s’appliquait à la France lorsqu’elle tenta d’obtenir les mêmes mesures concernant ses dépenses de défense.
La comparaison, si elle doit être faite, devrait surtout inviter les autorités françaises à s’interroger sur la perception des européens vis-à-vis de l’engagement français à assurer leur protection le cas échéant, ainsi que sur les raisons profondes qui ont amené les européens à se montrer si souple avec un pays qui n’a d’autre choix que de developper une puissante force conventionnelle pour faire face à la menace russe.
Le programme CVX de porte-avions sud-coréen, fait l’objet de toutes les attentions médiatiques dans le pays depuis près de cinq ans. Cependant, lorsque Shin Won-sik, le ministre de la Défense sud-coréen, a présenté, le 12 décembre, la programmation militaire 2024-2028 du pays, les financements pour ce programme souvent critiqué pour son cout et son efficacité contestable, n’y étaient pas détaillés. Si le ministère de la Défense sud-coréen affirme que celui-ci sera bien poursuivi, tout indique, aujourd’hui, que le programme CVX est menacé.
Sommaire
Si, ces cinq dernières années ont vu une évolution rapide de la menace en Europe et dans le Pacifique, la Corée du Sud, quant à elle, vit avec la menace nucléaire nord-coréenne depuis bientôt de vingt ans. De fait, Séoul n’a pas eu le loisir, comme ce fut le cas des capitales occidentales, de se blottir dans le mirage des bénéfices de la paix, développant, sur cette période, une puissante et très moderne force armée, ainsi qu’une industrie qui, aujourd’hui, figure parmi les plus performantes de la planète.
Il faut reconnaitre que le défi auquel les armées sud-coréennes sont confrontées, est loin d’être aisé. Non seulement la Corée du Nord dispose-t-elle, depuis 2006, de l’arme nucléaire, mais le pays possède également une force armée numériquement impressionnante, ainsi que d’importantes réserves d’armes d’artillerie, de missiles balistiques et de roquettes, tous pouvant frapper la capitale sud-coréenne.
Séoul n’est, en effet, qu’à 70 kilomètres de la ligne de démarcation de 238 km qui sépare la péninsule coréenne en deux le long du 38ᵉ parallèle. alors qu’avec 10 millions d’habitants, la ville abrite 20 % de la population du pays, ainsi que toutes ces administrations centrales et grandes entreprises.
La doctrine trois axes au cœur de la programmation militaire sud-coréenne 2024-2028
Pour faire face à défi et une Corée du Nord de plus en plus belliqueuse, et en dépit de la protection nucléaire promise par les États-Unis, les armées sud-coréennes ont conçu une doctrine dite « doctrine trois axes ». Celle-ci repose sur une action en trois étapes si la certitude de l’imminence d’une attaque nord-coréenne devait être acquise par les autorités du pays.
Les trois axes représentent, en fait, les trois étapes de la riposte militaire sud-coréenne. En premier lieu, la chaine de détection et de frappes préventive mènera des attaques pour détruire l’ensemble des vecteurs potentiels détectés, avant qu’ils ne puissent être employés. La seconde repose sur la Korean Air and Missile Defense (KAMD), en charge de l’interception des missiles et aéronefs ayant échappé à la frappe préventive, et lancés contre le sud.
Le programme CVX de porte-avions sud-coréen prend l'eau en 2024 27
La troisième et dernière étape, qui se veut décisive, est du ressort de la Korea Massive Puisement & Retaliation (KMPR), qui doit venir frapper et détruire l’ensemble des cibles majeures (centre de commandement, infrastructures énergétiques et de communication, centres de décision politique…), pour décapiter le régime nord-coréen et ses armées, et ainsi, mettre potentiellement fin au conflit.
Cette doctrine trois axes, qui répond parfaitement au présent contexte d’une menace limitée à 50 têtes nucléaires aéroportées par aéronefs ou missiles sol-sol, est au cœur des investissements consentis par le pays dans le cadre de la prochaine programmation militaire 2024-2028.
Ainsi, toutes les capacités, qu’il s’agisse des moyens de renseignement, y compris spatiaux, alors que Séoul a mis en orbite son premier satellite d’observation militaire il y a quelques semaines, de frappes avec de nouveaux missiles balistiques et de croisière, et de nouveaux porteurs navals, aériens et terrestres, et de défense, avec le renforcement de la défense antiaérienne et antimissile multicouche du pays, font l’objet d’investissements supplémentaires, sur les 266 Md$ qui seront investis sur les cinq années couvertes par le plan.
Ce qui n’y figure pas, en revanche, c’est le financement du programme CVX de porte-avions lourd réclamé par la Marine sud-coréenne, programme qui a connu de nombreux rebondissements depuis son lancement il y a cinq ans.
Un programme très ambitieux lié au développement du KF-21N, la version navale du nouvel avion sud-coréen
Le programme CVX de porte-avions sud-coréen prend l'eau en 2024 28
Durant ces cinq années, pas moins de neuf maquettes différentes ont été présentées par les chantiers navals sud-coréens, pour tenter de se positionner sur ce marché, y compris une qui tenait davantage d’un épisode d’Avengers que de la vision traditionnelle que l’on peut avoir de ce type de navire.
Les dernières informations en date, faisait état d’un navire de 50 000 ou 70 000 tonnes, équipés de catapultes et brins d’arrêt électromagnétiques, et conçu pour mettre en œuvre le KF-21N, qui n’existe pas encore. Toutefois, et même si la marine coréenne a tenté de démontrer l’intérêt de ce navire dans le cadre de la doctrine trois axes, le programme CVX divise beaucoup en Corée du Sud, et en particulier au sein de la classe politique.
En cause, des difficultés technologiques importantes, notamment concernant la navalisation du Boramae, que l’on sait d’expérience être un exercice des plus difficile lorsque l’appareil n’a pas été initialement conçu pour cela, surtout quand l’avionneur n’a ni l’expérience de la chasse embarquée, ni même une grande expérience du développement d’avions de combat, comme c’est le cas de KAI.
Surtout, le programme CVX promet d’être onéreux, et même très onéreux. Le seul navire devrait couter plus de 2 Md$, alors qu’avec son aviation embarquée et son escorte, celui-ci représenterait presque 8 Md$, alors que son efficacité demeure incertaine. Rappelons, en effet, qu’un porte-avions est avant tout une arme de projection de puissance, et non une arme défensive comme entend l’employer la Marine sud-coréenne dans son dispositif trois axes.
Pas de budget clair pour le programme CVX dans la loi de programmation à venir
Quoi qu’il en soit, la programmation militaire 2024-2028, présentée ce 12 décembre par le ministre de la Défense sud-coréen, Shin Won-sik, ne montre aucun budget dédié à ce programme, tout au moins pour 2024. Interrogé sur le sujet, le ministre a assuré que le programme serait bien mené, mais que son calendrier et ses contours restaient encore à définir.
Le programme CVX de porte-avions sud-coréen prend l'eau en 2024 29
Plus précisément, le ministère de la Défense attend d’avoir l’assurance qu’une version navalisée du KF-21 Boramae pourrait être développée et mise en œuvre à partir du navire, avant d’arbitrer sur sa construction.
Il est vrai qu’en fonction de cela, la configuration même du navire pourrait évoluer, d’une version CATOBAR (catapulte et brins d’arrêt), vers une version STOBAR (Tremplin et brins d’arrêt), voire vers une version avec ou sans tremplin, prévue pour mettre en œuvre le F-35B qui n’a nul besoin de brins d’arrêt pour apponter.
Ce n’est pas la première fois que le budget de la défense sud-coréen fait l’impasse sur le programme CVX. Ainsi, en 2022, le budget 2023 ne prévoyait pas davantage de crédits pour son développement. À ce moment-là aussi, le ministère de la Défense avait assuré qu’il ne s’agissait que d’un délai technique lié à la maturation du format du navire. Mais, celui-ci a, à nouveau, évolué dans l’année, sans qu’il ait pu être figé définitivement. On comprend que dans ce domaine, le ministère navigue à vue.
Un programme de porte-avions sud-coréen menacé par ses couts et ses justifications peu convaincantes
Il faut dire que le programme CVX est loin de faire l’unanimité dans la classe politique sud-coréenne, mais aussi auprès des chercheurs, si pas dans la presse. Le fait est, la Marine sud-coréenne justifie son développement pour assurer la protection de ses capacités amphibies, pouvant au besoin effectuer une manœuvre de contournement semblable à celle employée par le général Mac Arthur lors du débarquement d’Incheon, pour couper les lignes de ravitaillement de l’armée nord-coréenne arrivée jusqu’à Busan.
Pour autant, les forces aériennes sud-coréennes disposent déjà d’appareils de combat susceptibles d’opérer sur l’ensemble du territoire nord-coréen, et donc d’effectuer le soutien aérien nécessaire à une opération amphibie. En outre, contrairement au Japon qui se concentre sur une hypothétique confrontation avec la Marine chinoise, Séoul, pour sa part, se concentre sur la menace nord-coréenne, qui ne dispose pas de flotte de haute mer pouvant potentiellement représenter une menace sur les arrières du dispositif défensif sud-coréen.
Le programme CVX de porte-avions sud-coréen prend l'eau en 2024 30
En d’autres termes, la plus-value qu’apporterait un porte-avions, dans le dispositif défensif sud-coréen face à la Corée du Nord, est loin d’être évidente, d’autant que si les cas d’usages hypothétiques devaient être avérés, les armées sud-coréennes pourraient, au besoin, très probablement s’en remettre à l’US Navy, ses porte-avions et ses porte-aéronefs.
De fait, tant que la Marine sud-coréenne ne pourra pas justifier de l’intérêt pour Séoul de disposer d’un porte-avions, à l’occasion, par exemple, d’un changement de paradigmes amenant la Corée du Sud à davantage s’impliquer dans la défense en profondeur du Pacifique aux côtés des États-Unis et du Japon, face à la Chine, le programme CVX demeurera incertain.
En 2015, Vladimir Poutine avait fait de la modernisation de la Marine russe, un objectif prioritaire de l’effort de défense du pays. De nombreux programmes avaient alors été annoncés, du destroyer nucléaire Lider au porte-hélicoptères Priboy, en passant par les frégates lourdes 2230M Super Gorshkov.
Depuis, cependant, la plupart de ces programmes pour la modernisation de la flotte de haute mer russe, a été reportée, ou n’est tout simplement plus abordée par la communication de l’Amirauté, qui concentre ses efforts sur la production de sous-marins, et d’unités navales plus légères.
Le fait est, les chantiers navals russes peinent aujourd’hui à produire ces grandes unités de surface, qui permettraient à la Marine russe de conserver une flotte de haute mer efficace à l’avenir, alors que les navires qui la composent aujourd’hui, atteignent des âges canoniques.
Sommaire
À l’occasion de la cérémonie organisée par le Commandement de la Flotte du Nord russe pour l’entrée en service de la nouvelle frégate Admiral Golovko, troisième de la classe Admiral Gorshkov et première unité à avoir été conçue pour mettre en œuvre nativement le missile hypersonique 3M22 Tzirkon, le président Vladimir Poutine a fait l’éloge des chantiers navals Severnaya Verf qui ont construit le navire, et plus globalement, de l’ensemble de la construction navale russe.
Les frégates de la classe Admiral Gorshkov pourront emporter quelques missiles hypersoniques 3M22 Tzirkon dans leurs lanceurs verticaux UKSK, aux côtés des missiles Onyx et Kalibr.
Dans son discours, le président Poutine a ainsi annoncé que ce chantier naval allait construire, d’ici à 2035, une série d’unités de surface de petite et moyenne taille, destinée à renouveler la flotte russe de surface, et que l’ensemble de ces frégates et corvettes serait, comme l’Admiral Golovko, armé du fameux missile hypersonique Tzirkon.
Toutefois, si la construction sous-marine russe est dynamique, et pose effectivement un véritable problème aux marines de l’OTAN, la réalité concernant le renouvellement de la flotte de surface est bien moins radieuse que ne le laisse entendre le discours officiel.
Une flotte de haute mer russe encore imposante, mais frôlant l’obsolescence généralisée
Aujourd’hui, la flotte de haute mer russe, demeure très majoritairement formée par des unités navales héritées de l’époque soviétique. Ainsi, l’unique porte-avions Admiral Kuznetsov, comme les deux croiseurs nucléaires Kirov, les deux croiseurs conventionnels Slava et les dix destroyers des classes Udaloy et Sovremenny, qui forment le corps de bataille de haute mer de la Marine russe, ont tous été admis au service entre 1985 et 1998.
Ils nécessitent désormais de très importantes phases de maintenance et de modernisation, venant amputer cette flotte de la moitié de ses effectifs en moyenne, d’autant que les chantiers navals russes ont connu de nombreux incidents lors de ces interventions, ayant parfois considérablement allongé les délais de remise en service.
Les destroyers de la classe Udaloy constituent aujourd’hui la colonne vertébrale de la flotte de haute mer russe. Ces navires sont entrés en service entre 1985 et 1992, et n’ont toujours pas de successeur désigné.
Une construction navale russe qui peine à produire de grandes unités de Surface
Dans le même temps, les chantiers navals russes rencontrent d’importantes difficultés pour produire, dans des délais raisonnables, des unités de surface de grande taille, comme des destroyers ou des frégates lourdes. Ainsi, la construction de la frégate Admiral Gorshkov, première unité du projet 22350, qui ne jauge pourtant qu’à peine plus de 5 000 tonnes en charge, a débuté en 2006, mais le navire n’a rejoint la flotte du nord qu’en juillet 2018.
Les deux unités suivantes, la frégate Admiral Kasatonov et la nouvelle frégate Admiral Golovko dont l’entrée en sercice a fait l’objet de la cerémonie du 25 décembre 2023, ont vu passer 11 années entre la pose de la quille et l’entrée en service, tout comme la quatrième unité de la classe, la frégate Admiral Isakov, qui entrera en service en 2024.
La construction de la frégate Admiral Amelko, cinquième de la classe, et de la sixième, l’Admiral Chichagov, a débuté en 2019. La planification russe prévoit qu’elles entreront en service en 2026, soit après seulement sept années de travaux, tout comme les deux suivantes, dont la construction a débuté en 2020, et prévues pour rejoindre le service en 2027.
Les frégates de la classe Admiral Gorshkov doivent remplacer les frégates des classes Krivak et Steregushchyi. Il se pourrait bien, cependant, qu’elles remplacent, au final, une grande partie des destroyers de la flotte de haute mer russe.
Toutefois, cette planification apparait des plus optimistes. En effet, même si l’effet des sanctions occidentales tend à se dissiper en Russie après deux années de guerre, certains domaines, et notamment la construction navale, en souffrent toujours, notamment pour ce qui concerne la propulsion des navires, les turbines employées initialement étant fabriquées en Ukraine.
Les difficultés technologiques et industrielles qui entravent la modernisation de la Marine russe
L’industrie russe tente, évidemment, de compenser ces ruptures de chaines, mais certaines compétences sont délicates, et surtout longues, à acquérir, en particulier lorsqu’elles concernent des domaines aussi contraignants que la propulsion navale.
Ceci explique d’ailleurs en partie pourquoi la production navale sous-marine russe, entièrement nationale, a beaucoup moins souffert des conséquences de la guerre en Ukraine, que la construction de grandes unités de surface, qui dépendait beaucoup de l’Ukraine du temps de l’Union Soviétique.
De fait, les perspectives ne sont guère encourageantes pour le remplacement des grandes unités de surface, porte-avions, croiseurs, destroyers et grandes unités amphibies, de la Marine Russe dans les années à venir. En dépit des efforts de modernisation produits pour prolonger certains destroyers et croiseurs, et des importants travaux autour du Kuznetsov, cette flotte aura une moyenne d’âge dépassant les 40 ans d’ici à la fin de la décennie.
La modernisation du croiseur nucléaire Admiral Nakhimov aura pris près de neuf ans, pour un navire qui n’aura pas plus de 12 à 15 ans de potentiel de navigation, tout au mieux.
L’arrivée des frégates de la classe Gorshkov compensera en partie le retrait de certaines unités trop usées, mais ces navires sont à la fois plus legers, et dotés d’une autonomie moindre que les navires qu’ils devront remplacer. À ce titre, ces frégates devaient initialement remplacer les frégates Krivak et Steregushchyi, et non les destroyers de la Marine russe.
Aucun programme pour remplacer les croiseurs et destroyers russes
D’autre part, le programme destiné au remplacement d’une partie des destroyers russes, le projet 22350M, également appelé Super Gorshkov, n’a toujours pas débuté. Ceci laisse supposer que le premier destroyer de cette classe, plus lourde et mieux armée que les 22350 initiales, n’entrera pas en service avant 2032, dans le meilleur des cas.
Quant à la classe de destroyers lourds Lider, longtemps mise en avant comme l’avenir de la flotte de haute mer russe, et remplaçants potentiels des croiseurs Slava et Kirov, rien n’indique à ce jour que le programme pourrait voir le jour dans un avenir même pas si proche que cela.
En effet, en dehors des frégates classe Admiral Gorshkov, le principal effort industriel russe, en matière de construction navale de surface, demeure orienté vers la production de corvettes et de corvettes légères.
Présenté comme imminent en 2020, le lancement de la construction des 12 frégates lourdes projet 22350 M Super Gorshkov n’a toujours pas débuté.
Il faut reconnaitre que les corvettes 20380 de la classe Steregushchyi sont remarquablement armées pour un navire de seulement 2 200 tonnes. Quant aux nouvelles Gremyashchiy du projet 20385, avec leurs 8 silos UKSK pour missiles Kalibr, Onix ou Tzirkon, et leurs 16 silos Redut antiaériens, elles sont aussi bien armées que des frégates occidentales bien plus lourdes que leurs 2 500 tonnes.
Toutefois, l’une comme l’autre souffrent d’une autonomie à la mer des plus limitées, 15 jours seulement, en faisant des bâtiments adaptés pour les actions navales en zone côtière, mais nullement pour opérer en pleine mer.
Vers une nouvelle doctrine navale pour la Russie ?
On le voit, l’avenir de la flotte de surface de haute mer russe est, aujourd’hui, pour le moins sombre. Tant que l’industrie russe n’aura pas su remplacer efficacement les composants ukrainiens et occidentaux sur lesquelles elle s’appuyait pour produire de nouvelles grandes unités de surface combattantes, il est peu probable que cette flotte puisse efficacement se renouveler.
La disparation potentielle de la flotte de haute mer russe, viendrait nécessairement réduire le périmètre d’action du pays au-delà de son voisinage direct. En revanche, la modernisation rapide de la flotte sous-marine russe, qui ne souffre pas des mêmes handicaps, permettra à Moscou de conserver un très important potentiel de nuisance et de menace, sur l’ensemble des océans, qu’il s’agisse de la posture de dissuasion, ou d’une posture conventionnelle plus agressive.
Si la construction des grandes unités navales de surface rencontre beaucoup de difficultés en Russie, ce n’est pas le cas de la construction des sous-marins, la Marine russe recevant en moyenne trois nouveaux sous-marins, dont deux sous-marins à propulsion nucléaire, chaque année.
Il est intéressant de constater que, dans ce domaine, les marines russes et chinoises suivent des trajectoires presque radicalement opposées. Là où la Chine se dote d’une impressionnante flotte de surface de haute mer épaulée par un faible nombre de sous-marins océaniques à propulsion nucléaire, la Russie dispose d’une très puissante flotte sous-marine océanique, mais d’une flotte de haute mer en déclin.
Si ces deux pays venaient à employer conjointement leurs forces navales, ou simplement à échanger les technologies et capacités industrielles qui leur font défaut et qui sont détenues par l’autre, la carte géopolitique navale deviendrait rapidement des plus complexes pour l’occident, dont la puissance repose en grande partie sur le contrôle des océans.
Déjà expérimentées par une section de la célèbre 101ᵉ division aéroportée, les nouvelles armes d’infanterie de l’US Army, le fusil d’assaut XM7 et la mitrailleuse XM250, commenceront à équiper les unités de cette division d’élite dès le deuxième trimestre de l’année 2024.
Conçus pour répondre aux évolutions constatées et anticipées des contraintes d’engagement des forces terrestres, ces nouvelles armes, leur munition de 6,8 mm, et la nouvelle optique de visée intelligente XM157 qui les équipe, doivent permettre aux forces d’infanterie américaine de conserver l’avantage face à leurs adversaires potentiels.
Sommaire
Le fusil d’assaut XM7 et la mitrailleuse XM250 entreront en service en 2024 dans l’US Army
Conçu pour remplacer le vénérable M1 Garand qui équipa les unités d’infanterie américaine lors de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, et surtout pour répondre à l’arrivée du célèbre AK-47 soviétique à la fin des années 40, le fusil d’assaut M16, et ses dérivés comme la M14 et le M4, ont représenté une avancée très notable dès 1957.
Avec son canon de 60 cm, et sa nouvelle munition de 5,56 mm, le M16 s’avérait, en effet, beaucoup plus précis au-delà de 200 mètres que le fusil d’assaut soviétique, grâce à un recul moindre et des qualités balistiques supérieures de la munition. Les armes d’appui, quant à elles, restaient fidèles au calibre .30 (exprimé en pouce) de 7,62 mm, offrant une plus longue portée, ainsi qu’un pouvoir de pénétration et d’arrêt très supérieur à la 5,56 mm (ou calibre .223).
Le nouvel AK-12 de l’Armée russe utilise le même calibre 5,45 mm introduit au début des années 70 avec le AK-74 pour répondre au 5,56 mm OTAN
Au fil des années, le constat fait par l’US Army, se généralisa dans la majorité des forces armées, qui abandonnèrent progressivement leurs AK-47, FAL ou G3 de calibre .30, pour se tourner vers des fusils d’assaut reprenant le calibre 5,56 mm OTAN. Même les unités soviétiques délaissèrent, au milieu des années 70, leurs AK-47 pour l’AK-74 et son calibre de 5,45 mm, visiblement inspiré du calibre OTAN, alors que les engagements se faisaient petit à petit à plus longue distance.
Cette généralisation de calibre entraina certains effets délétères, avec l’apparition de protection balistiques calibrées pour s’en protéger, et des engagements se faisant à des distances plus grandes.
C’est précisément pour répondre à ces évolutions qu’en 2017, l’US Army annonça son intention de remplacer les M4, mais aussi ses mitrailleuses légères M249 de 5,56 mm, par de nouvelles armes d’infanterie partageant un nouveau calibre unique, une munition de 6,8 mm, dans le cadre du programme NGSW pour Next Generation Squad Weapon.
Une nouvelle munition de 6.8 mm conçue pour pénétrer les protections balistiques et étendre la portée du tir
La nouvelle munition de 6.8 mm retenue par l’US Army, a été conçue pour avoir un pouvoir de pénétration très supérieur à celui du 5,56 OTAN. Ainsi, lors des essais, cette munition a été capable de détruire les cylindres cibles employés, là où la munition OTAN ne faisait que l’endommager, sans parvenir à la traverser, encore moins à la détruire.
Le fusil d’assaut XM7 de Sig Sauer va entrer en service en 2024 au sein de l’US Army
Toutefois, contrairement à la munition de 7,62 mm, la nouvelle munition offre des performances balistiques supérieures, et un recul moindre, de sorte qu’à l’instar de la 5,56 mm, le tir au-delà de 400 m se montre précis.
Dans le même temps, la nouvelle munition est capable de traverser les protections balistiques conçues pour arrêter le calibre OTAN, ou le 5,45 mm russe de l’AK-74 comme du nouvel AK-12 avec, en outre, un pouvoir d’arrêt supérieur.
Dernier atout de cette munition, elle permettra de simplifier la gestion des munitions des sections d’infanterie, qui n’auront plus à transporter simultanément du 5,56 mm pour les fusils d’assaut et les carabines, et du 7,62 mm pour les armes de soutien et de tir longue distance.
Le nouveau viseur intelligent XM157 pour améliorer la précision du tir longue distance
Concomitamment à la nouvelle munition et aux deux nouvelles armes d’infanterie, l’US Army a développé une nouvelle optique de visée se voulant intelligente, permettant notamment d’améliorer la précision du tir à longue distance.
Le videur intelligent XM157 a été commandé à 250 000 exemplaires par l’US Army.
Pour cela, la lunette XM157 peut évaluer la distance à la cible, les conditions influençant le tir, et les informations enregistrées lors de tirs précédents, pour dynamiquement corriger la visée et permettre d’avoir un tir précis beaucoup plus rapidement, et donc de neutraliser l’adversaire avant qu’il ne puisse prendre un couvert.
L’action combinée d’une munition à la trajectoire balistique optimisée, et d’une optique intelligente, permet de compenser le canon court du XM7 de seulement 33 cm, et de 44 cm de la XM250, un atout pour les unités embarquées dans des véhicules blindés, tout en conservant une grande précision jusque dans la bande 400 à 600 m, et même au-delà.
Vers la fin des munitions 5,56 mm OTAN ?
Le changement de calibre des armes d’assaut de l’US Army, va évidemment avoir un effet sensible, dans le temps, sur la plupart des armées alliées. Comme ce fut le cas avec les calibres .30, .45 et .50 (respectivement 7,62 mm, 11,43 mm et 12,7 mm) introduits par les armées US durant la Seconde Guerre mondiale, et qui continuent de représenter les calibres de référence alliés avec la 5,56 OTAN apparue en 1957, il est plus que probable que nous assisterons, dans les années à venir, à un glissement des armées alliées, en particulier au sein de l’OTAN, vers le calibre .277 de 6,8 mm. Ce d’autant que le constat fait par l’US Army, et la réponse apportée, semblent des plus cohérents.
Les forces françaises ont acquis l’année dernière le HK416 5,56 mm en remplacement de leurs FAMAS.
Toutefois, l’arrivée du calibre .277 n’entrainera pas la disparition du calibre 5,56 mm. En effet, plus onéreux et plus lourd, ces armes et leurs munitions, n’équiperont que les unités d’assaut américaines. Les unités de soutien, ou spécialisées, conserveront, quant à elles, la carabine M4, plus légère, plus facile à employer, et largement suffisante dans la plupart des cas.
On ne peut s’empêcher, cependant, de regretter la décision française de s’être tournée, il n’y a de cela que quelques années, vers le HK-416 de calibre .223, pour remplacer ses Famas de même calibre, alors que la dynamique vers un nouveau calibre d’assaut au sein de l’US Army, donc de l’OTAN, s’est engagée un an plus tard, en 2017.
À l’occasion du salon IDEX 2023, KNDS a présenté, à la surprise de tous, le char EMBT, comme une alternative pour le Caire afin de moderniser son important parc blindé. Cette proposition était soutenue par Paris, qui entretient d’excellents rapports avec les autorités égyptiennes sur fond de convergence stratégique régionale.
Si l’EMBT est désormais proposé sur le marché export, rien n’indique, à ce jour, que Paris entende s’y intéresser pour ses propres forces armées. Mais, l’arrivée, annoncée il y a peu, de l’Italie au sein du programme MGCS, pourrait profondément rebattre les cartes dans ce domaine, et offrir simultanément moyens et opportunités aux autorités françaises, pour developper, et acquérir, ce char de génération intermédiaire.
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Le char EMBT, un concept prometteur
À ce jour, le char EMBT n’a de char que le nom. Il s’agit, dans les faits, davantage d’un démonstrateur entièrement focalisé sur une tourelle et un aménagement intérieur d’une caisse de Leopard 2, pouvant d’ailleurs être aisément remplacée par un châssis Leclerc, au besoin.
Cependant, les concepts avancés dans la conception de cette nouvelle tourelle, et du partage des tâches à bord du blindé, sont suffisamment innovantes pour qualifier le véhicule qui en résulterait, de char de génération intermédiaire, à l’équivalent du nouvel Abrams M1E3 ou encore du KF51 Panther de Rheinmetall.
Le démonstrateur EMBT porte d’abord et avant tout sur une nouvelle tourelle de génération intermédiaire, dotée de toutes les fonctionnalités que l’on peut attendre de celle-ci.
On y retrouve, en effet, toutes les caractéristiques propres à cette génération intermédiaire, dont une vetronique globale de nouvelle génération, des tourelleaux télécommandés pour assurer la protection rapprochée contre l’infanterie et les drones, un système de protection active associant protection hard kill et soft kill, une connectivité avancée pour opérer de la bulle de combat infocentrée, ainsi que son lot de drones et munitions guidées, pour l’engagement au-delà de la ligne de visée. Seule manquerait, à cela, une propulsion hybride-électrique, pour en faire ce qui pourrait être l’équivalent de ce que promet de devenir le M1E3 américain.
Comme nous nous en étions faits l’écho lors de sa présentation officielle lors du salon Eurosatory 2022, l’EMBT apporte avec lui un concept des plus intéressants, emprunté probablement à l’aviation de combat. En effet, là où les chars équipés d’un système de chargement automatique du canon, comme c’est son cas, ont un équipage à trois membres (pilote, tireur et chef de char), l’EMBT s’appuie, lui, sur un quatrième membre, assurant la fonction d’opérateur systèmes et systèmes d’arme.
À l’instar des OSA (Officier Système d’Armes) qui prennent place à bord des versions biplaces du Rafale, du Mirage 2000, du F-15 ou du Super Hornet, celui-ci a pour fonction de mettre en œuvre les systèmes de détection et d’engagement à longue distance du blindé, comme les drones, les missiles antichars, voire les systèmes de guerre électronique.
L’EMBT peut mettre en œuvre le canon de 140 mm Ascalon développé par Nexter, même si le démonstrateur est équipé d’un canon CN120-26 comme le Leclerc.
Comme l’a montré l’expérience de la guerre aérienne, l’ajout d’un OSA renforce sensiblement l’efficacité d’un appareil au combat, en particulier lorsque la charge de travail tend à s’accroitre pour l’équipage. En outre, là où un poste OSA se paie en masse, donc en carburant et en consommation, à bord d’un avion de chasse, sa présence à bord d’un char de plus de 50 tonnes, n’a guère d’influence sur les performances et la mobilité de celui-ci.
De fait, si tant est que l’EMBT passe du statut de démonstrateur de tourelle, à celui de véritable char de combat, ce dernier s’avèrera très certainement plus que prometteur, et largement au niveau des chars de génération intermédiaire en cours de développement.
Les conséquences de l’arrivée de l’Italie au sein du programme MGCS
Si cette posture est critiquable, et d’ailleurs souvent critiquée, tant pas les spécialistes du sujet, que par les parlementaires, elle est surtout contrainte par les ressources budgétaires limitées dont dispose l’Armée de terre pour moderniser son parc de blindé, par ailleurs déjà sévèrement entamées par la poursuite du programme SCORPION sur le segment intermédiaire.
L’arrivée de l’Italie dans le programme MGCS va menacer la charge de travail minimale de la BITD terrestre française.
Toutefois, cette trajectoire a été conçue à l’hiver et au printemps 2023, lorsqu’il était encore possible d’espérer, avec un certain biais optimiste, que les blindés du programme MGCS arriveront peu après 2035, mais aussi que la menace russe à l’est, prendrait plus d’une décennie pour réapparaître après la conclusion de la guerre en Ukraine.
Depuis, ces deux postulats ont été taillés en brèche. Qui plus est, là où la base industrielle et technologique Défense terrestre française pouvait compter sur 50 % de la charge de travail et des investissements de l’ensemble du programme MGCS, l’arrivée, récemment annoncée, de l’Italie dans le programme, va sévèrement entamer les deux. En effet, Rome sera un partenaire « à parts égales » de l’Allemagne et de la France dans ce programme, assumant le tiers des investissements, mais exécutant le tiers des travaux.
Vers une convergence de moyens et de besoins pour l’EMBT
De fait, avec cet événement, la BITD française va perdre 35% des investissements qu’elle était censée avoir dans le programme MGCS, en particulier dans le domaine de la recherche et du développement, celui qui, précisément, garantit la pérennité du socle industriel.
On peut également craindre, sans que cela soit confirmé à ce jour, que l’arrivée de Rome, qui par ailleurs va commander 125 Leopard 2A8 à KNDS, pourrait également entrainer un certain retard dans le calendrier du programme, qu’il s’agisse de réorganiser le partage industriel, chose que l’on sait déjà difficile, mais également face à deux opérateurs opérationnels et industriels du Leopard 2A8, qui pourraient avoir intérêt à amener le programme MGCS à une échéance 2045, plutôt que 2035-2040, pour éviter un éventuel chevauchement commercial.
Les 200 Leclerc modernisés de l’Armée de Terre auront beaucoup de mal à répondre aux besoins de la FOT au-delà de 2035, en performances comme en format.
Bien évidemment, ces conséquences sont problématiques pour la France. Tant pour ses armées, puisque le Leclerc aura beaucoup de difficulté à tenir la ligne jusqu’au-delà de 2045, date du début de son remplacement potentiel, que pour la BITD, qui verrait les investissements lui revenant diminués d’un tiers, et potentiellement étalés de 35 %.
Ce sans même parler des conséquences, toujours possibles, d’un arrêt du programme d’ici à quelques années, sur fonds de changements politiques ou géopolitiques, laissant la France sans solution, là où Berlin et Rome disposeront d’une base de Leopard 2 A8/X pour assurer la transition, militaire comme commerciale et industrielle.
De fait, le besoin d’un char capable, comme le Leopard 2A8/X, d’assurer l’intérim jusqu’à l’arrivée des blindés du programme MGCS, se fait désormais du plus en plus pressant, tant pour moderniser, pourquoi pas étendre, le parc de chars de combat de l’Armée de terre, que pour préserver les compétences et savoir-faire de la BITD terrestre française dans ce domaine.
À l’autre bout de spectre, on constate cependant que l’arrivée de Rome dans le programme MGCS, va libérer des crédits, mais aussi des ressources industrielles, pour les armées et la BITD, ressources qui pourraient fort bien être redirigées vers un autre programme, pour contenir les effets délétères de cette évolution.
Le programme MGCS prévoit de concevoir plusieurs blindés lourds chenillés, dont un char de combat, un blindé lance-missiles et un véhicule de commandement et de combat d’infanterie lourd.
Bien évidemment, le programme EMBT s’impose ici comme la solution de choix aux problèmes français, permettant simultanément de renforcer et moderniser la composante lourde chenillée de son parc blindé en ces temps de tensions croissantes à l’est, tout en préservant les compétences industrielles de la BITD, et en garantissant une porte de sortie aux deux, si le programme MGCS venait à péricliter, ce qui n’est pas souhaitable, mais demeure de l’ordre du possible.
En d’autres termes, l’arrivée de l’Italie dans le programme MGCS, engendre l’émergence de besoins plus aisément perceptibles, mais aussi libère des opportunités pour y répondre de manière efficace et adaptée, sans venir déstabiliser la LPM en cours, qui n’a certainement pas besoin de cela pour cela, la montée en puissance de la Russie et de la Chine s’en chargeant déjà très bien…
De nombreux partenaires potentiels pour la BITD Française
Se lancer dans l’aventure EMBT pourrait aussi s’averer riche d’opportunités pour la France, sa BITD et son rayonnement international. En effet, le marché du char de combat a considérablement évolué depuis les années 80 et 90, lorsque la précédente génération de blindés formée de l’Abrams, du Leopard 2, du T-72, du Challenger 2 et du Leclerc, arriva sur la scène export.
L’Égypte va devoir moderniser un très important parc de chars dans les années à venir.
À cette époque, le marché était très segmenté : l’Europe de l’Ouest pour le Leopard 2, le Moyen-Orient pour l’Abrams, la sphère d’influence soviéto-russe pour le T-72, et les miettes restantes, pour le Leclerc et le Challenger 2.
Aujourd’hui, la sphère russe a considérablement diminué, sous la menace des sanctions américaines CAATSA et de la perte d’influence de Moscou, alors que l’appétence pour les chars américains a aussi fortement diminué au Moyen-Orient. Même le marché européen est plus ouvert, avec l’arrivée de l’Abrams en Pologne et en Roumanie, et du K2 sud-coréen, probablement dans ces mêmes pays.
De fait, là où la France avait peiné à trouver des partenaires commerciaux pour son Leclerc, se limitant aux salutaires Émirats arabes unis, elle dispose aujourd’hui d’un potentiel commercial et industriel bien plus étendu et en forte demande, vers lequel elle peut se tourner pour trouver les partenaires permettant de rendre le programme EMBT soutenable budgétairement et industriellement parlant.
C’est évidemment le cas au proche et Moyen-Orient, raison pour laquelle l’EMBT a été présenté à l’Égypte lors du salon IDEX. Le Caire, mais aussi Ryad et Abu Dhabi, doivent, en effet, remplacer pas moins de 5 000 chars lourds et moyens dans les années à venir, sans pouvoir se tourner vers la Russie ou la Chine, au risque de provoquer l’ire de Washington, et sans vouloir se tourner vers les États-Unis ou l’Allemagne, jugés trop intrusifs sur la scène politique.
La Grèce va devoir moderniser son parc de chars composé majoritairement de M60 et de Leopard 1A5, incapables de s’opposer efficacement au nouveau Altay turc.
De fait, aujourd’hui, c’est le K2 Black Panther qui pourrait profiter de cette manne industrielle et commerciale, sans que le blindé puisse vraiment se réclamer d’appartenir à la fameuse génération intermédiaire, avec des performances et capacités proches de celle du Leopard 2A7 ou du Leclerc.
Pour y faire face, un EMBT français, qui plus est ouvert sur le plan des partenariats technologiques, pourrait alors devenir une option de choix pour ces pays qui, par ailleurs, partagent avec Paris un certain alignement politique international et régional, ce d’autant que la BITD française est déjà très impliquée dans la plupart d’entre eux.
L’Inde pourrait, elle aussi, représenter un partenaire de choix pour ce programme. Le pays doit, en effet, remplacer plus d’un millier de ses T-72 dans les années à venir, et recherche un char dont le cahier des charges se calquerait à merveille à celui d’un EMBT sur une caisse Leclerc renouvelée, notamment en termes de masse et de mobilité.
Au-delà de ces pays, d’autres opportunités peuvent émerger si Paris se montrait ouvert et proactif sur le sujet. C’est particulièrement le cas, en Europe, de la Grèce, qui va devoir moderniser son important parc de chars composé majoritairement de M60 et de Leopard 1, pour faire face à l’arrivée prochaine du char lourd Altay turc, bien plus performant.
Conclusion
On le voit, si l’arrivée de l’Italie au sein du programme MGCS, peut engendrer, légitimement, de réelles inquiétudes au sein de la BITD terrestre française, et si elle peut faire peser des contraintes sur la planification militaire française alors que la menace internationale croît rapidement, elle peut aussi ouvrir de réelles opportunités dans ces domaines, en s’appuyant sur le programme EMBT.
Le char EMBT, s’il voit le jour, pourra pleinement revendiquer son appartenance à la génération intermédiaire de char de combat, au même titre que le M1E3 Abrams américain, ou le KF51 Panther de Rheinmetall.
Reste que pour que celui-ci prenne corps, il sera nécessaire d’effectuer un réel changement de paradigme au sein de la planification militaire française, mais aussi dans la doctrine de coopération défense du pays, pour s’ouvrir davantage à des pays vers lesquels elle ne se tournait pas traditionnellement.
Reste à voir, à présent, si les autorités françaises sauront se saisir de ce dossier, et de ses opportunités ? La présence de l’EMBT au salon IDEX 2023 apparait, dans ce domaine, comme un bon début.
Alors que les Kfir C7 colombiens ne pourront plus voler au-delà du 31 décembre 2024, le Dassault Rafale se retrouve face à l’Eurofighter Typhoon dans un dossier qui devra être négocié, et exécuté, tambours battants, pour s’imposer en Amérique du Sud. Mais cette nouvelle configuration, conséquence de la brouille sévère entre la Colombie et Israël, pourrait aussi offrir des opportunités à la France, pour remplacer les Rafale M les plus anciens qui arment son aéronautique navale. Voici comment…
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Les débuts ratés du Dassault Rafale en Colombie
Il y a tout juste un an, le Rafale de Dassault est passé à quelques encablures d’une nouvelle commande en Colombie. L’avion français avait, en effet, été déclaré comme le choix préférentiel des forces aériennes colombiennes pour le remplacement de ses KFIR C7 israéliens, au terme d’une procédure d’évaluation particulièrement sévère l’ayant opposé à l’Eurofighter Typhoon, au F-16 américain et au JAS 39 Gripen suédois.
Le Rafale de Dassault avait été déclaré vainqueur de la compétition organisée par Bogotá en 2022. Mais des difficultés rencontrées lors des négociations finales ont fait dérailler le contrat en fin d’année.
Ainsi, à quelques jours de la nouvelle année, et de la fin de l’autorisation d’investissement donnée par le Parlement colombien pour ce dossier, le président Gustavo Petro avait annoncé publiquement la signature prochaine du contrat avec Dassault Aviation.
Annonce de toute évidence précipitée, puisque les négociations n’étaient pas terminées, alors que Bogotá voulait ne commander, sur cette échéance, que 3 ou 4 appareils pour un peu plus de 600 m$, quand l’avionneur français refusait de s’engager sur une commande aussi réduite.
Quoi qu’il en soit, tout début janvier, le ministre colombien de la Défense, Ivan Velasquez, annonça que les négociations avaient échoué. Sans remettre en question l’objectif préférentiel de l’Armée de l’Air Colombienne concernant le Rafale, il fallait, alors, reprendre les négociations sur des bases plus solides. Dans le même temps, les autres avionneurs profitèrent de l’occasion de soumettre de nouvelles propositions à Bogotá. Dans ce domaine, il semble que Madrid se soit distingué, avec une offre jugée intéressante par les autorités colombiennes autour de l’Eurofighter Typhoon Block 3.
Ces derniers mois, le dossier paraissait se tourner vers une compétition entre l’avion européen et le chasseur français, pour s’imposer en Colombie. Mais une nouvelle donnée est venue, il y a peu, bouleverser le tableau. En effet, à la suite d’échanges d’amabilités entre le président colombien Gustavo Petro, et l’ambassadeur israélien en Colombie, Gali Dagan, les deux pays sont désormais à couteaux tirés, y compris sur les dossiers d’armement.
Les KFIR C7 colombiens ne voleront plus après le 31 décembre 2024
Comme nous l’avions évoqué en octobre dernier, cette brouille peut faire le jeu du canon CAESAR avec l’élimination de l’ATMOS israélien, après que, là encore, le système français avait été déclaré vainqueur de la compétition organisée par les armées colombiennes, mais que les négociations avaient échoué sur des questions de remise budgétaire.
Les Kfir C7 qui constituent aujourd’hui la flotte de chasse colombienne, ne pourront plus voler après le 31 décembre 2024, et la fin du contrat de maintenance israélien.
Surtout, le contrat de maintenance opérationnel des KFIR C7, qui constituent aujourd’hui la seule flotte de chasse colombienne, ne sera pas renouvelé au-delà de son échéance, le 31 décembre 2024. Or, dans le contexte sécuritaire actuel, y compris avec un Venezuela ragaillardi par son succès au Guyana, il est bien sûr hors de question, pour Bogotá, de se passer d’une flotte de chasse.
De fait, les négociations pour le remplacement des Kfir colombiens, se sont vues ajouter un caractère d’urgence, et non des moindres, puisque les forces aériennes devront être en mesure de remplacer une partie de la flotte d’appareils israéliens, pour le 1ᵉʳ janvier 2024. Et cette contrainte ne joue pas du tout en faveur de l’avion français.
Le carnet de commande de Dassault Aviation joue contre lui face à l’Eurofighter Typhoon en Colombie
En effet, avec un carnet de commande déjà bien rempli, il sera très difficile, pour ne pas dire impossible, pour Dassault, de livrer ne serait-ce que 6 ou 8 appareils aux forces aériennes colombiennes avant cette date, qui plus est en ayant transformé pilotes et personnels au sol d’ici là pour mettre en œuvre les appareils.
Dans ce domaine, le Rafale est donc victime de son succès, et plus particulièrement de son succès à l’exportation, ne laissant que très peu de l’attitude à Dassault pour réorganiser son planning de livraison en 2024, si ce n’est en venant piocher dans les appareils qui doivent rejoindre l’Armée de l’Air et de l’Espace, et qui sont très attendus par celle-ci.
Eurofighter Typhoon Forces aériennes espagnoles
En outre, Eric Trappier, le PDG de l’avionneur français, a récemment indiqué que le délai, aujourd’hui, entre la signature d’une commande de Rafale, et la première livraison, était de 36 mois, même si le groupe peut encore accroitre ses cadences de production sur la chaine de Mérignac.
À l’inverse, le carnet de commande de l’Eurofighter Typhoon tend à se vider rapidement. En outre, ses deux principales commandes à venir sont allemandes et espagnoles, et offrent donc une latitude plus grande de glissement, en vue de s’imposer sur un marché export de 24 appareils, que pour d’autres clients à l’exportation.
Les premiers Rafale M de la Marine nationale comme alternative pour s’imposer en Colombie
L’alternative, pour Dassault, serait de reproduire le montage de contrat mis en œuvre pour Athènes, alors qu’il fallut à peine six mois entre la signature du contrat et la livraison du premier Rafale hellénique. Pour cela, la France avait puisé dans le parc de l’Armée de l’Air et de l’Espace, en prenant des Rafale F2 qui furent rapidement portés au standard F3R, permettant de constituer une première flotte pour tenir en respect la Turquie, alors très belliqueuse vis-à-vis de son voisin.
Cependant, comme dit précédemment, la flotte de Rafale de l’Armée de l’Air et de l’Espace française, ne peut plus souffrir d’un prélèvement, après avoir perdu 24 appareils ces dernières années pour les contrats grecs et croates, que la recapitalisation débute à peine, que les Mirage 2000C ont quitté le service, et que les 2000-5 ne tarderont pas à le faire.
Deux Mirage 2000-5F effectuent un vol suite à un tango scramble le 21 août 2018 sur la base aérienne d’Ämari en Estonie. Les appareils seront bientôt retirés du service, et doivent être remplacés par de nouveaux Rafale.
Alors, le contrat colombien est-il définitivement perdu par Dassault et son Rafale face à l’Eurofighter Typhoon ? Pas nécessairement, car il existe une autre alternative, qui pourrait, d’ailleurs, permettre de faire d’une pierre, deux coups.
En effet, la Marine nationale dispose, elle aussi, de chasseurs Rafale, des Rafale M pour être précis, équivalents opérationnels des Rafale C monoplaces de l’Armée de l’Air, mais dotés d’un train et d’une structure renforcés pour encaisser les contraintes de l’appontage. Si, comme l’AAE, l’aéronautique navale n’a guère de latitude pour se séparer d’une partie de sa flotte de chasse, elle doit aussi faire face, dans les années à venir, à un problème pour l’heure sans solution, le remplacement des premiers Rafale M entrés en service au début des années 2000.
L’état-major de la Marine a, à ce titre, récemment alerté sur le fait que ces appareils ne pourront probablement pas atteindre la période de recoupement avec l’arrivée du NGF du programme SCAF, prévue entre 2035 et 2040, et qu’il pourrait alors être nécessaire d’acquérir de nouveaux chasseurs Rafale, pour assurer l’intérim tout en maintenant la flotte de chasse embarquée à 40 appareils.
Un modèle efficace pour les Forces aériennes colombiennes et l’aéronautique navale française
De ces deux facteurs, il apparait qu’il pourrait être mutuellement être profitable, pour les forces aériennes colombiennes, comme pour l’aéronautique navale, le ministère des Armées et Dassault Aviation, de transférer tout ou partie de ces Rafale M en fin de vie, pour assurer l’intérim et la transformation des forces aériennes colombiennes, dans l’attente de la livraison des nouveaux appareils commandés.
Les premiers Rafale M livrés à la Marine nationale au début des années 2000, n’atteindront certainement pas la période de recoupement avec le NGF du programme SCAF.
Dans le même temps, et comme ce fut le cas pour les Rafale de l’AAE transférés en Grèce et en Croatie, ceux-ci seraient remplacés par une nouvelle commande française, en partie financée par le protocole colombien, de sorte à en réduire l’empreinte budgétaire, par ailleurs sûrement inévitable, pour le ministère des Armées. Enfin, pour Dassault Aviation, ce montage garantirait la signature d’un nouveau contrat avec la Colombie pour 24 appareils, et un contrat de remplacement des Rafale M pour 8 ou 12 appareils.
Notons qu’avec un retour budgétaire moyen de 50 % pour l’État français, l’opération aurait un solde budgétaire positif sur les finances publiques, les 32 à 36 nouveaux appareils produits engendrant un retour budgétaire global équivalent à 16 ou 18 appareils neufs, alors que seuls 8 ou 12 seraient commandés par la France
Reste que pour mettre en œuvre un tel montage, la France, ses autorités civiles, militaires et industrielles, devront faire preuve d’une évidente souplesse et d’une grande réactivité, d’autant qu’on peut s’attendre à une posture très agressive de la part de Madrid et d’Eurofighter, qui jouent tous deux le maintien de la ligne d’assemblage du chasseur européen sur ce dossier, dans l’attente de l’hypothétique autorisation allemande de vendre le chasseur à l’Arabie Saoudite, voire à la Turquie.
Le premier bombardier stratégique Tu-160M2, version modernisée du fameux bombardier supersonique Blackjack, devrait entrer en service au sein des forces aériennes russes, dès 2024, selon de récentes déclarations officielles. L’arrivée de cet appareil va permettre d’entamer la modernisation de la dernière composante stratégique russe, jusqu’ici quelque peu délaissée au profit de la flotte stratégique sous-marine et des lanceurs terrestres.
Si les circonvolutions de communication habituelles des autorités russes peuvent laisser supposer qu’il pourrait s’agir d’un nouveau bombardier comme le PAK-DA, dans les faits, l’hypothèse la plus probable est qu’il s’agira, là, de l’entrée en service des premiers bombardiers stratégiques Tu-160M2, ultime version modernisée du bombardier supersonique Blackjack.
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L’aviation stratégique russe aujourd’hui
Les forces stratégiques russes ont fait l’objet, depuis 2012, d’un important effort de modernisation leur permettant d’afficher un taux d’équipements modernes de plus de 85 %, contre 50 % dix ans plus tôt. Toutefois, ces efforts ont été très inégaux selon les composantes de la triade nucléaire du pays.
Ainsi, la flotte de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Marine russe, a reçu 7 nouveaux sous-marins des classes Boreï et Boreï-A depuis 2012, sur une flotte théorique de 12 navires. Les 5 derniers navires, dont la construction a déjà débuté, seront livrés quant à eux entre 2024, pour le Knyaz Pozharsky, et 2031, pour la dernière unité.
La flotte sous-marine stratégique russe a eu la priorité des crédits de modernisation, ayant à ce jour admis au service 7 des 12 Borei et Borei-A qu’elle mettra en œuvre en 2031.
La composante terrestre stratégique russe a, elle aussi, rapidement progressé ces dernières années, avec la livraison des premiers ICBM RS-28 Sarmat armés des planeurs hypersoniques Avangard, afin de remplacer les RS-36 et RS-36M.
Les forces aériennes stratégiques russes, enfin, exploitent aujourd’hui une quinzaine de bombardiers supersoniques Tu-160 Blackjack entrés en service dans les années 80, mais reposent surtout sur la cinquantaine de Tu-95MS toujours en service et datant des années 50, un immense bombardier à turbopropulseurs offrant des performances proches de celles du B-52 américain, dont il partage l’antériorité.
Si l’effort de modernisation des forces stratégiques sous-marines et terrestres a débuté à la fin des années 2000, celui des forces aériennes n’a vraiment été entamé qu’en 2015, avec le lancement du programme Tu-160M2, et l’annonce du programme de bombardier furtif PAK-DA.
Le bombardier stratégique Tu-160M2 Blackjack des forces aériennes russes
Évolution du Tu-160, le Tu-160M2, désigné au sein de l’OTAN par le code Blackjack, en reprend la configuration quadrimoteur et la géométrie variable, pour soutenir des vitesses pouvant atteindre Mach 2. Avec ses deux grandes soutes munitions, l’appareil peut transporter jusqu’à 24 missiles de croisière armés d’une tête nucléaire Kh-15, ou 12 missiles de croisière lourds de la famille des Kh-55, sur plus de 7 000 km à Mach 0,9, et sur plus de 2 000 km à Mach 1,5.
Anecdote : les noms de code de l’OTAN utilisent, en règle générale, la même première lettre pour designer des équipements similaires. Les avions de chasse commencent par un F pour Fighter, comme le Mig-21 Fishbed, le Mig-23/27 Flogger, le Mig-31 Foxhound ou la famille des Su-27, les Flanker. Les bombardiers commencent, quant à eux, pas un B, comme le Tu-95 Bear, le Tu-22 Blinder, le Tu-22M Backfire et le Tu-160 Blackjack.
La composante aérienne stratégique russe s’appuie, aujourd’hui encore, principalement sur la cinquantaine de bombardiers Tu-95 Bear modernisés encore en service. Ces appareils doivent être remplacés avec l’arrivée du programme PACK-DA.
Le Tu-160M2 Blackjack est un appareil profondément renouvelé, avec une avionique moderne et un glass cockpit ergonomique, une nouvelle suite de guerre électronique et d’autodéfense, ainsi que de nouveaux turboréacteurs plus puissants, et surtout plus économes en carburants. Le bombardier serait également recouvert d’un revêtement capable d’absorber 30% des émissions radar, pour en accroitre la furtivité.
L’avion a fait son premier vol en 2020. Il s’agissait, alors, d’une cellule mise en réserve au début des années 90, après l’effondrement du bloc soviétique, et qui n’avait pas été terminée. En janvier 2022, le premier Tu-160M2 Blackjack entièrement neuf effectua son premier vol, marquant le début de la modernisation de la flotte aérienne stratégique russe.
C’est très probablement de cet appareil dont Sergey Kobylash a fait état dans son commentaire adressé aux journalistes russes, l‘arrivée de deux Tu-160 modernisés étant annoncée par les autorités militaires russes pour 2024. L’entrée en service du premier Tu-160M2 de série ouvre, en effet, la porte à celle des 10 appareils de série commandés à ce jour, mais aussi à la modernisation de la quinzaine de Blackjack actuellement en service, sans venir affaiblir la posture stratégique du pays, en particulier dans ces temps de fortes tensions internationales.
Les bombardiers stratégiques Tu-160M2 Blackjack russes sont traditionnellement basés sur la base Engels-2, près de Saratov. Les récentes attaques de drones ukrainiens sur cette base ont incité les autorités russes à déployer ces appareils plus à l’est, hors de portée des drones.
À terme, les forces aériennes stratégiques russes devraient mettre en œuvre une cinquantaine de Tu-160M2 d’ici au début des années 2030, 25 nouveaux appareils restants à commander à ce jour. À la suite de quoi, les premiers bombardiers stratégiques furtifs du programme PAK-DA sont censés entrer en service, permettant le retrait des Tu-95MS Bear ainsi que des bombardiers à long rayon d’action Tu-22M3M Backfire-C.
L’avenir incertain du programme PAK-DA
Pour autant, l’avenir du programme PAK-DA demeure très incertain à ce jour. En effet, très peu d’information sur la poursuite de son développement, et sur son calendrier, ont filtré ces dernières années, de la part des autorités militaires comme industrielles ou politiques russes.
Il est naturellement prévisible qu’un programme aussi sensible soit nimbé d’un important secret, comme ce fut le cas du B-21 Raider américain, qui a effectué son premier vol il y a quelques semaines. Toutefois, la Russie a, traditionnellement, davantage tendance à surjouer de cette communication, même pour ce qui concerne les armements stratégiques, qu’à s’en montrer avare, comme c’est le cas aujourd’hui au sujet de PAK-DA.
Très peu d’informations ont été divulguées récemment autour du programme de bombardier stratégique furtif russe Pack-DA, ce qui fait peser le doute sur sa poursuite, ou tout au moins, sur son calendrier.
Ainsi, ces dernières années, le missile RS-28 Sarmat avait été annoncé, à plusieurs reprises, comme très proche de l’entrée en service, alors que celle-ci n’est, officiellement, intervenue qu’en 2023. De même, Moscou n’a jamais caché la construction ou la livraison de ses nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins des classes Boreï et Boreï-A.
À l’inverse, il existe un blackout médiatique presque total autour du PACK-DA, laissant supposer que le programme est encore loin de pouvoir produire un premier prototype capable d’effectuer un premier vol. Sachant qu’il a fallu 10 ans entre le premier vol du programme PACK-FA, et la livraison du premier Su-57 de série aux forces aériennes russes, on comprend que l’objectif affiché d’une entrée en service à la fin de la décennie, ou au tout début de la décennie suivante, pour le nouveau bombardier russe, est désormais très improbable.
On peut d’ailleurs se demander s’il est toujours de l’intérêt de Moscou de s’engager dans le développement d’un tel appareil, sachant qu’il s’agira, très probablement, du dernier bombardier stratégique russe, avant le bouleversement que la révolution des technologies spatiales, des drones et de l’intelligence artificielle, entrainera. En outre, le potentiel export d’un tel appareil est, pour ainsi dire, inexistant.
Le premier vol du bombardier furtif américain B-21 Raider a eu lieu il y a quelques semaines.
Dans ce contexte, il semblerait certainement bien plus avisé, pour les autorités russes, de concentrer leurs moyens dans le développement de drones furtifs, de munitions hypersoniques, voire d’un système de bombardement orbital fractionné, pour armer et épauler le Tu-160M2, qui demeure un appareil des plus capables, plutôt que de s’engager dans un développement très couteux en crédits comme en ressources, pour un bénéfice opérationnel transitoire et relatif.
Le pays n’a, en effet, ni les ressources des États-Unis, 14 fois plus riches, ni de la Chine, 10 fois plus riche que la Russie, les deux autres pays qui se sont engagés dans un programme similaire de bombardier stratégique furtif avec le B-21 Raider américain et le H-20 chinois.