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La construction des deux super-destroyers AEGIS ASEV japonais débutera en 2024

Le ministère de la Défense japonais a annoncé qu’il avait obtenu 373 Md de yens pour entamer la construction des deux super-destroyers AEGIS ASEV destinés à remplacer le système AEGIS Ashore annulé en 2021, dans le cadre du budget 2024. Lourdement armés, ces navires de 12 000 tonnes auront pour tâche de protéger l’archipel nippon des missiles balistiques et de croisière nord-coréens et chinois, mais aussi de mener, au besoin, des frappes préventives ou de riposte, contre ses éventuels agresseurs.

Entre la Chine et la Corée du Nord, le Japon est potentiellement la cible de plusieurs centaines de missiles balistiques de portée moyenne (MRBM) et intermédiaire (IRBM), chacun d’eux pouvant être armé d’une tête nucléaire.

À cette menace déjà plus que substantielle, s’ajoute plus d’un millier de missiles de croisière, embarqués à bord des destroyers et sous-marins de la Marine chinoise, ainsi que les nouvelles armes hypersoniques comme le DF-17 armé d’un planeur capable de manœuvre à des vitesses dépassant mach 5.

Le double-rideau défensif nippon face à la menace des missiles balistiques chinois et nord-coréens

Pour faire face à ces menaces, Tokyo avait tablé sur la constitution d’un double-rideau défensif antimissile, composé, d’une part, par les huit destroyers AEGIS des classes Kongo, Atago et Maya, ainsi que par un dispositif AEGIS Ashore, semblable à celui qui protège aujourd’hui les iles hawaïennes. Équipés de radars SPY-1 et de missiles SM-3 et SM-6, ces deux rideaux successifs devaient être en mesure de protéger les infrastructures civiles et militaires de l’archipel nippon, face à des attaques préventives chinoises ou nord-coréennes.

destroyer AEGIS Maya
La Marine japonaise met en œuvre huit destroyers AEGIS : quatre classes Kongo, deux classe Atago et deux classe Maya, ici en illustration.

C’était cependant sans compter sur la densité importante de population du pays. En effet, les riverains proches du site sur lequel le système AEGIS Ashore devait être déployé, s’opposèrent à cette construction, redoutant aussi bien les retombés de débris en cas d’interception réussie, que la certitude d’être une cible plus que prioritaire pour un adversaire potentiel, le cas échéant.

Quoi qu’il en soit, en 2021, Tokyo annonça l’annulation de ce programme, et le lancement d’un programme de remplacement, avec le développement de deux nouveaux destroyers AEGIS, spécifiquement conçus pour la protection antibalistique et antimissile de l’archipel.

Le programme des super-destroyers AEGIS ASEV de la Marine japonaise

Baptisé ASEV pour Aegis System Equipped Vesse, ces deux navires n’usurperont pas le qualificatif de super-destroyer, ou d’arsenal ship. Plus longs de 20 mètres que les Maya, avec une longueur de 190 mètres, ils seront aussi 20 % plus large, avec un maître-bau de 25 mètres contre 21 m. De fait, les deux navires seront beaucoup plus imposants que les destroyers Aegis nippons ou américains, avec un tonnage de 12 000 tonnes, presque moitié plus lourd que les 8 400 tonnes des Maya.

Surtout, les ASEV seront très bien armés, avec 128 silos verticaux pour accueillir des missiles SM-3 et SM-6 anti-balistiques et anti-missiles, mais aussi des missiles de croisière Tomahawk. Rappelons, en effet, que les autorités nippones ont amandé la constitution pour permettre l’utilisation de missiles de croisière contre un territoire adverse, y compris lors de frappes préventives, ce qui était jusque ici considéré comme contraire à la posture exclusivement défensive imposée aux forces d’autodéfense nippones.

SM-3 missile
Le missile anti-balistique SM-3 peut intercepter des cibles en vol balistique à une altitude allant de 80 à plus de 150 km. En revanche, il est incapable d’intercepter des vecteurs évoluant plus bas, ou ne suivant pas une trajectoire balistique classique.

L’armement des super-destroyers comportera aussi un canon de 5 pouces / 127 mm Mk45, des missiles antinavires à longue portée Type 12, et pourra recevoir, à l’avenir, des systèmes laser à haute énergie pour lutter contre les essaims de drones. Sans être ouvertement annoncé, on peut penser, également, que les navires pourront recevoir les nouveaux canons électriques de petit calibre actuellement à l’essai sur un navire nippon, conçus spécifiquement pour contrer les menaces hypersoniques.

Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces munitions, chaque destroyer sera équipé du nouveau radar AN/SPY-7, évolution de l’AN/SPY-6 qui équipera les destroyers Arleigh Burke Flight III ainsi que les frégates de la classe Constellation de l’US Navy. Selon les déclarations officielles nippones, les études pour intégrer ce nouveau radar et de la nouvelle version du système AEGIS, serviront aussi à préparer la rénovation à mi-vie des 4 destroyers AEGIS de la classe Kongo, entrés en service entre 1993 et 1998.

Un équipage 20 % plus compact pour un navire 50 % plus imposant que les destroyers de la classe Maya

Un effort tout particulier a été fait, lors des études préalables, afin de réduire la taille de l’équipage, ramené à 240 officiers, officiers-marinier et matelots, contre 300 sur les Maya. À l’instar des autres forces armées occidentales, peut-être davantage qu’elles, les armées japonaises peinent aujourd’hui à maintenir leurs effectifs, en lien avec la chute démographique du pays et le vieillissement rapide de la population.

Dans ce contexte, réduire, autant que possible, les ressources humaines nécessaires au navire, s’avère évidemment vital pour en assurer le bon fonctionnement. Ce d’autant qu’avec seulement deux navires de ce type en service, il est probable qu’il sera nécessaire de mettre en place un principe de double équipage, comme c’est le cas pour les frégates françaises, de sorte à disposer, en permanence, d’une présence à la mer ou en posture d’alerte.

Destroyers AEGIS ASEV console SPY-1 USS Normandy
Le système AEGIS est entré en service à bord des croiseurs de la classe Ticonderoga, comme l’USS Normandy ici en illustraation

La construction des navires débutera en 2024, alors que le ministère de la Défense japonais a obtenu une ligne de financement pour 373 milliards de Yens sur cette année, soit l’équivalent de 2,3 Md€, pour ce programme. Le premier destroyer est attendu par les forces d’autodéfense nippone pour 2027, suivi, un an plus tard, par la seconde unité. Chaque destroyer doit couter, selon les deniers chiffres publics, 395 milliards de yens, soit 2,51 Md€.

L’engouement des grandes marines pour les super-destroyers

À ce moment-là, les ASEV nippons seront, très certainement, parmi les navires de combat de surface les plus puissamment armés en service, avec les Sejong the Great sud-coréens, les Type 055 chinois et les deux derniers Kirov russes, qui évoluent cependant dans une autre catégorie.

Destroyer Type 83 royal navy
La Royal Navy a annoncé le développement d’une nouvelle classe de destroyers, baptisée Type 83, qui sera sensiblement plus imposante que les Type 456 de la classe Daring actuellement en service.

D’autres marines, en Italie avec le programme DDx, en Grande-Bretagne avec le destroyer Type 83, ou encore la Turquie avec le destroyer du programme MILGEM, se sont également engagées dans le développement de ces imposantes unités de surface combattantes, très lourdement armées. Mais aucune, si ce n’est le programme d’Arsenal ship sud-coréen, ne sera conçu selon les mêmes paradigmes que les ASEV nippons.

Reste à voir, concrètement, si ces grandes unités navales, très bien armées, mais non pourvues du don d’ubiquités, sauront de montrer plus efficaces que les 2 ou 3 frégates qu’ils auront coutées ? C’est, aujourd’hui, une question qui n’a pas trouvé, encore, de réponse ferme.

Ravitailler un avion ravitailleur KC-10 en vol : le nouveau pari de l’US Air Force

Un avion ravitailleur peut-il être ravitaillé, en vol, par un autre appareil qui ne serait pas, lui-même, un ravitailleur ? C’est à ce défi que sont attelées les équipes de la base aérienne de Travis, en Californie, en réalisant un ravitaillement inversé entre un KC-10 Extender et un C-5M Super Galaxy, pour venir accroitre la palette d’options opérationnelles de l’US Air Force, en particulier dans le Pacifique.

On le sait, si les forces aériennes occidentales surpassent leurs adversaires potentiels dans le monde, comme la Russie et la Chine, ce n’est pas tant par l’efficacité ou des technologies avancées de sa flotte de chasse, ni en lien avec un avantage numérique parfois important sur certains théâtres. C’est avant tout la conséquence d’une flotte d’appareils de soutien très efficace, et densément fournie, comme les avions de ravitaillement en vol.

À elle seule, l’US Air Force détient les trois quarts des avions ravitailleurs mondiaux, et plus de 50 % des appareils d’alerte aérienne avancée, les fameux Awacs. Le bloc occidental, dans son ensemble, met en œuvre 90 % des flottes mondiales dans ces deux domaines.

L’avion ravitailleur, un multiplicateur de force très efficace

Or, chacun de ces appareils constitue un multiplicateur de force très efficace lorsqu’il opère. Ainsi, un Awacs permet d’optimiser la réponse de la flotte de chasse déployée dans un secteur, pour répondre aux menaces aériennes et coordonner les demandes d’appui et des frappes. Là où 8 ou 12 avions de chasse sont nécessaires en temps normal, une flotte de 4 ou 6 appareils, coordonnés par un Awacs, effectue la même couverture de zone.

KC-135 F-16
Le ravitaillement en vol permet d’accroitre l’allonge des avions de combat, mais aussi, et surtout, d’augmenter leur autonomie au-dessus de la zone d’engagement, agissant comme un multiplicateur de forces

Il en va de même pour les avions ravitailleurs. En effet, dans une mission opérationnelle, le « temps sur zone » d’un avion de combat, représente la différence entre son autonomie, et les trajets aller et retour de et vers sa base d’opérations. Bien souvent, un chasseur n’a que quelques minutes ou dizaines de minutes, au-dessus de sa zone de combat, pour mener sa mission, même alourdi d’imposants bidons.

Le ravitaillement en vol permet précisément de s’affranchir de ces trajets de transit, ce qui augmente considérablement le temps de présence d’un appareil sur zone ou, au besoin, lui permet d’aller beaucoup plus loin. Ainsi, un avion ravitailleur sur zone autorise de 8 ou 12 avions de combat d’économiser un trajet aller-retour vers la base (variable selon la distance à la base et le type de ravitailleur), pour tenir la même posture opérationnelle. L’effet multiplicateur de force est, là, tout à fait évident.

Une flotte onéreuse pour l’US Air Force, mais vulnérable et ciblée par l’adversaire

Si le rôle de multiplicateur de force des Awacs et des avions ravitailleurs est incontestable, il l’est aussi pour ceux qui doivent s’y opposer. De fait, ces appareils sont devenus, dès le début des années 70, la cible prioritaire de l’aviation de chasse adverse, notamment soviétique, qui développa des tactiques et des armements pour éliminer ces appareils, ou tout au moins, les repousser au-delà de leur zone d’efficacité.

C’est ainsi que des missiles à très longue portée, comme le 9M83 du système sol-air S-300V (SA-12 Gladiator) d’une portée de 250 km, ou le missile air-air R-37 d’une portée de 300 km, furent développés par les ingénieurs soviétiques dans les années 70, pour entrer en service dans les années 80. L’objectif était, ici, d’obliger les travailleurs et les Awacs de l’OTAN à opérer à plusieurs centaines de kilomètres de la ligne d’engagement, réduisant d’autant leur efficacité au soutien de l’aviation de chasse occidentale.

S-35s tirant un missile R-37M
Le missile air-air à très longue portée russe R-37M peut être emporté par l’intercepteur Mig-31 et le chasseur lourd Su-35s.

On notera, à ce titre, que soviétiques, puis russes et chinois, privilégient toujours, aujourd’hui, l’utilisation de chasseurs lourds dotés d’une grande autonomie, comme les appareils de la famille des Flanker (Su-27/30/33/34/35 et J-11/15/16), plutôt que d’investir dans une vaste flotte de ravitailleurs en vol. Il est vrai, cependant, que des efforts sont faits, notamment en Chine, pour renforcer l’ensemble de la flotte de soutien ces dix dernières années, avec le développement de nouveaux Awacs et l’entrée en service de l’avion ravitailleur T-20U.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, face aux systèmes antiaériens à longue portée comme le S-400 russe ou le HQ-9 chinois, et aux missiles air-air à très longue portée, comme le R-37M russe et le PL-17 chinois, ces mêmes avions de soutien doivent opérer à plus longue distance des lignes d’engagement, obligeant les avions de combat à de plus fréquents allers-retours pour aller se ravitailler auprès d’eux. Ce qui, évidemment, tend à réduire leur propre autonomie au combat, leurs propres réserves de carburant s’étiolant bien plus rapidement.

Le ravitaillement inversé, une solution potentielle pour accroitre la durée de présence d’un ravitailleur au combat

Pour maintenir le même coefficient multiplicateur de force, dans ces conditions, il eut été nécessaire soit d’augmenter le format de la flotte de ravitailleurs, un appareil particulièrement onéreux à plus de 200 m$ l’unité, soit de ravitailler en vol les ravitailleurs eux-mêmes.

Cependant, ravitailler en vol un ravitailleur à partir d’un autre avion ravitailleur, ne serait qu’une perte de temps, et de carburant, le nouvel appareil ayant plus vite fait de se substituer à l’ancien sur sa zone de patrouille, plutôt que de passer 30 minutes à le ravitailler, durant lesquels ni l’un ni l’autre ne peuvent alimenter les avions de combat en besoin de carburant.

KC-46 ravitaille C-5M
Le ravitaillement inversé permet à un appareil qui n’est pas un ravitailleur en vol, de transférer du carburant vers un ravitailleur pour accroitre son temps de mission.

C’est là qu’intervient une idée expérimentée il y a quelques jours sur la base aérienne de l’US Air Force de Travis, en Californie. Celle-ci a, en effet, permis à un ravitailleur KC-10 Extender, d’être ravitaillé en vol par un avion de transport lourd C-5M Super Galaxy. N’étant pas équipé d’une perche de ravitailleur, le C-5M s’est connecté au KC-10 par la perche de ravitaillement de ce dernier, comme s’il venait se faire ravitailler. Mais, au lieu de recevoir le carburant du ravitailleur, il a envoyé son propre carburant dans la perche, pour reconstituer les réserves du KC-10.

Cette procédure de ravitaillement inversé, a durée près de 30 minutes, afin de permettre le transfert de 10,66 tonnes de carburant vers le KC-10, de quoi ravitailler encore 5 à 8 appareils de combat. Évidemment, là où un transfert de carburant classique profite de la graviter pour être envoyé vers l’avion receveur en contrebas, les pompes du Galaxy ont dû remonter une colonne liquide de 10 à 15 mètres, pour atteindre le KC-10, réduisant de fait le débit.

Pour autant, la démonstration faite par les personnels de la base de Travis est on ne peut plus concluante. En effet, au besoin, il est possible de mobiliser des appareils de la flotte de transport, pour soutenir les avions ravitailleurs et étendre leur propre autonomie de vol.

Drones, systèmes hard kill, furtivité : l’avenir du ravitaillement en vol se prépare aujourd’hui

Toutefois, bien que pertinente, cette procédure ne peut, dans les faits, être considérée que comme une procédure d’urgence. Les avions de transport, en particulier de transport lourd comme le Super Galaxy, ont bien sûr de nombreuses missions à remplir, y compris en temps de conflit, ne serait-ce que pour assurer le soutien logistique des bases aériennes à partir desquelles les avions de combat alliés sont mis en œuvre.

Programme KC-Z, vue d'artiste
L’US Air Force a volontairement réduit le format du programme KC-Y pour mettre tous ses efforts dans le programme KC-Z qui doit produire un ravitailleur de nouvelle génération capable d’évoluer plus près des zones contestées.

D’ailleurs, plusieurs programmes, plus ambitieux et plus structurés, sont en cours de développement pour l’US Air Force, afin de répondre à ce défi particulier. Ainsi, dans le cadre du programme KC-Z, qui doit permettre de renouveler la flotte de ravitailleurs américains, le nouvel appareil devra être plus furtif et capable d’opérer avec des drones.

En procédant de cette façon, le ravitailleur pourra évoluer à une distance plus proche de la ligne d’engagement, de sorte à réduire les délais de trajet des avions de combat, et pourrait même disposer de drones de ravitaillement destinés à apporter le carburant au plus près du besoin, sans risquer le précieux appareil. On notera que l’utilisation de drones de ravitaillement en vol est déjà en cours de déploiement au sein de l’US Navy avec le MQ-25 Stingray, qui devrait entrer en service opérationnel d’ici à 2026.

Laser program SHIELD US Air Force
Le programme SHIELD de l’US Air Force doit permettre de protéger les avions de soutien et de combat contre les missiles air-air et sol-air à l’aide d’un laser à haute énergie.

Le second axe poursuivit par l’US Air Force repose que la protection de ses appareils de soutien, en particulier à l’aide de systèmes hard kill à énergie dirigée, un laser à haute énergie. C’est l’objectif du programme Shield, qui doit précisément permettre à des avions de soutien, mais également des chasseurs d’escorte, de mettre en œuvre un laser à haute énergie pour détruire les missiles qui les viseraient.

Quoi qu’il en soit, la démonstration faite par le 22ᵉ Airlift, il y a quelques jours, permet à l’US Air Force d’étendre sa palette d’options opérationnelles pour répondre à des enjeux difficiles, en particulier dans le pacifique face à la Chine. Ce théâtre, caractérisé par de très longues distances séparant les bases aériennes des zones d’engagement potentiel, nécessite plus que jamais des capacités de soutien étendu, pour être en mesure de contrer les forces aériennes chinoises qui, elles, évolueront à proximité de leurs propres bases aériennes.

Effort de défense : le seuil des 2 % PIB va-t-il bientôt voler en éclat sous la pression des Etats-Unis ?

L‘effort de défense minimal, établit par l’OTAN à 2 % du PIB pour ses membres, est de plus en plus régulièrement remis en question et jugé comme anachronique et insuffisant, alors que plusieurs analyses concernant les évolutions géostratégiques en cours ont été publiées récemment outre-Atlantique.

Quels que soient les résultats des élections présidentielles américaines de 2024, il se pourrait bien que Washington fasse bientôt pression sur ses alliés européens, pour augmenter ce seuil et ainsi rééquilibrer l’impossible équation stratégique mondiale qui se dessine.

La Genèse du seuil des 2 % pour l’effort de défense OTAN

La règle de l’effort de défense minimum de 2 % du PIB au sein de l’OTAN, est aujourd’hui perçue, tant par l’opinion publique que par une large partie de la sphère politique occidentale, comme le seuil d’efficacité permettant d’assurer une sécurité collective exhaustive.

De fait, pour beaucoup, ce seuil aurait été établi après de savants et complexes calculs, évaluations et projections, pour en déterminer le montant optimal. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

Effort de défense à 2 % établit au sommet de Cardiff de l'OTAN de 2014
La règle d’un effort de défense minimal à 2 % du PIB a été négocié en amont du sommet de l’OTAN de Cardiff de 2014.

En préparation du sommet de l’OTAN de Cardiff, en 2014, les chefs politiques et militaires de l’OTAN se virent confier une mission particulièrement difficile, celle de trouver le montant maximal d’un effort de defense commun, acceptable par l’ensemble des membres de l’alliance lors de ce sommet. C’est ainsi que le seuil des 2 % est apparu, tout comme l’échéance de 2025 sans autre contrainte intermédiaire, car il s’agissait là du meilleur compromis acceptable par l’ensemble des acteurs.

Pour beaucoup des dirigeants de l’époque, cet accord était symbolique, et très peu contraignant, par son calendrier particulièrement long leur permettant de remettre à la prochaine mandature, voire à la suivante, la responsabilité de trouver les financements nécessaires. D’ailleurs, force est de constater que jusqu’à l’offensive russe en Ukraine, l’immense majorité des pays européens, mais aussi le Canada, semblait loin d’être particulièrement concernée par cet engagement.

Même après cela, la Belgique, le Canada, le Portugal et l’Italie, ne respecteront pas l’échéance de 2025, parfois de beaucoup, sans qu’ils ne s’en inquiètent plus que de raison (Le Luxembourg est un cas à part, du fait un PIB par habitant très important, et d’une population très faible).

Le seuil planché d’un effort de défense de 2 % instauré par l’OTAN en 2014, ne représente donc que le plus petit commun dénominateur politique de ses membres, qui plus est en 2014, alors que la perception de la menace était radicalement différente d’aujourd’hui.

Les armées russes bien plus puissantes en 2030 qu’en 2022

La menace, et plus particulièrement la menace que fait porter la Russie sur l’Europe, a cependant évoluée entre 2014 et aujourd’hui, et promet d’évoluer encore davantage dans les années à venir, quelle que soit la conclusion du conflit en Ukraine.

T-14 Armata 9 mai 2015 place rouge
La présentation officielle du T-14 Armata lors de la parade du 9 mai 2015 pour le 70ᵉ anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie. Huit ans plus tard, l’Armata n’est toujours pas opérationnel.

La Russie avait, de 2014 à 2022, date du début de l’offensive en Ukraine, produit d’importants efforts pour moderniser ses armées, et surtout son industrie de défense. Ainsi, le nombre de brigades opérationnelles avait augmenté de près de 50 % sur cet intervalle de temps, comme le nombre d’équipements modernes au sein des unités.

Si la guerre en Ukraine a montré que certains des efforts de modernisation avaient été plus virtuels qu’efficaces, d’autres, en revanche, ont été objectivement performants, comme pour ce qui concerne la modernisation des chantiers navals russes qui produisent, désormais, des navires trois fois plus vite que 10 ans auparavant.

De même, si certains équipements jugés prometteurs en 2014/2015, comme le char T-14, le VCI Kurganet 25 ou l’APC Boomerang, ne sont toujours pas entrés en service, d’autres équipements, comme le planeur hypersonique Avangard, ou le missile hypersonique antinavire Tzirkon, sont bien opérationnels aujourd’hui, et influences le rapport de force.

Surtout, la plupart des analystes occidentaux s’accordent aujourd’hui pour reconnaitre que la modernisation opérationnelle que l’Armée russe n’était pas parvenue à réaliser de 2012 à 2022, est dorénavant en cours, en lien avec les enseignements de la guerre en Ukraine. Dans le même temps, l’économie russe s’est transformée pour progressivement réduire sa dépendance à l’occident, et donc résister aux sanctions infligées en 2022.

RS-28 SArmat Avangard
Le planeur hypersonique Avangard est annoncé opérationnel depuis cette année sur les ICBM RS-28 Sarmat russes.

C’est en particulier le cas concernant l’industrie de défense qui, de l’avis des analystes les mieux informés, produit désormais à un rythme considérablement plus soutenu qu’avant-guerre, et ce dans tous les domaines.

En d’autres termes, la menace russe, qui s’applique principalement sur l’Europe, est déjà aujourd’hui très sensiblement supérieure à celle qui était envisagée en 2014 lors de la construction du seuil à 2 %. Surtout, elle est appelée à croitre rapidement dans les années à venir, quelle que soit la conclusion de la guerre en Ukraine.

L’évidente impasse de la protection américaine de l’Europe

À ce constat déjà préoccupant, s’ajoute un second facteur aggravant, la montée en puissance très rapide de l’Armée Populaire de Libération chinoise dans le Pacifique et l’Océan Indien.

Nous ne reviendrons pas sur la trajectoire de modernisation suivie depuis plusieurs décennies par les armées chinoises, ainsi que par son industrie de défense, sujet maintes fois traité dans nos articles. En revanche, il apparait, ces derniers mois, de manière de plus en plus évidente, que dans les quelques années à venir, d’ici à 2027/2028, la puissance militaire qu’aura atteint l’APL sera telle qu’il sera indispensable aux forces armées américaines de peser de tout leur poids, pour espérer les contenir, notamment autour de Taïwan.

Le théâtre Pacifique n’est pas, en soi, du ressort de l’OTAN, même si plusieurs de ses membres, dont la France, ont des intérêts directs dans cette région. En revanche, si les Etats-Unis devaient massivement intervenir dans le Pacifique, que ce soit dans une posture dissuasive ou pour une opération militaire, celle-ci mobiliserait l’immense majorité de ses forces armées, et se ferait donc au détriment de la protection de l’Europe.

Flotte marine chinoise
La flotte chinoise se développe plus rapidement que l’ensemble des flottes alliées, selon une récente étude.

Inversement, si les Etats-Unis devaient accroitre leur présence en Europe, pour tenir en respect la menace russe croissante, cela ne pourrait se faire qu’au prix d’un affaiblissement très notable de la posture dissuasive dans le Pacifique, voire de ses chances de victoire en cas de conflit. En un mot comme en cent, les armées américaines n’ont plus, aujourd’hui, la capacité de s’imposer sur deux fronts majeurs simultanément, comme ce fut, en partie, le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, avec un contexte par ailleurs radicalement différent.

À ce titre, il convient de garder à l’esprit que tous les présidents américains de ces deux dernières décennies, ont considéré que le Pacifique était un espace stratégique plus important pour les Etats-Unis, que le théâtre européen. Par ailleurs, dans le Pacifique, les Etats-Unis ne peuvent s’appuyer que sur quelques alliés, par ailleurs dispersés géographiquement et politiquement (Australie, Corée du Sud, Japon, Nouvelle-Zélande, Philippine, Singapour et Taïwan), alors qu’en Europe, l’OTAN représente une force homogène trois fois plus peuplée et douze fois plus riche que la Russie.

Vers une augmentation du seuil OTAN en 2024, ou 2025, quel que soit le résultat des élections US

Face à un tel constat, il n’est guère surprenant qu’un nombre croissant de voix s’élève, outre Atlantique, pour que Washington fasse pression sur ses alliés européens afin qu’ils augmentent leur effort de défense bien au-delà du seuil des 2 % actuellement visé.

L’objectif est évidemment de confier aux européens le contrôle du front européen et la neutralisation de la menace russe conventionnelle, afin de permettre aux armées américaines de se tourner pleinement vers la Chine et la Pacifique. Le parapluie nucléaire américain, lui, demeurerait inchangé, tout au moins dans la plupart des analyses publiées à ce jour.

US Army en Europe
Les Etats-Unis ne pourront pas conserver d’importantes forces en Europe encore longtemps sans venir affaiblir leur potentiel dissuasif dans le Pacifique.

Si les objectifs sont relativement similaires entre analystes, la façon d’y parvenir, en revanche, diverge radicalement selon les camps politiques. Ainsi, les think tank démocrates ou républicains modérés semblent privilégier la négociation, et l’influence politique. Les groupes d’études républicains, proches du candidat Trump, préconisent au contraire des mesures bien plus directes et coercitives, pour forcer la main des européens sans entrer dans d’interminables négociations. Pour eux, non sans raison, le temps n’est plus à la discussion, et les décisions doivent être prises rapidement.

L’ensemble de ces analyses converge en revanche sur la nécessité de revoir, rapidement, le seuil des 2 % de 2014, qui ne répond plus du tout au contexte sécuritaire du moment, et qui doit donc être rapidement revu à la hausse. On notera par ailleurs que le calendrier préconisé ici, ne s’étale pas sur 10 ans, comme précédemment, mais sur une période beaucoup plus courte, alors que la zone de danger devrait débuter avant la fin de la présente décennie.

Les Européens devront assumer une part bien plus importante de la sécurité collective, en Europe et au-delà

La hausse pourrait être d’autant plus significative pour les européens, que les analystes américains semblent considérer qu’il pourrait être du ressort de l’OTAN, donc des européens, d’intervenir sur des théâtres adjacents. Il s’agit, bien évidemment, du bassin méditerranéen, mais aussi du Moyen et Proche-Orient, de l’Afrique et du Caucase.

Armées belges
Si certains pays, comme la Pologne, se montrent exemplaires dans leur effort de defense, d’autres, comme la Belgique, font la sourde oreille quant au besoin d’accroitre leur effort de défense, persuadé qu’ils sont d’être intouchable.

L’objectif est le même que déjà évoqué, à savoir permettre un désengagement des forces conventionnelles américaines, tout en maintenant une stabilité politique et sécuritaire qui profiterait à tous.

Paradoxalement, alors que plusieurs pays européens, notamment ceux disposant d’une marine de haute mer, paraissent enclins à s’engager dans le Pacifique et l’Océan Indien, aux côtés des alliés occidentaux, cet aspect n’est que peu évoqué par les différentes analyses, si ce n’est sur le plan anecdotique, en dehors, assurément, de l’initiative AUKUS qui se veut, elle, stratégique.

Conclusion

Il faut donc s’attendre, dans les mois et quelques années à venir, à ce que la pression des Etats-Unis sur les pays européens s’intensifie beaucoup, pour accroître leur effort de defense, et surtout pour permettre un désengagement conventionnel des forces américaines de ce théâtre au profit du théâtre Pacifique.

Si les méthodes pour y parvenir dépendront des résultats des élections américaines de 2024, la finalité, quant à elle, sera très certainement la même, à savoir une hausse sensible des budgets des armées européennes, et une probable révision à la hausse du plancher de 2 % actuellement visé par l’OTAN.

Reste que si certains pays, comme la Pologne, la Roumanie ou encore les Pays Baltes, n’y verront aucune objection, d’autres, comme la Belgique, le Canada, l’Espagne, l’Italie et surtout l’Allemagne, tenteront sans le moindre doute de minimiser cette hausse, ou de l’inscrire dans un calendrier au long cours, permettant de remettre à demain ce que l’on ne veut surtout pas faire aujourd’hui. Cela promet des discussions animées entre alliés dans les mois à venir…

Le modèle de l’industrie de défense polonaise commence à fissurer

L’industrie de défense polonaise est certainement l’une de celle qui, aujourd’hui, se développe le plus rapidement en Europe, grâce aux nombreux contrats d’équipements signés ou à venir par les autorités du pays. Toutefois, comme le montre les récentes déconvenues de l’usine PZL Mielec qui assemble, pour Sikorsky, des hélicoptères S70 Black Hawk, ce modèle sur lequel l’ambition polonaise est bâtie, pourrait bien être structurellement instable.

Il y a quelques jours, le nouveau premier ministre polonais, Donald Tusk, a annoncé que l’ensemble des engagements et contrats signés par la précédente mandature, en matière d’équipements de défense, serait respecté.

Si cette annonce démontre l’engagement de la nation polonaise pour assurer sa propre sécurité face à la menace russe, ainsi que pour prendre une position centrale dans le dispositif défensif de l’OTAN, elle engage aussi le nouveau gouvernement dans ce que l’on sait représenter une équation budgétaire et industrielle qu’il sera très difficile d’équilibrer.

Production locale soutenue pour répondre aux ambitions des armées polonaises

Pour amortir en partie les couts faramineux pour l’acquisition ci d’avions de combat, là de frégates et sous-marins, ainsi que de la plus formidable force terrestre mécanisée en Europe, le précédent gouvernement Duda avait conçu un plan audacieux, s’appuyant tout à la fois sur de la dette nationale, et sur le développement d’une puissante industrie de défense, pour en amortir les couts.

industrie de défense polonaise K239 Chunmoo
L’assemblage des KRM K239 Chunmoo par l’industrie de défense polonaise a débuté en mai 2023

De fait, l’essentiel des contrats négociés ces dernières années par Varsovie s’appuie sur un important volet de production locale, avec transferts de technologie et coopérations commerciales sur le marché européen.

C’est ainsi que les chars K2PL, les canons automoteurs Krab ou encore les frégates polonaises, seront tous assemblés sur place, avec en corollaire, la création d’un important site industriel pourvoyeur d’emplois, donc de recettes fiscales, pour Varsovie.

Un modèle structurellement instable pour l’industrie de défense polonaise

Pour autant, comme nous l’avions abordé dans un précédent article du mois de juin, le modèle polonais souffre d’une évidente faiblesse, l’exposant, à moyen terme, à des risques très élevés.

En effet, pour répondre à la menace russe en croissance rapide, et pour remplacer les équipements hérités de l’époque soviétique, Varsovie a pris le parti de renouveler et étendre l’ensemble de ses équipements sur une période de temps particulièrement courte, de l’ordre de 15 ans.

Or, le remplacement de ces équipements ne devrait se produire qu’une fois leur durée de vie opérationnelle atteinte, soit au-delà de 30 ans, si l’on se fonde sur le tempo technologique de ces dernières décennies.

On comprend, dès lors, que la survie des infrastructures et compétences industrielles sera très difficile à assurer pour Varsovie, au-delà de l’expiration des contrats de production pour leurs armées, sauf à devenir un acteur majeur sur le marché de l’exportation.

Leopard 2 usine Krauss Maffei Wegmann
Il sera ardu aux industriels polonais de s’imposer en Europe face aux industriels établis de longue date, comme l’allemand KMW avec son Leopard 2.

Il sera cependant très complexe à Varsovie de s’imposer en Europe. D’une part, dans de nombreux domaines, le marché est déjà largement pourvu en acteurs établis de longue date, et disposant, de fait, d’une base de clients solide et fidèle. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater le succès du Leopard 2A8 depuis son annonce, il y a juste six mois, alors qu’aucun pays européen, autre que la Pologne, ne s’est à ce jour tourné vers le K2 sud-coréen.

D’autre part, tout indique que si Varsovie a obtenu de ses partenaires industriels, une certaine flexibilité commerciale pour participer à des contrats exports, notamment en Europe, ceux-ci conservent toute latitude pour négocier d’autres partenariats avec d’autres acteurs, sur des bases analogues au besoin.

Ainsi, la Roumanie, qui pourtant s’engage dans les pas de Varsovie pour ce qui est de son parc blindé, ne semble nullement devoir acquérir ses chars et canons automoteurs auprès Varsovie, ou même devoir collaborer avec les industriels polonais sur le sujet.

La difficile équation de l’usine PZL Mielec s’invite déjà sur le bureau du nouveau gouvernement

Si beaucoup de ces situations ne devraient pas intervenir avant une dizaine, ou une quinzaine d’années, certaines autres ont un calendrier beaucoup plus court. C’est spécialement le cas de l’usine PZL Mielec, appartenant à la Lockheed Martin / Sikorsky Aircraft Corporation, qui produit les hélicoptères S70 Black Hawk pour les forces spéciales polonaises.

Rappelons que ce contrat a été signé avec Sikorsky en 2015, peu après que le gouvernement Duda a dénoncé le contrat signé par le précédant gouvernement avec Airbus Helicopters et la France, pour la construction de 50 H225M Caracal pour les forces armées polonaises. Pour s’assurer le contrat, Sikorsky avait intégré à celui-ci l’assemblage local d’un total de 100 appareils, dont seulement 12 étaient destinés aux forces spéciales polonaises.

S70 Black Hawk PZL Mielec
Le 100ᵉ hélicoptères S70 Black Hawk est sorti de la ligne d’assemblage PZL Mielec, qui reste avec un carnet de commande vide pour assurer sa pérennité.

Déjà, en 2021, la Pologne avait dû commander quatre appareils supplémentaires, pour garantir le bon fonctionnement de l’usine PZL Mielec. Mais, son avenir est dorénavant plus que menacé, alors que le 100ᵉ hélicoptère prévu par le contrat avec Sikorsky vient de sortir de la ligne d’assemblage, laissant l’usine avec un carnet de commande dramatiquement vide.

Des difficultés appelées à se multiplier à l’avenir sur plusieurs sites industriels défense polonais

Comme on pouvait d’y attente, le sujet est rapidement devenu un enjeu politique, alors que les acteurs syndicaux du site, ont directement interpelé le nouveau gouvernement pour demander de nouvelles commandes, et ainsi maintenir l’activité

Malheureusement pour eux, l’équation industrielle de ce site est impossible à équilibrer. En effet, sur la base de la seule commande nationale, il faudrait aux armées polonaises commander au moins une centaine d’appareils pour espérer maintenir l’activité du site de manière pérennisée.

En outre, ce chiffre ne vaut que si, de son côté, Sikorsky et Lockheed-Martin acceptaient de reconduire le coefficient multiplicateur industriel utilisé pour la première commande, ce qui est hautement improbable.

AH-64E Apache
La Pologne a commandé 96 AH-64E Apache auprès de Boeing. Peut-être une alternative pour sauver le site industriel PZL Mielec.

De fait, d’une manière ou d’une autre, l’usine PZL Mielec de Sikorsky, est condamnée à court terme. Au mieux, le site industriel peut-il espérer être repris par Boeing, pour l’assemblage dès 96 AH-64E à destination des forces armées polonaises, ce qui ne pourra pas se faire sans une certaine casse sociale, et ne pérennisera pas davantage le site. Au mieux celui-ci aura-t-il un sursis.

Surtout, ce premier épisode préfigure les difficultés que rencontreront la plupart des sites industriels polonais engagés sur une production bien trop rapide des équipements de défense pour les armées polonaises, selon un modèle similaire.

De manière évidente, le nouveau gouvernement, s’il prend effectivement ses distances avec les tendances populistes du PiS, aura à faire face à un immense défi, pour tenter de rationaliser cet effort, sans venir déstabiliser les ambitions défense de Varsovie.

Le nouveau système Hard Kill Diamant français peut-il résoudre les problèmes de l’US Army ?

Récemment sorti de l’ombre, le système hard kill Diamant doit permettre de protéger les blindés français à partir de 2026, en particulier les VBMR Griffon et Serval et l’EBRC Jaguar de la bulle Scorpion de l’Armée de terre. Dans le même temps, malgré plusieurs campagnes d’essais, l’US Army ne parvient pas à trouver un APS Hard Kill pour la protection de ses véhicules blindés 8×8 Stryker, les Trophy, Iron Fist et Strikeshield étant jugés trop lourds et onéreux. Il existe, ici, une évidente convergence entre les besoins des deux armées, auxquels le Diamant peut justement répondre.

Il y a quelques jours, nous avions abordé l’arrivée annoncée du nouveau système de protection Hard kill Diamant, en cours de développement et d’intégration à bord des blindés Scorpions VBMR Griffon et EBRC Jaguar. Si tout se déroule comme planifié, les premiers systèmes de ce type pourraient venir prendre place au sein du système de protection actif Prometeus de Thales, dès 2026, à bord de ces blindés, pour ensuite être portés sur d’autres plateformes, comme le VBCI, le Leclerc et le VBMR-L Serval.

systeme hard kill diamant sur griffon
Le nouveau système Hard Kill Diamant français peut-il résoudre les problèmes de l'US Army ? 24

Comme évoqué dans cet article, l’arrivée du système Diamant va représenter une immense plus-value opérationnelle pour les unités d’infanterie mécanisée françaises, qui verront la survivabilité au combat de leurs blindés croitre considérablement, en particulier dans un environnement de haute ou très haute intensité, que l’on sait particulièrement riche en roquettes, missiles et autres munitions rôdeuses antichars.

Mais le Diamant constituera, aussi, un produit d’appel particulièrement attractif pour l’industrie de défense terrestre française, que ce soit pour promouvoir les blindés de la bulle Scorpion sur la scène internationale, mais aussi pour protéger les blindés d’autres forces armées. En effet, le Diamant promet d’avoir ces deux qualités qui ont souvent fait le succès des systèmes d’armes français par le passé sur la scène internationale, celle d’être économique, et surtout d’être léger.

Disons-le immédiatement, les informations concernant le prix et la masse du Diamant sont pour l’instant confidentielles. Toutefois, le contexte d’emploi du système, d’une part, et le cahier des charges auquel il doit répondre, de l’autre, permettent de se faire une idée de ces deux aspects, si pas en valeur absolue, tout au moins en valeur relative, par rapport à la concurrence.

Trophy, Iron Fist et Strikeshield : les APS Hard Kill du marché ont été conçus pour des blindés relativement lourds

Il existe déjà plusieurs systèmes APS (Active Protection System) Hard Kill dans le monde, certains ayant même déjà démontré leur efficacité au combat, comme le Trophy de l’Israélien Rafael, qui protège les chars Merkava de l’armée israélienne, et qui a été choisi pour protéger les chars de génération Intermediate que sont les Leopard 2A8/X, de l’Abrams M1E3 et le Challenger 3. L’Iron Fist, de l’israélien IMI, a, quant à lui, été retenu par l’US Army pour la protection d’une partie de ses M2 Bradley.

Leopard 2A7 avec système Trophy
Le nouveau système Hard Kill Diamant français peut-il résoudre les problèmes de l'US Army ? 25

En Europe, c’est l’allemand Rheinmetall qui a pris les devants dans ce domaine avec le Strikeshield, un APS conçu pour protéger les blindés de combat comme le VCI Lynx et le char KF51 Panther. Il a, à ce jour, été choisi uniquement par l’Armée hongroise pour protéger les VCI Lynx qui seront assemblés sur place, les Leopard 2A7HU, quant à eux, étant protégés par le traditionnel Trophy.

Si ces systèmes ont démontré leur efficacité lors des essais, ils souffrent, toutefois, d’une masse, et d’un prix élevé. Et pour cause ! Ils ont été conçus pour protéger des blindés lourds comme des véhicules de combat d’infanterie de 40 tonnes, ou des chars de 55 tonnes et plus, pour lesquels un APS d’une tonne et de plus d’un million de dollars l’unité, représentent un investissement cohérent, et une prise de masse modérée sur la mobilité du véhicule.

L’US Army sans solution pour protéger ses blindés 8×8 Stryker

C’est précisément le constat que viennent de faire les équipes de l’US Army, en charge de trouver un APS Hard Kill pour venir protéger l’immense flotte de véhicules blindés Stryker qu’elle met en œuvre, plus de 5 900 véhicules. En effet, avec une masse au combat de seulement 18 tonnes, et un prix par véhicule de 4 m$, le Stryker ne peut se permettre d’emporter un Trophy, ni même un Strikeshield récemment testé sans succès.

US Army stryker
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En effet, ces APS, par leur masse, viendrait de trop dégrader la mobilité du blindé, tout en faisant considérablement croitre son prix unitaire, là où, justement, l’objectif était de mettre en œuvre une flotte économique de transport de troupe sous blindage. De fait, à ce jour, tous les essais menés par l’US Army pour équiper le Stryker d’un APS Hard Kill se sont révélés décevants, alors que, dans le même temps, la guerre en Ukraine a montré l’absolue nécessité de ce type de protection pour un blindé évoluant à proximité de la ligne d’engagement.

Le système hard kill Diamant, conçu pour la protection des blindés français

C’est exactement là que le Diamant français pour se révéler être la perle rare pour l’US Army. Conçu dès le départ pour protéger des blindés relativement légers, comme les VBMR Griffon et EBRC Jaguar de 24 tonnes, et les VBMR-L Serval de 16 tonnes, le Diamant a nécessairement une masse réduite, ce d’autant que dans leur configuration actuelle, ces blindés flirtent déjà avec la limite de mobilité optimale de huit tonnes par essieux.

De même, les Griffon et Serval sont des blindés très économiques, dont le cout unitaire, hors systèmes secondaires, dépasse à peine le million d’euros. Pas question, dans ces circonstances, de venir doubler le prix du blindé par l’ajout de son APS, ce qui représenterait une hérésie budgétaire. D’ailleurs, le fait que le Diamant devait être léger et économique représentaient deux des critères essentiels du cahier des charges de l’Armée de Terre.

Des besoins et des contraintes proches entre l’Armée de terre française et l’US Army

Dès lors, même sans avoir connaissance des spécifications exactes du système Diamant, il apparait qu’il existe une évidente convergence de besoins, et de contraintes, entre la protection des Stryker de l’US Army, et celle des Griffon, Serval et Jaguar de l’Armée de Terre, ceux pour qui le Diamant a été conçu.

Mistral serval e1683547137913 Protection Hard-Kill / Soft-Kill | Actualités Défense | Chars légers et blindés de reconnaissance
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Bien évidemment, il faut encore plusieurs mois, et même un couple d’années, au système Diamant pour pouvoir entrer en service, et donc pour en connaitre les caractéristiques exactes. Toutefois, il semble bien que ce système, par ses paradigmes de conception, sera en mesure de répondre aux besoins auxquels l’US Army demeure, à ce jour, sans solution, et avec elle, nombre de forces armées pour la protection de leurs flottes de blindés sur roues 4×4, 6×6 ou 8×8, faisant tous face à des contraintes de prise de masse et de couts importantes.

Cela montre, aussi, la prouesse technologique réalisée par la BITD française pour développer ce système, afin de parvenir à concevoir un APS Hard Kill répondant à des exigences et contraintes très importantes pour protéger de blindés relativement légers ou moyens qui, aujourd’hui, constituent souvent la colonne vertébrale des forces terrestres.

La Hongrie finance le développement du char KF51 Panther de Rheinmetall, mais sans l’acheter…

Le groupe industriel allemand Rheinmetall vient d’annoncer la signature d’un accord avec la Hongrie, pour mener le char KF51 Panther du statut de démonstrateur jusqu’à la production industrielle. Toutefois, les 288 m€ qui seront dépensés par la holding industrielle d’état hongroise N7 dans cette aventure, vont profondément transformer le programme de l’industriel allemand, tout comme ses ambitions potentielles, en particulier en Europe.

En matière de contrat d’équipement de défense, le cas le plus classique, pour les pays disposant d’une industrie de défense, est de se tourner vers ses propres industriels pour passer contrat. Lorsque l’équipement n’est pas à la portée industrielle ou technologique de celle-ci, il est alors commun qu’un pays se tourne vers un de ses partenaires ou alliés pour l’acquérir, ou éventuellement, pour le produire sur place, avec certains transferts de technologies.

Parfois, des pays participent à un programme de recherche et de développement technologique sans avoir l’intention d’acquérir l’équipement, simplement pour faire avancer ses propres compétences (cas du NEURON). Dans les cas encore plus rares, un pays peut décider de se tourner vers un industriel étranger, pour developper un nouvel équipement qui lui serait propre et équiper ses armées.

Ce qui est très inhabituel, en revanche, c’est qu’un pays se tourne vers un industriel étranger, pour financer le développement d’un équipement qu’il ne prévoit pas d’acquérir, ou tout du moins, sans qu’il ait fait d’annonce en ce sens. C’est pourtant précisément ce que viennent de faire la Hongrie et l’allemand Rheinmetall, au sujet du nouveau char de combat KF51 Panther.

Le parcours du char KF51 Panther de Rheinmetall, du salon Eurosatory 2022 à aujourd’hui

Présenté pour la première fois au salon Eurosatory 2022, le Panther avait fait l’effet d’une bombe. Selon son concepteur, Rheinmetall, le char présenté alors, était fonctionnel, et pouvait même remplir la fonction de prototype, tant il était abouti. Face à lui, le nouvel EMBT présenté par KNDS, faisait naturellement pâle figure, tenant davantage de la maquette que du démonstrateur technologique à ce moment-là.

KNDS EMBT
Présenté conjointement au KF51 Panther lors du salon Eurosatory 2022, l’EMBT de KNDS semblait alors bien moins abouti technologiquement comme conceptuellement

La présentation officielle du KF51 s’était accompagnée d’une intense campagne de communication médiatique et d’un puissant lobbying politique vers le Bundestag. L’objectif de Rheinmetall, tel que son CEO Armin Papperger, l’a par la suite admis, était de faire dérailler le programme franco-allemand MGCS (qui n’avait pas besoin de ça à ce moment-là), pour s’emparer du juteux marché du remplacement des Leopard 2A4 et A5 en Europe et au-delà.

Malheureusement pour Rheinmetall, les choses n’évoluèrent pas précisément comme elles auraient dû. D’abord, la Bundeswehr annonça qu’elle commanderait des Leopard 2A7, et non des Panther, pour remplacer les Leopard 2A6 envoyés en Ukraine. Le coup de grâce est arrivé en avril 2023, lorsque KNDS présenta son nouveau Leopard 2A8, une évolution du Leopard 2A7HU vendu à la Hongrie quatre ans plus tôt, et que celui-ci fut immédiatement commandé par la Bundeswehr en lieu et places des A7 initialement prévus.

Dès lors, tout ne fut que succession de déception et de désillusion pour Rheinmetall, alors que la Norvège, la République tchèque et l’Italie emboitaient le pas de la Bundeswehr pour acquérir le A8, que les marchés polonais et roumains semblent destinés au K2 sud-coréen et à l’Abrams américain, et que même l’EMBT semble reprendre des couleurs, en étant officiellement proposé par la France à l’Égypte.

La Hongrie va financer la maturation technologique du Panther, sans s’engager à le commander

De fait, Rheinmetall se trouvait, jusque-là, proche d’une impasse, ne pouvant continuer de developper en fonds propres son Panther, pour en faire un véritable char de combat, sans les prémices d’une commande à l’exportation. C’est en particulier le cas après le semi-échec du KF-41 Lynx, lui aussi se voulant révolutionnaire à sa sortie il y a quelques années, mais qui n’a été commandé à ce jour que par Budapest, après avoir été battu lors de plusieurs compétitions par le CV90 suédois et le AS21 sud-coréen.

CV90 VCI
La Slovaquie et la République tchèque ont préféré le CV90 Mk4 suédois au KF41 Panther de Rheinmetall.

Le salut pour le Panther viendra, semble-t-il, une nouvelle fois de la Hongrie. En effet, Rheinmetall vient d’annoncer la signature d’un contrat de 288 m€ avec Budapest, pour poursuivre la maturation technologique du char au travers d’une coentreprise fondée avec la holding industriel d’état N7.

Si cette signature est naturellement présentée comme un succès par l’industriel allemand, les chiffres montrent que le rapport de force n’est plus favorable à celui-ci, puisqu’il ne disposera que de 49% de la coentreprise, contre 51% pour N7. À l’instar des négociations d’une startup avec un capital risqueur, Rheinmetall vient de perdre la main sur l’avenir du Panther. Cela dit, par ce contrat, au moins le KF51 pourra-t-il espérer en avoir un, d’avenir.

Une probable commande hongroise à venir, mais une commande limitée

Espérer est toutefois le bon terme. En effet, si N7 financera la maturation technologique du Panther, pour l’amener jusqu’à la production industrielle à grande échelle, Budapest ne s’est en revanche nullement engagé à acquérir le blindé. Paradoxalement, les exigences hongroises ont amené Rheinmetall à remplacer le canon de 130 mm, qui était un de ses principaux arguments différenciant jusqu’ici, par le L55-A1 de 120 mm, également construit par Rheinmetall, et qui équipe les Leopard 2 A6,A7 et A8.

Si le canon bénéficiera bien du système de chargement automatique, contrairement au Leopard 2A8, celui-ci a été imposé, semble-t-il, par Budapest pour des raisons de cohérence de la maintenance de la flotte, sachant que les armées hongroises mettent en œuvre le Leopard 2A7HU qui en est équipé. De même, le châssis du char, dérivé de celui du Büffel (véhicule de récupération de char) de Rheinmetall, est surtout très similaire à celui du Leopard 2, là encore pour simplifier la chaine logistique et le maintient en condition opérationnelle.

Leopard 2A7 avec système trophy
Le Leopard 2A8, comme le Leopard 2A7HU, est protégé par un système APS Trophy israélien.

Considérant les exigences hongroises pour le développement de la version de production du Panther, on peut donc s’attendre à une commande à venir pour les armées du pays. Pour autant, par leur format, et de la cinquantaine de Léopard 2 déjà commandés, il y a peu de doute que la commande de Budapest sera limitée, ne justifiant pas, à eux seuls, les investissements consentis.

Un partenariat Rheinmetall-N7 pour contourner le veto allemand sur les exportations de défense ?

De toute évidence, Rheinmetall, comme les autorités hongroises, parient ici sur des marchés à l’exportation pour rentabiliser l’investissement. Pour autant, il semble difficile à ce binôme de s’imposer sur un marché européen déjà bien achalandé, d’autant que le pouvoir hongrois est loin d’être jugé particulièrement fiable par ses partenaires européens.

L’objectif visé pourrait être de proposer le nouveau char sur des marchés vers lesquels l’Allemagne ne peut, ou ne veut pas aller, comme au Moyen-Orient. Cette stratégie est, à ce titre, déjà employé par Rheinmetall avec certaines coentreprises sud-africaines, créées précisément pour contourner les refus allemands ou européens d’exportation.

En faisant porter l’investissement de développement par la Hongrie, c’est, en effet, celle-ci qui s’approprie les droits de contrôle sur les technologies développées, sans que les autorités allemandes puissent s’y opposer, si tant est qu’elles souhaitent effectivement le faire.

M60 Arabie saoudite
La Hongrie et Rheinmetall visent probablement les juteux marchés de remplacement des chars au Moyen-Orient avec ce partenariat.

À moins que les objectifs soient plus insidieux, à savoir l’acquisition de compétences technologiques de premier plan dans le domaine des blindés, en vue de les monétiser d’une autre manière, vers des partenaires de la Hongrie qui pourraient être des adversaires de l’Allemagne. Ce n’est pas à exclure, étant donné le profil du dirigeant hongrois.

Reste que, d’une manière ou d’une autre, si cette signature permet à Rheinmetall de sauver son Panther, pour un temps au moins, elle marque aussi, très probablement, la fin des ambitions de l’industriel de Düsseldorf pour s’imposer face à KNDS sur le marché allemand et européen des chars de combat de génération intermédiaire. Difficile, dans ces conditions, de faire passer cela pour autre chose qu’un échec, après avoir dépensé autant d’énergie pour tenter d’y parvenir.

L’Ukraine mène-t-elle une Maskirovka pour pousser la Russie à l’offensive en 2024 ?

Une maskirovka, ou stratégie de désinformation, est-elle à l’œuvre ces dernières semaines autour du conflit en Ukraine ? On peut raisonnablement se poser la question, en constatant le changement de ton radical de la communication ukrainienne et alliée, quant au potentiel militaire des armées de Kyiv.

Dans le même temps, le Kremlin, comme son chef, Vladimir Poutine, se montrent plus confiant qu’ils ne l’ont été depuis le 25 février 2022, quant au succès des armées russes pour atteindre « les objectifs stratégiques de l’opération militaire spéciale ».

Cependant, une analyse attentive de la situation, pourrait laisser entrevoir un scénario bien différent, avec une Ukraine qui tenterait de pousser la Russie dans une offensive se voulant décisive et majeure, et tenter de reproduire la situation de mars 2022, pour rétablir l’équilibre stratégique, et éventuellement inciter Moscou à la négociation sur des bases favorables.

Une accumulation de révélations alarmantes concernant la résistance des armées ukrainiennes

Il est vrai que le flot de révélation de ces dernières semaines, au sujet du potentiel militaire ukrainien présent et à venir, a de quoi inquiéter. Entre le manque de munitions qui amènerait l’artillerie ukrainienne à tirer beaucoup moins d’obus que leurs adversaires, les ravages que feraient les drones Lancet russes dans la zone d’engagement, des unités ukrainiennes éreintées, et le manque de volontaire pour reconstituer les réserves, le tableau pourrait-être difficilement plus sombre pour Kyiv.

Caesar en Ukraine
L’Ukraine manquerait gravement de munitions, et notamment de munitions d’artillerie, pour résister à une probable offensive russe à venir.

Pourtant, il l’est ! Car dans le même temps, américains et européens clament qu’ils sont dans l’incapacité d’aider davantage les armées ukrainiennes, que les stocks d’armement transférables se sont taris, et que l’industrie occidentale ne parvient pas à livrer les obus d’artillerie et les munitions de précision à Kyiv au rythme requis.

Ainsi, ces dernières semaines, les forces ukrainiennes n’ont pas mené ces spectaculaires opérations dans la profondeur du dispositif russe, auxquelles elles nous avaient habitué jusqu’ici en frappant le pont de Kerch, la base navale de Sevastopol, ou des bases aériennes et centres de commandement en Russie et dans le Donbass.

De fait, se dégage, depuis quelques jours, un sentiment palpable d’inquiétude concernant un possible effondrement prochain des défenses ukrainiennes, si la Russie venait à passer à l’offensive en mobilisant les réserves qu’elle a pu régénérer avec l’aide d’une industrie de défense remobilisée et d’un pays ayant fait le choix d’une réelle économie de guerre.

La Russie et le Kremlin en pleine confiance depuis quelques semaines

Le message est, semble-t-il, parfaitement passé à Moscou. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter Vladimir Poutine ces derniers jours sur le sujet. Loin du ton sévère qui était le sien depuis avril 2022 et l’échec de l’offensive initiale, celui-ci se montre affable, confiant, et prompt à réaffirmer sa confiance dans les armées russes, et dans l’atteinte prochaine des objectifs qu’il avait lui-même fixés pour l’opération militaire spéciale, à savoir la de-nazification du pays, la neutralisation de ses armées et sa finlandisation.

evacuation blessé russe ukraine
Malgré les pertes très importantes de l’Armée russe, l’opinion publique russe demeure docile et sous le contrôle du Kremlin et de sa propagande.

Objectivement, le Kremlin a des raisons de retrouver le sourire. Les efforts produits depuis l’été 2022 ont, en effet, permis de considérablement remobiliser la base industrielle défense russe, qui fabrique désormais davantage de blindés, d’avions et de munitions, que n’en ont perdus ou consommés en Ukraine.

Dans le même temps, l’opinion publique demeure particulièrement docile, en dépit des pertes considérables enregistrées, il est question de plus de 200 000 tués, blessés et portés disparus. La propagande russe est à présent parfaitement huilée, et éteint rapidement les moindres foyers de contestation ou d’inquiétude, même si le mouvement des mères de soldat semble retrouver une certaine dynamique ces dernières semaines.

De fait, tout porte à croire que les armées russes reconstituent, en ce moment même, un corps de bataille mécanisé destiné à emporter la décision en Ukraine, surtout face à des défenseurs ukrainiens mal équipés, fatigués et ayant, en moyenne, 42 ans et plus, alors que les européens et américains paraissent plutôt chercher des excuses que des solutions pour venir en aide à leur allié.

Une Maskirovka pour pousser à une nouvelle offensive russe en Ukraine ?

Il est cependant possible, à bien y regarder, que ce narratif, soutenu par le camp occidental, relève d’une stratégie de désinformation pour pousser la Russie à lancer une nouvelle offensive majeure en Ukraine. En effet, outre le fait qu’il peut paraitre absurde d’exposer aussi ouvertement ses faiblesses à l’adversaire, plusieurs facteurs tendent à considérer l’hypothèse que tout cela relèverait d’une immense Maskirovka.

Un taux d’échange bien plus favorable au défenseur

En premier lieu, il convient de rappeler que depuis le début de cette guerre, le taux d’échange moyen est très largement en faveur du défenseur, plutôt qu’à l’assaillant. En effet, en dehors de la contre-offensive poursuite du printemps 2022, contre des forces russes cherchant à rejoindre leurs lignes, et non à défendre, l’offensive s’est toujours payée très cher pour celui qui la menait, avec rarement, des résultats satisfaisants à son terme.

offensive ukrainienne avril 2023
Les offensives, russes comme ukrainiennes, ont engendré des pertes considérables pour l’attaquant depuis le début du conflit ukrainien

On pouvait d’ailleurs penser, en janvier dernier, alors que les Ukrainiens préparaient leur fameuse contre-offensive, que les Etats-Unis et le Pentagone, ont tout fait pour dissuader Kyiv de s’engager dans cette voie, privilégiant davantage une posture défensive destinée à éroder ce qu’il restait des armées russes.

Pour Kyiv, cependant, l’hypothèse de laisser son territoire sous contrôle russe, avec le risque d’une coréanisation de la ligne d’engagement, était inadmissible, d’autant qu’une certaine euphorie s’était emparée de l’état-major et du gouvernement ukrainiens après la débandade russe entre avril et octobre 2022.

À l’inverse, dès que les deux armées se sont affrontées dans un schéma plus classique, avec un assaillant d’une part, et un défenseur de l’autre, les résultats ont été particulièrement défavorables à l’assaillant, qu’il soit russe ou ukrainien, d’autant plus que le défenseur pouvait s’arcbouter sur des positions préparées.

En fait, le taux d’échange, c’est-à-dire le taux de pertes comparées, a évolué entre 1 pour 3 et 1 pour 5 entre défenseur et attaquant, durant ce conflit. On comprend, dans ces conditions, comment inciter la Russie à l’offensive, permettrait aux armées ukrainiennes de compenser leur infériorité numérique, avec l’espoir, à terme, de reproduire le scénario de mars 2022 lorsque, après l’échec de l’offensive du Kyiv et les pertes enregistrées, les armées russes durent reculer sur tous les fronts et sur plusieurs centaines de kilomètres.

Des armées russes sans réserve stratégique

La situation au début de l’année 2024 est, toutefois, très différente de celle de début 2022. En effet, à ce moment-là, les 200 000 hommes et 1200 chars mobilisés pour l’Opération Militaire Spéciale, ne représentaient que 20 % du potentiel militaire russe global, et 30% du potentiel militaire russe opérationnel mobilisable.

T-80BVM Russie
L’industrie de défense russe produit aujourd’hui autant, voire plus, de blindés que les armées russes n’en perdent en Ukraine sur le même intervalle de temps

Aujourd’hui, en revanche, les quelque 450 000 soldats russes déployés en Ukraine et autour, représenteraient plus des deux tiers des capacités opérationnelles effectives russes. Dans ces conditions, engager ces forces, ainsi qu’une partie des forces de réserve restantes en Russie, dans une offensive majeure en Ukraine, laisserait la Russie avec les forces armées strictement nécessaires à sa protection stratégique.

Si, comme en 2022, l’offensive russe venait à se heurter à une defense ukrainienne solide et particulièrement bien préparée, les armées russes pourraient enregistrer des pertes très importantes, sans avoir la possibilité de les reconstituer avant de nombreux mois, voire plusieurs années.

À l’inverse, le pire des scénarios, pour Kyiv, serait que les armées russes poursuivent leur stratégie d’usure et de harcèlement, reposant en grande partie sur une guerre de position et des duels d’artillerie, avec un taux d’échange bien moins favorable, nonobstant les performances supérieures des équipements occidentaux fournis.

On comprend, dans ce contexte, tout l’intérêt qu’aurait Kyiv à inciter Moscou à une offensive majeure mobilisant une grande partie de ses forces, qui viendrait s’écraser contre des positions défensives ukrainiennes bien préparées, et soutenues par des stocks reconstitués d’armes spéciales, comme les missiles de croisière Scalp, des drones à longue portée, voire l’arrivée d’avions de combat, pour infliger le maximum de dégât aux armées russes et à leur flux logistique.

Le piège des élections russes de mars 2024

Ce piège serait d’autant plus tenant que la campagne électorale pour les élections russes de mars 2024 a débuté, et que Vladimir Poutine ne pourra pas résister à la possibilité de se parer de la cape de vainqueur en Ukraine avant cette échéance, pour que le vote, évidemment truqué, se transformer en véritable plébiscite populaire.

Vladimir Poutine
Les élections présidentielles russes de 2024 vont-elles pousser Vladimir Poutine à l’imprudence pour les transformer en plébiscite ?

Dans ce contexte, non seulement il sera très difficile à Poutine de ne pas prendre un appât aussi tentant, mais une fois engagée, le président candidat n’aura d’autres choix que de poursuivre, et même d’intensifier l’offensive, même si celle-ci venait à tourner à la boucherie.

Il pourrait alors manquer de clairvoyance pour stopper une offensive tournant au désastre, précisément pour ne pas devoir assumer un tel échec sur la scène électorale. Car si les institutions russes permettent un certain degré de fraude, elles ne peuvent s’opposer à un mouvement populaire majeur, ce qui demeure la plus grande crainte de Vladimir Poutine et des apparatchiks du Kremlin.

Conclusion

On le comprend, tout incite, aujourd’hui, Vladimir Poutine à lancer une nouvelle grande offensive en Ukraine, avec l’objectif d’atteindre les objectifs de 2022. Sur la base du narratif soutenu en occident et en Ukraine, il serait même probablement idiot, de ne pas le faire rapidement, alors que les armées ukrainiennes sont très affaiblies, et les alliés occidentaux en pleine hésitation quant au soutien à apporter à Kyiv.

Leopard 2A4 Ukraine
Plus que jamais, le soutien de l’industrie de défense occidentale sera vital pour la résistance des armées ukrainiennes.

Cependant, sauf à croire que les Ukrainiens, qui avaient si bien maitrisé l’information pendant les deux premières années du conflit, soient devenus incapables de la faire dorénavant, au point d’exposer directement ses faiblesses à l’adversaire, on se doit aussi de considérer que la dynamique médiatique et politique engagée depuis deux mois par l’Ukraine et ses alliés, viserait à pousser la Russie dans une grande offensive, pour venir, comme en 2022, éreinter l’outil militaire russe sur des positions défensives bien préparées.

Nul doute que selon que l’on est optimiste ou pessimiste, pro-ukrainien ou pro-russe, cette hypothèse sera reçue avec plus ou moins d’enthousiasme. Une chose est certaine, cependant. Si la communication ukrainienne de ces derniers mois, ne relève pas de cette célèbre Maskirovka, il faudra s’attendre, très probablement, à des mois très difficiles pour Kyiv et les Ukrainiens dans les mois à venir.

L’hélicoptère H145M choisit par l’Allemagne qui tourne la page du Tigre

La commission budgétaire du Bundestag a autorisé, le 13 décembre, l’acquisition par la Bundeswehr de jusqu’à 82 hélicoptères polyvalents H145M d’Airbus Helicopters, dans le cadre de la modernisation des forces armées allemandes. Ces appareils qui équiperont l’Armée de terre et la Luftwaffe, seront armés et équipés, en particulier pour les missions d’attaque et de lutte antichar, sonnant la fin, d’ici à 2026, de l’hélicoptère Tigre outre-Rhin.

En 2017, dans la dynamique euphorique entamée par Emmanuel Macron et Angela Merkel pour faire du « couple franco-allemand », le pilier de ‘Europe de la Défense », Paris et Berlin avaient conjointement lancé plusieurs programmes militaires communs. Outre le SCAF et le MGCS, qui continuent à ce jour, malgré d’évidentes difficultés, plusieurs autres programmes majeurs furent lancés, mais connurent un destin plus funeste.

Le désintérêt rapide de la Bundeswehr pour le standard Tigre III

L’un de ces programmes était le Tigre III, et son missile antichar de nouvelle génération MAST-F. Si Berlin s’est rapidement désengagé de ce dernier, au profit de l’EuroSpike co-produit avec Israël, la participation allemande au Tigre III demeura longtemps incertaine.

Tigre HAD
L’Allemagne devait initialement participer au programme Tigre III, mais s’en est désintéressée dès 2019, sans pour autant annoncer officiellement son retrait.

À leur habitude, les autorités allemandes n’annoncèrent pas se retirer du programme. Au contraire, ils laissèrent le programme pourrir, jusqu’à ce que la France et l’Espagne ne décident, pressés par le temps, de developper une version moins ambitieuse du Tigre, baptisé Tigre II+.

Dans le même temps, Berlin entrepris de se rapprocher de Washington pour acquérir des hélicoptères de combat AH-64E Gardian, jugés plus efficaces, et surtout non soumis aux nombreuses difficultés de maintenance et de disponibilités rencontrées par les utilisateurs du Tigre.

Notons que, de leur côté, Français et Espagnols entreprirent de réorganiser le maintient en condition opérationnelle de l’appareil, obtenant rapidement des progrès très sensibles en termes de disponibilité de l’hélicoptère de combat.

Pour autant, la négociation des AH-64E étant aussi complexe que l’appareil est onéreux, La Bundeswehr pressa le ministère de la Défense allemand pour se doter d’une solution d’attente, en l’occurrence l’acquisition d’une flotte d’hélicoptères spécialement équipés pour les missions de combat, et armés. Il s’agissait, alors, de se tourner vers un appareil immédiatement disponible, relativement économique, et le plus possible, fabriqué en Allemagne.

Le H145M de Airbus Helicopters, un choix logique pour les armées allemandes comme solution intérimaire

Le choix de l’hélicoptère H145M s’imposait presque naturellement à la Bundeswehr. L’appareil est polyvalent, et peut à la fois remplacer les Tigre de l’Armée de terre, et venir renforcer les H145 déjà en service au sein de la Luftwaffe pour les missions des forces spéciales et d’évacuation sanitaire.

H145M Airbus Helicopter
Le H145M représente une solution de choix pour la Bundeswehr pour assurer l’intérim jusqu’à l’acquisition d’un nouvel hélicoptère de combat… ou pas…

En outre, dans sa version militarisée, il est doté d’un puissant armement, notamment le missile antichar Spike, ainsi que de divers équipements de protection ou d’appui.

Enfin, il est économique, les appareils, avec l’ensemble des équipements nécessaires, ainsi que les simulateurs, qui couteront à peine plus de 3 Md€ aux armées allemandes, et peut être livré rapidement, alors que l’ensemble du programme doit être exécuté d’ici à 2028.

Ce caractère d’urgence se ressent d’ailleurs dans la diligence avec laquelle le bureau des achats de la Bundeswehr a transmis à Airbus Helicopters la commande officielle, quelques heures à peine après avoir reçu le feu vert du Bundestag.

La Fin de l’hélicoptère Tigre dans les armées allemandes

En revanche, cette annonce marque définitivement, s’il était besoin de le faire, la fin de l’aventure Tigre au sein des armées allemandes. On peut s’interroger sur les raisons profondes ayant amené Berlin à un tel arbitrage, ou plutôt, sur les différences ayant amené Paris et Madrid d’un côté, et Berlin de l’autre, à avoir une perception à ce point opposée de la situation, au sujet d’un programme qui mobilisa autant de crédits et d’énergie pour émerger ?

Tigre UHT
Le Tigre UHT allemand diffère sensiblement des Tigre HAD français. Ils sont équipés d’un viseur de toit, mais n’emporte ni missile Hellfire, ni de canon de 30 mm.

La question pourrait se poser, en France, de se porter acquéreuse des 51 Tigre UHT allemands, pour densifier sa flotte de Tigre HAP et HAD, dont une partie sera portée au standard Tigre II+. Toutefois, l’hypothèse a peu de chance de voir le jour. Les appareils allemands diffèrent, en effet, en de nombreux points des hélicoptères français, que ce soit en termes d’équipement ou d’armement.

De fait, une telle acquisition nécessiterait soit d’importants investissements de standardisation, ou d’accepter de mettre en œuvre deux flottes relativement différentes, dont l’une dépendrait en partie de la BITD allemande.

Le système Hard Kill Diamant pourrait protéger les blindés français dès 2026

La diffusion de planches émanant de la DGA, semble indiquer que le système hard kill Diamant du système de protection active Prometeus de Thales, serait proche d’entamer ses essais à bord des véhicules de la bulle Scorpion, avec une entrée en service qui pourrait intervenir à partir de 2026.

Si le sujet mérite une confirmation officielle, il représenterait, sans le moindre doute, une avancée majeure et rapide pour les blindés de l’Armée de terre, afin d’en accroitre la survivabilité, en particulier dans l’hypothèse d’un engagement de haute intensité.

Si les blindés formant la bulle SCORPION au sein de l’Armée de Terre française, et bientôt belge, sont à la fois modernes, performants et très mobiles, nombre de spécialistes du sujet, y compris les premiers concernés, les militaires, regrettaient qu’ils ne soient pas davantage protégés, en particulier dans l’hypothèse d’un engagement de haute intensité.

Plus spécifiquement, il était fréquemment fait état de l’intérêt d’ajouter un système de protection hard kill, conçu pour intercepter les missiles et roquettes, au système de protection actif (APS) Diamant, qui lui vise à empêcher de viser le véhicule à l’aide de leurres, d’écran de fumée et de brouilleurs, et qui est déjà en service à bord des Griffon, Jaguar et Serval.

Si la conception d’un tel système était évoquée dans la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, peu d’informations avaient été communiquées à ce sujet par la DGA comme par les Armées ou les industriels. La diffusion de quelques planches PowerPoint, issues d’un briefing de la DGA, autour du développement du système Hard-Kill Diamant de Thales, au sein de l’APS Prometeus, constitue donc un réel événement dans le microcosme des armements terrestres.

Le système Hard Kill Diamant de Thales développé pour l’APS PROMETEUS depuis 2019

En effet, les quatre planches publiées sur Twitter, semblent indiquer que les travaux autour du système hard kill DIAMANT, développé initialement par Thales au début des années 2010, aurait repris dès 2019. L’objectif présenté serait d’intégrer ce système hard kill à l’APS Diamant, pour protéger les nouveaux blindés Scorpion, EBRC Jaguar, VBMR Griffon et VBMRL Serval, mais également les VBCI et chars Leclerc.

Prometeus Diamant calendrier et objectifs
Selon ce calendrier, l’intégration du Diamant dans le système Prometeus sur Griffon, Serval, Jaguar, VBCI et Leclerc (t d’autres, si l’on en croit les points de suspension), pourrait débuter dès 2024, alors que la fin des essais interviendrait fin 2025. De fait, on peut espérer une intégration opérationnelle des premiers systèmes dès 2026.

Le développement du système hard kill, et son intégration sur un blindé Griffon et un Jaguar, à des fins de démonstration, doivent durer jusqu’à la fin de l’année 2025. Plus étonnant, la phase suivante, qui vise à intégrer le système sur les blindés de l’Armée de Terre de la bulle Scorpion, est présentée comme ayant débuté à la fin de l’année 2023, et sera poursuivie jusqu’à 2030 (fin du diagramme), et probablement au-delà. Une photo d’un VBMR Griffon équipé de l’APS Prometeus illustrant une autre planche, semble d’ailleurs confirmer que ce calendrier serait respecté et crédible.

Le système Diamant est décrit dans les autres planches diffusées. Celui-ci a été conçu sur un cahier des charges de l’Armée de Terre particulièrement ambitieux, exigeant une protection à 360° des véhicules, y compris contre les menaces plongeantes. Le risque pour les véhicules et personnels entourant le blindé qui mettrait en œuvre le système, doit être réduit au maximum, l’objectif affiché étant d’atteindre un risque nul.

Un système de protection active Hard Kill léger mais taillé pour la haute intensité

En outre, les éléments du système ne doivent pas empêcher ni entraver le bon fonctionnement du blindé et de ses systèmes, et ne pas avoir d’effet négatif sur sa discrétion ou sa mobilité, ce qui suppose un dispositif compact, léger, avec une faible empreinte spatiale, et une consommation électrique réduite.

Rappelons toutefois que lorsque le radar du Diamant sera activé, il réduira de fait la discrétion électromagnétique du blindé, en agissant comme un phare électromagnétique sur le champ de bataille. L’objectif ici est certainement de ne pas dégrader celle-ci lorsque le système est éteint ou en veille.

Visuels du griffon équipe du Prometeus
Cette planche montre plusieurs visuels d’un VBMR Griffon équipé de l’APS (Active Protection System) Prometeus intégrant le système hard-kill diamant

Enfin, le système doit garantir une probabilité de détection et de destruction de 90 % contre les roquettes et missiles à charge creuse simple, et de 75 % contre les missiles armés d’une charge en tandem. L’interception ayant lieu à proximité de la coque du blindé explique cette différence.

Pour répondre à ce cahier des charges, le système Diamant s’appuie sur quatre antennes radar doppler à modulation de fréquence (probablement AESA), disposées aux quatre coins du blindé. Elles offrent chacune une couverture angulaire horizontale de 260°, ainsi qu’une couverture verticale de 90°, permettant de détecter les menaces plongeantes avec un angle atteignant 75 ou 80°. Les zones de recoupement des zones de détection offrent une couverture optimisée sur les flancs, à l’avant et l’arrière du blindé.

On notera qu’à ce jour, le Diamant serait le seul APS hard-Kill à proposer, en un seul APS, une couverture aussi bien contre les menaces tendues comme les roquettes et missiles antichars, que contre les menaces plongeantes, y compris les munitions rôdeuses.

protection angulaire prometeus
Cette planche montra la protection angulaire assurée par les quatre antennes radar Doppler du Diamant.

L’interception, quant à elle, est assurée par des charges dirigées disposées le long d’une ceinture positionnée sur les arrêtés du toit du blindé. Contrairement aux systèmes israéliens Hard-kill Trophy et Iron Fist, qui s’appuient sur un projectile d’interception, mais à l’instar du système de Rheinmetall ADS, ce dispositif a pour fonction de détruire le projectile à quelques mètres, voire quelques dizaines de centimètres, de la coque du blindé, précisément pour réduire les risques pour les fantassins l’entourant.

Griffon, Jaguar, Serval, Leclerc et VBCI : Le Diamant protégera tous les blindés français de la bulle Scorpion

Enfin, le système est modulaire, de sorte qu’il pourra être intégré dynamiquement aux blindés devant être déployés, plutôt que de devoir prééquiper l’ensemble du parc. Avec plus de 4500 blindés Griffon, Serval, Jaguar, VBCI et Leclerc, cet aspect semble, en effet, indispensable sauf à devoir dépenser plusieurs milliards d’Euros à cette fonction.

VBCI 2 tourelle 40CTA
L’APS Prometeus et son système hard-kill Diamant pourrait constituer un argument de poids au VBCI 2 proposé au Qatar

Pour autant, l’arrivée prochaine du Diamant pour protéger ces blindés modernes, représente une excellente nouvelle pour l’efficacité de l’Armée de Terre, et la protection des personnels, en particulier dans l’hypothèse d’un engagement de haute intensité.

En se dotant d’une telle protection, venant s’ajouter au système de protection active Prometeus et de ses protections Soft-kill, les blindés français auront une survivabilité considérablement accrue, y compris face à des blindés sensiblement plus lourds, et plus onéreux.

À ce titre, Thales réalise, avec le Diamant, une réelle prouesse technologique, puisque si le système tient ses promesses, il pourra armer des blindés relativement légers comme le Serval 4×4 de 16 tonnes, avec la promesse de ne pas entraver ses performances, ce qui suppose un gain de masse réduit. En outre, devant armer des blindés économiques comme le VBMR et le VBMR-L, il est probable que le Prometeus sera économique à l’achat, et à l’intégration.

Vers un changement de stature des blindés français sur la scène internationale ?

Au-delà des bénéfices opérationnels pour l’Armée de terre, sur un calendrier qui semble adapté à l’évolution de la menace, l’arrivée prochaine du système de Thales pourrait également donner une nouvelle exposition sur la scène internationale aux blindés de Nexter(KNDS) et Arquus de la bulle Scorpion.

Ce sera aussi le cas des évolutions à venir des blindés existants comme le VBCI mk2, actuellement proposé au Qatar, qui verrait sa survivablité sensiblement croitre, y compris face à des véhicules de combat d’infanterie considérablement plus lourds et onéreux.

On le voit, la diffusion des planches concernant l’APS Prometeus et le système hard kill Diamant, a le potentiel de profondément changer l’efficacité opérationnelle de l’infanterie mécanisée des armées de terre françaises et probablement belges, y compris dans des engagements particulièrement intenses face à un adversaire symétrique.

VBMR Griffon Mali
Le VBMR Griffon dispose déjà d’un système de protection active soft-kill particulièrement efficace intégrant brouilleurs, lance leurres thermiques, fumigènes et détecteur d’alerte laser.

Il en reste plus, désormais, qu’à espérer que le calendrier diffusé sur les planches soit respecté, et d’être attentif quant au nombre de systèmes qui seront commandés, ainsi qu’aux efforts d’intégration sur les autres plateformes blindées, comme le VBCI et le char Leclerc.

Dans la mesure où les trois CAESAR détruits ou endommagés en Ukraine l’ont été, semble-t-il, par des munitions rôdeuses Lancet, on peut aussi espérer que les CAESAR Mk2 soient, eux aussi, dotés d’une version du Diamant, même si dans leur cas, une protection essentiellement pointée vers le haut, serait probablement suffisante.

Tous les contrats d’armement polonais seront exécutés, selon Donald Tusk

Lors de son premier discours officiel comme premier ministre, Donald Tusk a confirmé qu’il exécuterait tous les contrats d’armement polonais signés par le gouvernement précédent. En procédant ainsi, le nouveau gouvernement de centre-gauche s’engage dans la continuité de son prédécesseur en matière de défense, et confirme les ambitions, et les craintes, de la Pologne face aux défis sécuritaires à venir.

En amont des élections législatives polonaises d’octobre 2023, le parti au pouvoir, le PiS, avait signé plusieurs contrats très ambitieux pour la modernisation des armées du pays. Il s’agissait, pour le PiS, aussi bien de répondre à la menace russe croissante, que de faire de l’effort de défense polonais, un argument électoral puissant.

Toutefois, contrairement à ce qui s’était passé en Turquie quelques mois plus tôt, ce pari ne fut pas payant pour le gouvernement sortant, battu en octobre par une coalition pro-européenne de centre-gauche emmenée par l’ancien premier ministre, Donald Tusk (qui se prononce ‘Tousk‘ et non ‘Teusk‘, comme « Poutine » qui s’écrit Putin).

De fait, suite à cette défaite électorale, d’importants doutes ont émergé quant à l’avenir des contrats d’armement signés par le PiS, d’autant que leur financement va nécessiter une hausse significative de l’effort de défense polonais, au-delà de 4 % du PIB du pays. La position de Donald Tusk sur le sujet était donc attendue avec impatience et inquiétude, notamment par les armées polonaises comme les industriels auprès desquels ces contrats avaient été signés.

Les contrats d’armement polonais signés par le précédant gouvernement seront exécutés par la nouvelle majorité

Non sans surprendre son auditoire, le nouveau premier ministre polonais a levé le doute, dès sa première prise de parole officielle. Selon D. Tusk, l’ensemble des contrats ayant été signés par le précédant gouvernement, dans le domaine de l’armement, sera exécuté.

poland donald tusk election 2023 Protection Hard-Kill / Soft-Kill | Actualités Défense | Chars légers et blindés de reconnaissance
La victoire de Donald Tusk aux élections législatives polonaises de 2023, avait suscité de nombreuses interrogations quant à la poursuite de l’effort militaire de Varsovie.

Ceci concerne plusieurs grands contrats, comme l’acquisition des chars Abrams M1A2 et K2 Black Panther, des véhicules de combat d’infanterie et de transport de troupe Borsuk, des avions de combat F-35A et FA-50, des hélicoptères AH-64 Apache ou encore des frégates du programme Miecznick.

En revanche, pour l’heure, aucune directive ferme n’a été donnée concernant les programmes en cours de négociation, n’ayant pas fait l’objet d’un contrat définitif. On pense notamment aux quelque 600 K2PL devant être produits en Pologne, ou encore aux 500 HIMARS polonais dont le statut contractuel reste flou. On ignore également si l’ambition de passer d’un format de 4 à 6 divisions d’infanterie mécanisée demeure d’actualité.

Un vice-premier ministre en charge de la cohérence des équipements des armées polonaises

L’ensemble de ces contrats, en cours de négociation, sera transmis à Władysław Kosiniak- Kamysz, le futur vice-premier ministre. Celui-ci aura, entre autres choses, en charge la cohérence des armées et de leurs équipements. On notera, à ce titre, que comme c’était le cas du gouvernement Duda, le poste de vice-premier ministre polonais est directement lié aux questions de défense.

4273190 mariusz blaszczak Protection Hard-Kill / Soft-Kill | Actualités Défense | Chars légers et blindés de reconnaissance
Le nouveau vice-premier ministre polonais prendra la suite de Marius Błaszczak concernant la construction d’une force armée polonaise cohérente et suffisante face à la menace russe.

Il apparait, de ce qui précède, que dans le domaine de la Défense, le nouveau gouvernement polonais entend privilégier la continuité avec les décisions prises par le précédent gouvernement, même si l’on peut s’attendre, dans ce domaine, à un tropisme plus européen dans les contrats à venir, là où le gouvernement Duda avait été marqué par une posture privilégiant les armements sud-coréens, américains ou israéliens, face aux équipements européens.

Les conséquences de la posture de Donald Tusk sur le budget des armées et les programmes à venir

Si la posture choisit par Donald Tusk de respecter les contrats signés, a de quoi surprendre, ses conséquences prévisibles tendent à conforter le sentiment de continuité avec le gouvernement précédent. Déjà, comme évoqué précédemment, il faudra à la Pologne considérablement accroitre son effort de défense, pour être en mesure de financer ces programmes, et ainsi porter celui-ci à plus de 4 % du PIB du pays dans les mois à venir.

De fait, les défis budgétaires auxquels était confrontée la précédente équipe dirigeante, seront sans le moindre doute sur le haut de la pile des dossiers à traiter du premier ministre et de son vice-premier ministre.

Surtout, si rien n’a été confirmé au sujet des contrats en cours de négociation, il apparait qu’en choisissant de s’inscrire dans les pas du gouvernement Duda pour les contrats signés, Donald Tusk sera probablement contraint de faire de même concernant les contrats à venir, tout au moins dans leur format et capacités, si pas dans leurs calendriers et origines.

En effet, les contrats signés à ce jour n’ont de sens qu’appliqués à un format d’armées bien supérieur à celui des armées polonaises aujourd’hui. On imagine mal, en effet, une flotte de 96 hélicoptères d’attaque AH-64 Apache n’appuyer que 350 chars Abrams et 180 K2, épaulés par moins de 200 canons Krab.

contrats d'armement polonais
Si les contrats signés seront exécutés, l’avenir des contrats d’armement en cours de négociation demeure flou, même si la cohérence des armées polonaises imposera une certaine continuité dans ce domaine.

Afin de disposer d’un format de force cohérent en capacités comme en équipement, il sera donc indispensable au nouveau gouvernement polonais, dans ces circonstances, de respecter, bien au-delà des grandes lignes, le plan initialement établi par Mariusz Błaszczak, l’ancien ministre de la Défense.

Un signal fort donné par Varsovie aux alliés européens

De fait, en procédant ainsi, le nouveau gouvernement polonais, envoie un puissant signal à ses voisins européens : si le nouveau gouvernement de Donald Tusk est évidemment en rupture avec les positions de son prédécesseur concernant les questions européennes, en matière de défense, la Pologne privilégie la cohérence et la continuité. Il n’est pas question, dans ces circonstances, de baisser la garde face à la menace russe, ni de céder à certaines sirènes prônant une forme d’apaisement avec Moscou sur les décombres ukrainiens.

Or, si la Pologne était en pointe vis-à-vis de l’OTAN jusqu’ici, le tropisme proeuropéen de Donald Tusk et de sa majorité, associé à la même détermination que son prédécesseur concernant les questions de défense, pourraient bien faire de Varsovie, le leader naturel européen sur ces questions ô combien sensibles et en manque évident de leadership sur le vieux continent.

Défilé armées polonaises
Tous les contrats d'armement polonais seront exécutés, selon Donald Tusk 50

De fait, ceux qui, en Europe de l’Ouest, s’attendaient à voir la Pologne rentrer dans le rang européen avec l’élection de D. Tusk, risquent d’être déçus. Bien au contraire, Varsovie se met en capacité de s’imposer sur le vieux continent sur les questions de défense, avec une crédibilité probablement supérieure, notamment vis-à-vis des pays d’Europe de l’Est, à la France, l’Allemagne ou l’Italie, qui rechignent toujours à prendre la mesure de la menace russe, et d’y répondre avec la détermination requise.