Le ministère de la Défense japonais a annoncé qu’il avait obtenu 373 Md de yens pour entamer la construction des deux super-destroyers AEGIS ASEV destinés à remplacer le système AEGIS Ashore annulé en 2021, dans le cadre du budget 2024. Lourdement armés, ces navires de 12 000 tonnes auront pour tâche de protéger l’archipel nippon des missiles balistiques et de croisière nord-coréens et chinois, mais aussi de mener, au besoin, des frappes préventives ou de riposte, contre ses éventuels agresseurs.
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Entre la Chine et la Corée du Nord, le Japon est potentiellement la cible de plusieurs centaines de missiles balistiques de portée moyenne (MRBM) et intermédiaire (IRBM), chacun d’eux pouvant être armé d’une tête nucléaire.
À cette menace déjà plus que substantielle, s’ajoute plus d’un millier de missiles de croisière, embarqués à bord des destroyers et sous-marins de la Marine chinoise, ainsi que les nouvelles armes hypersoniques comme le DF-17 armé d’un planeur capable de manœuvre à des vitesses dépassant mach 5.
Le double-rideau défensif nippon face à la menace des missiles balistiques chinois et nord-coréens
Pour faire face à ces menaces, Tokyo avait tablé sur la constitution d’un double-rideau défensif antimissile, composé, d’une part, par les huit destroyers AEGIS des classes Kongo, Atago et Maya, ainsi que par un dispositif AEGIS Ashore, semblable à celui qui protège aujourd’hui les iles hawaïennes. Équipés de radars SPY-1 et de missiles SM-3 et SM-6, ces deux rideaux successifs devaient être en mesure de protéger les infrastructures civiles et militaires de l’archipel nippon, face à des attaques préventives chinoises ou nord-coréennes.
C’était cependant sans compter sur la densité importante de population du pays. En effet, les riverains proches du site sur lequel le système AEGIS Ashore devait être déployé, s’opposèrent à cette construction, redoutant aussi bien les retombés de débris en cas d’interception réussie, que la certitude d’être une cible plus que prioritaire pour un adversaire potentiel, le cas échéant.
Quoi qu’il en soit, en 2021, Tokyo annonça l’annulation de ce programme, et le lancement d’un programme de remplacement, avec le développement de deux nouveaux destroyers AEGIS, spécifiquement conçus pour la protection antibalistique et antimissile de l’archipel.
Le programme des super-destroyers AEGIS ASEV de la Marine japonaise
Baptisé ASEV pour Aegis System Equipped Vesse, ces deux navires n’usurperont pas le qualificatif de super-destroyer, ou d’arsenal ship. Plus longs de 20 mètres que les Maya, avec une longueur de 190 mètres, ils seront aussi 20 % plus large, avec un maître-bau de 25 mètres contre 21 m. De fait, les deux navires seront beaucoup plus imposants que les destroyers Aegis nippons ou américains, avec un tonnage de 12 000 tonnes, presque moitié plus lourd que les 8 400 tonnes des Maya.
Surtout, les ASEV seront très bien armés, avec 128 silos verticaux pour accueillir des missiles SM-3 et SM-6 anti-balistiques et anti-missiles, mais aussi des missiles de croisière Tomahawk. Rappelons, en effet, que les autorités nippones ont amandé la constitution pour permettre l’utilisation de missiles de croisière contre un territoire adverse, y compris lors de frappes préventives, ce qui était jusque ici considéré comme contraire à la posture exclusivement défensive imposée aux forces d’autodéfense nippones.
L’armement des super-destroyers comportera aussi un canon de 5 pouces / 127 mm Mk45, des missiles antinavires à longue portée Type 12, et pourra recevoir, à l’avenir, des systèmes laser à haute énergie pour lutter contre les essaims de drones. Sans être ouvertement annoncé, on peut penser, également, que les navires pourront recevoir les nouveaux canons électriques de petit calibre actuellement à l’essai sur un navire nippon, conçus spécifiquement pour contrer les menaces hypersoniques.
Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces munitions, chaque destroyer sera équipé du nouveau radar AN/SPY-7, évolution de l’AN/SPY-6 qui équipera les destroyers Arleigh Burke Flight III ainsi que les frégates de la classe Constellation de l’US Navy. Selon les déclarations officielles nippones, les études pour intégrer ce nouveau radar et de la nouvelle version du système AEGIS, serviront aussi à préparer la rénovation à mi-vie des 4 destroyers AEGIS de la classe Kongo, entrés en service entre 1993 et 1998.
Un équipage 20 % plus compact pour un navire 50 % plus imposant que les destroyers de la classe Maya
Un effort tout particulier a été fait, lors des études préalables, afin de réduire la taille de l’équipage, ramené à 240 officiers, officiers-marinier et matelots, contre 300 sur les Maya. À l’instar des autres forces armées occidentales, peut-être davantage qu’elles, les armées japonaises peinent aujourd’hui à maintenir leurs effectifs, en lien avec la chute démographique du pays et le vieillissement rapide de la population.
Dans ce contexte, réduire, autant que possible, les ressources humaines nécessaires au navire, s’avère évidemment vital pour en assurer le bon fonctionnement. Ce d’autant qu’avec seulement deux navires de ce type en service, il est probable qu’il sera nécessaire de mettre en place un principe de double équipage, comme c’est le cas pour les frégates françaises, de sorte à disposer, en permanence, d’une présence à la mer ou en posture d’alerte.
La construction des navires débutera en 2024, alors que le ministère de la Défense japonais a obtenu une ligne de financement pour 373 milliards de Yens sur cette année, soit l’équivalent de 2,3 Md€, pour ce programme. Le premier destroyer est attendu par les forces d’autodéfense nippone pour 2027, suivi, un an plus tard, par la seconde unité. Chaque destroyer doit couter, selon les deniers chiffres publics, 395 milliards de yens, soit 2,51 Md€.
L’engouement des grandes marines pour les super-destroyers
À ce moment-là, les ASEV nippons seront, très certainement, parmi les navires de combat de surface les plus puissamment armés en service, avec les Sejong the Great sud-coréens, les Type 055 chinois et les deux derniers Kirov russes, qui évoluent cependant dans une autre catégorie.
D’autres marines, en Italie avec le programme DDx, en Grande-Bretagne avec le destroyer Type 83, ou encore la Turquie avec le destroyer du programme MILGEM, se sont également engagées dans le développement de ces imposantes unités de surface combattantes, très lourdement armées. Mais aucune, si ce n’est le programme d’Arsenal ship sud-coréen, ne sera conçu selon les mêmes paradigmes que les ASEV nippons.
Reste à voir, concrètement, si ces grandes unités navales, très bien armées, mais non pourvues du don d’ubiquités, sauront de montrer plus efficaces que les 2 ou 3 frégates qu’ils auront coutées ? C’est, aujourd’hui, une question qui n’a pas trouvé, encore, de réponse ferme.





