Johan van Deventer, qui dirige le commandement du combat aérien néerlandais, a indiqué via un tweet que les F-35A néerlandais de la Koninklijke Luchtmacht, ou KLu, avaient reçu la certification initiale pour assurer les missions de dissuasion et de frappes nucléaires dans le cadre de l’OTAN, rôle qu’ils devraient assumer dès le début de l’année prochaine.
Sommaire
Les forces aériennes néerlandaises participent, depuis les années 60, à la mission de dissuasion nucléaire dans le cadre de l’OTAN. Pour cela, certains appareils des forces aériennes néerlandaises, aujourd’hui des F-16, ont été transformés, leurs équipages entraînés, et les infrastructures adaptées, pour transporter une bombe nucléaire gravitationnelle B61-Mod3 ou Mod4 stockée sur la base aérienne de Volkel.
La dissuasion partagée de l’OTAN
Ces bombes nucléaires sont contrôlées et mises en œuvre par les États-Unis, qui seuls ont le pouvoir de les armer (contrairement à une idée reçue liée au terme « double clé » parfois employé), les pays accueillant ces bombes ayant, en revanche, le droit de s’opposer à ce que leurs bases aériennes, et le cas échéant, leurs appareils soient employés pour cette mission, sous commandement de l’OTAN.
was de uitslag van het 🇺🇸 team dat ons deze week inspecteerde. Hiermee hebben we onze initiële certificering voor de afschrikkingstaak met de F-35. Een belangrijke stap in de transitie. Mogelijk gemaakt door Teamwerk 👊 🐯@VlbVolkel@F35_CFTTpic.twitter.com/dlFDAUZWgd
Aujourd’hui, quatre autres pays européens participent à cette mission de dissuasion partagée de l’OTAN : l’Allemagne sur la base aérienne de Buchel avec des Tornado PA-200, la Belgique sur la base aérienne de Klein Brogel avec des F-16 belges, l’Italie sur les bases aériennes d’Aviano et de Ghedi, accueillant respectivement des F-16 américains et des Tornado PA-200 italiens, ainsi que les Pays-Bas, à partir de la base aérienne de Volkel, avec des F-16 néerlandais.
Un cinquième membre de l’OTAN participe à la mission, en l’occurrence la Turquie avec une vingtaine de bombes nucléaires B61 stockées sur la base aérienne d’Incirlik, mais les F-16 turcs et leurs équipages n’ont pas été qualifiés pour transporter l’arme nucléaire, ne laissant que les F-15 et F-16 américains pour assurer cette mission.
La transformation vers le binôme F-35A et B61 Mod12
Au milieu des années 2000, l’US Air Force entreprit de développer une nouvelle version de son arme nucléaire gravitationnelle B61, répondant aux évolutions technologiques mais aussi aux besoins concernant ce type d’armes.
La bombe nucléaire B61 Mod12 est ainsi plus compacte, avec une masse de 375 kg, moins puissante avec une puissance nominale de 50 kt, et plus précise, grâce à un guidage inertiel avancé, que les modèles 3 ou 4 qu’elle remplace. Elle est produite depuis novembre 2021, et doit équiper les F-15E, B-2 et B-21 Raider américains, ainsi que les F-35A américains et alliés.
Face au refus américain d’équiper les Eurofighter Typhoon de la bombe nucléaire B61 Mod12, Berlin avait initialement envisagé d’acquérir des Boeing F/A 18 E/F Super Hornet pour assurer la mission de dissuasion partagée de l’OTAN. Washington refusa une nouvelle fois de qualifier cet appareil pour la B61 Mod 12, obligeant Berlin a se tourner vers le F-35A.
Le chasseur furtif de Lockheed-Martin a été, à ce titre, et depuis de nombreuses années, comme la plateforme imposée par les États-Unis pour transporter la nouvelle arme nucléaire, qui remplacera l’ensemble des bombes nucléaires B61 Mod3/4 et 7 d’ici à la fin de la décennie. En effet, Washington a refusé de qualifier l’Eurofighter Typhoon européen pour cette mission, comme ce fut le cas précédemment avec le Tornado, ainsi que le F/A-18 E/F de Boeing.
Ce refus américain d’étendre le périmètre opérationnel de l’arme nucléaire employée par l’OTAN, a joué à plein dans la décision de certains pays de s’équiper du chasseur furtif américain, notamment aux Pays-Bas, en Belgique et surtout en Allemagne, qui a commandé deux escadrons de F-35A uniquement pour remplacer ses Tornado PA-200 dédiés à cette mission, faute d’avoir pu commander des Super Hornet comme initialement prévu.
Au-delà de la dimension commerciale évidente, il est toutefois clair que le F-35A furtif est l’un des rares appareils à pouvoir espérer mener une mission de frappe nucléaire dans la profondeur adverse, face à une défense antiaérienne puissante et intégrée, comme c’est le cas de la Russie. Ce d’autant que la B61 Mod12 a été dessinée pour prendre place dans les soutes internes du chasseur américain.
Pour pénétrer les défenses antiaériennes intégrées comme en Russie et en Chine, l’US Air Force se tourne vers le missile de croisière aéroporté furtif LRSO qui armera les bombardiers B-21 Raider et B-52.
Si le couple F-35A et B61 Mod12 imposé par l’OTAN a un potentiel de frappe relativement faible, notamment face au couple B-21 et LRSO américain ou au couple Rafale et missile de croisière supersonique ASMPA français, il représente toutefois une capacité importante et impossible à ignorer dans l’équation de dissuasion. C’est d’ailleurs là, sa principale fonction.
Les F-35A néerlandais, premiers à porter la nouvelle posture de dissuasion de l’OTAN
Quoiqu’il en soit, les forces aériennes néerlandaises devraient, d’ici à quelques mois, basculer du F-16 au F-35A pour assurer cette mission stratégique pour l’OTAN. Au-delà de la conversion d’une partie des appareils pour transporter l’arme, et de l’entraînement des équipages et personnels au sol à cette mission, la base aérienne de Volkel a été adaptée à la mission, avec 11 des 33 abris aériens qualifiés pour accueillir l’arme nucléaire, et l’extension et le renforcement de la piste, pour accueillir les C-17 Globemaster américains, seuls qualifiés pour transporter la bombe.
D’autres travaux similaires ont été entamés sur les différentes bases aériennes européennes destinées à accueillir le couple F-35A et B61 Mod 12. Toutefois, la KLu pourrait être la seule à mettre en œuvre ce binôme pendant plusieurs années en Europe. En effet, les forces aériennes belges n’ont pris livraison que du premier F-35A il y a quelques semaines, et l’Allemagne ne les percevra qu’à partir de 2026.
Les F-35A néerlandais remplaceront les F-16 dans la mission nucléaire à partir du début d’année 2024
Quant à l’Italie, si elle dispose déjà de F-35 opérationnels, il s’agit en majorité de F-35B pour les missions aéronavales. En outre, Rome n’a pas, pour l’heure, annoncé son intention de retirer ses Tornado du service, laissant planer le doute quant aux délais du basculement vers le couple F-35A et B61 Mod 12.
Et que dire des conséquences des menaces portées par Donald Trump, favoris des sondages pour les élections présidentielles américaines de 2024, de mise en retrait des Etats-Unis de l’OTAN, et de ses conséquences sur la crédibilité de cette dissuasion partagée ?
Le programme Foreign Military Sales (FMS) des États-Unis a approuvé une importante vente d’équipements militaires à la Roumanie, comprenant 54 chars de combat M1A2 Abrams, une quantité équivalente de châssis M1A1, ainsi que 16 véhicules blindés du génie. Cette décision marque une étape significative dans le projet de modernisation de l’armée roumaine, mais le coût dépasse largement les prévisions initiales des autorités roumaines.
Sommaire
Depuis quelques années, la Roumanie s’est engagée dans un ambitieux programme de modernisation de ses forces armées pour faire face à l’augmentation des tensions avec la Russie en Ukraine, en Moldavie et en mer Noire.
Bucarest investit massivement dans la modernisation des forces armées roumaines
L’investissement dans la défense du pays est passé de 1,2 % du PIB en 2012 à 2 % actuellement, avec un objectif de 2,5 % d’ici à 2030. Le budget de défense de la Roumanie a atteint 7,5 milliards d’euros en 2023, pour un PIB de 285 milliards d’euros en 2022.
Des contrats importants ont été signés récemment, dont l’achat de 7 batteries antiaériennes MIM-104 Patriot et 54 systèmes d’artillerie HIMARS à longue portée. De plus, Bucarest prévoit de commander 48 avions de combat F-35A, avec une première commande de 32 chasseurs prévue pour 2024.
Les Forces armées roumaines recevront 54 systèmes HIMARS dans les années à venir
Au printemps 2023, Bucarest a opté pour l’achat de 54 chars M1A2 Abrams américains, dans le cadre d’un plan plus large visant à acquérir 300 nouveaux chars pour remplacer les anciens modèles TR-85 et T-55AM. Initialement, les autorités roumaines prévoyaient d’acquérir ces blindés d’occasion pour un montant estimé à 1 milliard d’euros, soit environ 1,1 milliard de dollars.
Toutefois, la réponse du FMS a récemment été rendue publique, révélant un coût bien plus élevé que prévu. Le FMS a autorisé la vente de 54 chars M1A2 Abrams SEPv3, de 54 châssis M1A1, ainsi que de 16 véhicules du génie, comprenant 4 M88A2 Hercules, 4 ponts mobiles M1110 Joint Assault Bridges, 4 véhicules de bréchage M1110 et 4 ponts d’assaut M1074 Heavy Assault Scissor Bridges. En plus de ces véhicules, divers équipements complémentaires sont inclus, tels que des mitrailleuses M240C et des obus de différents types.
2,53 Md$ pour 54 chars M1A2 Abrams et 16 véhicules blindés de soutien pour le FMS
Généralement, les offres du FMS incluent une gamme d’équipements et de services plus large que celle demandée par le client, ce qui explique souvent que les contrats finaux soient inférieurs aux estimations initiales.
Le M1A2 Abrams SEPv3 sera la dernière évolution du M1A2, après la décision de l’US Army de se tourner vers un reboot plus léger désigné M1E3.
Cependant, même si le prix final peut être réduit, il reste significativement supérieur au budget prévu par la Roumanie. Cette différence notable entre le coût estimé et le coût réel soulève des questions sur l’alignement des attentes entre Bucarest et Washington concernant le prix des chars lourds américains.
Le prix unitaire du M1A2 semble excessif, surtout en comparaison du contrat de Varsovie pour 250 chars M1A2 SEPv3 à 5 milliards de dollars. La Roumanie avait probablement basé son estimation sur ce contrat précédent, espérant des conditions similaires.
Trop cher pour Bucarest ? Quelles sont les autres options de la Roumanie ?
Dans cette situation, il est fort probable que Bucarest envisage de reconsidérer ses options en matière d’armement. Une alternative pourrait être de se tourner vers l’Allemagne et le nouveau Leopard 2A8. Récemment, la Norvège a commandé 54 unités de ce modèle pour un montant de 1,8 milliard d’euros.
Une autre option envisageable pour Bucarest serait de se tourner vers la Corée du Sud et son char K2 Black Panther. Bien que ce dernier soit plus léger que le M1A2 Abrams, son coût est nettement inférieur. À titre d’exemple, Varsovie a passé commande de 180 unités du K2 Black Panther pour seulement 3,4 milliards de dollars, ce qui équivaut à environ 3,2 milliards d’euros.
La Pologne a commandé 180 chars K2 Black Panther sud-coréens pour 3,5 Md$, avec des délais de livraison particulièrement courts.
Dans ces conditions, le K2 Black Panther sud-coréen se révélerait presque deux fois moins onéreux que le M1A2 américain. Le prix unitaire du K2 polonais s’élève, en effet, à approximativement 19 millions de dollars, comparé à plus de 35 millions de dollars pour le M1A2 roumain. Cependant, il est important de considérer ces prix unitaires avec prudence, en attendant d’avoir plus de détails sur le périmètre exact de chaque offre.
La question du différentiel de prix des équipements militaires occidentaux face à la Chine ou la Russie
Cette situation soulève une question fondamentale sur la pertinence et l’adéquation des prix pratiqués par l’industrie de défense occidentale, en particulier américaine, par rapport aux équipements militaires proposés par d’autres pays.
Pour mettre les choses en perspective, le char russe T-90M est vendu à l’exportation pour environ 5 millions de dollars l’unité, tandis que les armées russes l’acquièrent pour environ 3 millions de dollars par char neuf. De son côté, le VT4 chinois, version export du Type 96, est commercialisé à moins de 5 millions de dollars l’unité, bien que le prix exact payé par l’Armée Populaire de Libération chinoise reste inconnu.
Le T-90M, le plus performant des chars russes aujourd’hui, coute trois fois moins cher qu’aux armées de Moscou, qu’un Abrams ou un Leopard 2 ne coute aux armées alliées.
Il est communément admis que les chars occidentaux tels que le M1A2 Abrams américain, le Leopard 2A8 allemand et le K2 Black Panther sud-coréen offrent de meilleures performances et une plus grande résilience que leurs homologues russes et chinois, comme le T-90M et le Type 99A.
En particulier, l’expérience ukrainienne a montré que les chars occidentaux, tels que le Leopard 2 et le Challenger 2, offrent une meilleure protection à leurs équipages en cas d’impact de missile, de roquette ou d’obus, comparativement aux modèles russes.
Cependant, cette supériorité technique et cette meilleure protection justifient-elles un écart de prix allant jusqu’à cinq fois plus élevé ? Surtout quand on considère que les armées russe et chinoise semblent avoir moins de difficultés à renouveler leurs équipages, malgré une qualité moindre.
Ce différentiel de coût entre les industries de défense occidentale, russe et chinoise, ne se limite pas aux chars et aux véhicules blindés. Par exemple, un avion de chasse Su-57 coûte environ 35 millions de dollars à l’armée de l’air russe, alors qu’un F-35A ou un Rafale coûte entre 85 et 90 millions de dollars, et un Su-30SM russe environ 22 millions de dollars, contre 60 à 70 millions de dollars pour un F-16V ou un Gripen E.
Le Su-57 couterait aux forces aériennes russes, près du tiers du prix d’un F-35A ou d’un Rafale aux forces aériennes alliées, selon les montants publiés par le Ministère de la défense.
Dans le domaine naval aussi, cet écart de prix est notable. Le sous-marin nucléaire lance-missiles russe Iassen M coûte environ 800 millions de dollars, contre près de 2 milliards de dollars pour le sous-marin britannique Astute et 2,5 milliards de dollars pour les sous-marins américains de classe Virginia.
Conclusion
La question se pose alors : est-ce que cet écart de prix reflète véritablement des différences de performances, d’efficacité et de capacité de survie proportionnelles, ou bien faut-il reconsidérer ces coûts élevés comme disproportionnés ?
Dans l’affirmative, il serait nécessaire de réévaluer la réalité des efforts de défense de ces pays pour obtenir une vision plus réaliste des rapports de force futurs, surtout à un moment où les tensions internationales continuent de s’intensifier.
La Marine indienne a entrepris, depuis une vingtaine d’années, un vaste effort pour se moderniser et étendre son format. Plusieurs programmes emblématiques ont ainsi été lancés durant cette période, comme P75 pour 6 sous-marins conventionnels de la classe Kalvari dérivés du Scorpène de Naval Group, le porte-avions de 45.000 tonnes INS Vikrant ou encore les destroyers du projet 15A de la classe Kolkata.
Si les efforts et les budgets ont été incontestablement croissants, l’Indian Navy souffre toutefois de deux handicaps importants. Le premier est lié à la difficulté dans le pays pour faire avancer rapidement des programmes majeurs, mobilisant d’importants crédits.
Les obstacles qui freinent la progression de la Marine indienne
De nombreux obstacles, qu’ils soient politiques ou industriels, viennent, en effet, souvent retarder, voire faire dérailler, des programmes de defense pourtant critiques. C’est ainsi que le programme P-75i, censé permettre la construction de six nouveaux sous-marins à propulsion anaérobie, n’a toujours pas sélectionné son prestataire principal, alors qu’il a été lancé il y a quatre ans.
Le second des handicaps n’est autre que la croissance fulgurante, et pour le coup maitrisé, de la flotte chinoise, bien plus rapidement qu’elle ne peut, elle-même, progresser. Cela crée un évident effet de loupe sur ses propres difficultés, et tend à accroitre les tensions politiques qui entourent ces enjeux de sécurité.
Lancement de l’INS Kalvari, premier sous-marin de la classe éponyme construit par les chantiers navals Mazagon en coopération avec Naval Group.
En effet, bien que fréquemment présentée comme alignée sur la Chine au sein des BRICS, New Delhi est surtout directement menacée par la montée en puissance de l’Armée Populaire de Libération, que ce soit sur les haut-plateaux Himalayens, lieux de tensions récurrentes entre les deux pays, qu’au sujet du soutien militaire intensif de Pékin à Islamabad, l’ennemie juré de l’Inde depuis sa création.
Le défi des marines chinoises et pakistanaises
La Marine indienne, elle, se voit directement menacé par une Marine chinoise dont le format évolue aussi rapidement que sa modernisation, et qui par ailleurs fait activement profiter son allié pakistanais de ses propres avancées.
C’est ainsi que, ces dernières années, la Marine Pakistanaise a commandé, outre les quatre corvettes de la classe Barbur dérivées des Ada Turques, huit sous-marins AIP Type 039A formant la classe Hangor, ainsi que quatre frégates anti-sous-marines Type 054 AP formant la classe Tughril.
De fait, les navires de combat formant aujourd’hui la Marine indienne, sont bien insuffisants pour répondre aux enjeux sécuritaires dans le golfe du Bengale face à la Chine et en Mer d’Oman face au Pakistan.
La Marine chinoise est passée en deux décennies d’une flotte de défense côtière à la rivale directe de l’US Navy sur les océans de la planète.
C’est ainsi que le format actuel de 127 navires, doit être porté d’ici à 2030 à 160 navires, soit une augmentation du 25 % planifiée pour les sept années à venir, et d’atteindre 175 unités navales, voire 200, en 2035.
68 navires militaires en commande à ce jour
Pour y parvenir, les chantiers navals indiens peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un carnet de commande particulièrement bien rempli, avec 68 unités navales officiellement en commande à ce jour.
Il va du destroyer de 7.400 tonnes de la classe Visakhapatnam (2 unités livrées, 2 en construction) aux corvettes anti-sous-marines du programme Anti–Submarine Warfare Shallow Water Craft (ASW-SWC) de 700 tonnes (16 unités), en passant par les 7 frégates furtives de 6.500 tonnes de la classe Nilgiri, et les 5 grands navires de soutien de 44.000 tonnes pour l’heure désignés sous le nom de classe HSL.
Pour autant, la plupart de ces navires ne permettront que de remplacer les unités déjà en service et ayant atteint leurs limites, comme les destroyers de la classe Raiput ou les 7 corvettes lance-missiles de la classe Veer, entrés en service dans les années 80.
Construction du premier destroyer de la classe Visakhapatnam – 2 navires ont déjà été livrés, deux autres le seront dans les années à venir.
Il est donc aujourd’hui indispensable, pour l’Indian Navy, de lancer rapidement certains programmes critiques, comme le programme de sous-marins AIP P75i, mais aussi les programmes de destroyers, frégates, corvettes et OPV devant prendre la suite des classes actuellement commandées.
Sous-marins classe Kalvari et porte-avions classe Vikrant supplémentaires
Cet écart entre nécessité opérationnelle et réalité programmatique, est à ce titre au cœur de la future commande 3 sous-marins Scorpene supplémentaires annoncée par Narendra Modi à l’occasion de sa visite officielle en France pour les célébrations du 14 juillet.
C’est cette pression qui, en partie, pèse aujourd’hui sur l’avenir du nouveau porte-avions indien, l’amirauté préférant construire un nouveau navire de la classe de l’INS Vikrant de 45.000 tonnes, plutôt qu’un nouveau, donc long et onéreux, porte-avions de 65.000 tonnes équipés de catapultes, comme précédemment évoqué.
La Marine indienne privilégie la construction d’un second porte-avions de la classe Vikrant de 45.000 tonnes, à celle d’un nouveau porte-avions de 65.000 tonnes équipés de catapultes.
Quoi qu’il en soit, si la Marine Indienne veut effectivement relever le défi chinois, et sa flotte de plus de 360 navires aujourd’hui, de plus de 500 en 2035, elle devra trouver les moyens de lever toutes les difficultés, notamment politique et industrielle, qui entravent considérablement son développement.
On notera, à ce titre, que ces mêmes difficultés touchent aussi les forces aériennes et terrestres indiennes, l’ensemble des armées étant engagées dans une course contre-la-montre pour ne pas se laisser distancer face à Pékin et Islamabad qui, eux, avancent à marche forcée.
Article du 18 septembre en version intégrale jusqu’au 18 novembre
Le B-21 Raider vole ! Des clichés publiés il y a quelques heures sur Twitter, mettent en émois la communauté défense et aéronautique du réseau social. Ceux-ci montrent, en effet, le premier vol du futur bombardier stratégique furtif de l’US Air Force.
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Il n’aura donc fallu à Northrop Grumman que 7 ans pour faire voler le nouveau bombardier stratégique furtif de l’US Air Force, le B-21 Raider, après avoir été déclaré vainqueur de la compétition l’opposant aux autres avionneurs US en octobre 2015.
Le premier vol du B-21 Raider le 10 novembre 2023
En effet, une vidéo, suivie de plusieurs clichés, ont été publiés sur Twitter il y a quelques heures par Matt Hartman, un photojournaliste freelance qui est parvenu à immortaliser le moment ou le bombardier américain passait au-dessus de lui ce 10 novembre, train sorti et accompagné d’un F-16.
Ce premier vol, confirmé depuis par un communiqué de presse de l’US Air Force, est intervenu après que plusieurs étapes clés ont été franchies par le programme, comme la mise sous tension du prototype en juillet, l’allumage des moteurs en septembre, et les premiers essais de roulage, il y a quelques jours.
Il s’agit, comme on peut l’imaginer, d’une étape importante dans le déroulement de ce programme stratégique pour la dissuasion américaine, alors que le prototype, qui sera suivi de cinq autres, rejoint désormais la base d’Edwards en Californie, où il effectuera une intense campagne d’essais de la part de l’USAF.
La video de Matt Hartman montrant le premier vol du B21 Raider.
Lancé en 2014, le programme qui a donné naissance au B-21 Raider, vise à remplacer initialement le bombardier supersonique B-1 entrés en service en 1986, puis les B-2 Spirit furtifs entrés en service à partir de 1997. Les B-52 de l’US Air Force, pourtant entrés en service en 1955, continueront quant à eux d’assurer la mission nucléaire pendant au moins une vingtaine d’années, selon l’état-major américain.
Le programme du B-21 de Northrop Grumman
Les informations entourant le B-21 Raider, ses caractéristiques et ses performances, sont évidemment confidentielles. L’appareil, qui reprend la configuration en aile volante du B-2, est conçu pour avoir une grande furtivité, afin de pénétrer les espaces aériens les plus contestés, pour mener ses frappes stratégiques.
Pour cela, le bombardier sera équipé du nouveau missile de croisière aéroporté AGM-181 Long Range Stand Off, un missile de croisière furtif armée d’une tête nucléaire W80 Mod 4, de 5 à 150 kt, et doté d’une autonomie de plus de 2 500 km. Comme pour le B-21, le développement du LRSO est entouré d’un grand secret, même si l’on sait que le missile, commandé à plus de 1000 exemplaires par l’US Air Force, a d’ores et déjà atteint la phase des essais en vol.
La munition furtive LRSO développée par RTX permettra au Raider de frapper des cibles à plus de 2500 km
Au-delà de la mission stratégique, le B-21 Raider, comme le B-1 et le B-2 qu’il remplacera, pourra mener des missions de frappes conventionnelles, y compris en environnement contesté. Il sera, pour cela, épaulé par des drones de combat comme le RQ-180, mais également, probablement, par ceux qui seront développés dans le cadre du programme NGAD.
Il doit, par ailleurs, assurer des missions de renseignement et de soutien, mettant à profit sa grande discrétion pour intervenir là où d’autres appareils, moins furtifs, se trouveraient de trop exposés.
Une étape clé pour l’US Air Force dans la nouvelle course aux armements
Le bombardier de Northrop va encore devoir passer par de très nombreuses étapes avant son entrée en service au sein de l’US Air Force, prévue pour 2026. Le respect de ce calendrier s’avérera indispensable pour Northrop Grumman, afin de garantir l’efficacité de la dissuasion américaine, pour le pays comme pour ses alliés, dans la nouvelle course aux armements qui fait rage dorénavant.
En effet, par sa grande discrétion, son autonomie et ses munitions spécialement développées, le Raider pourra être déployé à proximité des frontières adverses, pour mener une éventuelle frappe, elle aussi furtive et bien plus discrète qu’un tir de missiles ICBM ou SLBM.
Les teasers chinois concernant le Xian H-20 n’auront pas permis à Pékin de coiffer le B21 Raider sur le poteau concernant le premier vol de l’appareil.
De fait, à l’instar du B-2 Spirit aujourd’hui, le déploiement du B-21 par l’US Air Force, dans les années à venir et sur un théâtre d’opération, enverra un message parfaitement audible par les adversaires potentiels des Etats-Unis, sachant qu’ils pourront être frappés avec un préavis probablement trop court pour réagir, si tant est que préavis, il puisse y avoir, que ce soit pour une frappe nucléaire ou conventionnelle.
La question est aujourd’hui de savoir si les programmes H-20 chinois et PAK-DA russe, eux aussi des bombardiers stratégiques furtifs, iront effectivement à leur terme, et s’ils pourront conférer à leurs forces aériennes respectives, des performances équivalentes à celles du bombardier de Northrop ?
Le constructeur Mitsubishi Heavies Industries, ou MHI, a présenté le modèle qui lui succédera, baptisé frégate FFM-AAW par le constructeur, et New-FFM par les autorités nippones, à l’occasion du salon Indopacific Expo 2023. Alors que la 8ᵉ unité de la classe Mogami doit être lancée dans les jours à venir, la nouvelle frégate sera plus longue, plus lourde et surtout bien mieux armée que les navires auxquels elles succéderont.
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Lancé en 2015, le programme 30FF japonais, visait à developper une frégate polyvalente dédiée à l’engagement de faible à moyenne intensité, proche dans le concept des LCS de l’US Navy, pour remplacer ses destroyers légers et destroyers d’escorte des classes Asagiri et Abukuma.
Comme les LCS américaines, les 30FF devaient emporter un armement limité, avec un canon de 127 mm, deux canons légers RWS, un système CIWS SeaRAM et un hélicoptère SH-60L pour la lutte anti-sous-marine.
Les frégates classe Mogami de la Marine japonaise
En 2017, toutefois, le concept originel était abandonné au profit du programme 30 DX, qui donnera naissance à la classe Mogami. Longue de 133 mètres pour un tonnage de 5 200 tonnes en charge, la nouvelle frégate emportait, outre les systèmes qui devaient armer la 30FF, 8 missiles antinavires Type 17, ainsi que 2 systèmes VLS Mk41 pour 16 silos, armés de missiles antiaériens Type 03 Chusam à longue portée, et de missiles anti-sous-marins Type 07.
La Marine Japonaise mettra en œuvre 12 frégates classe Mogami d’ici à 2025
Initialement, le programme FFM devait porter sur 22 navires. En outre, pour des raisons budgétaires, les huit premières unités n’ont pas reçu, à la construction, les 2 systèmes VLS Mk41 prévus, même si elles doivent rapidement les recevoir dans les années à venir.
La production des frégates japonaises débuta en octobre 2019 avec la quille de la première unité, le JS Mogami, conjointement à la seconde frégate, le JS Kumano, avec une production annuelle de deux navires. Le JS Mogami a été lancé en mars 2021, et fut admis au service en avril 2022, quelques jours après le JS Kumani. Depuis, le rythme de 2 nouvelles frégates par an, a été respecté.
En décembre 2022, face au durcissement des relations avec Pékin, mais aussi avec Moscou et Pyongyang, et aux menaces que ces pays représentent pour Tokyo, les autorités nippones ont annoncé que la classe Mogami sera limitée à 12 navires, et sera suivie d’une nouvelle classe, elle aussi de 12 frégates et baptisée alors « new-FFM », répondant mieux aux menaces.
La frégate FFM-AAW de MHI à capacités antiaériennes renforcées
Cette nouvelle classe a été présentée par MHI à l’occasion du salon indopacific Expo, qui s’est tenu en début de semaine à Sydney, en Australie. Le nouveau navire s’avère, en effet, bien plus redoutable que celui auquel il succédera.
La nouvelle frégate FFM-AAW présentée par MHI au salon IndoPacific Expo 2023, photographiée par Navalnews.com
Désignée par MHI comme « FFM-AAW », pour en accentuer la spécialisation antiaérienne, la nouvelle frégate sera, en effet, plus longue (142 m vs 133 m), plus lourde de 1000 tonnes avec un tonnage de 6 200 tonnes en charge, et plus lourdement armée, avec 32 silos de lancement verticaux, et non 16 comme pour les Mogami.
Le navire partagera cependant beaucoup avec son prédécesseur, en particulier sa propulsion CODAG composé de deux moteurs diesels MAN et d’une turbine à gaz MT30 de Rolls-Royce, ce qui suppose des performances nautiques dégradées, au moins pour ce qui concerne la vitesse maximale (30 nœuds pour la Mogami), et la consommation (même si on peut supposer que les réserves de carburant pourraient être plus importantes).
Ainsi parées, les FFM-AAW pourront venir renforcer les grandes unités navales nippones antiaériennes et anti-missiles que sont les destroyers AEGIS Kongo, Atago et Maya, ainsi que les deux futurs arsenal ships anti-balistiques, pour la défense de l’archipel, et ainsi, densifier sa couverture antiaérienne, et peut-être antimissile.
Selon le site navalnews.com, présent sur le salon australien, la première des 12 FFM-AAW entrera en service en 2031, selon son constructeur Mitsubishi, et non en 2024, comme l’avait laissé entendre le communiqué des autorités nippones. Comme le fait justement remarquer le site spécialisé, les officiels nippons faisaient certainement référence, non à l’entrée en service du premier navire, mais à l’autorisation budgétaire du programme.
Une source d’inspiration pour les frégates européennes encore trop faiblement armées ?
Reste qu’il serait bienvenu que l’initiative nippone, en renonçant à un programme FFM parfaitement huilé du point de vue industriel, pour renforcer la puissance de feu de ses navires, et ainsi répondre à l’évolution de la menace, vienne inspirer les européens.
Les frégates européennes, comme le classe Amiral Ronarc’h françaises, sont insuffisamment armées face à la réalité de la menace.
En effet, si la plupart des Marines européennes communiquent, aujourd’hui, sur des navires à venir mieux armés, que ceux actuellement en service, comme les DDX italiens ou les Type 83 britanniques, la plupart des programmes en cours de livraison ou de conception, à court terme, ont, ou auront, une puissance de feu sensiblement insuffisante face à la réalité de la menace.
Ainsi, qu’il s’agisse des FDI classe Amiral Ronarc’h françaises et les 16 silos SYLVER 50, tout comme les PPA classe Thaon di Revel italiennes, comme des F125 classe Baden-Württenberg allemandes protégées par 2 CIWS RAM pour un navire de 7 000 tonnes, les frégates européennes apparaissent souvent mal armées, donc vulnérables, notamment face à un adversaire symétrique.
Sur fond de tensions croissantes avec la Chine, la Marine australienne mène une réflexion quant à la pertinence de la configuration et du modèle de frégates retenues dans le cadre du programme SEA 5000, pour remplacer les frégates de la classe Anzac, ouvrant la porte à des contre-offres censées mieux répondre aux attentes de Canberra. Mais, augmenter la puissance de feu et le nombre de silos verticaux d’un navire, est-il toujours la meilleure solution ?
Sommaire
L’Espagnol Navantia a présenté, à l’occasion du salon naval Indopacific Expo qui prend fin ce 10 novembre, un nouveau modèle de baptisé destroyer Flight III, basé sur le concept Avante 5000.
Ce navire, long de 165 mètres pour un tonnage de 10 200 tonnes, peut être armé de 128 silos verticaux Mk41, lui conférant une puissance de feu égalée uniquement par les super-destroyers sud-coréens de la classe Sejong le Grand, et surclasse notamment la contre-offre faite par BAe pour ses frégates australiennes de la classe Hunter, avec 96 silos.
Le programme SEA 5000 suscite de nombreuses interrogations en Australie
Le contrat a été attribué en 2018 au britannique BAe pour remplacer les frégates de la classe Anzac, et portant sur la construction locale de 9 frégates de la classe Hunter, dérivé du modèle Type 26 britannique, dont la Royal Navy a aussi acquis 8 exemplaires pour remplacer partiellement ses frégates Type 23.
La frégate HMS Glasgow est la première unité de la classe City de la Royal Navy, basée sur le modèle Type 26 comme pour les frégates australiennes commandées en 2018.
À l’instar du programme de sous-marin Sea 1000, annulé par Canberra en 2021, car ne répondant plus aux besoins exprimés par la Marine Australienne, pour se tourner vers des sous-marins nucléaires d’attaque dans le cadre du programme AUKUS-SSN, les besoins australiens ont rapidement évolué en matière de frégate ces dernières années, en particulier du fait des tensions croissantes avec la Chine et sa puissance marine.
En outre, chose relativement très commune en Australie ces dernières années, le programme SEA 5000 a vu ses couts croitre considérablement depuis son lancement, en grande partie du fait des effets de l’inflation, mais surtout des expressions de besoin itératives de la Royal Australian Navy. Il est ainsi passé de 35 Md$ initialement planifiés en 2018, à plus de 50 Md$ lors des dernières mises à jour publiées par le ministère de la Défense australien.
Surtout, de nombreuses interrogations ont émergé, ces derniers, concernant l’adaptation de la classe Hunter, longue de 150 mètres pour 10 000 tonnes de déplacement, et la réalité des besoins pour pouvoir faire face à la Marine chinoise.
En particulier, son armement, fort d’un canon de 127 mm, de 8 missiles antinavires, de 2 Phalanx et surtout de 32 silos verticaux Mk41, est désormais jugé par beaucoup très insuffisant, face à la menace, mais également au tonnage du navire, avec 250 tonnes de déplacement par missile embarqué, très loin, par exemple, des 110 tonnes par missile des Type 055 et Type 052DL chinois, ou des 85 tonnes par missile des Sejong le grand Sud-coréens.
Bataille de silos verticaux VLS entre BAe et Navantia pour les frégates de la Marine Australienne
C’est dans ce contexte que le britannique BAe, actuel contractant du programme SEA 5000, et l’espagnol Navantia, qui a construit pour la Marine australienne les destroyers classe Hobart et les porte-hélicoptères d’assaut classe Canberra, se livrent aujourd’hui un bras de fer, sur fond de menaces sur la classe Hunter.
La contre-proposition à 96 silos verticaux de la frégate HUNTER commandée par l’Australie
Conscient des risques de voir son programme stratégique signé en 2018, suivre le même destin que les Shortfin Barracuda de Naval Group en 2021, BAe a ainsi pris les devants, en présentant, à l’occasion du salon Indopacific Expo, une variation de cette classe, armée cette fois non de 40 missiles dont 32 en silo vertical, mais de 96 missiles, dont 64 silos Mk41, et 16 missiles antinavires NSM également en silo. Selon l’industriel britannique, il serait même possible de passer à 128 silos verticaux, en éliminant le canon de 127 mm, et le système de module de mission.
Toutefois, à l’instar de ce qui advint lors des menaces contre le programme SEA 1000, d’autres industriels ont aussi flairé l’opportunité de remplacer BAe en Australie, avec une contre-offre non sollicitée, mais très attrayante.
C’est ainsi que Navantia, qui a déjà produit en Australie les trois destroyers antiaériens de la classe Hobart, entrés en service entre 2017 et 2020, et armés de 48 VLS Mk41 pour un déplacement de 7 000 tonnes, a présenté lors de ce même salon, un destroyer lourd qui a tout pour séduire Canberra.
Baptisé Destroyer Flight III, une probable référence aux nouveaux destroyers Arleigh Burke Flight III de l’US Navy armés de 96 silos Mk41 et du radar AN/SPY-6 au sein du système Aegis, le Flight III de Navantia en réplique de nombreuses caractéristiques, avec une longue de 165 mètres contre 155, un tonnage de 10 200 tonnes contre 9 500 tonnes, le même radar SPY-6 et 128 silos Mk41 contre 96.
Le destroyer espagnol Flight III, également présenté lors du salon Indopacific Expo, est clairement taillé pour séduire la Marine royale australienne
De fait, le modèle espagnol, serait incontestablement l’un des navires disposant de la plus grande puissance de feu dans le pacifique, surpassant même les croiseurs Type 055 chinois et leurs 112 VLS.
Au-delà de ces critères taillés pour séduire Canberra et la Marine Australienne, alors que le nombre de missiles des Hunter est au cœur des interrogations, on peut aussi s’attendre à une offre tarifaire très agressive de la part de Navantia, qui s’est, à de nombreuses reprises, imposée ces dernières années lors des compétitions internationales, avec des offres particulièrement exhaustives et performantes.
Une puissance de feu supérieure qui se paie dans d’autres domaines
Reste qu’accroitre la puissance de feu d’une frégate ou d’un destroyer, en particulier en y ajoutant des silos verticaux, ne se fait pas sans contraintes, parfois très importantes.
En premier lieu, VLS et munitions coutent chers, et même très chers. Ainsi, ajouter quatre systèmes Mk41, soit 32 silos verticaux, et ses missiles, augmentent le prix d’un navire de 50 à 100 m$, en fonction des munitions retenues.
Cela ajoute aussi de la masse au navire, et de la consommation électrique, les besoins en matière de systèmes embarqués, et peut modifier son centrage, donc ses qualités nautiques.
Le naufrage de la frégate norvégienne Helge Ingstat en 2018, a été une importante piqure de rappel aux bureaux d’étude navals européens, concernant la survivabilité d’un navire de combat.
Pour maintenir celles-ci et contenir les effets sur les prix des navires, les bureaux d’étude sont contraints, parfois, de sacrifier certaines qualités pourtant essentielles pour des navires de guerre, en particulier en matière de blindage et d’étanchéité.
On se rappelle, à ce titre, le funeste destin de la frégate norvégienne KNM Helge Ingstad, construites par Navantia et perdue le 8 novembre 2018, à la suite d’une collision à faible vitesse avec le pétrolier Maltais Solas TS, à l’entrée du port de Sture. Malgré des dégâts relativement limités, le navire n’a pas pu être sauvé par son équipage, amené à échouer le navire face au sinistre.
De même, les principales transformations structurelles apportées par l’US Navy au modèle de frégate FREMM de l’Italie Fincantieri, pour donner naissance à la future classe Constellation, ont porté sur l’ajout de plus de 400 tonnes de blindage et de portes étanches, pour en accroitre la survivabilité, sans augmenter le nombre de silos verticaux Mk41, resté à 36.
Plus de missiles pour quel besoin opérationnel ?
A ces considérations purement techniques, s’ajoute un dernier aspect, cette fois opérationnel, plaidant pour une certaine modération dans l’ajout de VLS aux navires de surface.
Il convient, en effet, d’évaluer le nombre de missiles de différents types dont un navire peut effectivement avoir besoin, lors d’une mission répondant à la doctrine d’utilisation de sa force navale, et non de scénario de science-fiction, en prenant en considération l’ensemble des contraintes, y compris budgétaires, notamment sur le format de la flotte.
Les super-destroyers, croiseurs et destroyers lourds, ont désormais les faveurs des états-majors, comme ici le DDX italien qui doit entrer en service en 2028.
De fait, déterminer le nombre optimal de VLS à bord d’un navire de combat de surface, est tout sauf un exercice trivial. Il est ainsi tentant de s’extasier devant un destroyer armé de plus de 100 missiles, sans tenir compte des sacrifices faits pour y parvenir, qui peuvent, au combat, s’avérer bien plus handicapant qu’une trentaine de missiles qui ne seront probablement jamais employés.
Ce d’autant que d’autres solutions, comme le multipacking qui permet d’embarquer plusieurs missiles par silo, et d’autres systèmes d’armes présents, comme l’artillerie navale, et à venir, comme les armes à énergie dirigée et les canons électriques, sont ou seront en mesure de changer l’équation et les performances opérationnelles du navire.
Rappelons, enfin, que les Hunter Britanniques visaient avant tout à fournir à la Royal Australian Navy, des frégates océaniques de lutte anti-sous-marine et anti-surface, et non des navires d’interdiction aérienne ou de protection antibalistique.
Cela mit bout à bout, on comprend que l’offre, à priori alléchante, mais non sollicitée, de Navantia à Canberra, est encore loin de pouvoir sortir les Type 26 de BAe, déjà à l’étude depuis cinq ans, qui s’avéreront, sans le moindre doute, des navires bien plus performants dans le domaine de la lutte ASM que le destroyer espagnol, spécialisé dans la défense anti-aérienne et la frappe vers la terre.
Les autorités suédoises ont confirmé le retrait définitif du pays du programme GCAP, pour mener une réflexion épaulée par plusieurs études jusqu’en 2031, et l’arbitrage quant au développement potentiel d’un successeur au JAS 39 Gripen.
Mais une coopération suédoise avec la France, dans le cadre du programme SCAF, pour developper un chasseur monomoteur à hautes performances, ouvrirait de nombreuses opportunités.
Le rapprochement a minima entre la Suède et le programme FCAS Tempest britannique en 2019
Pour Saab et les autorités suédoises, ce rapprochement visait à étudier les convergences en matière de brique technologique, dans le cadre de son propre programme de chasseur de nouvelle génération destiné à remplacer, au-delà de 2040, le JAS 39 Gripen E/F qui était encore à l’état de prototype à ce moment-là.
L’arrivée de Stockholm fut présentée par Londres comme un immense succès, brisant son isolement de l’époque alors que l’Espagne frappait déjà à la porte du SCAF franco-allemand. Pour la Suède, en revanche, les ambitions étaient bien plus mesurées, avec un planning d’investissement d’à peine 60 m€, pour financer un centre de recherche en Grande-Bretagne.
Depuis, le programme FCAS s’est profondément transformé, avec l’arrivée successive de l’Italie puis du Japon, en faisant l’exact pendant du SCAF qui rassemble désormais, outre la France et l’Allemagne, l’Espagne comme partenaire de plein droit, et la Belgique, avec le statut d’observateur.
Le Tempest et son programme, baptisé FCAS, ont été les stars du Salon aéronautique de Farnbourouh de 2018
La Suède, de son côté, a pris une distance certaine avec FCAS devenu depuis Global Combat Air Programme ou GCAP, pour se mettre en retrait de l’incitative il y a un an/ Elle s’en est finalement retirée définitivement aujourd’hui, comme l’a confirmé un officiel suédois à l’occasion des rencontres de la Chatham House Rules lors de la International Fighter Conference, qui s’est déroulée à Madrid il y a quelques jours.
Une échéance à 2031 fixée par Stockholm pour arbitrer sur le potentiel successeur au JAS 39 Gripen
Pour les autorités suédoises, il est dorénavant nécessaire de prendre le temps d’évaluer les options qui sont les siennes, et ce, jusqu’en 2031 et le lancement du programme qui devra developper le successeur potentiel du Gripen, ou pas. Dans l’intervalle, des études techniques et opérationnelles seront menées pour encadrer ce futur programme.
Sans que cela soit ouvertement annoncé, on comprend, à demi-mots, que Stockholm s’interroge sur la pertinence de developper à nouveau un chasseur en autonomie, assumant des couts et des contraintes importantes, en particulier maintenant que le pays s’apprête à rejoindre l’OTAN, et n’est plus obligé, comme précédemment, par sa neutralité.
En outre, il est probable que les décisions finlandaises, norvégiennes, mais aussi tchèques, de se détourner du Gripen E pour lui préférer le F-35A américain, pèsent lourd dans les réflexions menées dans le pays, qui n’a plus, à proprement parler, le rôle qui était le sien en Scandinavie durant la Guerre froide.
Le JAS 39 GRIPEN E, successeur du Gripen C, n’est pas encore entré en service au sein de la Flygvapnet, l’Armée de l’air suédoise.
Pour autant, tous les experts, comme les pilotes, s’accordent à dire que le Gripen, comme le Viggen et le Drakken avant lui, est un excellent appareil, à la fois économique et très performant, dont le faible succès commercial n’est en rien significatif de ses nombreuses qualités, et de sa fiabilité.
Par ailleurs, les nombreuses discussions entreprises par plusieurs pays, en vue d’acquérir ci des F-16 supplémentaires, là des FA-50, alors que le sort du Su-75 Checkmate russe reste incertain, tend à confirmer que la demande pour un chasseur monomoteur à hautes performances, mais économique, perdure, et pourrait même croitre dans les années à venir.
De fait, perdre les compétences durement acquises par Saab et l’industrie aéronautique suédoise, serait une perte dramatique pour le pays, et plus globalement, pour l’Europe.
Les convergences franco-suédoises autour d’un chasseur monomoteur de 6ᵉ génération
C’est dans ce contexte que le retrait suédois du programme GCAP, pourrait ouvrir des opportunités importantes pour le programme SCAF, et plus particulièrement pour la France, au bénéfice mutuel de Paris et Stockholm, Dassault Aviation et Saab.
En effet, la France et son avionneur, Dassault Aviation, ont, eux aussi, une longue expérience pour ce qui concerne le développement et la mise en œuvre, de chasseurs monomoteurs à hautes performances, en l’occurrence, la gamme des Mirage allant du Mirage III de 1961, au Mirage 2000-9 aujourd’hui.
Non seulement la France a-t-elle des compétences industrielles qui font défaut à la Suède, en particulier dans le domaine des turboréacteurs et des munitions, mais elle dispose d’un vaste réseau de clients dans le Monde, habitué à la qualité et aux performances de ses Mirage, et confiant dans le soutien militaire et politique français, le cas échéant.
Avec la famille des Mirage, la France a acquis une grande expérience, mais également une excellente réputation et un vaste réseau commercial, pour ce qui concerne les chasseurs monomoteurs à hautes performances
Par ailleurs, si l’Armée de l’Air et de l’Espace prévoit de retirer ses derniers Mirage 2000D en 2035, pour une flotte composée de 185 Rafale B et C, ce format est, on le sait désormais sans la moindre hésitation, insuffisant pour répondre aux besoins opérationnels présents et à venir.
L’augmentation de la flotte de Rafale est évidemment possible. Cependant, l’appareil est plus onéreux à l’achat et la mise en œuvre qu’un Mirage, un Gripen, ou un éventuel successeur à ces deux appareils. En outre, aller au-delà des 225 Rafale français prévus par la Loi de Programmation Militaire, ne générera pas d’opportunités d’exportation supplémentaires, avant l’arrivée du NGF et du SCAF, autour de 2045.
Enfin, et c’est important, ce NGF et son système de systèmes, s’ils pourront avantageusement remplacer le Rafale et le Typhoon, promettent d’être très onéreux, de sorte qu’il est difficilement envisageable qu’une extension de format de la chasse française puisse passer par cet unique appareil.
Dans le même temps, si le NGF sera onéreux pour Paris, Berlin ou Madrid, on imagine aisément qu’il sera hors de portée de nombreux autres pays, y compris en Europe, qui n’auront alors d’autres choix que de se tourner vers des avions américains, sud-coréens voire turcs, pour composer leurs flottes de chasse.
Atouts, opportunités et contraintes d’une arrivée suédoise au sein du programme SCAF
Ceci posé, on comprend qu’il existe une convergence de besoins et d’opportunités entre Paris et Stockholm concernant le développement potentiel d’un chasseur monomoteur à hautes performances, qui vendrait tangenter la 6ᵉ génération d’avions de combat en s’intégrant au système de systèmes du SCAF.
En effet, dans une telle hypothèse, la Suède pourrait rejoindre le programme SCAF, non pas pour codévelopper le NGF, mais pour developper un chasseur monomoteur avec la France, et peut-être d’autres pays européens. On pense à la Grèce, aux Pays-Bas ou à la Pologne.
Le NGF du programme SCAF promet d’être très performant et puissant, mais aussi onéreux. Il ne sera pas à la portée de nombreuses forces aériennes, y compris en Europe.
Cette approche offrirait de nombreux atouts, et encore davantage d’opportunités. Ainsi, le SCAF se transformerait, pour l’occasion, d’un programme technologique, à un programme normatif, permettant à plusieurs initiatives d’y être conjointement développées, en s’appuyant sur un pool européen de capacités et compétences technologiques et industrielles, sans chercher à en imposer l’interprétation et la déclinaison qui en serait faite.
Reste que convaincre Stockholm, et par ailleurs Berlin et Madrid, de la pertinence d’une telle approche, sera très certainement difficile pour Paris, si tant est que les autorités françaises en saisissent effectivement le potentiel, et décident de s’engager en ce sens.
En effet, les trois capitales européennes ont déjà dû faire preuve d’une grande détermination pour empêcher au programme de finir dans le fossé, sous couvert de tensions entre ses différents acteurs autour du partage industriel.
Par ailleurs, l’arrivée d’un nouveau partenaire, même de cette manière que l’on peut qualifier de non intrusive, ne manquera pas d’inquiéter ces mêmes industriels, qui pourraient y voir une menace au succès commercial du NGF, y compris dans leurs forces aériennes respectives.
Rappelons, à ce titre, que Dassault n’avait pas hésité à sacrifier la ligne d’assemblage du Mirage 2000 au début des années 2010, officiellement par manque de commande, mais surtout pour empêcher que le président Sarkozy, et son ministre de la Défense Hervé Morin, ne décident d’abandonner le Rafale pour se tourner vers un Mirage 2000 modernisé, plus économique.
Il est indispensable de préserver les compétences et savoir-faire de l’industrie aéronautique de défense suédoise, l’une des rares dans le monde à avoir l’expérience du développement d’un avion de combat moderne.
Enfin, si Stockholm s’est retiré du programme GCAP pour mener sa réflexion, on imagine aisément que rejoindre le programme SCAF sera une démarche difficile à entreprendre, même si, dans cette hypothèse, les perspectives seraient toutes autres.
Une opportunité unique pour préserver les compétences de l’industrie aéronautique européenne
Pour autant, on comprend de ce qui précède, qu’un rapprochement entre la France et la Suède, dans le cadre du programme SCAF, pour developper conjointement un successeur au Gripen et au Mirage 2000, ouvrirait de nombreuses opportunités technologiques et commerciales, mais aussi opérationnelles, au profit de l’industrie et de la défense européenne.
Il permettrait, notamment, à de nombreux pays, européens ou alliés, qui ne pourront s’équiper en NGF, ou qui ne pourront le faire que pour des formats limités, de renforcer leurs flottes de chasse, avec un appareil plus économique, mais toujours intégré au périmètre technologique et industriel du SCAF, au plus grand bénéfice de l’autonomie stratégique et de la sécurité du vieux continent.
Dans le cas contraire, on peut craindre que la Suède vienne s’aligner sur ses voisins, en devenant un fidèle client, et partenaire, de l’industrie aéronautique américaine, au plus grand bénéfice de Washington, et au plus grand détriment des compétences industrielles et technologiques défense européennes.
Alors que la production de sous-marins nucléaires américaine n’atteint, aujourd’hui, que 1,3 nouveau sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Virginia chaque année, elle devra, d’ici à 2028, produire 2 SSN classe Virginia et un SSBN classe Columbia par an, et même 2,3 Virginia à partir de 2030, pour absorber les livraisons à l’Australie.
L’industrie navale militaire américaine va devoir, dans les 5 ans à venir, multiplier par 2,5 leur production de sous-marins nucléaires, ce qui engendrera une transformation aussi radicale qu’après l’attaque de Pearl Harbor, pour cette fois relever le défi chinois.
Sommaire
Longtemps victime d’un biais technologiste lié à la perception d’une baisse des tensions navales dans le monde, l’US Navy est désormais engagée dans un très important effort de modernisation de sa flotte, pour relever le défi posé par la Marine chinoise et l’industrie navale de l’empire du milieu.
En effet, si l’US Navy demeure aujourd’hui la plus imposante force navale par son tonnage et la puissance de ses navires, la Marine de Pékin croit et se modernise, en nombre comme en tonnage et en capacités opérationnelles, bien plus rapidement que la Marine américaine ne parvient à se moderniser.
SeaWolf, Zumwalt, LCS : ces programmes qui ont sabordé la modernisation de l’US Navy pendant 25 ans
Il faut dire qu’entre les échecs des programmes SSN Sea Wolf, DDG Zumwalt et LCS Independance et Freedom, elle a connu des pertes de potentiel importantes avec, par exemple, le retrait des frégates anti-sous-marines de la classe O.H Perry non compensé par des LCS manquant de performances, et des pertes de volume.
Le programme Zumwalt aura couté plus de 21 Md$ à l’US Navy, pour seulement 3 destroyers, qui doivent encore subir une refonte longue et onéreuse pour remplacer leurs canons de 155 mm par des silos accueillant des missiles hypersoniques LRHW.
D’autre part, ces programmes se sont avérés des d’immenses puits sans fonds budgétaires, ayant chacun couté plus de 20 Md$, soit l’équivalent de 5 sous-marins de la classe Virginia, de 7 destroyers Arleigh Burke, de 15 frégates classe Constellation, et même de presque deux porte-avions de la classe Ford, alors qu’ils n’ont produit que trois sous-marins, trois destroyers et une trentaine de LCS presque inutiles.
De fait, aujourd’hui, l’US Navy doit simultanément absorber les conséquences de ces échecs, renouveler sa flotte, et l’augmenter, pour tenir la ligne face à une Marine chinoise qui accueille chaque année une dizaine de destroyers et frégates, ainsi qu’un à deux grands navires amphibies ou aéronavals, et deux à trois nouveaux sous-marins, il est vrai encore majoritairement à propulsion conventionnelle.
Si, ces dernières années, le Pentagone a obtenu de l’exécutif et du Congrès les crédits nécessaires à cet effort qui n’aura probablement rien à envier à celui entrepris dans les années 80 avec le plan Lehman, du nom du Secrétaire à la Navy de Ronald Reagan, John Lehman qui, en 1982, lança une initiative pour amener l’US Navy à 600 navires pour répondre à la modernisation de la flotte soviétique engagée par l’Amiral Gorshkov dans les années 70.
La production de sous-marins nucléaires pour l’US Navy doit augmenter de 150 % en 5 ans
Pour répondre à ce défi, le Pentagone entend considérablement accroitre la production industrielle navale militaire américaine, en passant de la livraison d’un destroyer classe Arleigh Burke et 2 LCS par an, à celle de plus de deux destroyers Burke et une frégate classe Constellation, des navires autrement plus performants et mieux armés que les LCS dont la production va prochainement cesser.
L’effort le plus important portera, quant à lui, sur le domaine de la production des sous-marins nucléaires américains. En effet, aujourd’hui, l’US Navy reçoit, en moyenne, 1,3 nouveau sous-marin nucléaire d’attaque SSN classe Virginia chaque année, une production pas même suffisante pour remplacer le retrait des SSN classe Los Angeles encore en service.
2,3 SSN classe Virginia et un SSBN classe Columbia par an
L’objectif de production, annoncé par le Secrétariat à la Navy à l’occasion d’un témoignage écrit pour le Congrès, est d’atteindre, d’ici à 2028, un format désigné « 1+2 », soit 1 nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engin classe Columbia, pour remplacer les 12 SSBN classe Ohio en fin de vie, ainsi que deux sous-marins nucléaires d’attaque SSN classe Virginia, pour remplacer les SSN classe Los Angeles, et étendre la flotte de l’US Navy au-delà de 60 SSN d’ici à 2035, contre 44 aujourd’hui.
À cet objectif déjà ambitieux, le vice-amiral Bill Houston, qui commande la flotte sous-marine américaine, a ajouté la production de 0,33 SSN classe Virginia supplémentaires par an, pour absorber et remplacer les deux navires de cette classe qui seront prélevés sur l’inventaire de l’US Navy en 2032 et 2035 pour être transférés à la Marine australienne dans le cadre du programme AUKUS, ainsi que le troisième SSN classe Virginia, qui sera construit neuf et livré directement à Canberra en 2038, au standard Block VII.
Au total, donc, la production annuelle de sous-marins nucléaires par les chantiers navals américains, doit passer de 1,3 SSN aujourd’hui, à 2,3 SSN et un SSBN d’ici à 2028, une hausse considérable de 150 % en 5 années seulement.
Le défi est d’autant plus important, qu’un SSBN de la classe Columbia, ses 171 m et 21 000 tonnes en plongée, est beaucoup plus imposant et complexe à construire qu’un SSN classe Virginia, long de 140 m et déplaçant 10 200 tonnes en plongée.
Des effectifs industriels multipliés par 5 en seulement 5 ans
De fait, le Secrétariat à la Navy estime qu’il sera nécessaire, pour relever ce défi très ambitieux, de multiplier non par 2,5, mais par 5, les effectifs industriels dédiés à la construction de ces navires, pour atteindre ces objectifs, par ailleurs indispensables pour soutenir la compétition avec Pékin.
Outre la production de sous-marins, les chantiers navals militaires américains vont aussi devoir accroitre leur production en matière de navire de surface, avec les destroyers Arleigh Burke, les frégates Constellation et les futurs DD(x).
Ce besoin en matière de ressources humaines, ainsi que la construction des infrastructures nécessaires avec un possible 3ᵉ grand chantier naval à l’étude, sont aujourd’hui les principaux sujets de préoccupation de l’US Navy et de son Secrétaire, alors que les chantiers navals Huntington Ingalls Industries de Newport, et General Dynamics de Groton, peinent déjà à remplir les équipes à charge pourtant réduite.
Sur des délais aussi court, et pour un volume de progression aussi important, il est, en effet, illusoire de ne s’appuyer que sur des recrutements traditionnels, d’autant que l’industrie navale américaine est aujourd’hui presque exclusivement militaire, et qu’il n’existe donc aucun réservoir civil mobilisable, comme c’était encore le cas au début des années 80.
Il va donc, aux industriels américains, simultanément falloir recruter, ainsi que former et encadrer ce flux de nouveaux personnels, pour répondre à l’augmentation de la production de sous-marins, ainsi que de navires de surface, et se montrer particulièrement attractif, alors que le chômage aux Etats-Unis demeure sous la barre des 4 %.
L’échec n’étant pas envisageable considérant les enjeux sécuritaires qui en dépendent, la construction navale militaire américaine s’apprête à une transformation profonde, proche de celle qu’elle a connue en 1942, pour faire face à la Marine nippone.
Une fois le point d’équilibre atteint, que l’on peut estimer de 2040 à 2045, Washington disposera alors d’une flotte sans équivalent de 80 à 90 sous-marins nucléaires, et d’une centaine de grands navires de surface océaniques, mais aussi, et surtout, d’un potentiel industriel capable, une nouvelle fois, d’alimenter rapidement ses alliés.
Le retour prévisible de l’industrie navale militaire américaine sur le marché mondial
Il faudra donc, aux industriels navals européens, mais aussi japonais ou sud-coréens, se préparer à encaisser le choc du retour d’une industrie navale américaine sur le marché mondial, après l’avoir presque quitté dans les années 90 avec la fin de la production des frégates O.H Perry.
Les frégates anti-sous-marines américaines de la classe O.H Perry ont été exportées vers 10 Marines mondiales pour 42 exemplaires, bien davantage que n’importe lequel des modèles européens.
Lorsque l’on voit à quel point les Etats-Unis sont parvenus à imposer leur F-35 aujourd’hui, leurs F-16, F-18 avant cela, dans toute la sphère occidentale, on peut se faire une idée des effets qu’un retour américain sur le marché militaire naval mondial, pourront induire lorsque cela se produira.
L’action cumulée de l’arrivée de la Corée du Sud, du Japon et de la Turquie à court termes, le retour de la Chine et la montée en puissance chinoise dans les années à venir, et le spectre du grand retour des Etats-Unis sur le marché au-delà de 2035, il sera indispensable, aux groupes navals européens, de finement planifier leur propre activité, pour ne pas être emporté par les lames de fonds que se rapprochent rapidement.
Le général Ingo Gerhartz, chef d’état-major de la Luftwaffe, a déclaré qu’il était nécessaire pour l’Allemagne de developper un drone de combat capable d’épauler l’Eurofighter Typhoon, et ce bien avant les échéances visées aujourd’hui par le programme SCAF. Un programme qui n’est pas sans rappeler le drone de combat dérivé du Neuron, qui accompagnera le Rafale F5 français dès 2030.
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À l’occasion des débats parlementaires autour de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, au printemps 2023, le ministère des Armées français a indiqué qu’il entendait financer, dans le cadre de la version F5 du Rafale, le développement d’un drone de combat, qui serait, pour l’occasion, dérivé du démonstrateur Neuron de Dassault Aviation.
Il s’agit, pour le ministère, de doter les forces aériennes françaises, d’un outil performant pour défier les systèmes de déni d’accès qui se multiplient, et de palier la furtivité insuffisante du Rafale dans ce domaine, tout en étendant considérablement les capacités et performances opérationnelles.
Le drone de combat Neuron qui accompagnera le Rafale F5 en 2030
Le bond capacitaire que réalisera le chasseur français, qui aujourd’hui rencontre un important succès sur la scène internationale, permet de considérer cette future évolution F5, comme une véritable reboot de l’appareil, le mettant largement au niveau des appareils les plus évolués du moment, en matière de performances opérationnelles.
Le Rafale F5 de Dassault sera accompagné d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron dès 2030.
De fait, les performances opérationnelles du Rafale F5, et de son technosystème de drones, en feront un premier système de systèmes pour les forces aériennes françaises, mais aussi pour les clients exports de l’industrie aéronautique de défense nationale.
Le fait est, les capacités dont sera doté le NGF au travers du SCAF, seront bien supérieures à celles dont disposera le Rafale, épaulé des Neuron, Remote Carrier et Eurodrone RPAS, et permettront à ce système de s’imposer en 2050 et au-delà.
Quant au Rafale F5 et ses drones, il permettra aux armées françaises, et aux clients de son industrie, de disposer d’un avantage opérationnel significatif jusqu’en 2045 ou 2050, et l’arrivée du SCAF.
Un drone de combat pour les Eurofighter Typhoon de la Luftwaffe
En présentant le DS Lout en 2019, Airbus DS affichait une grande confiance dans ses capacités à developper un drone de combat furtif en autonomie.
Les besoins et la réalité opérationnelle de la Luftwaffe étant très proches de ceux des forces aériennes françaises, il n’y a rien de surprenant à ce que le général Gerhartz préconise, lui aussi, le développement d’un drone de combat de type Loyal Wingman, pour venir épauler ses Typhoon et en étendre les capacités.
En outre, comme c’est le cas en France, l’arrivée de drones de combat permettra à la flotte de chasse allemande, d’accroitre son volume, sans venir accroitre sa flotte de chasseur elle-même. En effet, des deux cotés du Rhin, les réticences politiques sont importantes pour répondre favorablement aux attentes des armées en matière de format.
Enfin, doter le Typhoon d’un drone de combat, permettra de le mettre au même niveau que le Rafale sur la scène internationale, et se positionner efficacement face au F-35A américain, alors que le chasseur européen peine toujours à s’imposer hors de ses frontières.
Pour autant, on ne peut exclure que le calcul de l’officier général allemand, aille au-delà de ce qu’il parait de prime abord. En effet, il convient de garder à l’esprit que le développement d’un drone de combat, sera une tache longue et onéreuse, raison pour laquelle le général Gerhartz a immédiatement ouvert la porte à une possible coopération internationale.
Ce point spécifique peut paraitre étonnant, dans la mesure où Airbus DS avait, il y a quelque temps, longuement communiqué sur les avancées réalisées en grand secret autour du programme DS Lout, mis en avant par Berlin pour s’arroger le pilotage du pilier drone du SCAF.
Une manœuvre pour acquérir davantage de F-35A Lightning II ?
Toutefois, les couts de développement, puis d’acquisition, du drone, ainsi que l’évolution de la flotte de Typhoon pour pouvoir agir de concert avec lui, seront probablement mis en perspective de l’acquisition de F-35A supplémentaires, qui seraient dédiés aux missions SEAD et de suppression.
En effet, les 34 Lightning II, commandés par Berlin, seront principalement dédiés aux missions de partage nucléaire de l’OTAN. Par ailleurs, une flotte de ce format est nécessairement onéreuse et complexe à mettre en œuvre.
La manœuvre du général Gerhartz pourrait permettre d’ouvrir la porte à l’acquisition de nouveaux F-35A pour la Luftwaffe.
De fait, augmenter la flotte de F-35A, plutôt que développer et acquérir un UCAV spécialisé, pourrait apparaitre une alternative économique et plus rapide, au Bundestag. Ce d’autant que la Luftwaffe n’a jamais caché son intérêt pour le chasseur américain, et son intention d’accroitre sa flotte dans les années à venir.
En précédant ainsi, La Luftwaffe pourrait arriver au résultat escompté, en employant le Neuron français comme leurre politique, au travers d’une stratégie à deux bandes, certes complexe, mais probablement bien plus efficace qu’une requête directe pour davantage de F-35.
Il faudra donc suivre, dans les semaines et mois à venir, quelle trajectoire prendra ce programme, pour comprendre quels sont les objectifs effectivement visés par l’armée de l’air allemande dans ce dossier.
Faut-il réviser les piliers et le calendrier du SCAF ?
Reste que si Paris d’un côté, Berlin de l’autre, viennent à developper une gamme de drone de combat en amont du programme SCAF, on peut raisonnablement se demander à quel point ce besoin précis mérite effectivement de demeurer un pilier du programme, par ailleurs déjà très ambitieux.
On peut se demander, également, si, faute de pouvoir fusionner les programmes SCAF rassemblant Allemagne, Espagne et France, et GCAP rassemblant Grande-Bretagne, Italie et Japon, il serait possible de les rapprocher concernant ces piliers périphériques, dans le domaine des drones, de l’armement ou de la guerre électronique, de sorte à en réduire les empreintes budgétaires respectives.
Là encore, en fonction de la trajectoire qui sera suivie par la Luftwaffe pour son propre programme de drone de combat, on pourra certainement y voir plus clair concernant les objectifs visés par Berlin dans ce domaine, notamment s’il venait à se rapprocher de la Grande-Bretagne et/ou de l’Italie dans ce domaine.
Face aux besoins d’accroitre la masse des armées européennes, deux modèles s’opposent : celui de la conscription et celui de la garde nationale. Chacun d’eux offre des atouts qui leur sont propres, mais aussi des contraintes non négligeables. Dans cet article, nous étudierons ces deux approches, pour tenter de déterminer laquelle serait la plus performante en Europe, dans le contexte sécuritaire actuel.
Sommaire
Si traditionnellement, les armées européennes s’étaient presque toutes tournées vers la Conscription au cours de la Guerre froide, elles ont majoritairement fait le choix de la professionnalisation dans les années 90 et 2000.
Il s’agissait alors de répondre simultanément à la baisse des tensions en Europe, et de s’adapter aux besoins de projection de puissance et d’engagement distant de ces années, pour lesquelles les armées de conscription étaient mal adaptées.
Le retour des risques de conflit majeur sur le vieux continent, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique, a considérablement transformé la nature même des missions auxquelles ces armées devront répondre dans les années à venir.
Le retour du débat sur la conscription pour accroitre la masse des armées
Concomitamment, la guerre en Ukraine a taillé en brèche la perception, pourtant très ancrée, de la supériorité opérationnelle et doctrinale des armées exclusivement professionnelles, qui souffrent d’un déficit de masse et de résilience, que l’on sait désormais des plus problématiques, alors que les conflits peuvent s’étendre sur la durée.
L’augmentation du format des armées professionnelles, que l’on pouvait considérer comme la solution de prédilection à ces besoins, est très difficile à mettre en œuvre.
La conscription ayant été le socle de la dissuasion conventionnelle européenne, que ce soit pour les pays d’Europe de l’Ouest appartenant à l’OTAN, comme des pays d’Europe de l’Est appartenant au Pacte de Varsovie, pendant la guerre froide, il est naturel que l’hypothèse soit privilégiée par des hommes politiques l’ayant connu et expérimenté personnellement.
La Garde Nationale, un modèle performant pour renforcer les armées
Pourtant, il existe un second modèle, conçu pour répondre aux problèmes de masse et d’engagement de longue durée, mis en œuvre par nulle autre que la plus puissante force militaire de la planète, les Etats-Unis.
En effet, outre Atlantique, la conscription n’a que très exceptionnellement été instaurée, et toujours de manière partielle. Les armées américaines peuvent, en effet, s’appuyer sur une très puissante Garde Nationale, une force de réserve opérationnelle dirigée directement par les Etats, et coordonnée par les armées fédérales.
L’US National Gard dispose de moyens très entendus, y compris en matière d’hélicoptères et d’avions de combat, et est régulièrement déployée en zone de combat outre-mer, comme c’était le cas en Afghanistan et en Irak.
Aujourd’hui, l’US National Gard est l’une des plus importantes forces militaires de la planète, avec presque 500 000 hommes, 8 divisions d’infanterie, 62 brigades de soutien ou spécialisées, et des dizaines de milliers de véhicules blindés, hélicoptères et avions de combat, y compris les plus modernes comme le F-35A.
Il convient donc, pour avoir une compréhension étendue de cette problématique qui s’impose à toutes les armées européennes aujourd’hui, d’évaluer les caractéristiques, atouts et contraintes, de ces deux approches, pour déterminer laquelle est la plus à même de répondre aux enjeux de défense du vieux continent dans les années et décennies à venir.
Garde Nationale vs Conscription : quel modèle choisir ?
C’est probablement dans le domaine des capacités opérationnelles que les deux approches diffèrent le plus radicalement, tant leur nature et structure sont opposées.
Les atouts opérationnels de la conscription
Ainsi, la conscription permet de constituer un réservoir de soldats mobilisables au besoin, des plus importants, puisque représentant, chaque année, une partie de l’ensemble de la classe d’âge concernée. Pour un pays comme la France, une conscription totale, une fois éliminés les profils inadaptés et spécifiques, devrait représenter autour de 400 000 jeunes chaque année.
Sachant que six mois sont nécessaires pour donner la formation initiale aux jeunes conscrits, et que la moitié des effectifs restants, en unité opérationnelle, sera toujours à l’entrainement, la puissance militaire mobilisable résultante devrait avoisiner les 100 000 hommes et femmes, soit, une fois ventilés, l’équivalent d’un doublement de la Force Opérationnelle Terrestre de l’Armée de terre.
Les conscrits peuvent rapidement augmenter les effectifs des forces mécanisées et dédiés à l’engagement de haute intensité.
De fait, et de manière incontestable, la conscription constituerait une réponse adaptée aux besoins de masse des armées. Pour l’Armée de terre, elle permettrait de constituer deux divisions mécanisées dédiées à la haute intensité. Pour l’Armée de l’Air et la Marine, elle libérerait des ressources professionnelles pour certaines missions spécialisées, et donc d’accroitre, là aussi, leur format, efficacité et résilience.
En outre, en augmentant l’expérience, donc la compréhension, de la chose militaire dans la population, la conscription favorise un soutien populaire plus important concernant les questions de défense, tout en facilitant le recrutement pour la composante professionnelle des armées.
Les contraintes opérationnelles de la conscription
Pour autant, celle-ci n’est pas dénuée de contraintes, parfois cruciales. En premier lieu, par nature, la conscription est difficilement projetable au-delà des frontières nationales. Or, dans le contexte actuel, il est très peu probable qu’un conflit puisse intervenir sur le sol national, même si la France devait y être pleinement impliquée.
Au-delà des questions statuaires pouvant être adaptées, il convient, en effet, de garder à l’esprit que la conscription n’étant pas basée sur une notion de volontariat, déployer des unités composées intégralement, ou partiellement, de conscrits en zone de combat hors des frontières, est un sujet des plus difficiles tant au sein des armées que des opinions publiques.
Les équipages mixtes de la Marine nationale posèrent problèmes lorsque la France voulue déployer des moyens navals dans le cadre de la première guerre du Golfe.
Autre point faible de la conscription, si elle permet théoriquement de constituer une importante réserve militaire préalablement formée, cette formation est, dans les faits, très théorique, ce d’autant que les équipements et doctrines auront tendance à évoluer rapidement en période de fortes tensions internationales.
De fait, si la conscription répondait bien aux enjeux et besoins durant la guerre froide, avec des engagements potentiels très proches des frontières nationales, voire à l’intérieur du pays, et une technicité des matériels militaires moindres, elle s’avère sensiblement moins performante aujourd’hui, alors que les engagements potentiels auront lieu à 1500 ou 2000 km des frontières, sans que la nation elle-même soit, de manière visible et perceptible de tous, menacée par l’adversaire.
Les atouts opérationnels de la Garde Nationale
La Garde Nationale, de son côté, est précisément composée exclusivement de volontaires, ce qui la rend parfaitement adaptée à la projection de forces, ou la protection de pays alliés, fussent-ils distants. Cette caractéristique la rend aussi bien mieux adaptée aux unités mixtes, qui ne perdent de fait en rien leurs capacités dans ce domaine.
Par son engagement étalé dans le temps, elle garantit, en outre, de disposer de forces toujours bien formées, performantes dans l’utilisation des équipements, et capable d’inter-opérer avec les autres unités professionnelles ou alliées.
Les Gardes nationaux peuvent disposer de compétences très élevées, par exemple, en matière de pilotage des avions de combat.
Sa nature permet, en outre, de fournir des effectifs opérationnels performants, ainsi que des capacités de soutien évoluées, y compris dans des spécialités excessivement techniques comme la médecine de guerre ou l’aviation de chasse, tout en pouvant fournir l’ensemble de son propre encadrement, à tous les échelons, si besoin.
De fait, la Garde Nationale offre un périmètre opérationnel largement supérieur à celui couvert par la conscription, qui doit s’appuyer sur les militaires professionnels pour assurer l’encadrement et qui ne permet pas d’accroitre le format de certaines spécialités techniques.
Enfin, comme la conscription, la Garde Nationale peut constituer une porte d’entrée de choix pour rejoindre les armées professionnelles, sans atteindre sa représentativité et son exhaustivité cependant.
Les contraintes opérationnelles de la Garde Nationale
Toutefois, elle aussi souffre de contraintes, parfois très importantes. La plus significative n’est autre que les difficultés de recrutement, comme pour les armées professionnelles d’active.
Étant composée uniquement de volontaires, la Garde Nationale doit donc, elle aussi, faire preuve d’attractivité pour convaincre les jeunes réservistes de s’y engager.
Le recrutement et la fidélisation des Gardes Nationaux est un problème presque aussi épineux que celui des militaires d’active.
Or, on le sait, c’est précisément un des domaines sous forte tension, aujourd’hui, pour les armées, au point que ces dernières en viennent à redouter la concurrence potentielle qu’une importante offre de réserve viendrait faire peser sur ses propres recrutements.
En outre, pour atteindre un format équivalent à celui d’une classe d’âge de conscription, soit 100 000 hommes prêts au combat, la Garde nationale devrait être de l’ordre de 200 à 250 000 hommes et femmes, soit un quasi doublement de l’effectif recruté théorique des armées françaises, britanniques, allemandes ou italiennes.
De fait, le défi RH posé par la mise en œuvre d’une véritable Garde Nationale, en Europe, sera considérable, pour faire jeu égal avec la conscription, tout en n’offrant pas le même réservoir humain si le conflit potentiel venait écalter, et à durer.
Quelles capacités pour quels couts ?
La question des couts de l’une ou l’autre des approches est aussi déterminante, faute d’être discriminante. Ainsi, pour la mise en œuvre d’une conscription de 350 000 à 400 000 jeunes par un, permettant de disposer d’une force armée opérationnelle effective de 100 000 soldats, les couts RH s’élèveraient de 5 à 6 Md€ (soldes, habillement, nourriture, transport, médical, etc.), auxquels s’ajouteraient 5 Md€ par an pour l’acquisition des équipements militaires nécessaires, et 5 autres milliards d’euros, pour leur utilisation (munition, carburant, pièces détachées, entretien…).
Enfin, 1,5 Md€ devront être investis chaque année, pour les infrastructures nécessaires et nombreuses, avec l’équivalent de 120 à 130 casernes et bases à construire et entretenir.
Dans un cas comme dans l’autre, il sera indispensable d’accroitre sensiblement les infrastructures des armées européennes pour accueillir et entrainer conscrits ou garde nationaux.
Au total, donc, une conscription annuelle globale, pour un pays comme la France, nécessiterait une enveloppe budgétaire de l’ordre de 17 à 18 Md€, soit une hausse de 40 % du budget des armées vis-à-vis des 45 Md€ de 2024.
Notons, par ailleurs, qu’avec ce budget, il faudra de 10 à 15 ans pour atteindre le plein potentiel opérationnel pour les forces de conscription, et effectivement disposer des deux divisions mécanisées visées pleinement opérationnelles.
Pour une Garde nationale de format similaire, avec un potentiel opérationnel mobilisable de 100 000 milliaires, soit un total de 250 000 gardes nationaux, les couts RH, hors conflit, seraient sensiblement moins élevés, de l’ordre de 2,5 à 3 Md€, sur la base de 60 jours de réserve par an en temps de crise.
Les couts d’acquisition et de mise en œuvre des équipements, eux, sont équivalents, soit 10 Md€, et pourraient même être supérieurs, si d’autres compétences lui étaient confiés, comme dans le domaine des avions et hélicoptères de combat, ou de navires de combat à équipage exclusivement composé de réservistes, pour atteindre 12 à 13 Md€, mais avec des compétences opérationnelles bien plus étendues.
Enfin, les couts, en matière d’infrastructure, seraient divisés par 4, alors qu’au maximum, 100 000 Gardes nationaux seront en situation d’activité simultanément, contre 400 000 conscrits.
Au total, donc, la Garde nationale serait plus économique à périmètre équivalent face à la conscription, autour de 14 Md€ par an, contre 17 à 18 Md€. Toutefois, il convient d’ajouter à ce montant, les incitations indispensables pour atteindre un tel objectif en matière de ressources humaines, comme des avantages fiscaux (1/2 part fiscale supplémentaire ?), sociaux ou professionnels, qui, eux aussi, auront un cout.
Conclusion
On le voit, les deux solutions, ont des atouts, des contraintes et des enjeux, qui leur sont propres, tout en partageant, à périmètre identique, des couts relativement proches.
L’augmentation de la masse des armées européennes, et en particulier des forces mécanisées dédiées à la haute intensité, est aujourd’hui une priorité.
Cependant, elles divergent sensiblement dans de nombreux domaines, particulièrement en matière de flexibilité opérationnelle et de progressivité de la mise en œuvre.
Ainsi, pour répondre à la réalité des engagements et tensions à venir, il ne fait guère de doute que la Garde nationale s’avérerait bien mieux adaptée que la conscription, et surtout plus souple et efficace. Elle offre également des moyens plus élargis et des compétences plus étendues que la conscription.
À l’inverse, si le paysage géopolitique venait à évoluer, et la menace à se rapprocher des frontières, la conscription offrirait un potentiel dissuasif bien supérieur que celui d’une garde nationale à potentiel immédiat équivalent. En outre, si un conflit venait à durer, la conscription offrirait de plus importantes réserves opérationnelles.
Reste que les critères les plus différenciant, concernant ces deux modèles, sont certainement, et avant tout, politiques et sociaux-économiques. Ainsi, il est utile de garder à l’esprit, lorsque l’on traite de conscription, que sa mise en place reviendrait à extraire l’équivalent d’une demi classe d’âge, du cycle économique national, donc de la création de valeur, de croissance et d’équilibre des comptes sociaux, là où la Garde Nationale n’en prélèverait, à format opérationnel équivalent, que 10 %.
Cependant, on peut craindre que le discours encadrant ce sujet, portera avant tout sur des considérations n’ayant aucun rapport avec les questions de défense, comme le fantasme d’un rôle intégrateur et formateur du service militaire sur la jeunesse, ou pire, sur sa capacité à extraire les jeunes « à problèmes », du circuit de la délinquance, pour un an au moins.
On ne peut qu’espérer que ces arguments, le plus souvent sans le moindre fondement, ne viendront pas parasiter le débat indispensable pour permettre de donner aux armées les moyens et la masse nécessaire pour assurer leur mission, quelle que soit la solution retenue.