Avec 340 navires, la Marine chinoise de l’Armée Populaire de Libération, était déjà, en 2021, la plus importante flotte militaire de la planète, en nombre de vaisseaux, si pas en tonnage qui demeure la prérogative unique de l’US Navy. En dépit de ce format pourtant déjà conséquent, Pékin n’a nullement ralenti son extraordinaire effort entamé, il y a une vingtaine d’années, pour renforcer sa Marine.
Selon le rapport annuel sur la puissance militaire chinoise, qui vient d’être publié par le Département de la Défense américain, la flotte chinoise, en 2022, avait atteint un format de 370 navires, soit une augmentation nette de son format de 30 bâtiments et presque 10 %, vis-à-vis des 340 navires en service en 2021.
Sommaire
Une Marine Nationale tous les 2 ans pour l’Armée Populaire de Libération
En tenant compte du retrait et du remplacement des unités navales anciennes, comme les premiers sous-marins projet 877 Kilo retirés du service, ou le transfert de certaines unités comme les 22 corvettes Type 056A à destination des Gardes Cotes chinois, ou les navires cédés d’occasion à certaines marines alliées, il apparait que la Marine Chinoise a admis au service entre 45 et 50 nouveaux navires en 2022, par ailleurs souvent bien plus imposants et évolués que les unités navales qu’elles peuvent remplacer.
Si, en 2021, l’Amiral Vandier alors Chef d’Etats-Major de la Marine nationale, s’alarmait des capacités de production de l’industrie navale militaire chinoise, qui pouvait produire l’équivalent de la flotte française en trois ans, ces dernières données montrent qu’il en faut plus que deux ans, aux chantiers navals chinoise, pour lancer une Marine nationale ou une Marina Militare italienne.
Ainsi, sur la seule année 2022, les forces navales de l’Armée Populaire de Libération ont admis au service pas moins de 3 croiseurs Type 055 de plus de 11 000 tonnes armés de 112 silos verticaux, ainsi que 3 destroyers antiaériens Type 052D MOD, de plus de 7 000 tonnes, armés de 64 silos chacun, mais aussi un porte-hélicoptères Type 075 de 40.000 tonnes, et 3 sous-marins Type 039B de la classe Yuan.
La flotte logistique, elle aussi, se développe rapidement, avec l’arrivée de nouveaux pétroliers ravitailleurs, navires hôpitaux, navires de soutien aux sous-marins ou d’exploration océanographique et de cartographie, ainsi que plusieurs navires de renseignement et d’écoute électronique.
435 navires en 2030 pour la Marine Chinoise
La dynamique constatée en 2022, n’ira pas en faiblissant dans les années à venir, selon le rapport américain. Ainsi, en 2025, la Marine chinoise devrait atteindre un format à 395 navires, et de 435 bâtiments d’ici à 2030.
Ainsi, pas moins de 6 destroyers Type 052D MOD ont été observés lancés en 2022, et devraient entrer en service en 2023. S’y ajouteront les nouvelles frégates Type 054B dont la construction a démarré en 2022, après que la dernière des 30 premières frégates Type 054A du premier lot, ait été livrée en 2019.
Il en va de même dans le domaine des sous-marins, avec 3 sous-marins Type 039B classe Yuan livrés en 2021, et autant de navires supposés lancés l’année suivante.
De plus, la Marine chinoise met aujourd’hui en œuvre 6 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 094, ainsi que 6 sous-marins nucléaires d’attaque, 3 type 093 classe Shang, et autant de Type 093A Shang-II. Les deux premiers sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, Type 093B Shang-III, ont été lancés entre mai 2022 et janvier 2023. En 2025, la flotte sous-marine chinoise atteindra 65 navires, dont 15 à propulsion nucléaire, et 80 sous-marins en 2035.
Enfin, le nouveau porte-avions Type 003 Fujian, lancé en juin 2022, devrait entamer ses essais à la mer d’ici aux dernières semaines de 2023, alors que la construction d’un quatrième porte-hélicoptère Type 075 a été observée, le lancement devant intervenir à la fin du premier semestre 2024.
Les navires chinois aussi bien armés et équipés qu’en occident, selon le DoD
Au-delà du nombre de navires livrés à la Marine chinoise par l’industrie navale du pays, le rapport américain met également l’accent sur les progrès importants réalisés ces dernières années, qu’il s’agisse d’équipements et de l’armement des navires, ainsi que de l’entraînement des équipages.
Les analystes américains estiment dans ce rapport que les unités navales chinoises modernes n’ont rien à envier, en termes de capacités et de performances, à leurs homologues occidentales ou russes.
C’est notamment le cas dans le domaine des missiles antinavires, jugés efficaces et performants par le renseignement américains, d’autant que la Marine chinoise produit d’importants efforts pour renforcer ses moyens de détection et de guidage à longue portée, pour permettre d’utiliser ces systèmes d’armes au mieux de leurs performances.
Ainsi, le missile de croisière antinavire YJ-62 qui arme les destroyers Type 052C, atteint déjà une portée de 400 km, là où le YJ-18A des Type 052D et Type 055, par ailleurs capable d’atteindre Mach 3 en phase finale, peut lui dépasser les 450 km, comme le YJ-18B qui arme les sous-marins conventionnels Type 039A/B et les sous-marins nucléaires Type 093.
Des progrès similaires ont été enregistrés dans l’ensemble des domaines, qu’il s’agisse de missiles anti-aériens comme les HHQ-9 et HHQ-16, les missiles anti-sous-marins CY-5, ainsi que l’artillerie navale.
Dans le domaine stratégique, le rapport américain confirme l’entrée en service du missile balistique intercontinental à changement de milieu JL-3 à bord des SSBN Type 094 de la classe Jin. D’une portée de 5 400 miles, soit 9 500 km, le JL-3 emporte 3 têtes nucléaires mirvées, et peut atteindre l’Europe ou les États-Unis à partir de la Mer de Chine, là où le JL-2 et ses 7 200 km de portée, obligeait les SSBN chinois à s’aventurer dans le Pacifique pour atteindre les côtes Californiennes.
Enfin, il convient de constater que tous les grands navires de surface chinois actuellement en production, du porte-avions Type 003 à la frégate Type 054B, en passant par le croiseur Type 055 et le destroyer antiaérien Type 052D MOD, sont équipés de radar AESA à face plane, tels les plus modernes des navires occidentaux.
Un important effort d’entrainement des équipages chinois
Si la Marine chinoise est à la fois très importante numériquement, et bien équipée, peut-être le salut se trouve-t-il dans un entrainement défaillant, et dans le manque d’aguerrissement des équipages, argument souvent avancé lorsqu’il est question de la flotte de Pékin.
Dans ce domaine aussi, le rapport du DoD se veut inquiétant. En effet, tout indique, selon les analystes américains, que la Marine chinoise et ses équipages acquièrent compétences et savoir-faire aussi rapidement que leurs navires sont modernisés, avec des entrainements nombreux, exigent et progressifs.
Ainsi, une réelle progressivité dans les entrainements et exercices a été observée depuis quelques années, la Marine Chinoise ayant, par exemple, démontré être désormais capable de mener des opérations aéronavales et amphibies à longue distance, c’est-à-dire au-delà de la protection de ses forces aériennes basées à terre.
Rappelons aussi qu’en moyenne, toutes les unités navales chinoises participent à deux campagnes de tir chaque année, durant laquelle elles tirent au moins une munition de chacun des systèmes d’armes embarqués.
Xi Jinping veut choisir ses guerres et les gagner
On le voit, la Marine chinoise se développe efficacement et rapidement, tant en format qu’en compétence. Cette évolution s’inscrit dans la trajectoire globale suivie par l’Armée Populaire de Libération, qui doit, d’ici à 2035, être en mesure de choisir ses guerres et de les gagner, selon la formule employée par Xi Jinping (et empruntée au Général de Gaulle, par ailleurs), et de s’imposer à l’échelle mondiale en 2049.
Si, parfois, le discours tend à minimiser l’efficacité des armées chinoises, et de sa marine en particulier, en s’appuyant sur le manque d’expérience au combat de l’APL ces dernières décennies, force est de constater qu’au-delà des efforts industriels et technologiques considérables réalisés, l’entrainement et la montée en compétences des équipages est au cœur des ambitions de Pékin, alors que ceux-ci suivent un programme d’entrainement sans équivalent en occident.
Une chose est certaine, cependant. La Chine produit, aujourd’hui, un effort sans équivalent sur la planète, pour se doter rapidement d’un outil militaire naval, mais aussi aérien et stratégique, capable de soutenir la comparaison avec les États-Unis d’ici à quelques années, et même de l’alliance occidentale, d’ici à 2049.
Une telle trajectoire n’avait plus été observée depuis la fin des années 40 et le début des années 50, lorsque l’Union Soviétique, les États-Unis et leurs alliés, étaient engagés dans une course aux armements qui conditionna la géopolitique mondiale pendant les 70 années à venir.
Force est de constater, aujourd’hui, que si les États-Unis et certains de leurs alliés, comme la Corée du Sud, semblent prêts à relever le défi posé par la trajectoire chinoise, ce n’est certainement pas le cas des Européens, en particulier dans le domaine naval, alors que les Marines européennes semblent figées dans un format inamovible, quelle que soit la réalité des tensions internationales.


