mardi, décembre 2, 2025
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Le nombre de navires de la Marine chinoise a augmenté de 10 % en 2022

Avec 340 navires, la Marine chinoise de l’Armée Populaire de Libération, était déjà, en 2021, la plus importante flotte militaire de la planète, en nombre de vaisseaux, si pas en tonnage qui demeure la prérogative unique de l’US Navy. En dépit de ce format pourtant déjà conséquent, Pékin n’a nullement ralenti son extraordinaire effort entamé, il y a une vingtaine d’années, pour renforcer sa Marine.

Selon le rapport annuel sur la puissance militaire chinoise, qui vient d’être publié par le Département de la Défense américain, la flotte chinoise, en 2022, avait atteint un format de 370 navires, soit une augmentation nette de son format de 30 bâtiments et presque 10 %, vis-à-vis des 340 navires en service en 2021.

Une Marine Nationale tous les 2 ans pour l’Armée Populaire de Libération

En tenant compte du retrait et du remplacement des unités navales anciennes, comme les premiers sous-marins projet 877 Kilo retirés du service, ou le transfert de certaines unités comme les 22 corvettes Type 056A à destination des Gardes Cotes chinois, ou les navires cédés d’occasion à certaines marines alliées, il apparait que la Marine Chinoise a admis au service entre 45 et 50 nouveaux navires en 2022, par ailleurs souvent bien plus imposants et évolués que les unités navales qu’elles peuvent remplacer.

marine chinoise Type 055 croiseur

Si, en 2021, l’Amiral Vandier alors Chef d’Etats-Major de la Marine nationale, s’alarmait des capacités de production de l’industrie navale militaire chinoise, qui pouvait produire l’équivalent de la flotte française en trois ans, ces dernières données montrent qu’il en faut plus que deux ans, aux chantiers navals chinoise, pour lancer une Marine nationale ou une Marina Militare italienne.

Ainsi, sur la seule année 2022, les forces navales de l’Armée Populaire de Libération ont admis au service pas moins de 3 croiseurs Type 055 de plus de 11 000 tonnes armés de 112 silos verticaux, ainsi que 3 destroyers antiaériens Type 052D MOD, de plus de 7 000 tonnes, armés de 64 silos chacun, mais aussi un porte-hélicoptères Type 075 de 40.000 tonnes, et 3 sous-marins Type 039B de la classe Yuan.

La flotte logistique, elle aussi, se développe rapidement, avec l’arrivée de nouveaux pétroliers ravitailleurs, navires hôpitaux, navires de soutien aux sous-marins ou d’exploration océanographique et de cartographie, ainsi que plusieurs navires de renseignement et d’écoute électronique.

435 navires en 2030 pour la Marine Chinoise

La dynamique constatée en 2022, n’ira pas en faiblissant dans les années à venir, selon le rapport américain. Ainsi, en 2025, la Marine chinoise devrait atteindre un format à 395 navires, et de 435 bâtiments d’ici à 2030.

destroyer Type 052D MOD

Ainsi, pas moins de 6 destroyers Type 052D MOD ont été observés lancés en 2022, et devraient entrer en service en 2023. S’y ajouteront les nouvelles frégates Type 054B dont la construction a démarré en 2022, après que la dernière des 30 premières frégates Type 054A du premier lot, ait été livrée en 2019.

Il en va de même dans le domaine des sous-marins, avec 3 sous-marins Type 039B classe Yuan livrés en 2021, et autant de navires supposés lancés l’année suivante.

De plus, la Marine chinoise met aujourd’hui en œuvre 6 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 094, ainsi que 6 sous-marins nucléaires d’attaque, 3 type 093 classe Shang, et autant de Type 093A Shang-II. Les deux premiers sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, Type 093B Shang-III, ont été lancés entre mai 2022 et janvier 2023. En 2025, la flotte sous-marine chinoise atteindra 65 navires, dont 15 à propulsion nucléaire, et 80 sous-marins en 2035.

Enfin, le nouveau porte-avions Type 003 Fujian, lancé en juin 2022, devrait entamer ses essais à la mer d’ici aux dernières semaines de 2023, alors que la construction d’un quatrième porte-hélicoptère Type 075 a été observée, le lancement devant intervenir à la fin du premier semestre 2024.

Les navires chinois aussi bien armés et équipés qu’en occident, selon le DoD

Au-delà du nombre de navires livrés à la Marine chinoise par l’industrie navale du pays, le rapport américain met également l’accent sur les progrès importants réalisés ces dernières années, qu’il s’agisse d’équipements et de l’armement des navires, ainsi que de l’entraînement des équipages.

YJ-18A missile antinavire supersonique chinoise Type 052D

Les analystes américains estiment dans ce rapport que les unités navales chinoises modernes n’ont rien à envier, en termes de capacités et de performances, à leurs homologues occidentales ou russes.

C’est notamment le cas dans le domaine des missiles antinavires, jugés efficaces et performants par le renseignement américains, d’autant que la Marine chinoise produit d’importants efforts pour renforcer ses moyens de détection et de guidage à longue portée, pour permettre d’utiliser ces systèmes d’armes au mieux de leurs performances.

Ainsi, le missile de croisière antinavire YJ-62 qui arme les destroyers Type 052C, atteint déjà une portée de 400 km, là où le YJ-18A des Type 052D et Type 055, par ailleurs capable d’atteindre Mach 3 en phase finale, peut lui dépasser les 450 km, comme le YJ-18B qui arme les sous-marins conventionnels Type 039A/B et les sous-marins nucléaires Type 093.

Des progrès similaires ont été enregistrés dans l’ensemble des domaines, qu’il s’agisse de missiles anti-aériens comme les HHQ-9 et HHQ-16, les missiles anti-sous-marins CY-5, ainsi que l’artillerie navale.

https://youtu.be/S9BpBVRq5d0?si=LijFsddNSv5FdoBr

Dans le domaine stratégique, le rapport américain confirme l’entrée en service du missile balistique intercontinental à changement de milieu JL-3 à bord des SSBN Type 094 de la classe Jin. D’une portée de 5 400 miles, soit 9 500 km, le JL-3 emporte 3 têtes nucléaires mirvées, et peut atteindre l’Europe ou les États-Unis à partir de la Mer de Chine, là où le JL-2 et ses 7 200 km de portée, obligeait les SSBN chinois à s’aventurer dans le Pacifique pour atteindre les côtes Californiennes.

Enfin, il convient de constater que tous les grands navires de surface chinois actuellement en production, du porte-avions Type 003 à la frégate Type 054B, en passant par le croiseur Type 055 et le destroyer antiaérien Type 052D MOD, sont équipés de radar AESA à face plane, tels les plus modernes des navires occidentaux.

Un important effort d’entrainement des équipages chinois

Si la Marine chinoise est à la fois très importante numériquement, et bien équipée, peut-être le salut se trouve-t-il dans un entrainement défaillant, et dans le manque d’aguerrissement des équipages, argument souvent avancé lorsqu’il est question de la flotte de Pékin.

Dans ce domaine aussi, le rapport du DoD se veut inquiétant. En effet, tout indique, selon les analystes américains, que la Marine chinoise et ses équipages acquièrent compétences et savoir-faire aussi rapidement que leurs navires sont modernisés, avec des entrainements nombreux, exigent et progressifs.

Type 075 LHD exercice

Ainsi, une réelle progressivité dans les entrainements et exercices a été observée depuis quelques années, la Marine Chinoise ayant, par exemple, démontré être désormais capable de mener des opérations aéronavales et amphibies à longue distance, c’est-à-dire au-delà de la protection de ses forces aériennes basées à terre.

Rappelons aussi qu’en moyenne, toutes les unités navales chinoises participent à deux campagnes de tir chaque année, durant laquelle elles tirent au moins une munition de chacun des systèmes d’armes embarqués.

Xi Jinping veut choisir ses guerres et les gagner

On le voit, la Marine chinoise se développe efficacement et rapidement, tant en format qu’en compétence. Cette évolution s’inscrit dans la trajectoire globale suivie par l’Armée Populaire de Libération, qui doit, d’ici à 2035, être en mesure de choisir ses guerres et de les gagner, selon la formule employée par Xi Jinping (et empruntée au Général de Gaulle, par ailleurs), et de s’imposer à l’échelle mondiale en 2049.

Si, parfois, le discours tend à minimiser l’efficacité des armées chinoises, et de sa marine en particulier, en s’appuyant sur le manque d’expérience au combat de l’APL ces dernières décennies, force est de constater qu’au-delà des efforts industriels et technologiques considérables réalisés, l’entrainement et la montée en compétences des équipages est au cœur des ambitions de Pékin, alors que ceux-ci suivent un programme d’entrainement sans équivalent en occident.

Xi Jinping Marine chinoise

Une chose est certaine, cependant. La Chine produit, aujourd’hui, un effort sans équivalent sur la planète, pour se doter rapidement d’un outil militaire naval, mais aussi aérien et stratégique, capable de soutenir la comparaison avec les États-Unis d’ici à quelques années, et même de l’alliance occidentale, d’ici à 2049.

Une telle trajectoire n’avait plus été observée depuis la fin des années 40 et le début des années 50, lorsque l’Union Soviétique, les États-Unis et leurs alliés, étaient engagés dans une course aux armements qui conditionna la géopolitique mondiale pendant les 70 années à venir.

Force est de constater, aujourd’hui, que si les États-Unis et certains de leurs alliés, comme la Corée du Sud, semblent prêts à relever le défi posé par la trajectoire chinoise, ce n’est certainement pas le cas des Européens, en particulier dans le domaine naval, alors que les Marines européennes semblent figées dans un format inamovible, quelle que soit la réalité des tensions internationales.

Un piège de Thucydide manufacturé est-il à l’œuvre au Proche-Orient contre les Etats-Unis ?

En poussant les forces américaines à la riposte au Proche-Orient, Téhéran participe-t-il à un piège de Thucydide manufacturé avec Moscou, Pékin et peut-être d’autres, pour provoquer le repli américain et l’effondrement du bloc occidental ?

Depuis l’attaque du Hamas contre Israël du 7 octobre, les forces iraniennes, comme le Corps des gardiens de la Révolution, ou affiliées au pouvoir iranien comme les rebelles Houthis au Yémen, avaient mené plusieurs frappes ou tentatives de frappes contre les déploiements américains au Proche-Orient.

Entamées le 17 octobre, les 19 attaques recensées contre les forces américaines sur place, firent une vingtaine de blessés, essentiellement suite à des commotions cérébrales liées aux ondes de choc de la détonation des roquettes et missiles.

L’inévitable riposte américaine contre les forces iraniennes au Proche-Orient

Bien qu’ayant, jusqu’à présent, tenté de suivre une posture relativement distante vis-à-vis de l’offensive israélienne contre le Hamas, ces attaques finirent d’user la patience du Pentagone, comme celle du président Biden.

C’est, en effet, sur son ordre que deux bombardiers américains ont attaqué, le 27 octobre à 4 heures du matin, deux sites utilisés par les gardiens de la révolution en Syrie, ainsi que par leurs groupes affiliés, et les ont détruits.

USS Eisenhower
Le porte-avions nucléaire USS Eisenhower et son groupe naval arrivera au large des côtes israéliennes d’ici à quelques jours.

Cette riposte américaine pourrait marquer le début d’un engagement accru des Etats-Unis dans la région, en particulier contre l’Iran qui continue de souffler simultanément le chaud et le froid.

Il est toutefois plus que probable que tel était l’objectif recherché par Téhéran, en multipliant les provocations contre les bases américaines, pour que l’exécutif américain n’avait plus guère de choix autre que de riposter.

Pourquoi Téhéran pousse-t-il les Etats-Unis à s’engager militairement dans le conflit ?

En effet, les réactions récentes de la part des alliés traditionnels dans la région des Etats-Unis, qu’il s’agisse des Monarchies du Golfe, de l’Égypte ou de la Turquie, démontre une tension plus que palpable au sein des opinions publiques, particulièrement réactive quant aux ripostes israéliennes sur Gaza.

Toutefois, si la sauvagerie de l’attaque du Hamas du 7 octobre, avait évidemment pour but de provoquer une réponse exacerbée, donc violente, de Jérusalem contre Gaza, et peut-être le Liban, et ainsi provoquer l’embrasement de la région, la volonté d’impliquer les Etats-Unis, en revanche, semble répondre à un agenda tout autre.

Ainsi, l’implication des forces américaines dans ce conflit, ne profiterait certainement pas au Hamas lui-même, et pas davantage à la cause palestinienne. Elle pourrait entrainer, au contraire, une certaine rupture entre Washington et ses alliés régionaux, d’autant que les relations avec Ryad, Abu Dhabi, Ankara et Le Caire, sont loin d’être chaleureuses.

Tsahal merkava gaza Alliances militaires | Aviation de chasse | Conflit Israélo-palestinien
La sauvagerie déployée par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre avait certainement pour but de provoquer une forte riposte de Tsahal contre Gaza.

Mais les plus grands bénéficiaires d’une intervention américaine accrue au Moyen-Orient, pour assurer la survie d’Israël face à une nouvelle coalition arabe, seraient incontestablement Moscou et Pékin.

En effet, comme évoqué dans un précédent article, les forces américaines ne sont, aujourd’hui, capables de soutenir efficacement que deux conflits, au prix d’efforts importants, notamment sur le plan budgétaire.

Deux fronts extérieurs et un front intérieur pour Joe Biden

Déjà, des voix s’élèvent outre-atlantique, pour que l’enveloppe consacrée à Israël pour renforcer ses défenses face au Hamas et à l’Iran, soient prélevées sur celles promises à Kyiv face à Moscou. C’est la position du nouveau président de la Chambre des Représentants (Speaker of the House), le Républicain et proche de Donald Trump, Mike Johnson.

Si, au-delà de l’aide technique et budgétaire accordée à Jérusalem, les Etats-Unis étaient amenés à intervenir militairement dans la région, il est incontestable que cela se ferait au détriment de l’aide à l’Ukraine, mais également de la montée en puissance des forces américaines dans le Pacifique, pour tenir en respect la Chine et la Corée du Nord.

Plus globalement, si plusieurs zones de conflits ou de tensions extrêmes venaient à émerger simultanément, ci en Europe, là au Moyen-Orient, ou encore dans le Caucase et dans la ceinture indo-pacifique, il ne fait aucun doute que cela profiterait à l’ensemble des acteurs à la manœuvre, chacun n’ayant, alors à faire face qu’à une fraction de la force américaine à laquelle il aurait dû se confronter s’il avait agi seul.

mike johnson speaker of the house Alliances militaires | Aviation de chasse | Conflit Israélo-palestinien
Mike Johnson, le nouveau président de la Chambre des Représentants, est ouvertement hostile au soutien américain à l’Ukraine.

C’est probablement au travers de ce prisme qu’il convient d’analyser les efforts évidents déployés par Téhéran pour impliquer Washington dans le conflit en développement au Proche-Orient, ainsi que les nombreuses rencontres bilatérales et multilatérales ayant amené russes, chinois, iraniens, mais aussi nord-coréens, et peut-être Pakistanais et turcs, à se coordonner dans le but de pousser les Etats-Unis vers l’isolationnisme, alors que l’échéance électorale de 2024 se rapproche.

Vers un piège de Thucydide manufacturé par Moscou, pékin, Téhéran et d’autres ?

Paradoxalement, il semble aujourd’hui que la seule façon de ce piège de Thucydide manufacturé de concert, ne soit plus dans les mains des Etats-Unis, déjà de trop distendus pour y répondre, mais dans celles de leurs alliés de ceux-ci, en particulier des européens.

Eux seuls sont, en effet, capables, avec les Japonais et les Sud-coréens dans le Pacifique, de monter en puissance pour se substituer aux armées US sur le Théâtre européen, proche-oriental et peut-être caucasien, de sorte à libérer le potentiel militaire américain au Moyen-Orient et dans le Pacifique.

On le devine, dès lors, les provocations iraniennes contre les forces américaines stationnées en Irak et en Syrie, qui ont incité Washington à intervenir militairement et directement dans ce conflit, ne sont très probablement pas destinées à s’estomper ou à diminuer en intensité après la riposte américaine.

Piège de Thucydide poutine khamenei
Les nombreuses rencontres entre Vladimir Poutine, Ali Khamenei, Xi Jinping, mais aussi R.T Erdogan, ces dernières années, ont probablement permis de faire émerger une stratégie commune et coordonnée.

Bien au contraire, se dessine désormais un enchaînement de crises, qui porte tous les stigmates d’une manœuvre orchestrée à l’échelle mondiale, pour faire tomber les Etats-Unis, et avec eux l’ensemble du bloc occidental, du piédestal qui était le leur depuis la fin de la guerre froide.

Le plus difficile, dorénavant, sera, tant pour les dirigeants américains qu’européens, d’admettre la situation, et d’accepter de prendre les mesures indispensables pour tenter de la contenir. Faute de quoi, le monde, dans quelques années, risque bien d’être radicalement de celui que nous avons connu ces 30 dernières années.

La Luftwaffe expérimente le radar passif Twinvis de Hensoldt en condition réelle

La Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, expérimente le radar passif Twinvis, développé par la société Hensoldt, en condition réelle, pour en déterminer l’efficacité et la capacité qu’il a à s’intégrer dans le dispositif de détection en charge de la surveillance du ciel allemand.

En 2019, le radar passif de la société allemande Hensoldt, fit les gros titres de nombreux sites spécialisés. En effet, un article publié par le site C4ISRnet.com, réputé pour son sérieux, révélait une anecdote des plus croustillantes à son sujet, mais surtout, qui concernait le F-35.

Le radar passif Twinvis de Hensoldt défie la furtivité du F-35 en 2018

Selon le site américain, les deux F-35A dépêchés par l’US Air Force et Lockheed-Martin pour participer au Berlin Air Show un an plus tôt, avaient été contraints de rester en démonstration statique au sol pendant toute la durée du salon, alors même que Berlin avait entamé discrètement les négociations pour acquérir l’appareil.

En cause, un essai réalisé par l’électronicien allemand et spécialiste des radars Hensoldt, concernant son nouveau radar passif Twinvis. Celui-ci serait, en effet, parvenu à suivre les deux avions furtifs (mais probablement équipés de réflecteurs radars pour s’intégrer à la navigation aérienne), durant toute la durée du vol de transit au-dessus de l’Allemagne.

radar passif Twinvis de hensoldt
Le Twinvis emploie des antennes mobiles pouvant être disposées de manière opaque sur le spectre électromagnétique, pour des capacités de détections optimisées.

Pire, les avions américains n’auraient jamais eu conscience d’avoir été détectés par ce système pendant tout le vol. Et pour cause ! Comme sa désignation l’indique, le Twinvis est un radar passif, c’est-à-dire qu’il n’émettait, en propre, aucun signal électromagnétique susceptible d’être détecté et identifier par le puissant système de guerre électronique du chasseur américain.

Que cette détection ait été, ou non, à l’origine de l’absence de démonstration en vol des F-35 lors du Berlin Air Show de 2018, cette information fit la renommée du Twinvis, et mit un temps Hensoldt, et la technologie des radars passifs, sur le devant de la scène.

Le Twinvis en service au sein de la Luftwaffe

Depuis lors, force est de constater que l’électronicien allemand est resté plutôt discret sur le sujet, et qu’il n’a jamais réitéré ce type de déclarations fracassantes, qui ont probablement provoquer la colère des Etats-Unis.

Pour autant, le développement du Twinvis ne s’est pas arrêté, bien au contraire. Le système et ses performances avaient, de toute évidence, convaincu la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande.

En effet, le Twinvis est désormais opérationnel et testé en condition réelle par la Luftwaffe, selon les informations obtenues par le site américain Defensenews, à l’occasion d’une interview du lieutenant général Ingo Gerhartz.

radar esoace aerien allemagne hensoldt Alliances militaires | Aviation de chasse | Conflit Israélo-palestinien
Surveillance radar du ciel allemand (image Hensoldt)

Selon l’officier général allemand, l’objectif des essais en cours, qui ne concernerait qu’un unique système, serait de déterminer à quel point le radar Twinvis est capable d’apporter un complément d’information pertinent aux systèmes de détection employés pour surveiller l’espace aérien allemand, et notamment de pouvoir détecter et suivre des appareils cherchant à passer inaperçus de ceux-ci.

Comment fonctionne un radar passif ?

Par son fonctionnement, le Twinvis semble être l’outil idem pour cela. En effet, contrairement aux radars traditionnels, qui émettent des impulsions électromagnétiques pour en détecter les échos en retour, celui-ci détecte les échos produits par les différents émetteurs électromagnétiques présents sur le territoire, mais n’ayant aucun rapport avec la détection aérienne, comme le réseau de téléphonie mobile, ou les émetteurs de radio et de télévision.

Non seulement ce dispositif permet de passer inaperçue, puisqu’aucune émission électromagnétique inhabituelle n’est envoyée, mais il se montre particulièrement efficace contre les appareils dits furtifs, et ce, pour deux raisons.

En premier lieu, les émissions électromagnétiques sur lesquelles le radar passif se base pour détecter les aéronefs, sont de basse fréquence, en bande UHF voire VHF. Or, les avions furtifs sont conçus pour absorber et détourner des ondes radars à plus haute fréquence, rendant les technologies furtives, si pas inefficaces, en tout cas moins performantes, contre les radars passifs.

émetteur TNT GSM
Les radars passifs s’appuient sur les ondes électromagnétiques émises par les réseaux GSM, la télévision ou les radios.

En second lieu, les émetteurs sur lesquels les radars passifs se basent, sont à la fois nombreux, dispersés, et souvent considérés comme non dangereux par les avions de combat. En d’autres termes, s’ils évitent de s’approcher d’un radar militaire, car plus ils en sont proches, plus celui-ci a des chances de les détecter, ils n’évitent pas les émetteurs TNT ou GSM.

Les performances de détection d’un radar étant inversement proportionnelle au carré de la distance séparant l’émetteur de la cible, et la cible du récepteur, en s’approchant des émetteurs non menaçants, les appareils augmentent les chances d’être détectés par les radars passifs qui, précisément, écoutent les échos générés par leurs émissions. On parle ici de bistatisme.

Les limitations et contraintes des radars passifs

Reste que les radars passifs, tout efficaces et performants qu’ils puissent être, souffrent de nombreuses limitations. D’abord, extraire des informations permettant de détecter et localiser un appareil, dans la soupe électromagnétique qui surplombe les pays européens, requiert des capacités de traitement informatiques considérables. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette technologie, pourtant documentée de longue date, n’émerge qu’aujourd’hui.

Ensuite, les informations recueillies par un radar passif, ne sont pas suffisamment précises pour calculer une solution de tir afin, par exemple, de lancer un missile sol-air pour détruire l’appareil. Pour cela, il est nécessaire de passer en actif, et d’utiliser un radar de tir. Cependant, celui-ci fonctionne souvent à des fréquences bien plus élevées, celles contre lesquelles la technologie furtive a précisément été conçue.

Iris-t slm
Le système anti-aérien IRIS-T SLM peut nativement s’interconnecter avec le Twinvis.

Enfin, les radars passifs ne fonctionnent que s’il existe une densité suffisante d’émetteurs identifiables sous l’espace aérien à surveiller. Il n’est donc pas question d’imaginer l’employer au-dessus de zones faiblement peuplées, comme les déserts ou les océans, ou insuffisamment équipées, comme c’est parfois le cas de certains pays.

Pour autant, pour les pays occidentaux, qui, de manière évidente, répondent aux critères d’efficacités, le radar passif représente de manière flagrante un outil performant, susceptible de compléter efficacement le réseau de détection déjà en place, sans pouvoir s’y substituer toutefois.

À ce titre, l’expérimentation en cours par la Luftwaffe, permettra certainement à Hensoldt, d’accumuler une expérience opérationnelle des plus performantes pour parfaire l’efficacité de son Twinvis, qui peut d’ailleurs être connecté au système antiaérien IRIS-T SLM, mais aussi parfaire son argumentaire commercial, en accumulant les exemples et anecdotes qui joueront un rôle décisif dans le succès de l’équipement.

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?

Construite sur les aspirations croissantes des Français en faveur d’un retour du Service militaire, la première ministre, Elizabeth Bornes, a intégré, dans ses 4 mesures phares destinées à prévenir les émeutes comme celles de l’été 2023, une proposition d’encadrement militaire des jeunes les plus problématiques. Si la solution gouvernementale est évidemment incohérente, comme les lui rappelleront les Armées, elle s’appuie une vision idéalisée des Français concernant un Service national paré de toutes les vertus, sauf celles pour lequel il était conçu.

Connaissez-vous l’amnésie rétrograde ? Selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, il s’agit d’un trouble de la mémoire à type d’amnésie d’évocation ou de remémoration, qui intéresse la restitution d’évènements ayant précédé la maladie, et dont le souvenir était bien conservé auparavant.

Concrètement, on est atteint de ce type d’amnésie, lorsque l’on ne parvient plus à se remémorer des souvenirs antérieurs au traumatisme lui ayant donné naissance. Et l’amnésie antérograde, hé bien, c’est l’inverse.

Il se pourrait bien que les Français soit atteint de ce mal sévère, aux dires des médecins, tout au moins lorsqu’il s’agit du service national, et plus précisément, du service militaire.

L’encadrement des jeunes délinquants par les Armées : bis repetita

À l’occasion de la présentation du plan d’action gouvernemental lancé suite aux émeutes urbaines d’il y a tout juste trois mois, après la mort tragique du jeune Nahel, consécutif au tir d’un policier après qu’il ait forcé un contrôle routier, la première ministre a présenté les quatre mesures qui seront mises en œuvre pour contenir cette dérive sensible de la société française.

Dispositif JET Armées
L’encadrement des jeunes délinquants par les armées avait été expérimenté entre 1986 et 2003 avec le dispositif Jeunes en équipes de travail ou JET, sans résultat concluant.

L’une de ces mesures s’appuie sur un possible encadrement des « jeunes à problèmes », par les forces armées. Cette annonce a, comme à chaque fois, fait vertement réagir l’écosystème défense, pour qui les armées n’ont pas vocation, et surtout pas les moyens, d’exécuter une telle mission, d’autant que les tensions internationales requièrent la concentration de ses moyens divisés par deux ces quinze dernières années, pour protéger le pays et ses intérêts.

« Comme à chaque fois », car une telle hypothèse, consistant à s’appuyer sur les armées pour encadrer la délinquance juvénile, a été avancée à plusieurs reprises lors des dernières années. Ainsi, il y a tout juste plus d’un an, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait, lui aussi, annoncé une mesure semblable à Mayotte, là encore pour contenir une jeunesse hors de contrôle.

Si l’idée est exhumée à chaque émeute, en dépit de l’opposition farouche des armées, ce n’est pas par hasard. En effet, une majorité de Français semble approuver la mesure. Plus globalement, ceux-ci aujourd’hui sont très majoritairement en faveur d’un retour d’une institution française jusqu’en 1996, à savoir, le service nationale.

En effet, ces dernières années, les nombreux sondages commandés sur le sujet, montre un nombre croissant d’opinions favorables concernant un retour du fameux service militaire.

Les Français à 75 % en faveur d’un retour au Service Militaire dans les sondages

L’un des plus récents, datant de l’hiver 2023 et réalisé par l’Ifop, montre que 75 % des Français se disent favorables à son retour en rendant obligatoire le Service National Universel, l’une des mesures phares du programme D’Emmanuel Macron en 2017, et l’une des très rares promesses de campagne du président en matière de défense, qui n’aura pas été tenue.

Service militaire
Le service national français avait pour fonction de préparer les jeunes hommes à une possible mobilisation en cas de conflit majeur, en particulier pour faire face à l’Union Soviétique et au pacte de Varsovie, numériquement très supérieurs à l’OTAN.

Un sondage, plus récent, encore une fois, de l’Ifop, confirme la tendance, avec 66% des personnes interrogées regrettant le service militaire. Même si seuls 27 % des concernés, les 18-24 ans, partagent cet avis, ces sondages répétés ont de quoi conforter les gouvernants lorsqu’ils annoncent vouloir s’appuyer sur les armées pour encadrer les délinquants.

Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. En 2012, ils n’étaient que 62 % à souhaiter le retour du Service national. Et en 2006, dix ans après la suspension du service national par Jacques Chirac, seuls 59 % des Français regrettaient cette institution.

Mais qu’en était-il en 1996, et avant cela, lorsque, justement, le Service national existait encore ? La situation était, en réalité, toute opposée à aujourd’hui.

Ainsi, en 1996, 46 % des Français approuvaient l’arrêt de la conscription et seuls 43 % y étaient opposés. Plus avant, en 1989, s’ils étaient 53 % à se déclarer opposés à la fin du Service militaire, mais paradoxalement, 65 % des Français se déclaraient en faveur d’une armée de métier.

Ce paradoxe trouve ses explications dans un sondage de 1992, dans lequel seuls 15 % des Français interrogés se déclaraient prêts à rejoindre les armées pour aller combattre si le pays était menacé, alors que 32 % déclaraient accepter de rejoindre une unité non-combattante, et 34 % se déclarant prêts à tout faire pour éviter d’être engagé.

Une vision tronquée, mais croissante, des vertus du Service national

Que nous disent tous ces sondages ? En premier lieu, que le sujet intéresse. Ainsi, ces quinze dernières années, plus d’une dizaine de sondages nationaux ont été commandés aux instituts spécialisés sur le sujet. Dans le même temps, aucun sondage n’a porté, par exemple, sur la restauration de la vignette automobile, abrogée en 2005.

Conscription Suède
Plusieurs pays européens, comme la Suède, ont rétabli un service militaire, non pour répondre à des besoins sociaux et sociaux pourtant importants, mais pour renforcer la défense de la nation.

En second lieu, que la nostalgie croissante du service national en France, concerne surtout ceux qui n’auront pas à le faire, et beaucoup moins ceux qui pourraient être appelés. Rien d’étonnant à cela, quand on voit les difficultés remontrées par les Armées pour faire le plein de recrues, professionnelles comme réservistes.

Troisième constat, cet engouement pour le service militaire, n’a rien à voir avec l’objectif principal des armées, à savoir défendre la nation. Un sondage datant de janvier 2015, juste après les attaques de Charlie Hebdo, montrait ainsi que pour la majorité de Français favorable à un retour du service national, les objectifs les plus souvent cités étaient l’intégration, le brassage social et la transmission des valeurs républicaines. De défense, il n’était pas question.

À ce titre, il est utile de relire l’article de 2022 de Bénédicte Chéron, une spécialiste du sujet, publié dans La Croix, quant aux résultats plus que mitigés qu’ont eu les expériences d’encadrement par les armées des jeunes délinquants par le passé, comme le JET.

Enfin, tout indique que plus le temps passe, plus les Français ont une vision erronée, voire idéalisée, des vertus qu’avait le Service Militaire, en particulier pour ce qui concernait son moteur intégratif, et son rôle social. Ceux qui ont pu, ou du, encadrer de jeunes appelés du contingent lors de ses dernières années, savent parfaitement qu’il était impossible de se substituer, en quelques mois, à une éducation défaillante, que ce soit le fait des parents, ou de l’éducation nationale.

Il ne s’agissait, alors, que de travailler au mieux avec les plus volontaires, et de limiter la casse quant aux plus rétifs, sans d’ailleurs de distinction d’origine ou de classe sociale à ce sujet.

Amnésie rétrograde, quand tu nous tiens…

De fait, l’annonce faite par Elizabeth Bornes, concernant un possible encadrement militaire des jeunes délinquants, n’est que la conséquence aisée d’une aspiration populaire fortement ancrée, elle-même basée sur un souvenir erroné des vertus supposées de l’encadrement militaire.

Nous avons bien là, les caractéristiques d’une amnésie rétrogrades sévères à l’échelle d’un pays. Les médecins sont prévenus.

La Russie prépare-t-elle une frappe massive de drones contre les infrastructures ukrainiennes ?

Plusieurs indices concordants pointent vers une prochaine frappe massive de drones et de missiles russes contre les infrastructures ukrainiennes, afin de priver la population de ses moyens de subsistance en Hiver, et l’État de ses moyens de contrôle sur le pays. Les frappes du 25 octobre contre la centrale nucléaire de Khmelnitskyi, pourraient être le dernier acte de la préparation russe pour ces frappes stratégiques conventionnelles à faible empreinte létale.

Au matin du 25 octobre, des drones d’attaque à longue portée russes, probablement des Geranium dérivés des Shahed 136 iraniens, ont frappé les environs de la centrale nucléaire de Khmelnitskyi.

L’attaque de la centrale nucléaire de Khmelnitskyi du 25 octobre 2023

Si une dizaine de drones a été abattue par les défenses antiaériennes ukrainiennes, les dégâts ont été très importants, notamment à proximité de la centrale nucléaire, comme l’ont confirmé les équipes de l’Agence Internationale à l’Énergie Atomique dépêchées sur place.

Selon le bilan ukrainien, les drones et débris engendrés par l’interception de certains d’entre eux, ont fait une vingtaine de blessés, principalement par la chute de bris de verre, et endommagé des dégâts importants sur 1400 habitations, ainsi que des bâtiments abritant des écoles et des centres de soin.

Il n’est, évidemment, pas possible de confirmer, ou d’infirmer le bilan transmis par les autorités régionales, En revanche, les dégâts à proximité de la centrale de Khmelnitskyi ont été constatés par l’AIEA, entrainement des coupures temporaires d’alimentation de certains sites de mesure des radiations alentour, et l’inquiétude de l’agence internationale.

Si cette frappe, à proximité immédiate d’une centrale nucléaire, est déjà suffisamment inquiétante en soi, elle pourrait bien n’être qu’une répétition générale d’une phase de frappe massive et générale de la Russie contre les infrastructures civiles ukrainiennes, à l’approche de l’hiver. Trois facteurs tendent à conforter cette affirmation.

La production russe de drones Geranium et de missiles Kalibr, Kh-55/101 et Kinzhal

En premier lieu, de nombreux rapports et articles de presse russe ont indiqué que l’industrie russe produisait désormais un grand nombre de drones chaque mois, et en particulier, des drones Geranium dérivé des Shahed 136.

Largement employés au printemps derniers, ces drones d’attaque à longue portée, de conception iranienne, peuvent parcourir jusqu’à 2 500 km, selon Téhéran, pour attaquer une cible à l’aide d’une charge militaire de 40 kg.

Propulsé par un simple moteur deux-temps MD 550, et doté d’une navigation inertielle simplifiée couplée à une géolocalisation satellite GLONASS, le drone est à la foi simple et rapide à produire, et peut ainsi être aisément produit en grande quantité, pour des couts raisonnable de l’ordre de 15 à 20 000 $ par exemplaire, pas même le prix d’un corps de bombe lisse de 250 kg.

De fait, cela fait probablement plusieurs mois que Moscou produit des Geranium de manière intensive. Dans le même temps, les armées russes n’en ont utilisé que quelques centaines pour des frappes fragmentées contre les infrastructures ukrainiennes, la plupart ayant été interceptées par la DCA.

Dès lors, tout porte à croire que les armées russes, qui lancent sensiblement moins de drones que n’en produit son industrie, constituent d’importants stocks dans ce domaine, alors que ce n’est pas le cas, par exemple, des munitions rôdeuses comme le Lancet, activement employé sur la ligne d’engagement.

Les drones d’attaque à longue portée ne sont pas les seuls à être stockés par Moscou. En effet, ces deniers mois, le nombre de tir de missiles de croisière comme le Calibre ou le Kh-55, ainsi que de missiles balistiques, aéroporté comme le Kinzhal ou sol-sol comme l’Iskander, a été relativement peu élevé, tout au moins sensiblement moindre que n’en produisent les usines d’armement russes.

Là encore, il est plus que probable que les missiles sont stockés, pour une utilisation optimale à venir. Mais, de quelle utilisation pourrait-il s’agir ?

La dispersion des défenses antiaériennes ukrainiennes

C’est là qu’intervient un troisième constat, la dispersion des récents tirs de missiles et de drones russes contre l’Ukraine ces derniers mois. En effet, les frappes russes ont été enregistrées contre différentes grandes villes, comme Kyiv, Odessa, Lviv, Kryvyï Rih ou Zaporojie, mais toujours de manière relativement mesurée, entrainant des dégâts visibles, mais îndéterminant du point de vue militaire.

Cette dispersion des frappes a contraint les armées ukrainiennes à ventiler, et donc fragmenter, ses moyens de défense antiaériens et antidrones, pour protéger ses agglomérations.

Étant limités en nombre, les moyens déployés sont efficaces contre des attaques de moindre ampleur, et qui plus est, souvent concentrés pour la protection des populations, davantage que de certaines infrastructures.

La récente offensive du Hamas palestinien contre les défenses israéliennes, ont ainsi qu’il était possible, avec des systèmes relativement peu évolués, mais employés en grands nombres, de venir à bout du Dôme de Fer et de la défense intégrée israélienne, par le nombre, alors même qu’il s’agissait incontestablement du système de défense le plus résiliant jamais déployé sur la planète.

Vers une frappe massive de drones et de missiles contre les infrastructures ukrainiennes au début de l’hiver

La conjonction de ces trois facteurs, mais aussi l’arrivée de l’hiver, et la situation figée sur le front ou les deux forces semblent ne pas parvenir à prendre l’avantage offensif, dessine de fait un scénario probable pour les semaines à venir.

En effet, l’utilisation conjointe et simultanée de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de ces drones d’attaque à longue portée Géranium, contre les infrastructures civiles ukrainiennes, en particulier celles dédiées à la production d’énergie, à la communication et au transport, pourrait venir saturer les défenses déployées et clairsemées.

Épaulées par des frappes de missiles de croisière et de missiles balistiques, pour éliminer les postes de brouillage et les défenses aériennes, ainsi que pour venir à bout des sites durcis, une frappe globale de ce type pourrait mettre à genoux l’état ukrainien, et éroder considérablement la résistance nationale.

Dans une telle hypothèse, l’attaque du 25 octobre de Khmelnitskyi, pourrait bien avoir été la dernière répétition générale avant l’arrivée des premiers grands froids, et le déclenchement d’une frappe stratégique, mais conventionnelle et surtout étonnamment peu létale, menée par la Russie contre l’ensemble des infrastructures critiques ukrainiennes.

Le successeur des PHA Mistral peut-il palier l’absence d’un second porte-avions français en 2040 ?

Long de 199 mètres pour un mètre-bau (plus grande largeur) de 32 mètres, les PHA Mistral sont les plus imposants navires de combat de la Marine nationale à l’exception du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle. Si le remplacement de ce dernier par le PANG est déjà engagée, le successeur des trois Mistral, entrés en service entre 2005 et 2012, n’a pour l’heure pas été entamée.

Pourtant, les évolutions technologiques et capacitaires récentes, permettent d’envisager la conception de navires allant bien au-delà de la mission des PHA aujourd’hui, notamment pour permettre de palier les handicaps engendrés par l’unique porte-avions français, tout en minorant de manière significative, les contraintes qu’un second porte-avions ferait peser sur la Marine Nationale.

Les PHA Mistral, ces doublures du PAN Charles de Gaulle pour la Marine Nationale

Depuis leur arrivée dans la Marine nationale, les PHA Mistral ont, à de nombreuses reprises, fait office de doublure opérationnelle au porte-avions Charles de Gaulle, lorsque celui-ci était indisponible.

Que ce soit au large de la Libye en 2011, ou les hélicoptères Gazelle et Tigre de l’ALAT déployés à bord du BPC Tonnerre (Bâtiment de Projection et de Commandement, ancienne dénomination des PHA), menèrent de nombreuses attaques de nuit contre les forces régulières libyennes lors de l’opération Harmattan, ou lors du déploiement du Tonnerre, encore lui, en Méditerranée orientale en 2020 pour contenir les aspirations turques, alors que le Charles de Gaulle était en IPER, les Mistral ont régulièrement pris le relais de l’unique porte-avions nucléaire français.

PHA Mistral FREMM
A de nombreuses reprises, la France déploya un navire de la classe Mistral pour palier l’indisponibilité de son unique porte-avions, le Charles de Gaulle.

Bien évidemment, les capacités opérationnelles offertes par les Mistral diffèrent considérablement de celles du porte-avions. Ainsi, le navire ne dispose pas d’appareil à voilure fixe, et se limite aujourd’hui à la mise en œuvre d’hélicoptères et de drones.

En conséquence, il n’est pas en capacité de déployer une patrouille de combat pour assurer la supériorité aérienne autour de son groupe naval, pas davantage que de mener des frappes lourdes vers l’adversaire, en particulier dans sa profondeur.

Il n’a pas été conçu, par ailleurs, pour opérer directement en zone d’engagement, comme en attestent ses faibles capacités d’autodéfense limitées à des systèmes CIWS SIMBAD armés de missiles Mistral.

En revanche, par ses dimensions, son équipage et ses moyens de commandement, il opère le plus souvent comme un navire amiral de la flottille française ou internationale, les fameux Capital Ships.

Si le Charles de Gaulle est entré en service en 2001, et doit être remplacé par le PANG en 2038, le Mistral, tête de série de la classe éponyme, est pour sa part entré en service en 2005. Dès lors, il devra, lui aussi, être remplacés autour de 2040.

Porte-drones, porte-avions léger… Quelles alternatives pour le successeur des Mistral ?

Pour l’heure, les travaux visant à concevoir le successeur de la classe Mistral n’ont pas débuté. Pourtant, bien davantage que le Charles de Gaulle et son successeur, le PANG, l’évolution technologique et doctrinale entourant les grands navires d’assaut amphibie, est considérablement plus importante que celles des porte-avions.

Ainsi, les rapides progrès réalisés dans le domaine des drones, firent apparaitre un nouveau concept de navire, le porte-drones. Qu’il soit ou non couplé à des capacités amphibies, le porte-drones met en œuvre des drones de combat à aile fixe, capables de mener certaines missions substitutives à celles de la chasse embarquée.

TDG Anadolu, Ivan Rogoff, Type 76 : Le concept des porte-drones de combat se démocratise dans le monde

Plusieurs pays se sont déjà engagés dans cette direction. C’est le cas de la Turquie avec le TCG Anadolu. Initialement destiné à mettre en œuvre des F-35B américains, le navire amiral de la flotte turque, entré en service en avril 2023, a été transformé pour accueillir et déployer des drones à aile fixe lorsque Washington éjecta Ankara du programme JSF.

Baykar Kizilelma
Pour armer le TGD Anadolu, le turc Baykar a développé le drone de combat transsonique Kizilelma

Depuis, l’industrie aéronautique de défense turque, que l’on sait très performante dans le domaine des drones, s’est activement engagée dans le développement de drones de combat pouvant opérer à partir de l’Anadolu, dont le Baykar Kizilelma, un appareil sans pilote équipé d’un turboréacteur capable d’atteindre des vitesses transsoniques, et d’emporter une vaste panoplie d’armement air-air, air-sol et air-surface.

La Russie, elle aussi, a annoncé s’être engagée dans cette voie avec le développement des porte-aéronefs d’assaut de la classe Ivan Rogoff, en cours de construction en Crimée. Selon la communication russe, ces navires qui atteindront 40 000 tonnes, devant entrer en service d’ici à la fin de la décennie, pourront mettre en œuvre le drone de combat S70 Okhotnik-B.

La Chine, enfin, serait engagée dans le développement du porte-drones d’assaut Type 076, un navire dérivé du porte-hélicoptères d’assaut Type 075, conçu pour déployer des drones à aile fixe, qu’ils soient de type MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) ou de combat à haute performance, comme la gamme Sharp Sword chinoise.

Ivan Rogoff class
Les grands navires amphibies de la classe Ivan Rogoff russes doivent mettre en œuvre des drones de combat lourds S70 Okhotnik-b.

La France ayant annoncé le développement d’un drone de combat lourd à aile fixe dérivé du Neuron dans le cadre du programme Rafale F5, doter le successeur du Mistral, de la possibilité de mettre en œuvre de tels drones, potentiellement épaulés d’autres modèles comme l’Aarok, conférerait au navire un potentiel opérationnel largement accru par rapport aux Mistral.

Un porte-avions léger à Ski Jump pour le Rafale M

Ces dernières années, une autre révélation majeure est intervenue, susceptible d’ouvrir d’importantes opportunités pour la Marine nationale dans le remplacement des Mistral.

En effet, le Rafale M, qui arme déjà le porte-avions Charles de Gaulle, a démontré qu’il était capable d’être déployé à l’aide d’un Ski Jump, et ce, avec une charge opérationnelle significative.

De fait, fondamentalement, la France a désormais la presque totalité des briques technologiques pour construire en totale autonomie un porte-avions léger, à propulsion conventionnelle, susceptible de mettre en œuvre 6 à 8 Rafale M, soit une flotte capable d’assurer des missions de défense aérienne, ou de frappe, sur une durée limitée.

Rafale M
Le Rafale M a montré qu’il était capable d’employer efficacement un Ski Jump. L’indéterminisme a commandé 26 appareils pour armer son porte-avions INS Vikrant équipé d’un Ski Jump et de brins d’arrêt.

Il ne manque, en réalité, à la France, qu’un système de brins d’arrêt de conception nationale, pour y parvenir. Rappelons, en effet, que les catapultes à vapeur, mais aussi les brins d’arrêt, qui équipent le Charles de Gaulle, et avant lui, les Foch et Clemenceau, étaient de conception américaine.

Le PANG, quant à lui, sera équipé de catapultes et brins d’arrêt électromagnétiques, eux aussi américains, ce qui contribue à alourdir considérablement le prix du navire, puisqu’il est question d’une facture de plus de 1,5 Md$.

Débarrassé des onéreuses catapultes, de sa propulsion nucléaire et équipé de brins d’arrêt de conception nationale, un porte-avions léger disposant, comme les Mistral, de capacités amphibies, se rapprocherait alors du concept d’emploi des LHD de la classe America, et pourraient alors, se substituer au besoin au PANG, lorsque ce dernier ne sera pas disponible.

Le besoin impératif d’une permanence aéronavale française

À plusieurs reprises, le format à un unique porte-avions de la Marine Nationale, a montré ses limites ces dernières années. Ainsi, si le Charles de Gaulle avait démontré une disponibilité opérationnelle exceptionnelle de 2016 à 2018, dans ses déploiements face à la Syrie contre l’État Islamique, son indisponibilité Périodique pour Entretien, ou IPER, planifiée de 2018 à 2020, obligeant l’Armée de l’Air à déployer l’équivalent d’une mission Poker (frappe nucléaire à longue distance), pour mener les frappes contre les installations chimiques syriennes.

PANG vue d'artiste
A l’instar du Charles de Gaulle, le PANG français n’aura pas de sister-ship.

Or, pour mener cette frappe à plus de 2 500 km de ses bases, l’Armée de l’Air a été contrainte de déployer un dispositif très lourd, qu’il lui aurait été impossible de maintenir, s’il avait été nécessaire de reproduire dans la durée, alors que ses bases aériennes dans la région, comme en Jordanie, ne pouvaient être employées pour frapper les installations syriennes.

Ainsi, disposer d’un porte-avions « de bataille », comme l’est le Charles de Gaulle, et comme le sera le PANG, représente incontestablement une plus-value opérationnelle majeure pour la Marine nationale et pour la France, le format à un unique porte-avions est un grave handicap, d’autant plus que son indisponibilité est relativement prévisible.

Cependant, comme l’ont souligné à la foi le Chef d’État-Major de la Marine et le ministre des Armées ces dernières semaines, l’hypothèse de doter la France d’un second porte-avions, comme le PANG, semble hors de portée du pays, d’abord du point de vue budgétaire, mais surtout du point de vue des ressources humaines.

C’est là qu’une solution basée sur le remplacement des PHA de la classe Mistral, par des navires dotés de capacités aéronavales, apporte des solutions intéressantes.

En effet, les besoins en termes d’équipage et d’effectifs, pour des navires d’un format comparable autour de 30.000 tonnes, seraient en grande partie assurés par le transfert des 200 hommes et femmes qui arment les PHA eux-mêmes.

Comment financer un programme de porte-avions légers amphibie ?

Reste évidemment l’écueil budgétaire. Rappelons que les PHA Mistral ont couté, en euros réactualisés, autour de 1 Md€ par navire, conception incluse, contre 4 pour le Charles de Gaulle t plus de 6 Md€ pour le PANG.

porte-aéronefs amphibie Trieste
Le porte-aéronefs amphibie italien Trieste cumule les missions de porte-avions avec ses F-35B, et de navire d’assaut amphibie.

De fait, un successeur des PHA transformés en porte-avions légers, coûterait probablement entre 2 et 2,5 Md€ par navire. En outre, pour armer le groupe aérien embarqué, l’aéronautique navale serait contrainte d’augmenter son format en drones, mais aussi en Rafale M.

De fait, d’une facture de l’ordre de 3 Md€ pour remplacer les 3 PHA, l’acquisition de 3 porte-aéronefs d’assaut à Ski Jump et brins d’arrêt, et des 2 flottilles de Rafale M supplémentaires nécessaires, coûteraient autour de 10 Md€ aux finances publiques, soit l’équivalent de sept ans des investissements pour les navires de surface et l’aéronautique navale aujourd’hui.

Cédant, dans une telle hypothèse, la nature même du navire, conventionnel, amphibie et aéronaval, ses capacités opérationnelles amphibies et aéronavales étendues, et le fait que la France produise, en autonomie, l’ensemble des composants du bâtiment, du navire aux avions de combat, en passant par les drones, en font une offre unique pour d’éventuels clients, ou partenaires exports.

En effet, de nombreuses marines s’intéressent aujourd’hui aux capacités aéronavales. Toutefois, celles sont systématiquement onéreuses, et surtout très complexes à mettre en œuvre, dans la mesure où le navire, ses équipements, et souvent ses avions, sont conçus par différents acteurs.

Il est donc parfaitement concevable, pour la France, de trouver des partenaires internationaux, notamment parmi ses clients historiques concernant le Rafale et les constructions navales, pour participer au programme, et donc réduire ainsi son empreinte budgétaire.

Charles de Gaulle Fremm classe Aquitaine
PAN Charles de Gaulle et une frégate anti-sous-marine de la classe Aquitaine

Surtout, le navire est exportable, contrairement au porte-avions nucléaires de nouvelle génération. Or, dans une telle hypothèse, qui porte tant sur le navire que son groupe aérien embarqué, il est utile de se rappeler que l’état retire systématiquement plus de 50 % des sommes investies par ses différentes taxes, impôts et cotisations sociales.

De fait, chaque navire exporté avec son groupe aérien, soit un total de l’ordre de 4 Md€, rapporterait à l’état 2 Md€ de recettes supplémentaires, sans même tenir compte des recettes récurrentes liées à l’entretien et la modernisation du navire et des aéronefs.

En d’autres termes, avec trois navires exportés, l’État pourrait atteindre, dans une telle hypothèse, une empreinte budgétaire finale comparable à celle des trois successeurs des Mistral, tout en disposant, dans le même temps, de capacités opérationnelles sans commune mesure avec celles actuelles.

Conclusion

On le voit, le remplacement des PHA Mistral, qui devra intervenir à partir de 2040, offre une opportunité unique à la Marine Nationale, pour compenser l’absence d’un second porte-avions lourd.

L’évolution du concept du PHA, vers un porte-drones d’assaut, ou mieux, vers un porte-avions léger à capacité amphibie, permettrait, en effet, d’accroitre considérablement le potentiel, mais aussi le calendrier opérationnel français, et assurant une permanence de la capacité aéronavale, que l’on va vu plus que souhaitable en ces temps marqués d’une forte incertitude.

RAfale neuron
La France via developper un drone de combat dérivé du Neuron dans le cadre du programme Rafale F5

Bien plus économique en investissement comme en ressources humaines, ces navires polyvalents, susceptibles de mener des opérations amphibies, mais aussi des opérations aéronavales, permettraient de palier les contraintes d’un format à un unique porte-avions, qui a, a plusieurs reprises, sévèrement handicaper la France dans ses moyens d’action projetés.

À ce titre, on peut s’interroger sur les options ouvertes, à l’occasion de la modernisation de la flotte, par l’hybridation des navires, qu’il s’agisse d’un porte-aéronefs à capacité amphibie comme dans le cas présent, ou d’un destroyer à capacités amphibies qui pourraient considérablement accroitre le potentiel des unités navales militaires déployées outre-mer.

Une chose est certaine, il faudra faire preuve à la fois d’imagination, mais aussi d’une grande ouverture d’esprit, pour répondre au mieux aux enjeux opérationnels à venir, et se saisir des opportunités capacitaires offertes par les évolutions technologiques en cours.

Pourquoi le missile Kinzhal russe n’est pas une menace pour les porte-avions occidentaux ?

Le déploiement de MIG-31K armés du missile Kinzhal, au-dessus de la mer Noire, est présenté depuis quelques jours par la propagande russe comme une menace directe contre les porte-avions américains et français qui sont, ou seront déployés en Méditerranée orientale en soutien à Israël. Cette hypothèse a été reprise par plusieurs médias occidentaux. Elle est fausse. Voilà pourquoi :

Dans la nuit du 16 au 17 octobre 2023, la base aérienne russe de Berdyansk, fut frappée par plusieurs missiles ukrainiens, entrainant la destruction d’une vingtaine d’hélicoptères des forces armées russes.

Située à 120 km de la ligne d’engagement, cette base était, jusque-là, hors de portée de l’artillerie ukrainienne, y compris des roquettes M39 employées par les systèmes HIMARS livrés par les Etats-Unis.

Le Mig-31K et le missile Kinzhal en réponse à l’arrivée des missiles ATACMS en Ukraine

Il est rapidement apparu que Kyiv avait pour l’occasion employé des missiles balistiques ATACMS livrés discrètement par Washington. Comme ce fut le cas pour les missiles Storm Shadow britanniques, l’annonce de l’arrivée des ATACMS en Ukraine ne fut rendue publique qu’après qu’ils ont été employés pour la première fois, prenant le dispositif défensif de cours.

Cette frappe constitua évidemment un revers pour les armées russes, mais aussi, en quelque sorte, une humiliation pour le Kremlin qui, en retour, annonça que désormais, des intercepteurs lourds MIG-31K armés de missiles balistiques aéroportés Kinzhal, patrouilleraient en mer Noire.

Missile Kinzhal
Les forces aériennes russes déploient des patrouilles de MIG-39K armées de Kinzhal au dessus de la mer noire, en réponse à l’arrivée des ATAMCS en Ukraine

Plus tard, l’état-major des forces aériennes russes annonça qu’à présent, les Kinzhal, d’une portée de 1000 km lorsque largués d’un MIG-31, pouvaient se voir attribuer de nouvelles cibles alors même qu’ils sont déjà en vol, sous la cellule de l’avion porteur.

Ce dispositif, s’il est avéré, peut permettre aux forces aériennes russes d’engager des frappes d’opportunités contre des cibles ukrainiennes identifiées, par exemple, par satellite, avec un délai de réponse d’autant plus court que le Kinzhal a un profil de vol hypersonique, même s’il ne peut pas être qualifié de missile hypersonique.

Les caractéristiques du missile 9-S-7760 Kinzhal russe

Depuis, la propagande russe s’est emparée du sujet, et ne cesse de faire du Kinzhal, l’arme suprême qu’elle n’est pas. Plus précisément, nombre de commentateurs russes sur les chaines d’état, ou invités du sulfureux et très peu fiable Soloviov, répètent à qui veut l’entendre, que ces missiles pourraient désormais frapper les porte-avions occidentaux (américains et français), qui sont ou seront déployés au large des côtes israéliennes et libanaises, en Méditerranée orientale.

Malheureusement, l’hypothèse est aussi reprise sur des canaux occidentaux, y compris, en France, sur certaines chaines d’information, de toute évidence bien mal informées.

porte-avions Charles de Gaulle et Eisenhower
La France a annoncé qu’elle déploierait le Charles de Gaulle aux côtés des Ford et Eisenhower de l’US Navy au large des côtes israéliennes et libanaises.

En effet, dérivé du missile balistique à courte portée 9M723K1 du système 9K720 Iskander-M, le Kinzhal est un missile à trajectoire semi-balistique conçu pour frapper des cibles terrestres et immobiles.

Plus précisément, le missile dispose d’un guidage inertiel recalé par une navigation par satellite GLONASS, l’équivalent russe du GPS américain ou du Galileo européen. Il peut, en outre, être recalé à mi-course pour corriger d’éventuelles dérives du système inertiel.

Ce dont il n’est pas doté, en revanche, c’est d’un système autodirecteur, radar ou infrarouge, capable de détecter un navire en mouvement, porte-avions ou autre, et de venir le frapper.

Le Kinzhal ne menace pas les porte-avions, contrairement au missile 3M22 Zircon, absent de ce théâtre

En d’autres termes, hormis s’il est à l’arrêt, c’est-à-dire au port ou à l’ancre (ce qui n’arrive quasiment jamais pour un porte-avions), hypothèse bien évidemment farfelue à proximité d’une zone de combat, le Kinzhal est parfaitement incapable de frapper un navire à la mer.

3M22 Zircon frégate Admiral Gorshkov
Contrairement au Kinzhal, le missile Zircon russe a été conçu pour attaquer des cibles navales. Il n’est toutefois pas aéroporté, et aucun des rares navires capables de le mettre en œuvre, n’opère en Méditerranée.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la Marine russe a développé le missile 3M22 Zircon, qui lui est un missile antinavire à capacité hypersonique, capable d’atteindre des navires à la mer en mouvement. Or, le zircon n’est pas, à ce jour, un missile aéroporté.

Par ailleurs, à ce jour, seuls les deux frégates de la classe Amiral Gorshkov, et éventuellement certains des sous-marins de la classe Iassen-M, sont potentiellement en capacité d’accueillir le missile dans leurs silos. Aucun de ces navires ne navigue en Méditerranée, c’est-à-dire à portée des éventuels porte-avions déployés au large d’Israël.

De fait, l’annonce du déploiement des patrouilles de MIG-31K armée de missile Kinzhal au-dessus de la mer Noire, représente effectivement une nouvelle menace contre l’Ukraine, et donc une réponse potentielle de Moscou à l’arrivée des ATACMS sur le front.

En revanche, ces missiles ne représentent aucune menace contre les porte-avions et leurs groupes aéronavals déployés par les Etats-Unis et probablement par la France en Méditerranée orientale.

Donald Trump prépare la mise en réserve des Etats-Unis de l’OTAN en 2024, si les européens ne cédaient pas à ses exigences

Donald Trump, le candidat à l’investiture républicaine et favori des sondages pour les élections présidentielles américaines de 2024, a déclaré qu’il préparait la mise en réserve des Etats-Unis de l’OTAN, mais aussi la réinterprétation de l’Article 5 de l’Alliance, dès son élection, si les européens n’acceptaient pas ses exigences.

Après les menaces concernant le soutien américain à l’Ukraine, c’est donc à présent l’OTAN qui est directement visée par le républicain à tendance populiste, dans une relecture moderne de l’isolationnisme américain. Étonnamment, en dépit de la menace, et de ses conséquences probables, les européens semblent ne pas vouloir anticiper un tel cataclysme.

Ces dernières semaines, la plupart des sondages au sujet des prochaines élections présidentielles américaines, donnent l’ancien président Républicain Donald Trump comme vainqueur face au Président sortant Démocrate, Joe Biden.

Après l’abandon de l’Ukraine, l’OTAN est dans le collimateur de Donald Trump

On le savait depuis plusieurs mois, la perspective de voir Trump à nouveau à la Maison-Blanche, constitue une réelle menace concernant l’avenir du soutien américain à l’Ukraine, dans son combat face à la Russie.

En effet, l’ancien président, comme son dauphin, le gouverneur de Floride Ron de Santis, n’ont jamais fait mystère de leur intention de désengager Washington de ce conflit, considérant qu’il s’agissait ici d’un différend de frontière entre la Russie et un pays appartenant à sa sphère d’influence.

M2 Bradley en Ukraine
Les Etats-unis fournissent plus de la moitié de l’ensemble de l’aide militaire à l’Ukraine

Mais il se pourrait bien que la tendance populiste, portée par Trump, aille bien au-delà de cette décision, pour engager les Etats-Unis dans une nouvelle trajectoire isolationniste.

Ainsi, alors qu’il s’exprimait le 11 octobre lors d’un événement du Club 47 USA à West Palm Beach, en Floride, le candidat américain a indiqué qu’il travaillait, avec ses équipes, à un scénario lui permettant de mettre les Etats-Unis en position de réserve vis-à-vis de l’OTAN, sauf si ses alliés acceptaient de plier face à ses exigences.

Faute de pouvoir s’en retirer, Trump vise une mise en réserve des Etats-Unis de l’OTAN

Il précise, par ailleurs, qu’une attaque contre un pays membre de l’alliance, n’entrainerait pas systématiquement l’intervention des Etats-Unis, surtout s’il s’agit d’un conflit localisé. En d’autres termes, le candidat républicain veut rendre caduc le fameux article 5 de l’Alliance Atlantique, sauf peut-être vis-à-vis des pays les plus vassalisés ayant cédé à toutes ses exigences.

Pour Donald Trump, l’OTAN est dorénavant obsolète

Le fait est, les exigences en questions n’ont pas été détaillées, mais considérant les prises de position passées de Donald Trump, il est très probable qu’elles concernent à la foi la hausse des dépenses de défense de la part des européens, mais également un rééquilibrage commercial avec l’Europe, et probablement une taxe directe ou induite, conditionnant la présence de troupes américaines.

La perception de l’ancien résident de la Maison-Blanche, concernant l’alliance Atlantique, n’a d’ailleurs guère évoluée depuis son premier mandat. Comme en 2016, il considère, en effet, l’OTAN comme obsolète et inadaptée pour répondre aux défis auxquels les Etats-Unis seront confrontés dans les années à venir.

Donald Trump
En 2018 déjà, Donald Trump estimait que l’OTAN était une organisation obsolète.

D’ailleurs, il ne dissimule pas son aspiration à faire sortir irrévocablement les USA de celle-ci, même s’il sait qu’une telle démarche se heurterait sûrement au Congrès, comme ce fut le cas lors du premier mandat.

Pour autant, Donald Trump est dorénavant mieux préparé qu’il ne l’était en 2016. Ainsi, il a annoncé qu’aucun membre de son gouvernement devra avoir une position pro-OTAN, contrairement à ce qui fut le cas lors de son premier mandat, ceci ayant notamment engendré d’importantes tensions avec les Secrétaires à la Defense et Secrétaires d’État.

Les européens apathiques face aux menaces du favori des sondages à l’élection présidentielle de 2024

Les positions de Donald Trump, qu’il s’agisse de la fin de l’aide militaire à l’Ukraine, et de la mise en retrait des Etats-Unis de l’OTAN, n’ont pour l’heure pas donner lieu, en Europe, à une prise de conscience cohérente avec les risques qu’elles supposent.

Ainsi, les européens, ni conjointement, ni de manière unilatérale, n’ont nullement pris la mesure des besoins des armées ukrainiennes qu’il leur reviendrait d’assumer dans une telle hypothèse.

Donald Trump Angela Merkel
La protection US doit donner lieu à des compensations économiques et politiques, selon Trump.

Au contraire, il y a quelques semaines, Joseph Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a explicitement spécifié que l’Europe ne voulait pas se substituer aux Etats-Unis dans le soutien militaire accordé à Kyiv.

Aux Etats-Unis, en revanche, des garde-fous sont déployés, notamment par le Congrès, pour prévenir des décisions excessives de la part de Donald Trump, vis-à-vis du soutien à l’Ukraine, mais surtout vis-à-vis d’une décision de retrait de l’OTAN.

Le Congrès américain met en place des garde-fous face à Trump

Ces mesures conservatoires n’ont rien de surprenant. Déjà, en 2019, le Congrès avait mis en place des pare-feu similaires, pour bloquer une éventuelle décision de Donald Trump, alors encore Président, de précipiter la sortie des Etats-unis de l’Alliance Atlantique.

Ainsi, anticipant une possible victoire de Donald Trump en 2024, le sénateur démocrate de Virginie Tim Kaine et son homologue républicain de Floride, le sénateur Marco Rubio, ont fait voter un amendement, dans le cadre de la loi de finance des armées 2024, obligeant une majorité des deux tiers au Sénat, pour avaliser une éventuelle sortie des Etats-Unis de l’Alliance.

Sénat américain
Le Congrès américain anticipe la volonté de Donald Trump d’amener les Etats-unis à quitter l’OTAN.

C’est d’ailleurs très probablement en réponse à ces entraves légales, que le candidat républicain et ses partisans ont élaboré le scénario de la mise en retrait américain vis-à-vis de l’Alliance, tout en venant éroder la portée de l’article 5.

Vers une nouvelle interprétation américaine de l’Article 5 de l’OTAN ?

Bien évidemment, un retrait de la protection américaine de l’Europe, par exemple, en altérant l’interprétation US de l’Article 5, constituerait un cataclysme sécuritaire sur le vieux continent, et ouvrirait la voie à la Russie, mais aussi à la Turquie, pour mener des opérations militaires contre certains membres de l’alliance, comme les Pays baltes ou la Grèce.

Sans même aller jusque de telles extrémités, il est évident que si Washington venait à faire marche arrière concernant la production de ses alliés les plus proches en Europe, on imagine aisément qu’il se désintéressa totalement d’alliés secondaires, comme l’Ukraine, la Géorgie, voire la Moldavie, ouvrant la voie aux appétits de conquêtes des puissances régionales belliqueuses.

Pire encore, les européens faisant, dans ce domaine, la politique de l’Autruche, l’instabilité qu’une telle décision provoquera en Europe, durera plusieurs années, et même probablement une décennie, le temps que les européens parviennent à reconstituer les forces nécessaires, pour contrôler les menaces, si tant est qu’ils veuillent jouer ce rôle.

trump erdogan
Donald Trump semble avoir un meilleur contact avec les dirigeants autoritaires, comme R.T Erdogan, V. Poutine ou Kim Jong-Un

Il est donc très possible, dans une telle hypothèse, qu’une majorité de pays européens décide d’accepter, contrainte et forcée, les exigences de Donald Trump, faisant évoluer l’alliance vers une forme de protectorat ne disant pas son nom, ceci venant, à terme, sans le moindre doute, faire dérailler le projet européen.

Face à de telles perspectives et au regard des tendances observées dans les sondages d’opinion outre-atlantique, il semble impératif, désormais, que les européens, et notamment les plus attachés à leur indépendance, comme la France, prennent les mesures conservatoires pour anticiper un tel scénario qui pourrait intervenir désormais rapidement

Nous verrons bien si c’est le cas…

De nouveaux chars T-80 pour l’Armée russe d’ici à quelques mois

Selon une vidéo publiée il y a quelques jours, l’usine russe de Kaluga a repris la production de turbine pour de nouveaux chars T-80. Cette observation atteste de l’effort considérable fait par les autorités russes pour accroitre la production industrielle de défense, dans une stratégie à beaucoup plus long terme que celle employée par les occidentaux en Ukraine.

Les Ukrainiens, aidés des occidentaux, tentent de gagner des batailles. Les Russes veulent gagner la guerre ! Cette phrase, un tantinet provocante, résume toutefois assez bien la dichotomie entre la vision stratégique des deux camps dans ce conflit qui dure depuis plus d’un an et demi, et qui ne montre aucun signe d’affaiblissement.

En effet, alors que le président Ukrainien Volodymyr Zelensky se démène pour obtenir le soutien occidental indispensable pour mener les opérations militaires en cours et à venir avec, au mieux, quelques mois de visibilité devant lui, la Russie, quant à elle, semble être entrée dans une gestion à beaucoup plus long terme du conflit, basée sur des paradigmes bien plus larges que ceux employés face à elle.

Pour ce faire, et nonobstant les succès des armées ukrainiennes ces dernières semaines, Moscou paraît avoir fait le choix de s’appuyer non sur la qualité de ses effectifs, mais sur l’ascendant considérable que peut avoir son industrie de défense sur son adversaire, même soutenu par l’Occident.

La stratégie russe en Ukraine vise le long terme

Déjà, en janvier dernier, nous écrivions que la réorganisation profonde de l’outil industriel de defense russe, avait le potentiel de modifier non seulement les rapports de force en Ukraine, mais surtout de faire évoluer la dynamique même du conflit.

Il s’agissait, alors, d’une analyse fondée sur plusieurs rapports convergents qui indiquaient une importante augmentation des cadences de production de chars et de blindés, notamment concernant l’usine Uralvagonzavod qui produit les nouveaux chars T-90M et qui modernise les T-72B3 et T-80BV en réserve, pour livrer jusqu’à 50 exemplaires par mois.

T-90M Ukraine armée russe
Les seuls chars neufs produits à ce jour en Russie sont les T-90M.

Depuis, cette stratégie russe à plus long terme, construite sur son puissant outil industriel militaire, est devenue plus évidente, y compris sur la ligne de front.

En effet, si la destruction de vieux T-62 ou T-55 fait parfois l’actualité pour souligner l’état de délabrement des armées russes, dans les faits, le nombre de chars modernes russes identifiés détruits ou endommagés en Ukraine, ne cesse de croitre.

Aujourd’hui, les estimations les plus optimistes estiment qu’Uralvagonzavod produirait une vingtaine de chars par mois, alors que les taux de pertes constatés semblent davantage indiquer un nombre de 30 à 35 nouveaux T-90M, T-72B3M et T-80BVM livrés aux armées chaque mois.

De nouvelles turbines pour les chars T-80 russes

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle information, apparue il y a quelques jours, tend à en accroitre le caractère dimensionnant. En effet, selon des observations locales, il semblerait que l’usine de turbine de Kaluga, ait entrepris de produire à nouveau des turbines destinées aux chars T-80.

Le T-80, qui était le char le plus moderne en service au sein des armées russes à la fin de la guerre froide, n’a plus été produit depuis le début des années 90 et la fin de l’Union Soviétique. Plus onéreux et plus complexe à mettre en œuvre que le T-72, le T-80 était alors le plus puissant char soviétique en service.

Après la chute du bloc soviétique, les armées russes et les industriels ont privilégié le T-90, une évolution du T-72, équipée comme ce dernier d’un moteur turbo diesel plus classique, ce d’autant que la turbine du T-80 s’était montré fragile.

De fait, aucun nouveau T-80 n’a été produit depuis plus de 30 ans maintenant. Cela devrait prendre fin prochainement, si l’on en croit les observations faites concernant la reprise de la production des turbines GTD à Kaluga.

chars T-80BV Obr.2023
Le T-80BV Obr.2023 dispose de nombreux systèmes de défense, notamment contre la menace des munitions rôdeuses et des drones.

Le T-80, même dans ses évolutions les plus modernes BV obr.2023 ou BVM, n’étant pas précisément plus performant que le T-90M, ni plus économique, on peut penser que cette manœuvre tend avant tout à accroitre la production de chars modernes en optimisant l’outil industriel, et ainsi contourner les limitations concernant la production de moteurs turbo diesel V-92S2 qui propulsent les T-90.

Vers une augmentation des cadences de l’usine de chars Uralvagonzavod

Il est par ailleurs probable qu’Uralvagonzavod, qui assemble les chars, dispose d’un potentiel de croissance au sujet de la production de blindé, si tant est que les composants soient disponibles, ce qui accroitrait encore davantage le nombre de chars modernes produits chaque mois par l’outil industriel russe.

Cette réorganisation et optimisation de l’outil industriel de défense russe, si elles ne donnent pas lieu, pour l’heure, à une évolution des paradigmes régissant le soutien occidental à l’Ukraine, influence, en revanche, la planification stratégique de l’OTAN, qui considère désormais que la Russie pourrait de nouveau représenter une menace crédible sur l’Europe d’ici à 5, 10 ou 15 ans, selon les hypothèses considérées.

Reste que si, comme on peut le supposer, l’industrie Russe venait à produire, dans les mois à venir, un an tout au plus, quelques dizaines de T-80BV modernisés chaque mois, en plus des nouveaux T-90M et des T-72B3M et de T-62M et T-55 sortis des réserves et modernisés à la hâte, il sera difficile à l’Ukraine de répondre à l’évolution du rapport de force.

Une menace pour l’Ukraine, et pour l’OTAN

En effet, les européens n’auront ni les réserves d’équipement, ni les délais nécessaires à la mise en place d’un outil industriel, pour faire face à l’arrivée massive de nouveaux blindés aux mains des militaires russes.

Quant aux Etats-Unis, ils pourraient bien, à partir de 2025, infléchir sensiblement leur politique de soutien à l’Ukraine, si Donald Trump venait à remporter les prochaines élections présidentielles.

Uralvagonzavod
L’usine de chars Uralvagonzavod pourrait prochaine produire de nouveaux chars T-80 en plus des T-90M.

De fait, même si les armées ukrainiennes parvenaient, dans les semaines et mois à venir, à disloquer les lignes de défense russes, et à progresser rapidement à l’intérieur de son dispositif défensif, tout indique désormais que Moscou sera en capacité de reprendre l’offensive au bout de quelques mois, après avoir reconstitué ses forces, alors que le renouvellement des matériels ukrainiens se sera tari.

En conséquence de quoi, la fenêtre qui pourrait permettre à l’Europe de répondre à l’évolution de la puissance militaire russe, en Ukraine, mais aussi, plus globalement, face à l’OTAN, est dorénavant des plus étroites, et se résume probablement à quelques mois. Rien n’indique, toutefois, qu’elle en prenne le chemin.

En visant 2040, les armées françaises sont-elles dans le bon tempo opérationnel et technologique ?

Alors que de nombreux facteurs pointent vers une hausse rapide des tensions internationales dans les années à venir, les armées françaises, elles, sont engagées dans une dynamique de modernisation visant une échéance au-delà de 2040. On peut, dès lors, s’interroger sur la pertinence du tempo opérationnel et technologique qui guide la programmation française, au regard de l’évolution de la situation sécuritaire internationale.

« Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans l’avenir« . Cette phrase de Winston Churchill, maintes fois citées, ne représente en fait qu’une réécriture de la célèbre phrase de Thucydide, « L’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement« .

Lorsque l’on applique ces maximes à la présente situation, on ne peut s’empêcher de remarquer les nombreuses similitudes qui existent entre le développement des tensions à l’échelle mondiale aujourd’hui, et la situation internationale qui prévalait à la fin des années 40, plus particulièrement après que le 29 aout 1949, l’Union soviétique était entrée dans le club des nations nucléaires.

Vers un nouveau cycle de tensions croissantes et de conflits jusqu’en 2035-2040 ?

Désignée Guerre froide, cette période s’étala d’avril 1949, avec la création de l’OTAN puis du Pacte de Varsovie, à la chute du mur de Berlin, en novembre 1989. Elle se caractérisa par une période de tensions croissantes de 1949 à 1962, et la crise des missiles de Cuba, un période de stabilisation et même de baisse des tensions entre 1963 et 1982, puis une nouvelle phase de tension de 82 à 85, avec la crise des euromissiles, sur fond d’effondrement économique du modèle soviétique.

Si l’on devait transposer ce développement à la présente situation, cela supposerait qu’entre 2022 et l’offensive russe contre l’Ukraine, et 2035, le Monde devrait suivre une courbe croissante pour ce qui concerne les tensions internationales, les risques de guerre et l’instabilité mondiale.

Abrams-X GDLS
Abrams M1E3, OMFV, FARA, Constellation, NGAD… L’ensemble des grands programmes des armées US pointent vers une entrée en service avant 2030.

C’est précisément sur ce calendrier que les armées américaines travaillent depuis quelques années, estimant qu’un conflit avec la Chine autour de Taïwan pourrait intervenir à partir de 2027. En outre, sans l’annoncer publiquement, tout indique que le Pentagone considère désormais que cette confrontation est invariable, ou tout au moins suffisamment probable pour s’y préparer activement.

De fait, il conviendrait, aujourd’hui, que les Armées françaises, et plus globalement, les armées européennes, évoluent, elles aussi, pour répondre à l’évolution probable des tensions dans cette dynamique historique, que l’on peut rapprocher, d’une certaine, des travaux du docteur Philippe Fabry baptisés Historionomie.

Bien que manquant d’une analyse statistique et exhaustive, cette approche s’est montrée étonnamment capable d’anticiper les tensions actuelles, et ce, depuis le début des années 2010, soit bien avant que les prémices évidentes de dégradations soient apparus en Russie, en Chine ou en Turquie.

Le tempo opérationnel et technologique des armées françaises pointe au-delà de 2040

Or, tout indique qu’aujourd’hui, les armées françaises sont engagées dans un objectif visant un point haut opérationnel au-delà de 2040, soit bien au-delà du cycle de tension croissante en développement, qui devrait s’étendre jusqu’en 2035, peut-être un peu au-delà, si l’on adhère à la notion de cycle historique.

Concrètement, aujourd’hui, il apparait que les armées françaises acceptent de négliger leurs capacités de réponse à court ou moyen termes, pour garantir une efficacité optimale à long terme, c’est-à-dire après 2040.

L’exemple du char EMBT de génération intermédiaire pour l’Armée de Terre

Un exemple concret de cette stratégie assumée a été donnée mi-octobre, à l’occasion d’une réponse du ministère des Armées à une question écrite du député Philippe Gosselin. Celui-ci interrogeait le ministère au sujet l’opportunité pour l’Armée de terre de se tourner vers le modèle E-MBT de KNDS comme solution intérimaire chenillée lourde, dans l’attente de l’arrivée du MGCS, après 2040, sujet plusieurs fois debout dans nos colonnes.

char e-mbt

Sans surprise, sans écarter définitivement l’hypothèse de l’EMBT, la réponse du ministère des Armées rappelle que la priorité, aujourd’hui, s’appuie sur la modernisation du Leclerc, et l’intensification des efforts dans le cadre du MGCS.

La position du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, est encore plus radicale, puisqu’il insiste sur l’évolution inévitable de ce segment dans les décennies à venir, alors que l’E-MBT, comme le Leopard 2A8/X ou encore le M1E3 Abrams américain, demeurent ancrés dans la vision traditionnelle du char de combat héritée du passé.

 » Nous ne devons pas veiller uniquement aux intérêts d’une entreprise, mais nous assurer que l’armée de Terre bénéficiera de chars efficaces en 2050. Je ne veux pas que l’on puisse accuser notre génération d’avoir fait un contresens total dans les choix technologiques à mettre en œuvre pour la construction de ce char » a-t-il précisé.

En d’autres termes, pour le Ministre français, il n’est pas question, aujourd’hui, de se tourner vers l’EMBT, même si celui-ci répond très certainement aux besoins immédiats et à moyen termes de l’Armée de terre, tout au moins jusqu’à l’arrivée du MGCS en 2040, voire 2045. En effet, ce modèle sera probablement dépassé dans 25 ans… C’est-à-dire au-delà de la durée de vie d’une génération classique.

Les espaces réservés des frégates FDI et Horizon de la Marine nationale

L’E-MBT n’est pas le seul exemple en France au sujet du sacrifice, pour ainsi dire, des besoins à court terme, au profit du financement des programmes à long terme.

Ainsi, les frégates FDI de la classe Amiral Ronarc’h, dont la première unité doit entrer en service en 2025 au sein de la Marine nationale, ne seront dotées que de 2 systèmes Sylver composés chacun de 8 silos verticaux, permettant au navire à 700 m€ d’emporter et mettre en œuvre un maximum de 16 missiles antiaériens Aster 15 ou 30.

frégates FDI Marine Hellénique
Les FDI de la Marine hellénique seront dotées de 4 systèmes Sylver dès 2027, et non de 2 comme les navires de la Marine nationale.

Comme c’est déjà le cas des frégates de défense aérienne Horizon, les Frégate FDI disposeront d’un espace réservé pour 2 systèmes Sylver supplémentaires, soit 16 missiles. Le discours officiel, au sein du ministère des Armées, annonce que ces espaces permettront d’augmenter la puissance de feu des navires français à l’approche d’une crise ou d’un risque de guerre.

Pourtant, en dépit de la guerre en Ukraine, le premier conflit majeur en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, opposant par proxy les deux plus importantes puissances nucléaires de la planète et leurs alliés, ni les FDI en cours de construction, ni les Horizon en service, n’ont été dotées des 2 Sylver supplémentaires prévus.

De même, toujours concernant la Marine nationale, alors que les tensions en Méditerranée et dans l’Ocean Atlantique plaident pour une flotte à deux porte-avions, l’arbitrage a été fait de developper un unique successeur au Charles de Gaulle, haut de gamme, mais dont l’entrée en service est prévue en 2038, c’est-à-dire, toujours selon le postulat de départ, au-delà de la phase de tension maximale.

Le calendrier du ministère des Armées pour la modernisation des armées

Le fait est, aujourd’hui, la plupart des programmes majeurs censés engendrer une progression radicale des capacités opérationnelles des armées françaises, pointent au-delà de 2040.

Armées françaises Mirage 2000D
Les Mirage 2000D de l’Armée de l’Air et de l’Espace devront jouer les prolongations jusqu’en 2035, alors qu’ils devaient quitter le service en 2020.

Dans le même temps, pour permettre de financer ces programmes ambitieux comme SCAF, MGCS, PANG ou autres SNLE 3G, les armées françaises vont devoir étirer la peinture de leurs systèmes hérités, comme le Mirage 2000D qui demeurera opérationnel jusqu’en 2035 alors qu’il devait initialement quitter le service en 2020, ou les hélicoptères Gazelle qui voleront encore une bonne dizaine d’années au sein de l’ALAT.

Dès lors, il serait utile, et même indispensable semble-t-il, de s’interroger sur l’adéquation du calendrier de la programmation militaire française, et de ses grands programmes militaires, au regard de la trajectoire de tensions internationales, en particulier dans un environnement proche du pays, en gardant en tête que la défense est un exercice en mode relatif, c’est-à-dire conditionné par des facteurs extérieurs déterminants, et non par la seule optimisation des ambitions industrielles et technologiques, qu’elles soient nationales ou européennes.

Et de se poser la question de savoir si, oui ou non, les armées françaises sont dans le bon tempo opérationnel et technologique aujourd’hui ?