mardi, décembre 2, 2025
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4,6 Md€ pour les prochaines versions du Rafale et le Neuron seront investis par la France d’ici à 2030.

Pour Eric Trappier, la priorité de Dassault est aujourd’hui donnée au programme Rafale et ses évolutions à venir, et pas au programme européen SCAF, dont l’échéance d’entrée en service s’établit désormais à 2045. Du moins est-ce ainsi qu’il avait présenté le sujet à l’occasion d’une interview donnée à la chaine d’information économique BFM Business en aout dernier.

On eut pu penser, alors, que cette déclaration s’inscrivait dans le bras de fer qui demeurait entre Dassault et le ministère des Armées, avec, en arrière-plan, le partage industriel et ses nécessaires concessions au sein du programme européen, ainsi que l’arrivée de la Belgique.

Au fil des semaines, toutefois, il est apparu que les positions des deux protagonistes français étaient bien plus alignées qu’il n’y paraissait, avec une évidente ambition, pour le ministère des Armées, de soutenir les évolutions à venir du Rafale.

Le Rafale F4.2 reporté à 2025

En effet, pour le ministère des Armées, le Rafale F4, et surtout la version F5, prévue pour 2030, doivent permettre à la fois de moderniser et d’étendre les capacités des forces aériennes françaises, et de soutenir l’attractivité et la compétitivité de l’appareil français sur une scène internationale en forte demande.

Rafale F4.1 Mont de Marsan
Le premier Rafale F4.1 a été livré pour essais à l’Armée de l’Air en février 2023

De toute évidence, l’Hôtel de Brienne (siège politique du ministère des Armées) a décidé de joindre le geste, ou plutôt le portefeuille, à la parole. En effet, selon un article publié par le site économique La Tribune, il prévoit d’investir pas moins de 4,6 Md€ d’ici à 2030 pour faire évoluer le chasseur français, et developper un drone de combat sur la base du démonstrateur Neuron.

Il s’agit, pour le ministère, Dassault Aviation, Safran, Thales, MBDA et les quelque 400 entreprises sous-traitantes du programme Rafale, de terminer le développement du standard F4.2 qui doit, entre autres choses, voire ses moyens de suppression des defense adverses, comprendre sa défense antiaérienne, grandement améliorées pour répondre aux enseignements de la guerre en Ukraine.

Initialement prévue pour 2024, la qualification finale du Rafale F4.2 a été repoussée à 2025, alors que les premiers F4.1 ont d’ores-et-déjà commencé d’être employés par l’Armée de l’Air et de l’Espace française.

On notera toutefois que les avions Rafale qui seront livrés en 2023 et 2024, soit 26 appareils pour l’AAE, le seront au standard F3R. Ils évolueront par la suite vers le nouveau standard, à l’instar de l’ensemble de la flotte.

Les investissements pour le Rafale F5 débutent dès 2024.

Mais le véritable bond en avant, que l’on peut même qualifier de reboot pour les anglicistes, et de renaissance pour les francophiles, sera la version F5, qui promet de doter, pour 2030, l’appareil de certaines capacités que l’on attend davantage des avions de combat de 5ᵉ et 6ᵉ générations.

Remote carrier expendable MBDA
Certains programmes, comme le Remote Carrier Expendable de MBDA, initialement prévus dans le cadre du programme européen, ont probablement été basculés dans le programme Rafale F5 dont les ambitions ont été revues à la hausse à l’occasion de la LPM 2024-2030.

Outre un nouveau Radar RBE2 XG en cours de développement, le Rafale F5 sera doté de la possibilité de contrôler et de mettre en œuvre des drones de combat, comme les Remote Carrier Expendable de MBDA, et surtout le programme de Loyal Wingman français annoncé à l’occasion de la LPM 2024-2030, basé sur le démonstrateur Neuron.

La conception du successeur au Neuron dotée de 128 m en 2024

Ainsi équipé et accompagné, le Rafale F5 sera en mesure d’évoluer en environnement contesté à l’instar du F-35 américain, tout en bénéficiant de certains atouts qui lui sont propres en termes d’endurance, de performances et de couts de mise en œuvre.

À ce titre, la conception du successeur du Neuron se voit doter, dès 2024, de 128 m€ de budget, auxquels s’ajouteront 212 m€ consacrés aux travaux de recherche et développement du standard F5, pour un total somme toute conséquent de 340 m€ consacrés au F5 pour la seule année 2024.

Neuron Dassault
Le développement d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron recevra 128 m€ en 2024.

De 2024 à 2026, les investissements de R & D pour le programme Rafale atteindront 2,7 millions d’euros, qui se cumuleront aux 3,7 Md€ qui seront investis par le ministère des Armées pour l’acquisition d’appareils neufs, dont 13 seront livrés d’ici à la fin de 2023, et autant en 2024.

La France investira 11,76 Md€ pour le programme Rafale jusqu’en 2030.

Au total, à ce jour, les engagements cumulés pris par l’État français concernant le Rafale et ses versions, atteignent 11,76 Md€ de 2024 à 2030, auxquels s’ajouteront les investissements nécessaires à l’évolution des appareils déjà livrés à l’Armée de l’air et de l’espace, ainsi qu’à la Marine nationale, vers les nouveaux standard.

Ces investissements permettront aux forces aériennes françaises d’aligner 178 chasseurs en 2030, pour atteindre 225 appareils en 2035, soit l’objectif défini par le Livre blanc de 2013 pour la chasse française.

On peut toutefois raisonnablement s’interroger sur la validité de ce format conçu alors pour assurer des projections de puissance limitée et des missions de sécurité de temps de paix, alors que la situation et la menace internationale ont considérablement évolué depuis.

1,36 Md€ pour le SCAF de 2024 à 2026

En comparaison, les 1,36 Md€ qui doivent être investis par le ministère des Armées, paraissent quelque peu dérisoires. Pour autant, ce faible montant relatif, s’explique par plusieurs facteurs cumulés.

En premier lieu, l’accord liant français, espagnols et allemands, à ce jour, ne concerne que la Phase 1B du programme, c’est-à-dire la phase d’étude préalable à la construction du démonstrateur du Next Generation Fighter, ou NGF.

NGF SCAF
La phase 1B du programme SCAF est aujourd’hui la seule sur laquelle les trois partenaires se soient effectivement engagés.

En outre, cette phase ne s’étend que de 2023 à 2026, et les 3 Md€ nécessaires à son développement, ont été financés à parts égales entre les trois partenaires du programme. Enfin, les investissements nationaux français pour de développements connexes au programme SCAF sont relativement peu importants, une partie d’entre eux ayant été transférés dans le développement du Rafale F5.

On le voit, tout indique aujourd’hui que le ministère des Armées a bien pris la mesure des besoins dévolution du programme Rafale pour demeurer un appareil opérationnel parmi les plus performants et les plus attractifs du marché.

En outre, les investissements partagés autour du programme SCAF permettent, en effet, de réduire la pression budgétaire sur celui-ci, en particulier lors des phases d’étude.

Le format de la chasse française toujours aligné dur le Livre Blanc de 2013

En revanche, on peut regretter, voire s’inquiéter, du format en devenir des forces aériennes françaises, ce d’autant que les succès à l’exportation du Rafale ces dernières années, génèreront, à eux seuls, des revenus supplémentaires pour l’état, compensant presque intégralement l’ensemble des investissements qui seront consentis, d’ici à 2030, dans ce domaine.

Rafale B et Rafale C de l'Armée de l'Air et de l'Espace française
Le format de la chasse française aujourd’hui visé en 2035, aura été défini en 2013 dans un Livre Blanc rédigé dans un contexte sécuritaire international radicalement différent.

On peut naturellement argumenter autour du principe de cohérence des forces pour justifier les 225 avions de chasse ou les 200 chars de combat français.

Mais comment justifier qu’un pays membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, qui dispose d’une des industries de defense les plus performantes et exportatrices, se satisfasse aujourd’hui d’un objectif d’effort de defense à 2 % de son PIB, identique à tous ses voisins européens qui, eux, ne peuvent pas se prévaloir des mêmes capacités ?

La construction du sous-marin nucléaire d’attaque brésilien Álvaro Alberto a débuté

La découpe de la première tôle du Álvaro Alberto, le sous-marin nucléaire d’attaque brésilien codéveloppé avec la France, a donné lieu, le 4 octobre, à une cérémonie au sein des chantiers navals ICN d’Antigua. Le navire, qui est le premier SNA développé par un pays non membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unis, doit entrer en service d’ici à 2031.

À ce jour, seules cinq marines mettent en œuvre des sous-marins à propulsion nucléaire, en l’occurrence, les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unis.

En effet, à l’instar des avions de combat, ou des missiles balistiques intercontinentaux, la conception et la construction de SNA n’est en rien un sport de masse, certains considérants ces submersibles à propulsion nucléaire, comme la pièce d’ingénierie la plus complexe construite par l’homme à ce jour.

Dotés d’une autonomie presque illimitée, capable de rester en plongée pendant des mois, et de maintenir des vitesses très élevées, les SNA offrent, en effet, des performances exceptionnelles, en faisant un système d’arme unique pour les grandes marines mondiales.

Le programme de sous-marin nucléaire d’attaque brésilien assisté par le français Naval Group

Il n’y a rien de surprenant, dans ces conditions, à ce que les pays émergents les plus avancés, comme l’Inde, la Corée du Sud, l’Australie ou encore le Brésil, produisent d’importants efforts pour s’en doter, quitte parfois à devoir sacrifier des pans entiers de compétences militaires pour cela.

Sous-marin nucléaire d'attaque brésilien
La conception de l’Alvaro Alberto fut validée en novembre 2020. La tranche nucléaire centrale est entièrement conçue par le Brésil, qui dispose d’une importante industrie nucléaire civile.

Dans ce domaine, la France semble s’imposer comme un partenaire performant et crédible, pour accompagner ces marines et industries navales, dans le développement des compétences industrielles et technologiques pour concevoir de tels navires.

Ainsi, depuis plusieurs mois, tout indique que Paris et New Delhi ont entrepris d’intenses négociations afin d’accompagner le programme visant à procurer à la Marine indien 6 sous-marins nucléaires d’attaque, en plus de sa flotte de sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle et AIP, pour faire face aux nouveaux Type 039 pakistanais, et surtout à la modernisation rapide de la Marine chinoise.

Mais c’est avec le Brésil que la France a initialement collaboré dans ce domaine. Si le programme de SNA brésilien trouve ses racines au début des années 1970, c’est à partir de 2008, et la signature avec la France du contrat donnant naissance au programme PROSUB.

Celui-ci prévoit la construction locale de quatre sous-marins de type Scorpene, d’une base navale dédiée à Antigua, ainsi que l’assistance française dans la conception du programme SN-BR pour concevoir et construire le sous-marin nucléaire d’attaque brésilien.

Le sous-marin Alvaro Alberto et les chantiers navals ICN

L’architecture du sous-marin fut présentée à l’automne 2020, en présence de représentants français. La composante nucléaire du navire sera intégralement de conception brésilienne.

sous-marin Riachuelo brésilien de type Scorpene
La Marine brésilienne disposera en 2027 de 4 sous-marins de la classe Riachuelo de type Scorpene construits localement par ICN

En revanche, le reste du navire sera codéveloppé avec le français Naval group, de sorte à concevoir un sous-marin performant, silencieux et efficace, dont la mission sera de protéger les quelque 7 500 km de côtes du pays.

La coupe de la première tôle du sous-marin, baptisé Álvaro Alberto, a eu lieu ce 4 octobre à Antigua, à l’occasion d’une cérémonie organisée par la Marine brésilienne et les chantiers navals ICN en charge de la construction du navire, comme des quatre sous-marins de la classe Riachuelo de type Scorpene avant lui.

Itaguaí Construções Navais, ou ICN, est une coentreprise détenue à 59 % par l’état brésilien, et à 41 % par le français Naval Group. L’entreprise a été créée en 2009, et permit l’entame des travaux de construction des premiers sous-marins conventionnels type Scorpene au Brésil dès 2013.

Le sous-marin Álvaro Alberto, quant à lui, doit être lancé en 2029, et entrer en service au sein de la Marine brésilienne à partir de 2031. D’une longueur estimée de 100 m, il aura un tonnage en plongée autour de 5 000 tonnes, et accueillera un équipage de 100 personnes.

Si ses caractéristiques demeurent inconnues à ce jour, on peut penser, au regard de ces paramètres, qu’il devrait se rapprocher dans ce domaine des Suffren français, même si les visuels diffusés à ce jour, montre une affiliation évidente avec le modèle Scorpene.

Le Brésil se rapproche des membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unis

Le bon déroulement de ce programme jusque ici, exception faite des atermoiements budgétaires brésiliens ces dernières années, ont probablement été un argument de poids pour entamer les négociations avec Paris et naval Group pour son propre programme de sous-marins nucléaire d’attaque, et pourrait en convaincre d’autres de faire de même.

écorché du SNA Alvaro Alberto
Écorché du sous-marin nucléaire d’attaque Alvaro Alberto

Quoi qu’il en soit, l’accès à certaines technologies de defense très avancées par certains pays comme l’Inde, le Brésil, Israël, la Turquie et la Corée du Sud, qu’il s’agisse de sous-marins nucléaires, de missiles balistiques longue portée, d’armes à énergie dirigée ou hypersoniques, tend à renforcer le besoin de réorganiser certaines instances internationales, en particulier le Conseil de Sécurité des Nations Unis.

En effet, en dehors des Etats-Unis et de la Chine, dont le statut relatif est incontestable, la justification de ses membres permanents, est de plus en plus difficile à justifier, face à des nations disposant d’une puissance militaire et technologique équivalente, voire parfois, supérieure.

En prévision d’un conflit avec la Chine, l’US Army transforme sa chaine du sang

Le Armed Services Blood Program de l’US Army, a présenté les nombreuses transformations entreprises pour anticiper un conflit avec la Chine dans le Pacifique, et ses contraintes spécifiques.

Il est commun, pour ne pas dire aisé, de focaliser son attention sur l’évolution nécessaire des formats des armées et celle de leurs équipements, lorsque l’on évoque les changements en cours en termes de menaces et risques de conflits.

Certes, l’immense majorité des armées occidentales, y compris l’US Army, avait profondément transformé l’ensemble de leur organisation et adapté leurs équipements pour des engagements dissymétriques comme en Afghanistan, en Irak ou au Mali.

Toutefois, si l’évolution des chars de combat et des brigades mécanisées revêt évidemment une dimension majeure, ce ne sont pas les seuls éléments indispensables à transformer pour se préparer à un conflit de haute intensité, face à la Russie ou la Chine en particulier.

Ainsi, d’importants efforts sont entrepris, particulièrement outre-atlantique, pour adapter l’ensemble de la chaine de soutien des forces combattantes, comme la logistique, le commandement et la coordination, notamment face aux spécificités du théâtre Pacifique caractérisé par son immensité et sa dimension navale.

Les enjeux de la chaine du sang en cas de conflit avec la Chine

La réorganisation de la médecine de guerre et chaine du sang fait, elle aussi, parti de ces priorités pour l’US Army. En effet, pendant les 60 dernières années, la captation, le stockage, le transport et l’utilisation des poches de sang, indispensables pour augmenter le taux de survie des soldats blessés au combat, s’organisait avec l’assurance de disposer de lignes logistiques permanentes et fonctionnelles.

US Army medics
Les premiers secours lors de la Golden Hour doivent évoluer vers plus d’autonomie et de technicité, pour répondre aux contraintes du théâtre pacifique.

Cette organisation était alors satisfaisante sur tous les théâtres d’opération, qu’il s’agisse du théâtre européen durant la guerre froide, des guerres asymétriques post-guerre froide, ou des conflits régionaux.

Ces certitudes s’effacent dans l’hypothèse d’un conflit face à la Chine dans le Pacifique, qui se caractériserait par des lignes logistiques distendues et fluctuantes, obligeant les unités au combat à beaucoup plus d’autonomie, y compris dans le traitement immédiat des blessés, spécialement durant la fameuse « golden hour », qui conditionne considérablement les chances de survie d’un militaire blessé.

C’est face à ces contraintes que le Commandement des services médicaux de l’US Army, a entrepris de transformer l’ensemble de la chaine du sang, avec pour objectif de répondre aux enjeux d’un conflit avec la Chine sur le théâtre indo-pacifique.

Le Theater Blood Mobile pour organiser la chaine du sang

Cette évolution s’appuie sur plusieurs avancées et transformations. Ainsi, les services médicaux de l’US Army déploient désormais une nouvelle version d’un système d’information de type expert, le Theater Blood Mobile, capable d’organiser, à la fois les stocks et les besoins avérés et prévisibles des militaires engagés au combat, et l’ensemble de la dimension civile locale, allant de la collecte de sang aux besoins des populations civiles, en passant par les risques spécifiques de contamination.

Armed Services Blood Program
Le Armed Services Blood Program est chargé notamment de la collecte de sang auprès des forces américaines.

D’autres avancées techniques incluent l’arrivée prochaine d’un bloc réfrigéré sur batterie capable de conserver les poches de sang au plus près du combat. Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de répondre aux évolutions spécifiques de ce théâtre d’opération, qui suppose le déploiement et l’engagement d’unités partiellement isolées, sans qu’il soit possible d’évacuer rapidement les blessés comme précédemment, ni d’alimenter en flux tendu les stocks médicaux.

Dans le même temps, le Armed Services Blood Program produit d’importants efforts de classification, mais également de collecte, de sorte à augmenter les stocks disponibles, et par ailleurs de cartographier les capacités de collecte dans les armées, ainsi que dans l’ensemble du pays.

La réorganisation du Armed Services Blood Program de l’US Army

Toutefois, la mission est loin d’être aisée, selon le Major Nekkeya McGee, dirigeant l’un des centres de collecte de sang des armées pour le Armed Services Blood Program. Lorsque interrogé par le site Defenseonce.com, celui-ci pointe en particulier le manque d’effectifs plus que de donneurs, et l’ensemble des contraintes post-covid qui continuent de sensiblement handicaper cette mission.

Chose intéressante, le service américain s’appuie sur des compétences françaises en matière de lyophilisation du plasma sanguin, les capacités nationales américaines ne suffisant pas à répondre aux besoins des armées dans ce domaine.

conflit avec la Chine theatre pacifique
Face à la Chine, les Armées américaines anticipent l’engagement d’unités autonomes et parfois isolées, avec des lignes logistiques distendues.

Loin d’être anecdotique, cet effort des services de santé américains, montre sans équivoque que les armées américaines se préparent activement à un éventuel conflit à court termes avec la Chine, autour de Taïwan, mais aussi dans l’ensemble de la chaine pacifique.

En effet, si le déploiement de matériel et d’hommes, et la communication qui va évoque, porte une importante dimension dissuasive et d’affichage, les efforts concernant des aspects aussi spécifiques que la chaine du sang, portent en eux un important caractère opérationnel.

Avec le Lanceur Modulaire Polyvalent, Naval Group se positionne face au RIM-116 Americain

Le français Naval Group a présenté un nouveau système baptisé Lanceur Modulaire Polyvalent, à l’occasion de l’événement NID 2023, susceptible de concurrencer, et de dépasser en de nombreux aspects, le CIWS RIM-116 Ram de l’américain Raytheon. Mais quelles sont les caractéristiques du LMP, et pourquoi est-il si innovant ?

Depuis le début des années 80 et l’apparition des premiers systèmes de protection rapprochés, comme le Phalanx ou le Ram américains, ou le AK-630 russe, nombre de marins et d’analystes spécialisés français regrettaient ouvertement que la Marine nationale et l’industrie de défense nationale, ne se soient pas engagés dans ce domaine.

Le fait est, si les frégates françaises étaient traditionnellement réputées performantes, en particulier dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, et innovantes, comme ce fut le cas des Frégates Légères Furtives de la classe La Fayette, celles-ci étaient aussi souvent considérées sévèrement sous-armées pour leur tonnage, notamment pour ce qui concernant la défense antiaérienne et antimissile rapprochée.

Ainsi, alors que les frégates anti-sous-marines américaines de la classe O.H Perry de 4 000 tonnes de l’US Navy étaient toutes protégées par un système antimissile Phalanx, les T-70 françaises de 4 900 tonnes, pas davantage que les FLF de 3 600 tonnes, n’étaient dotées de protection similaire.

Le succès du CIWS RIM-116 RAM américain

Conscient du potentiel opérationnel, mais aussi commercial, du concept de CIWS, l’américain Raytheon associé à l’allemand Diehl BGT Defense, développèrent, à partir de la fin des années 70, le système RIM-116 Rolling Airframe Missile ou RAM.

RIM-116 RAM
Le RAM équipe les navires de 10 forces navales aujourd’hui.

Celui-ci se composait d’un lanceur Mk49 armé de 21 cellules, et d’autant de missiles RAM, dérivés du missile air-air à guidage infrarouge AIM-9 Sidewinder. Avec une masse relativement faible de sept tonnes, il permettait à des unités navales compactes de disposer d’une defense antiaérienne et antimissile rapprochée efficace, et susceptible d’intercepter plusieurs missiles antinavires lancés simultanément contre le navire.

Le succès du RAM fut immédiat. Il fut rapidement choisi par l’US Navy pour protéger ses porte-avions des classes Nimitz et Ford, que ses LHA classe America ou ses LCS des classes Freedom et Independance, entre autres.

Dix autres forces navales suivirent l’US Navy, de la Grèce au Qatar, en passant par la Corée du Sud, l’Allemagne et l’Arabie Saoudite, et a été récemment choisi par la Marine royale néerlandaise dans le cadre de la modernisation de ses navires, dont les LPD de la classe Rotterdam.

Le Lanceur Modulaire Polyvalent LMP de Naval Group

C’est donc avec satisfaction, pour ne pas dire soulagement, que beaucoup ont appris que Naval Group avait présenté, à l’occasion du NID 2023 consacré aux innovations de l’industriel français, le Lanceur modulaire polyvalent ou LMP, qui n’est autre que la réponse française au RIM-116 américain.

Concrètement, le LPM est un système modulaire mobile de 3 tonnes, composé de 4 conteneurs capables chacun de mettre en œuvre 4 missiles antiaériens ou antimissiles Mistral 3, 2 grenades anti-sous-marines, des leurres infrarouges ou 10 roquettes à guidage laser de 70 mm.

Lanceur Modulaire Polyvalent LMP de Naval Group
Le LMP présenté par Naval Group lors du NID 2023

Connecté au système de gestion du combat du navire, il peut ainsi répondre, de manière étendue, à différents types de menaces, y compris au travers d’informations fournies par des systèmes externes comme des drones, et traiter aussi bien des cibles aériennes comme des missiles antinavires, des avions ou des hélicoptères, que des drones, des embarcations légères et des sous-marins et drones sous-marins.

En outre, les modules sont aisément interchangeables, de sorte à adapter la réponse du système à la menace dans des courts délais, en privilégiant au besoin le nombre de missiles Mistral (jusqu’à 16), les armes anti-sous-marines ou les roquettes pour contrer d’éventuelles embarcations rapides dronisées.

Enfin, avec une masse de seulement trois tonnes, il peut être déployé sur des embarcations relativement légères, y compris des navires autonomes, pour densifier et étendre le périmètre défensif de navire principal.

Un système indispensable aux PHA Mistral de la Marine nationale

On le comprend, le LMP présenté par Naval Group, va bien au-delà d’un simple système concurrent au RIM-116. Il constitue un système à la fois complet, modulaire et evolutif pour répondre à l’ensemble des menaces identifiées à ce jour pour une unité de surface, mais également, le cas échéant, pour protéger des infrastructures portuaires.

PHA Mistral Marine Nationale
Plusieurs navires de la Marine nationale bénéficieraient grandement de l’ajout de LMP pour renforcer leur défense rapprochée, notamment les 3 PHA de la classe Mistral.

Il constitue, à ce titre, le complément idéal du système d’artillerie RapidFire de 40 mm déjà installé sur les pétroliers ravitailleurs de la classe Jacques Chevallier, afin d’étendre et de durcir, à moindres frais, et à moindre occupation des espaces disponibles, des unités de surface de premier et second rang, ainsi que des unités de soutien.

Reste à voir, désormais, si la Marine nationale voudra, ou pourra, se porter acquéreuse de ce système pour les déployer sur des unités navales représentatives, comme ce fut le cas des porte-avions de la classe Nimitz pour le RIM-116, afin d’en démontrer le potentiel opérationnel, ainsi que la facilité de déploiement.

Reconnaissons que le LMP aurait parfaitement sa place sur les frégates FREMM, Horizon et FDI pour en renforcer la defense rapprochée, ainsi qu’à bord des PHA de la classe Mistral, que l’on sait particulièrement exposer dans ces domaines, et qui peuvent, le cas échéant, déployer des drones et unités navales sans équipages, pour en accroitre l’efficacité.

Les armées norvégiennes renoncent à davantage de Leopard 2 pour durcir leur defense antiaérienne

Le chef d’état-major des armées norvégiennes, le général Lars Lervik, a annoncé que la Norvège n’exercerait pas l’option pour 18 chars supplémentaires prévue par la commande de 54 Leopard 2A8 récemment passée, afin de libérer les crédits nécessaires pour renforcer les capacités de defense anti-aérienne des armées royales du pays. Cet arbitrage semble influencé par les retours d’expérience de la guerre en Ukraine.

En février 2023, Oslo annonçait la victoire de l’Allemand Krauss-Maffei Wegmann et de son char Leopard 2A7 pour remplacer ses Leopard 2A4NO, au terme d’une compétition très serrée ayant opposé le char allemand au K2 Black Panther sud-coréen.

La Norvège renonce à l’option sur 18 Leopard 2A8 pour renforcer ses défenses antiaériennes

Cette commande portait alors sur 54 nouveaux chars pour 19,7 milliards de couronnes norvégiennes (1,7 Md€), avec une option, alors jugée très probable, sur 18 blindés supplémentaires.

Quelques semaines plus tard, après que le Leopard 2A8 fut présenté publiquement par KMW, la Norvège annonça qu’elle se porterait acquéreuse de cette nouvelle version, somme toute relativement proche du Leopard 2A7+ initialement retenu, en termes de capacités, d’équipement, de performances, mais aussi de prix.

De fait, l’annonce faite par le général Lars Lervik, chef d’état-major de l’armée norvégienne, au site d’information spécialisé américain Breakingdefense.com, va certainement entrainer certaines déceptions à Munich.

Leopard 2A7 K2 Black Panther norvege
Le Leopard 2A7 (à gauche) et le K2 Black Panther (à droite) ont fait jeu égal lors des essais en Norvège.

En effet, le militaire norvégien a indiqué qu’Oslo n’exercerait pas l’option prévue par la commande de 54 Leopard 2A8, afin de financer le renforcement de la défense antiaérienne de ses armées.

Cette annonce peut apparaitre surprenante de prime abord. Elle l’est pourtant beaucoup moins, au regard de la faible dotation des armées norvégiennes dans ce domaine. En effet, celles-ci ne disposent, à ce jour, que d’une batterie NASAMS III, pour un pays de plus de 300 000 km², plus de la moitié de celle de la France.

Un arbitrage cohérent avec la posture défensive des armées norvégiennes face à la Russie

En outre, la guerre en Ukraine a montré le rôle essentiel des defense antiaériennes et antimissiles pour la protection des infrastructures critiques, mais aussi pour interdire le ciel aux appareils adversaires, qu’ils soient russes ou ukrainiens, de manière bien plus efficace que ne le font les chasseurs de supériorité aérienne.

Cette même guerre en Ukraine a aussi montré que, s’il était indispensable de disposer de chars lourds dans le contexte interarmes, l’avantage aujourd’hui est explicitement donné à la défense, alors que la manœuvre blindée semble, quant à elle, largement contenue dès lors que l’adversaire a pu se retrancher et déployer son artillerie de manière efficace.

Armées norvégiennes nasams
Les armées norvégiennes ne disposent aujourd’hui que d’une unique batterie NASAMS pour un pays de 330 000 km².

Ainsi, même les chars les plus modernes déployés sur la ligne de front en Ukraine, qu’il s’agisse des Leopard 2A6 d’origine allemande, des Challenger 2 britanniques, ou des T-90M russes, se montrent vulnérables dès qu’ils tentent de franchir ces lignes défensives préparées, frappés de toutes parts par des missiles antichars guidés, des roquettes, des munitions rôdeuses et l’artillerie.

Protéger les bases de la Luftforsvaret, l’armée de l’air norvégienne

Dans ce contexte, l’arbitrage de l’état-major norvégien, qui dans tous les cas se concentre avant tout sur des scénarios purement défensifs, prend naturellement tout son sens, et l’on comprend pourquoi la densification des défenses antiaériennes.

Celles-ci devront notamment protéger les bases aériennes à partir desquels la cinquantaine de F-35A de la Luftforsvaret, l’Armée de l’air norvégienne, devront opérer, ces appareils portant l’essentiel de la puissance de feu combinée des armées norvégiennes dans les années à venir.

Un pays exemplaire à plus d’un titre concernant ses armées

En bien des aspects, la Norvège fait partie des pays européens les plus volontaires en matière de défense. Il s’agit d’un des pays européens ayant le plus PIB par habitant, à 90 000 $ contre 51 000 pour l’Allemagne et 43 000 $ pour la France.

C’est également un des pays ayant la plus importante représentativité des armées dans la population, avec un militaire d’active pour 220 habitants, contre un pour 436 pour la France, et un pour 480 habitants en Allemagne.

F-35A Norvège décollage de nuit
Avec une flotte de plus de 50 F-35A, les armées norvégiennes font reposer une grande partie de leur puissance de feu sur leur flotte de chasse furtive.

Et si, à l’instar de ses voisins européens, Oslo s’était aussi laissé leurrer par les bénéfices de la paix, en ramenant son effort de defense sous la barre des 1,4 % de son PIB en 2012, ses armées bénéficient toujours d’un budget proportionnellement supérieur à celui de ses alliés, du fait de l’extraordinaire PIB par habitant du pays, ne cédant qu’au Luxembourg et ses 133 000 $ par an et par habitant, sur le vieux continent dans ce domaine.

Comme la plupart des membres de l’OTAN, Oslo s’est engagé, peu après l’agression russe contre l’Ukraine, à amener son effort de defense au-delà de 2 % de son PIB, d’ici à 2026. À cette date, les 5,5 millions de Norvégiens dépenseront autant que les 20 millions de Roumains pour leurs armées respectives.

Dassault aviation miserait sur l’assemblage de Rafale exports en Inde pour s’adjuger le super contrat MRCA-2 ?

Selon la presse indienne, Dassault aviation envisagerait d’assembler une partie des Rafale de son carnet de commande international, en Inde. Si l’information n’est pas confirmée à ce jour, elle n’en aurait pas moins beaucoup de sens, en parant l’offre française pour le contrat MRCA-2, d’atours hors de portée de ses concurrents américains, russes ou européens.

La visite du premier ministre indien, narendra Modi, en France en juillet dernier, à l’occasion des célébrations du 14 juillet, fut l’occasion pour Dassault aviation d’entamer les dernières négociations pour une commande de 26 Rafale M destinés à la Marine indienne.

Dans le même temps, Naval group faisait de même au sujet de la levée de l’option pour trois sous-marins Scorpene de la classe Kalvari, qui seront assemblés à Goa pour rejoindre les six navires déjà construits et bientôt tous en service au sein de cette même marine indienne.

Des coopérations stratégiques en discussion entre Paris et New Delhi

Mais ces deux contrats, déjà spectaculaires, pourraient bien représenter uniquement la partie émergée de l’iceberg, concernant la coopération industrielle et technologique defense franco-indienne dans les années à venir.

Déjà, en juillet dernier, plusieurs coopérations potentielles avaient été annoncées, notamment dans le domaine des turboréacteurs d’avions de combat, alors que New Delhi ambitionne de developper deux appareils majeurs dans les années à venir, le AMCA qui devra remplacer les Su-30MKI des forces aériennes indiennes, et le TEDBF devant équiper le futur porte-avions CATOBAR indien.

TEDBF inde
Dassault aviation et Safran sont supposés rejoindre le développement du Twin-engined Deck-based Fighter ou TEDBF, le futur chasseur embarqué indien.

Mais d’autres sujets avaient aussi fuités, particulièrement dans la presse indienne, en particulier au sujet d’une assistance française concernant le programme de sous-marins nucléaires d’attaque de facture nationale.

Ainsi, Naval group se serait déclaré enthousiaste à l’idée d’aider l’Inde à developper son propre SNA, y compris au travers de certains transferts de technologies, si New Delhi venait préalablement à commander des sous-marins Scorpene supplémentaires.

Même si la presse indienne est réputée peu fiable, souvent par excès d’enthousiasme, le fait est que cette commande est bel et bien engagée, et que les informations autour d’une coopération franco-indienne autour du programme de SNA indien, se font tous les jours plus insistantes.

L’assemblage de Rafale en Inde pour s’adjuger le contrat MRCA-2

Dès lors, lorsque cette même source affirme que Dassault envisagerait de déployer en Inde un site d’assemblage du Rafale, pour répondre aux commandes qui s’accumulent au-delà des capacités de production du site de Mérignac, il convient d’y prêter attention.

Certes, l’information relayée par le site indien peut paraitre suspecte. En effet, Dassault a encore récemment soutenu que sa chaîne d’assemblage pouvait produire 3, voire 4 Rafale par mois, et que les difficultés rencontrées aujourd’hui provenaient surtout de la chaine de sous-traitance qui ne parvenait pas à trouver les financements nécessaires pour suivre la courbe de croissance des ventes de l’avion.

Pour autant, une telle stratégie de communication et de vente, aurait évidemment beaucoup de sens pour Dassault Aviation qui, au-delà des 26 Rafale M en cours de négociations, vise notamment les 114 appareils de la compétition MRCA 2.

Rafale en Inde
Le contrat MRCA-2 indien porte sur la construction locale de 114 chasseurs moyens ou légers afin de remplacer les Mig-21, Sepecat jaguar et Mirage 2000 de l’IAF qui vont être retirés du service d’ici à 2030.

Pour ce faire, Dassault a tout intérêt à s’appuyer sur son principal atout, à savoir son carnet de commande export particulièrement bien fourni, en faisant miroiter à New Delhi la possibilité d’assembler une partie de ce carnet de commande sur le site dédié aux Rafale B/C et peut-être M des forces aériennes et navales indiennes.

En effet, aucun des concurrents de l’avion français, qu’il s’agisse du F-21 ou du F-15EX américains, du Typhoon européen, du Gripen suédois, ou du Su-35s russe, ne peut proposer de telles compensations, qui feraient de l’Inde un exportateur d’avions de combat. Ce dernier point aurait naturellement beaucoup de poids sur la posture nationaliste du président Modi et de son gouvernement.

Notons enfin qu’il est probablement préférable, aujourd’hui pour Dassault Aviation, de ne pas saturer ou surdimensionner son outil industriel autour du Rafale, sachant qu’il va très probablement devoir, d’ici à quelques années, produire en parallèle le drone de combat dérivé du Neuron évoqué par la LPM, mais aussi faire évoluer l’ensemble de la flotte vers les standards F4 puis F5.

Après quoi, dès 2035, il sera nécessaire de basculer vers la production du NGF du programme SCAF. Enfin, d’un point de vue de la production de valeur et de l’emploi, l’assemblage ne représente qu’une partie de la valeur de l’avion, dont le prix repose surtout sur le prix de ses composants comme les réacteurs, les systèmes de bords ainsi que l’armement et les systèmes de maintenance.

Une stratégie performante et pertinente pour Dassault aviation et la France

En d’autres termes, l’activité transférée vers l’Inde, dans cette hypothèse, serait très largement compensée, pour la France, par la commande de 114 appareils dont beaucoup de composants seront produits dans l’hexagone.

Dassault aviation Rafale Neuron
Dassault va devoir, dans les années à venir, faire cohabiter l’assemblage de Rafale neufs, la modernisation des Rafale existants, et la production de drones de combat dérivés du Neuron, sur son site de Mérignac.

On le voit, les indiscrétions obtenues par le site idrw.org, sont loin de ne pas supporter une analyse minutieuse, et s’intègrent même parfaitement dans une possible stratégie commerciale efficace de Dassault Aviation en Inde.

Considérant les enjeux et la concurrence féroce entourant le contrat MRCA-2, on comprend par ailleurs que Dassault Aviation puisse vouloir privilégier la discrétion, au même titre que Naval group au sujet du programme de SNA indien.

Reste à voir, maintenant, si effectivement cette rumeur et les hypothèses qui en découlent, se concrétiseront par de nouveaux contrats pour les industriels français, et par le renforcement de la coopération franco-indienne en matière de défense ?

La Marine indienne se rapproche d’un second porte-avions classe Vikrant

La construction d’un second porte-avions classe Vikrant est désormais l’hypothèse privilégiée par la Marine indienne pour se doter d’un troisième porte-avions, selon l’amiral R Hari Kumar, son chef d’état-major. Cette hypothèse a, en effet, de nombreux attraits considérant les nombreuses contraintes opérationnelles, industrielles et politiques auxquelles le programme devra faire face pour voir le jour.

À l’instar de plusieurs autres grandes marines mondiales, la Marine indienne doit faire face, aujourd’hui, simultanément aux besoins de renouvellement de sa flotte vieillissante, du développement de nouvelles capacités et technologies conformes au rang qu’a dorénavant le pays, et à la compétition lancée par Pékin qui développe à marche forcée la plus importante flotte mondiale depuis l’US Navy de 1945.

160 navires pour la Marine indienne en 2030

Dans le même temps, celle-ci doit aussi composer avec des contraintes purement indiennes, notamment des hésitations politiques entrainant d’importants retards, et des ambitions industrielles et technologiques, elles aussi politiques, encadrées sur un calendrier probablement trop ambitieux.

C’est dans ce contexte que la Marine Indienne doit developper son plan industriel pour les années à venir, visant notamment à relever le défi imposé par la Marine chinoise, et par son soutien à la Marine pakistanaise.

sous-marin classe Kalvari Scorpene inde
Pour soutenir son ambition, la Marine indienne va commander 3 sous-marins de la classe Kalvari supplémentaires auprès de Naval Group.

Pour répondre à ces défis, elle prévoit de faire progresser sa flotte de 30 % pour atteindre 160 navires d’ici à 2030, mais aussi de la doter de nouvelles capacités avec, par exemple, la construction d’une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque, avec le probable soutien de la France.

Quel sera le 3ᵉ porte-avions indien ?

Si beaucoup des programmes indiens ont d’ores et déjà été annoncés, un arbitrage demeurait en suspend depuis plusieurs années, concernant la construction d’un éventuel troisième porte-avions.

À ce jour, la Marine indienne dispose de deux porte-avions. L’INS Vikramaditya est un navire soviétique de la classe Kiev acquis auprès de la Russie en 2004, puis reconstruit par les chantiers navals indiens pour entrer en service en 2014.

Le second navire est l’INS Vikrant, le premier porte-avions de conception et de fabrication nationale, bien qu’inspiré du Vikramaditya, dont la construction débuta en 2009, et qui entra en service en 2022.

Initialement, la Marine indienne devait se doter d’un troisième porte-avions, à nouveau de conception locale, et avec ses 65 000 tonnes, beaucoup plus imposant que les 45 000 tonnes des Vikramaditya et Vikrant.

Le porte-avions classe Vikrant à la préférence de la Marine indienne

Toutefois, ce programme était loin d’avoir l’aval de la Marine indienne elle-même, le jugeant trop cher, trop imposant et inadapté aux réalités industrielles du pays. Le bras de fer entre le pouvoir politique attaché au symbole d’un porte-avions lourds comparable au nouveau Fujian chinois, et la Marine indienne privilégiant un navire de la même classe que le Vikrant, semble avoir tournée en faveur de la seconde.

Marine indienne porte-avions classe Vikrant
Le porte-avions INS Vikrant est le premier navire de ce type entièrement conçu et fabriqué en Inde.

En effet, le chef de la Marine indienne, l’amiral R Hari Kumar, s’est ouvertement exprimé en faveur d’un sistership de l’INS Vikrant pour devenir le troisième porte-avions indien.

Assurément, l’hypothèse a de nombreux attraits pour l’Indian Navy. En premier lieu, elle permet de tirer profit des acquis et des compétences de l’industrie navale indienne autour de la conception et surtout de la construction du Vikrant.

En outre, elle permet effectivement de planifier une entrée en service d’ici au début de la prochaine décennie, soit lorsque les tensions seront probablement à leur paroxysme entre Washington et Pékin, avec d’importants risques d’embrasement régional.

L’hypothèse est par ailleurs sensiblement plus économique, permettant notamment à la Marine indienne de libérer les crédits nécessaires pour financer le programme de sous-marins nucléaires d’attaque, jugé indispensable.

Enfin, elle est raisonnable quant aux contraintes industrielles indiennes, en particulier pour ce qui concerne les obligations du Make in India autour de certains composants clés, comme les brins d’arrêt et le radar d’appontage.

Une nouvelle opportunité pour le Rafale M français

L’hypothèse d’un second navire de la classe Vikrant pourrait avoir des conséquences inattendues pour le chasseur embarqué Rafale M français. En effet, si le navire est effectivement livré à la fin de la décennie, pour entrer en service au début des années 2030, il est très peu probable que le chasseur embarqué indien TEDBF soit opérationnel pour l’armer.

Rafale M
La construction d’un sistership à l’INS Vikrant pourrait amener New Delhi à commander de nouveaux Rafale M, au-delà des 26 appareils annoncés en juillet dernier.

Dans le même temps, le Rafale M sera le fer de lance du groupe aérien embarqué de l’INS Vikrant, alors que les Mig 29 indiens resteront cantonnés à l’INS Vikramaditya. Il sera par ailleurs disponible à cette date en version F5, probablement épaulés alors d’un drone embarqué furtif dérivé du Neuron et de drones Remote Carrier.

Dans ces conditions, il est probable que New Delhi envisagera alors une nouvelle commande de Rafale M pour armer son 3ᵉ porte-avions, donnant les délais nécessaires au programme TEBDF pour armer le successeur du Vikramaditya, qui sera peut-être le navire de 65.000 tonnes dotés de catapultes initialement envisagé.

Reste que la plupart de ces grands programmes indiens, ont une caractéristique peu enviable, celle d’être l’objet de nombreuses ambitions politiques et industrielles, qui viennent bien souvent considérablement les retarder, voire les faire purement et simplement dérailler, comme ce fut le cas avec le programme MRCA qui devait permettre à l’Indian Air Force de se doter de 114 avions Rafale, et non de seulement 36.

Il faudra donc à ce programme et à la Marine indienne, franchir un véritable parcours du combattant politico-industriel avant de pouvoir le lancer, et autant de détermination pour le mener à terme.

Considérant les enjeux sécuritaires régionaux, le rôle stratégique de l’Inde dans cette équation stratégique, et la plus-value qu’un tel porte-avions pourrait y apporter, on ne peut qu’espérer que la Marine indienne et l’amiral R Hari Kumar, obtiennent gain de cause et parviennent à le lancer le plus rapidement possible.

L’hypothèse du porte-avions européen réémerge à Bruxelles

Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, a une nouvelle fois fait référence à la possibilité de donner naissance à un porte-avions européen, alors qu’il présentait les grandes lignes du programme d’investissement européen de défense qui se veut historique. Évoque de manière répétée depuis plusieurs années, l’hypothèse de construire et de mettre en œuvre un porte-avions à l’échelon européen, s’est toujours heurtée à de nombreuses difficultés, certaines rédhibitoires. Pourtant, en sortant de la vision triviale de ce programme, des solutions réalistes et efficaces peuvent être imaginées pour lui donner corps.

Les Marines européennes disposent, à ce jour, de trois porte-avions, les HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Walles britanniques et le Charles de Gaulle français, seul navire équipé de catapultes, de brins d’arrêt et d’une propulsion nucléaire sur le vieux continent.

S’y ajoutent trois porte-aéronefs, les Cavour et Trieste italiens, ainsi que le Juan Carlos I espagnol. Comme les navires britanniques, ceux-ci sont dépourvus de catapultes et brins d’arrêt, et ne peuvent, dès lors, que mettre en œuvre des hélicoptères ou des chasseurs à décollage court ou vertical Harrier ou F-35B.

Les couts de construction de ces navires, de leur escorte, et de leur groupe aérien embarqué, ainsi que les dotations en personnels nécessaires pour les mettre en œuvre, limite considérablement les possibilités d’extension de cette flotte.

Une flotte de porte-avions en Europe disparate et non coordonnée

Ainsi, interrogé sur le sujet par la commission défense de l’Assemblée nationale française, l’Amiral Nicolas Vaujour a admis qu’il serait probablement hors de portée de la Marine nationale de se doter d’un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération, celle-ci n’ayant ni les ressources budgétaires, ni les ressources humaines, pour y parvenir.

Porte-avions européen Charles de Gaulle et HMS Queen Elizabeth
Avec trois porte-avions et trois porte-aéronefs, la flotte aéronavale européenne est la seconde force navale la plus importante dans ce domaine sur la planète.

Pour autant, et comme le montre l’appareillage en urgence de l’USS Gerald Ford et de son escorte, en escale à Marseille et Toulon, pour aller se déployer au large d’Israël, le porte-avions, et son groupe aérien embarqué, offrent des moyens politiques et milliaires uniques dans de nombreux domaines.

Or, à ce jour, la répartition et le manque de coordination des marines européennes, mais aussi des pays eux-mêmes, handicapent considérablement l’exploitation de cette flotte pourtant considérable, puisque la seconde flotte aéronavale de la planète derrière celle des Etats-Unis.

C’est dans ce contexte qu’une hypothèse re-émerge de manière régulière au niveau européen, à savoir la possibilité de construire et de mettre en œuvre un ou plusieurs porte-avions à l’échelon européen, plutôt qu’à l’échelon national.

Thierry Breton exhume l’idée du porte-avions européen

Celle-ci a été avancée, une nouvelle fois, par le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, en charge notamment de la politique industrielle et technologique au niveau de l’Union européenne.

Cette annonce est intervenue alors que le commissaire européen présentait les prémices de ce qui sera le nouveau programme européen d’investissement en matière d’équipement de défense, qu’il promet d’être plus ambitieux que jamais, pour répondre à l’évolution rapide de la situation sécuritaire internationale.

L’idée d’un porte-avions européen n’est pas nouvelle, et avait même, en son temps, reçu l’aval de certaines des plus importantes puissances européennes, en l’occurrence l’Allemagne par la voix d’Angela Merkel en 2018, alors que la France et elle etaient bien mieux alignés qu’elles ne le sont aujourd’hui.

PAN Charles de Gaulle et frégate FREMM classe Aquitaine
Avec un unique porte-avions, la Marine nationale ne peut garantir de permanence opérationnelle pour son groupe aéronaval que la moitié du temps.

Toutefois, et au-delà des aspirations et des ambitions européennes, construire et mettre en œuvre un porte-avions, au niveau européen, devrait relever des défis très importants.

Une idée récurrente, mais très difficile à mettre en œuvre

En premier lieu, l’Union européenne n’étant pas un État fédéral, elle ne dispose pas de forces armées propres. De fait, l’armement et la mise en œuvre du ou des navires devraient être confiés à une marine européenne, avec la possibilité d’imposer des équipages, moyens aériens et escortes mixtes.

Ce scénario suppose cependant que l’ensemble des pays participant à la mission soient en permanence strictement alignés en matière de politique internationale et de possibilité d’engagement, ce qui relève davantage du vœu pieux que de la réalité constatée ces dernières années.

Même en admettant que l’ensemble de ces obstacles soit contourné, reste à déterminer à qui reviendrait la décision d’employer le navire et ses moyens. N’étant pas un état, l’UE n’a aucune légitimité pour décider de mener une action de guerre, alors que la mise en œuvre d’unités multinationales, aussi versatiles qu’un porte-avions, serait beaucoup plus complexe à coordonner que ne le sont les unités internationales européennes terrestres.

Enfin, la plupart des marines européennes font aujourd’hui face à d’immenses problèmes pour maintenir leurs effectifs. Il est peu probable qu’elles acceptent de se séparer d’une partie de leurs effectifs au profit d’une mission aussi incertaine que la mise en œuvre d’un porte-avions sous commandement multinational.

RAF F-35B HMS Queen Elizabeth
En dehors du PAN Charles de Gaulle français, tous les porte-avions et porte-aéronefs européens mettront en œuvre le F-35B Lightning 2 américains.

Si cela ne devait pas suffire, un éventuel porte-avions européen imposerait des choix technologiques qui pourraient être difficiles, voire impossible à arbitrer au niveau de l’UE. En effet, en dehors de la France qui dispose du Rafale M à bord du Charles de Gaulle, l’ensemble des autres porte-avions et porte-aéronefs européens sont ou seront armés de F-35B qui, eux, ne sont pas européens le moins du monde.

Il sera donc très difficile, au niveau européen, d’imposer un appareil européen, français qui plus est, à ces marines, comme il sera impossible à Bruxelles d’imposer le F-35B à la France et sa Marine nationale.

De fait, l’initiative risque fort d’être perçue soit comme une manœuvre d’un commissaire français pour tenter d’imposer un avion de combat français en Europe, soit d’un renoncement radical à l’autonomie stratégique et industrielle européenne, par une soumission technologique et politique aux Etats-Unis au travers du F-35B.

Aller au-delà de l’idée triviale du porte-avions européens

Alors, le porte-avions européen, serait-il un doux fantasme de certains idéalistes bruxellois ? Pas nécessairement…

Encore faut-il élargir le paradigme englobant la notion de porte-avions européen. L’une des possibilités, par exemple, serait de permettre à l’UE de participer au financement de certains programmes nationaux, tout en exigeant certaines contraintes d’utilisation et de mise en œuvre du navire, de son groupe aérien et de son escorte.

Rappelons que, déjà, le Charles de Gaulle est très souvent mis en œuvre avec une escorte européenne, certains pays comme la Belgique et les Pays-Bas, étant particulièrement présent dans ce domaine en fournissant des frégates à la Task Force sous commandement français.

Rafale M Marine Nationale
La Belgique et les Pays-Bas pourraient mettre en œuvre une flottille de Rafale M puis de NGF pour armer un éventuel PA2 franco-européen.

Dans une telle hypothèse, on peut aisément imaginer que, pour répondre aux contraintes auxquelles fait face la Marine nationale pour un second PANG, que ces deux pays puissent participer tant pour fournir une partie de l’équipage qu’une partie de l’escorte, et ce, de manière beaucoup plus permanente et structurer qu’aujourd’hui.

En allant plus loin, rien n’empêcherait que ces deux pays puissent conjointement mettre en œuvre une ou deux flottilles de Rafale M embarqués, destinés précisément à opérer à bord du navire, ainsi qu’une flottille de E-2D Hawkeye.

La même articulation peut s’imaginer autour d’un second porte-aéronefs de la classe Juan Carlos I mis conjointement en œuvre entre l’Espagne et le Portugal, ou autour d’un second Trieste italien, qui pourrait intégrer de manière structurée des éléments grecs, bulgares ou roumains.

Conclusion

C’est probablement au travers d’accord multinationaux européens, voire au-delà en y intégrant la Grande-Bretagne et la Norvège, qu’il serait possible de donner naissance à une telle initiative, et d’utiliser convenablement les moyens dont peut disposer l’Union européenne dans ce domaine, tout en contournant les contraintes et limitations qui l’entourent.

Reste que le chemin demeure encore particulièrement long et tortueux pour que la Commission européenne et Thierry Breton puissent donner corps efficacement à l’idée d’un porte-avions européen.

Pour autant, considérant l’instabilité croissante en Méditerranée orientale, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique, ainsi que la montée en puissance des marines chinoises et russes, la possibilité de renforcer la composante aéronavale à l’échelle de l’Europe, aurait évidemment beaucoup de sens et d’intérêt.

De fait, s’il peut être tentant de balayer d’un revers de la main l’ouverture faite par Thierry Breton, il serait probablement bien plus efficace de s’en saisir pour tenter de lui donner corps, quitte à devoir imaginer des articulations plus originales que l’image d’un porte-avions européen donne de manière triviale.

GCAP : L’Italien Leonardo exige un rééquilibrage industriel du programme d’avions de combat de 6ᵉ génération

Dans une sortie peu commune, le CEO de Leonardo, Roberto Cingolani, a exigé que le programme GCAP soit rééquilibré du point de vue industriel, afin de permettre à l’Italie, et son entreprise, d’y prendre toute sa place, face à l’omniprésence du couple formé par Londres et Tokyo depuis l’arrivée de ce dernier. À cette occasion, il a donné des détails sur l’organisation du partage industriel du programme, donné des indices intéressants sur les raisons de l’apparente harmonie régnant entre ses trois participants.

Depuis l’intégration du Japon, le programme GCAP (Global Combat Air Programme) qui rassemblait jusque-là la Grande-Bretagne et l’Italie, semblait progresser de manière bien plus ordonnée et paisible que son homologue européen, le programme SCAF composé de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne.

En effet, là où le SCAF faillit dérailler il y a quelques mois sur des problèmes de partage industriel entre le Français Dassault Aviation et l’Allemand Airbus DS, le programme donnait une image d’harmonie et de coopération laissant supposer un partage industriel, budgétaire et politique bien mieux maitrisé par Londres, Rome et Tokyo.

Roberto Cingolani exige plus de place pour l’Italie et Leonardo dans le programme GCAP

Dès lors, la sortie faite, il y a quelques jours, par Roberto Cingolani, le CEO de Leonardo, partenaire du programme depuis son lancement, en surprit plus d’un. En effet, pour l’industriel italien, il est désormais temps de rééquilibrer en profondeur le programme, et d’en faire un véritable programme tripartite, et non plus une collaboration britannico-nippone avec l’Italie pour spectatrice.

GCAP système de systèmes
Leonardo n’a pas l’intention de jouer les seconds rôles dans le système de systèmes du programme de chasseur de 6ᵉ génération

Le CEO a ainsi exigé un rôle plus important pour son entreprise dans le projet et l’organisation d’un véritable plan de partage industriel, qui aujourd’hui n’a, semble-t-il, pas encore été négocié entre les trois partenaires.

Selon ses dires, en effet, le programme GCAP repose, jusqu’à présent, sur la mise en commun d’idées et de compétences, et le partage industriel, sujet pourtant ô combien complexe et difficile, n’aurait pas, pour l’heure, été négocié, entrainant des déséquilibres flagrants, y compris dans les grandes orientations du programme.

Effectivement, depuis quelques mois, celui-ci donne bien davantage l’image d’un programme bilatéral entre Londres et Tokyo, plutôt que trilatéral avec Rome, tout au moins dans l’image publique donnée.

Pour autant, les exigences de l’industriel, risquent de se confronter à une réalité difficile à contourner, à savoir la faible participation de l’État italien dans le financement du programme.

Le faible engagement budgétaire italien jusqu’en 2035

En effet, à ce jour, Rome ne s’est engagé qu’à dépenser 3,8 Md€ dans celui jusqu’en 2035, c’est-à-dire à la date de mise en production industrielle. Ce montant représente de 35 % des 10 Md£ qui seront dépensés par Londres sur la même période, tout comme le Japon.

Eurofighter Typhoon forces aériennes italiennes
Les forces aériennes italiennes prévoient de remplacer leurs 94 Eurofighter Typhoon par l’appareil qui sera conçu dans le cadre du programme GCAP

En d’autres termes, sur la phase de recherche et de développement qui devrait durer jusqu’en 2035, les engagements d’investissements italiens ne représentent, à ce jour, que 15 % des 25 Md€ investis.

Ce rapport est sensiblement meilleur en considérant la flotte d’appareils devant être commandés. Ainsi, la Royal Air Force prévoit de remplacer ses 137 Eurofighter Typhoon, et le Japon ses 87 Mitsubishi F-2, et probablement une partie de ses F-16J.

De leur côté, les forces aériennes italiennes ne seront obligées de remplacer que leurs 94 Eurofighter Typhoon, les 75 F-35A et B commandés sur les 100 prévus à ce jour devant remplacer les 90 Panavia Tornado et AV-8B Harrier en service, soit 25 % des 370 appareils qui pourraient être commandés par ces trois pays.

Des négociations difficiles en perspective autour du partage industriel

Dans ce contexte, et en dépit du fait que Leonardo fut l’un des piliers industriels ayant permis l’émergence de ce programme, il est peu probable que le partage industriel se fasse de manière « équilibrée » comme l’exige Roberto Cingolani, sauf à ce que tous les crédits italiens soient uniquement fléchés vers Leonardo, ce qui est, en effet, possible.

Tempest FCAS maquette
Leonardo était présent dès le lancement du FCAS et de son avion Tempest, avant même que l’Italie ne rejoigne le programme.

Reste que les déclarations du CEO italien, permirent surtout de comprendre l’origine de l’apparente harmonie donnée par le programme, qui a, de toute évidence, soigneusement évité « les sujets qui fâchent » jusqu’ici.

Nous verrons bien si, une fois ceux-ci sur la table des négociations, cette harmonie demeurera, en particulier avec un pays comme le Japon, peu habitué aux programmes multinationaux.

Artillerie : Nouveau record de portée pour un obus annoncé par BAe

L’artillerie occidentale ne cesse de progresser. L’US Army et l’industriel BAe ont annoncé dans un communiqué avoir établi un nouveau record de portée avec l’obus à propulsion additionnée XM1155-SC tiré d’un M109 Paladin, qui aurait dépassé la portée des systèmes lance-roquettes actuels, soit au-delà de 70 km.

Par-delà cette annonce, l’artillerie occidentale est engagée, depuis plusieurs années, dans un immense bond en avant pour accroitre son efficacité et ses performances, renforcée dans sa détermination par le rôle stratégique qu’elle joue dans le conflit en Ukraine.

Il ne fait aucun doute que la guerre en Ukraine aura profondément bousculé nombre de paradigmes en matière de conduite des opérations militaires et d’équipement. Entre l’utilisation massive des drones, le brouillage intensif déployé de part et d’autres pour s’en prémunir, le retour tonitruant du combat de blindés, ou encore la neutralisation de la force aérienne, elle aura renversé une multitude de certitudes héritées de la guerre froide et des guerres anti-terroristes lui ayant succédé.

C’est toutefois incontestablement l’artillerie qui aura, lors de cette guerre, le plus profondément changé de statut, au point que la consommation d’obus d’artillerie de 122 mm et de 152/155 mm est devenue, pour la Russie comme pour l’Ukraine, un enjeu stratégique conditionnant l’ensemble de l’action militaire.

Il n’est donc pas étonnant de constater les nombreux efforts entrepris récemment pour developper de nouveaux systèmes d’artillerie susceptibles d’offrir des performances accrues, en étant plus mobile, plus précis et dotés d’une précision supérieure, de sorte à prendre l’ascendant sur l’adversaire dans ce qui est devenu le plus important et long duel d’artillerie depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’allongement du tube des canons d’artillerie

Plusieurs alternatives technologiques sont explorées dans ce domaine. Ainsi, l’allongement des tubes, avec les fameux tubes de 52 calibres (longueur du tube vis-à-vis du calibre de l’arme, soit 52 x 155 mm = 8,06 m) qui équipent les Caesar français et Pzh2000 allemands, permettent d’accroitre la portée de près de 40 % vis-à-vis des tubes de 39 calibres avec des obus classiques, passant de 24 à presque 40 km.

Artillerie ERCA 58 calibre US Army
Le programme ERCA de l’US Army vise à doter le M109 d’un tube de 9 mètres pour dépasser les 40 km de portée avec des obus classiques.

Les Etats-Unis sont allés plus loin, dans ce domaine, avec le tube de 58 calibres (9 mètres) du programme ERCA (Extended Range Cannon Artillery), permettant d’atteindre des cibles au-delà de 55 km avec ces mêmes obus.

Toutefois, l’allongement du tube ne se fait pas sans contraintes, en particulier concernant la durée de vie de celui-ci, sensiblement plus réduite que celle des tubes de 39 calibres traditionnels qui équipent les M109 américains, les AS91 britanniques ou les AuF1 français.

Or, la guerre en Ukraine a aussi montré qu’au-delà des performances mêmes, il était indispensable que les systèmes d’artillerie soient robustes et puissent soutenir une activité intense sur la durée.

Les obus guidés à portée additionnée

Si d’importantes recherches sont entreprises de part et d’autres de l’atlantique en matière de métallurgie pour produire des tubes plus résistants, une seconde piste est explorée depuis plusieurs années pour accroitre portée et précision des systèmes d’artillerie, en modifiant, cette fois, l’obus.

Il s’agit des obus guidés à propulsion additionnée, disposant d’un statoréacteur ou d’un moteur fusé délivrant une poussée supplémentaire pour en étendre l’autonomie de vol, donc la portée, ainsi que d’un système de guidage, souvent mixte GPS-inertiel, pour garantir sa précision. C’est la solution retenue par plusieurs obus comme l’Excalibur de BAe, le Vulcano de Leonardo ainsi que le Katana de Nexter.

obus de 155 mm
La production d’obus d’artillerie est devenue un enjeu stratégique pour l’Ukraine comme pour la Russie.

Ces obus permettent d’ores et déjà d’atteindre des cibles entre 40 et 50 km de distance, à partir du tube de 39 calibres du M109 Paladin de l’US Army, le mettant sur un pied d’égalité avec les Caesar et Pzh2000 européens.

Nouveau record pour l’obus XM1155-SC de BAe

C’est dans ce domaine que BAe et l’Army’s Combat Capabilities Développent Command Armaments Center américain, viennent d’annoncer avoir battu un nouveau record de portée à partir d’un M109 à tube court.

Sans donner la portée atteinte, le communiqué de presse précise que l’obus employé, le XM1155-SC, aurait atteint une portée supérieure à celle des systèmes lance-roquettes actuels. Sachant qu’une roquette M31 GMLRS atteint les 71 km, on peut supposer que le XM1155-SC aurait atteint une portée située entre 75 et 80 km.

Si la technologie des obus à propulsion additionnée est plus que prometteuse, et qu’elle donnerait des résultats spectaculaires en Ukraine, elle n’est pas, elle non plus, dénuée de contraintes importantes. Ainsi, les obus sont considérablement plus complexes et longs à produire, alors que la production de ces munitions est au cœur du rapport de force entre les deux belligérants.

M109 Paladin Ukraine
Le record établit par le XM1155-SC de BAe l’a été à partir d’un M109 Paladin équipé d’un tube de 39 calibre.

Surtout, ils sont beaucoup plus chers que les obus traditionnels, un obus Excalibur coutant autour de 100 000 $, soit 25 fois plus cher qu’un obus ERFB. Leur précision permet certes d’en réduire le nombre employé pour un effet identique, mais pas dans de telles proportions.

Une équation opérationnelle complexe à équilibrer

On le voit, l’équation qui entoure l’évolution de l’artillerie dans les années à venir, est tout sauf simple. Elle doit simultanément répondre à des contraintes importantes en termes de mobilité, de portée et de précision, mais aussi en termes de production industrielle, de robustesse et de couts, tout en s’appliquant simultanément sur le système d’artillerie lui-même et sur sa ou ses munitions.

Ce sera probablement à celui qui saura au mieux articuler l’ensemble de ces contraintes et objectifs, vis-à-vis de ses besoins opérationnels comme de capacités industrielles, que l’avantage opérationnel sera donné.

Une chose est certaine, toutefois : il n’existe certainement pas de solution toute faite à cette équation complexe, et il faudra bien se garder de jugement hâtif sur la base d’une vision nécessairement incomplète, pour comparer la puissance de l’artillerie d’une force armée avec celle d’une autre.