mardi, décembre 2, 2025
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La Suède met les Gripen ukrainiens sur la table des négociations pour son adhésion à l’OTAN

La Suède vient d’annoncer qu’elle liait dorénavant le dossier des JAS 39 Gripen ukrainiens à celui de son adhésion à l’OTAN, toujours bloquée par le veto de la Turquie et de la Hongrie, dans un complexe particulièrement complexe.

Deux mois à peine après le début de l’offensive russe en Ukraine, en avril 2022, la Finlande puis la Suède déclarèrent leur candidature pour rejoindre l’OTAN en procédure accélérée. Il s’agissait, pour ces deux pays qui étaient restés neutres pendant toute la guerre froide, d’un revirement considérable, et d’un premier échec pour la stratégie de Vladimir Poutine en Europe.

Si cette annonce fut très bien accueillie par l’immense majorité des membres de l’alliance, deux d’entre eux, la Hongrie et la Turquie, décidèrent de s’y opposer, tant pour des raisons de politique intérieure et de relations bilatérales avec Stockholm et Helsinki, que pour obtenir certaines concessions de la part des européens ou de Washington.

L’adhésion à l’OTAN suédoise retardée par la Turquie et la Hongrie

Un an plus tard, le 4 avril 2023, la Finlande devenait le 31ᵉ pays membre de l’Alliance Atlantique. La Suède, quant à elle, demeure encore sous la menace de la non-ratification de sa demande d’adhésion par les parlements hongrois et turcs.

Pour Budapest, il s’agit d’obtenir, par cette manœuvre, la levée de certaines sanctions européennes décrétées suite aux entorses de plus en plus sévères à certains engagements fondamentaux de la part du gouvernement hongrois, et de son président nationaliste Viktor Orban.

Magdalena Andersson Sanna Marin
La première ministre suédoise Magdalena Andersson (premier plan) et son homologue finlandaise Sanna Marin lors de la conférence de presse commune ce matin pour annoncer la décision de rejoindre l’OTAN des deux pays scandinaves

La situation est encore plus complexe concernant l’opposition de la Turquie. Le président Erdogan entend, en effet, obtenir contre son aval, la levée de certaines sanctions appliquées par les européens, et surtout par les Etats-Unis, sur certaines technologies militaires. Il s’agit, par exemple, de l’achat d’une quarantaine de F-16 Block 70 et de 80 kits permettant d’amener une partie de sa flotte à ce standard.

Mais les relations entre Ankara et Stockholm sont elles-mêmes tendues. Les autorités turques reprochent ainsi au pays scandinave d’avoir donné l’asile à un certain nombre de personnalités kurdes appartenant, selon elles, au PKK.

En outre, Ankara ne tolère pas que la décision d’extradition de ces personnes, accusées de terrorisme par la justice turque, ne dépende pas de l’exécutif, mais de la justice suédoise, parfaitement indépendante, et ne partageant pas les conclusions de son homologue turque concernant ces personnes.

L’Armée suédoise appelée en renfort face à la guerre entre gangs mafieux turcs

Stockholm fait, dans le même temps, face à un regain de violence très notable depuis plusieurs mois, lié à une guerre de gang entre différentes mafias turques, ayant déjà entrainé plus de 40 morts violentes dans le pays scandinave depuis le début de l’année, dont plusieurs civils victimes d’erreurs des criminels turcs.

La situation dans ce domaine est à ce point détériorée que les autorités suédoises ont annoncé récemment qu’elles feraient appel à l’Armée suédoise pour venir épauler la police, tant pour assurer les missions de sécurité que pour appuyer les forces de police en matière de logistique et d’analyse, sans toutefois intervenir dans la mission police elle-même.

CV90 VCI
La Suède a transféré une cinquantaine de véhicules de combat d’infanterie CV90 à l’Ukraine.

De fait, la situation est aujourd’hui des plus tendues entre les deux pays, et les moyens d’action de Stockholm sont peu nombreux pour faire pression sur Ankara, alors que la Suède est aujourd’hui le seul pays neutre bordant la mer Baltique, en faisant une cible de choix pour Moscou au besoin.

En effet, au-delà de son adhésion à l’OTAN, la Suède a été, par ailleurs, un soutien très actif de l’Ukraine dans son effort de guerre, en ayant transmis aux armées ukrainiennes des chars, des systèmes d’artillerie Archer, ainsi qu’une cinquantaine de véhicules de combat d’infanterie CV90, très prisés des militaires ukrainiens pour leur efficacité au combat.

Les JAS 39 Gripen ukrainiens comme monnaie d’échange ?

Surtout, depuis plusieurs mois, Kyiv ne cesse de réclamer à Stockholm des avions de combat JAS 39 Gripen. Il est vrai que le chasseur suédois à de nombreux atouts pour convaincre, par sa robustesse, ses performances, sa mise en œuvre économique et sa conception pour prendre l’avantage sur les chasseurs russes les plus évolués, y compris les Su-30SM et les Su-35s.

C’est dans ce contexte complexe que Stockholm vient de lier les deux sujets. En effet, le ministre de la Défense suédois, Pål Jonson, a annoncé concomitamment au 14ᵉ plan d’aide à l’Ukraine, portant sur une enveloppe de 200 m€.

Gripen ukrainiens
La Suède a lié le transfert de chasseurs JAS 39 Gripen à l’Ukraine, à son adhésion à l’OTAN.

Cette déclaration a été confirmée par la suite dans un communiqué de presse du gouvernement suédois, indiquant que « le soutien sous la forme de JAS 39 Gripen serait conditionné à ce que la Suède devienne d’abord membre de l’OTAN ».

Pour Stockholm, il s’agit aussi bien de s’assurer d’une défense collective dans l’hypothèse d’un transfert de chasseur Gripen prélevé sur la flotte de la Flygvapnet, l’armée de l’air suédoise, que de faire pression indirectement sur Ankara au travers de cette annonce.

En effet, en procédant ainsi, les autorités suédoises espèrent certainement que les Etats-Unis, mais aussi certaines grandes capitales européennes plus proches de la Turquie, comme l’Allemagne, viendront faire pression sur Ankara, pour s’assurer de la validation du Parlement turc dans ce dossier.

Toutefois, les armées suédoises ne vont pas rester inactives dans l’attente. Ainsi, d’ici au 6 novembre, elles doivent produire un rapport portant sur la possibilité de transfert d’une partie de ses JAS 39 C/D vers Kyiv, et de déterminer quel en serait l’impact sur les capacités défensives de la Flygvapnet.

Reste à voir, désormais, si cette posture saura trouver les bons bras de levier pour convaincre le président turc et son Parlement de valider l’adhésion suédoise à l’OTAN, alors que le pays s’estime, probablement à juste titre, plus exposé que jamais par cette candidature qui traine en longueur.

Le nouveau char M1E3 Abrams de l’US Army misera sur un APS volumétrique pour garantir sa survie

Depuis que l’US Army a annoncé qu’elle se tournait vers une transformation profonde du blindé baptisée M1E3 Abrams pour en marquer le caractère disruptif, et l’annulation de la version M1A2 SEPv4 jugée trop lourde, les annonces se multiplient outre atlantique quant aux attentes de l’armée américaine pour son nouveau char de combat.

Les caractéristiques du M1E3 Abrams de l’US Army

Plusieurs caractéristiques clés avaient été annoncées lors de l’annonce initiale par le sous-secrétaire à l’Armée Gabe Camarillo au début du mois de septembre, notamment que le char devra sera plus léger que son aïeul, pour en accroitre la mobilité et en réduire la consommation et l’empreinte logistique.

En effet, au fil des évolutions successives, l’Abrams américain était passé de 55 à 68 tonnes, améliorant certes son efficacité et sa protection, mais augmentant sensiblement sa consommation, tout en réduisant sa mobilité et en l’empêchant d’emprunter certaines infrastructures civiles comme les ponts.

Plus d’informations ont été données par le major-général Glenn Dean, qui pilote le programme pour l’US Army, à l’occasion d’une interview donnée au site américain Defensenews.com.

Les chars M1E3 Abrams va remplacer les M1A2 actuellement en service
La protection offerte par un APS comme le système Trophy israélien ne protège pas contre les menaces plongeantes.

On y apprend ainsi qu’au-delà de la mobilité accrue, un effort particulier sera produit dans la conception du nouveau char, pour réduire sensiblement son empreinte logistique, qu’il s’agisse du carburant ainsi que de l’entretien du blindé, devenue très contraignante au fil des années.

Un APS volumétrique pour protéger contre les menaces plongeantes

Une nouvelle caractéristique clé du M1E3 a été dévoilée à cette même occasion. En effet, pour le général Dean, le nouvel Abrams devra être protégé par un système de protection actif (APS). Toutefois, contrairement à ce qui était prévu avec le M2SEPv4, le Leopard 2A8 ou le Challenger 3, cette protection devra être volumétrique et capable de traiter les menaces arrivant par le haut.

Le fait est, il apparait qu’en Ukraine, mais aussi beaucoup plus récemment en Israël, l’essentiel des chars détruits l’ont été soit par des munitions rôdeuses, des missiles plongeants comme le Javelin, ainsi que, dans de nombreux cas, par de simples drones du commerce équipés de charges largables, comme des roquettes antichars.

Un Merkava israélien détruit par une roquette antichar larguée par un drone léger. Remarquez le radar du système Trophy qui n’a été d’aucune utilité ici.

Or, l’ensemble des chars aujourd’hui en service, est faible blindé sur le toit, alors que les rares blindés équipés d’un APS hard Kill, comme les Merkava israéliens, ne sont protégés par ce système que contre les tirs tendus.

Pour répondre à cette menace aussi importante que simple, technologiquement parlant, à mettre en œuvre, il est indispensable d’étendre le volume de protection de l’APS à l’espace au-dessus du char.

Une opportunité pour le couple AMAP-ADS et TAPS de Rheinmetall

Ce besoin, clairement exprimé par le général Dean, pourrait bien faire les affaires de l’Allemand Rheinmetall. En effet, à ce jour, il est le seul à proposer un APS volumétrique, par l’association du système AMAP-ADS Strikeshield conçu pour intercepter les roquettes, missiles tendus et obus flèches, et le système TAPS, protégeant le char des menaces plongeantes.

AMAP-ADS StrikeShield Rheinmetall
Le Strikeshield de Rheinmetall est le seul système actuel capable de protéger contre les menaces plongeantes avec le système TAPS.

Le couple AMAP-ADS et TAPS a été présenté pour la première fois à bord du char KF51 Panther, qui pourrait, finalement, voir son attractivité croitre sur le marché si l’US Army venait à se tourner vers les systèmes de protection de Rheinmetall.

Dans la même hypothèse, il pourrait aussi privilégier l’offre de l’industriel de Düsseldorf concernant le véhicule de combat d’infanterie KF41 Lynx pour le programme OMFV de l’US Army, destiné à remplacer le M2 Bradley.

En effet, le Lynx peut, lui aussi, être protégé par ces systèmes, ce qui en accroitrait considérablement la survivabilité au combat, tout au moins selon les enseignements issus des engagements récents.

Le Leclerc MLU plus vulnérable que jamais

Reste que le constat fait par l’US Army et son Futur Command, concernant les capacités nécessaires à la conception d’un reboot de l’Abrams censé garder la ligne jusqu’au-delà de 2040, et l’arrivée d’un char de nouvelle génération, met en évidence l’inadéquation de l’évolution du Leclerc aujourd’hui prévue en France.

En effet, non seulement celle-ci ne prévoit pas l’installation d’un APS volumétrique, mais le char sera totalement dépourvu d’APS, le rendant vulnérable à tous les missiles antichars, ainsi qu’à des drones coutants 200 $ armés d’une roquette de RPG 7 à 100 $ pièce.

Leclerc Armée de Terre
Le Leclerc français, même modernisé, semble désormais très insuffisamment protégé face aux menaces du moment, y compris sur des théâtres de plus faible intensité.

Et ce qu’a montré l’offensive du Hamas contre Israël ces derniers jours, c’est que même dans un engagement dissymétrique comme celui-ci, les chars dépourvus de ces systèmes de protection actifs, s’avèrent vulnérables.

On ne peut qu’espérer, dans ces conditions, que ces retours d’expérience, soient désormais intégrés rapidement par l’Armée de terre et la DGA en France, mais aussi par leurs homologues européennes sur l’ensemble du vieux continent, et que les flottes de char de combat soient rapidement dotés de ce type de protection.

21 000 blessés en 7 jours : la médecine de guerre doit se transformer, disent les simulations

Le rôle de la médecine de guerre figure probablement parmi les enseignements les plus critiques de la guerre en Ukraine. Ainsi, les unités de combat font face à des niveaux de pertes qu’elles n’avaient plus connu depuis la Guerre de Corée.

Par ailleurs, l’omniprésence de l’artillerie, de la défense anti-aérienne, des drones et des capacités de frappe à longue portée, tend à limiter les possibilités d’évacuation sanitaire, contrairement, par exemple, aux conflits de moindre intensité précédent.

Le rôle croissant de la médecine de guerre dans les conflits de haute intensité modernes

Dans ce contexte, le rôle de la médecine de guerre, mais également le poids de son organisation, sont devenus des éléments stratégiques à la poursuite de l’effort de guerre, avec des différences sensibles et notables entre les deux belligérants.

Précédemment, nous avions évoqué, dans un article du mois de mai, que les spécialistes russes estimaient que 50 % des décès au combat de l’Armée russe, étaient la conséquence d’une mauvaise formation aux premiers secours des militaires eux-mêmes.

Évacuation blessé russe en Ukraine
Le taux de survie des militaires russes blessé en Ukraine est plus de deux fois plus faible que celui des militaires ukrainiens, en raison d’une piètre formation aux premiers secours.

À l’inverse, les forces ukrainiennes, qui forment efficacement leurs personnels dans ce domaine, affichent un taux de survie considérablement supérieur de leurs effectifs blessés vis-à-vis de leurs homologues russes.

C’est dans ce contexte que le général Michael Talley, qui dirige le centre d’excellence de l’US Army, a appelé à une refonte rapide et profonde de l’organisation et surtout de la formation des militaires et personnels médicaux américains, pour faire face à la réalité de ce que pourrait être un engagement majeur de haute intensité aujourd’hui.

Des niveaux de perte effroyables anticipés par les wargames américains

Pour ce faire, l’officier général s’appuie sur les résultats publiés de récents wargames, simulant un engagement majeur à l’échelon du corps d’armée, face à un adversaire comme la Chine ou la Russie. Et les chiffres ont, en effet, de quoi inquiéter.

Ainsi, dans une telle hypothèse, les pertes du corps d’armée américain engagé, atteindraient jusqu’à 21 000 morts et surtout blessés, soit la moitié des effectifs initiaux, et ce, sur seulement sept jours d’engagement.

En outre, comme dit précédemment, les simulations montrent que l’évacuation des blessés, en particulier lors de la Golden Hour, ces 60 minutes décisives pour la survie du blessé, s’avérait bien plus difficile que lors des conflits précédents, obligeant les médecins et infirmiers d’unités, à déployer des compétences bien plus étendues qu’auparavant.

Médecine de guerre
Aujourd’hui, les paramedics militaires ont pour mission de stabiliser les blessés en vue d’une évacuation sanitaire rapide. Les simulations montrent cependant que cette doctrine n’est plus adéquate en cas de conflit de haute intensité.

Or, comme le remarque le général Talley, le taux de survie des blessés américains représente un paramètre stratégique pour la conduite des opérations des armées US, en particulier si elles devaient se confronter à un adversaire comme la Chine disposant de ressources humaines considérablement plus importantes.

La réponse de l’US Army basée sur la technologie et la formation

Pour relever ce défi, l’US Army table sur deux piliers. En premier lieu, elle développe de nombreuses technologies permettant précisément aux médecins et infirmiers en unités, d’effectuer des soins qu’ils étaient jusque-là dans l’incapacité de procurer.

Parmi celles-ci, on peut notamment citer d’importants travaux en matière de sang de synthèse ou de traitement antigénique pour améliorer la compatibilité lors des transfusions. La réalité augmentée, l’intelligence artificielle, la robotique ou l’impression 3D, sont également mis en œuvre, toujours pour donner plus d’autonomie de soin aux unités, dans l’attente de l’évacuation des blessés.

En second lieu, le général Talley appelle à un effort particulièrement important de formation, aussi bien pour mettre à niveau les médecins et infirmiers, que les soldats eux-mêmes, de sorte à savoir pleinement employer l’ensemble des opportunités de soin offertes par les kits de secours.

Une nouvelle Golden Hour en préparation

Cette évolution doctrinale est plus significative qu’il n’y parait, puisqu’il est ici question de remplacer la Golden Hour articulée depuis la guerre de Corée sur l’évacuation rapide des blessés vers les centres de soin en arrière de la zone d’engagement, par une Golden Hour s’appuyant sur les soins de stabilisation prodigués par les personnels au combat.

UH 60 Black Hawk Medevac US Army
L’omniprésence des défenses anti-aériennes rend l’évacuation sanitaire beaucoup plus difficile que précédemment, en particulier pour les hélicoptères Medevac.

Ainsi stabilisé, le blessé peut non seulement attendre qu’une évacuation puisse être exécutée, mais sera aussi en mesure de supporter un transit beaucoup plus long, alors que les centres médicaux devront être déployés hors de portée de l’artillerie à longue distance adverse, soit à plusieurs centaines de kilomètres de la ligne d’engagement.

Reste qu’au-delà de la nécessaire adaptation et évolution de la réponse médicale, de tels taux de pertes démontrent surtout une nouvelle réalité de la guerre de haute intensité, pour laquelle les sociétés modernes, en particulier en occident, ne semblent pas prêtes, pas davantage que ne sont dimensionnées leurs armées.

Soutien à l’Ukraine : l’Europe ne veut pas prendre le relais des Etats-Unis

L’Europe ne peut pas combler le vide laissé par un possible arrêt du soutien à l’Ukraine des Etats-Unis ! C’est en substance la déclaration faite récemment par Joseph Borrell lorsque interrogé par des journalistes sur l’hypothèse de la fin de l’aide militaire américaine à Kyiv. Quelles sont les conséquences, ainsi que la réalité, de cette déclaration du chef de la diplomatie européenne ?

Depuis le début du conflit en Ukraine en février 2022, américains et européens se sont, pour ainsi dire, équitablement partagés la tâche du soutien à Kyiv, tant dans le domaine des équipements militaires que des aides financières nécessaires à l’état ukrainien pour fonctionner.

Un soutien à l’Ukraine équilibré entre Etats-Unis et Europe depuis le début du conflit

En effet, l’UE s’était engagée à fournir une aide de 20 Md€ par an, pour 100 Md€ d’aide totale, peu après le début de l’agression russe. Dans le même temps, le Congrès américain annonçait une aide globale de 113 Md€ pour Kyiv, dans le même but.

Cette parité se constate aussi dans l’exécution de ces engagements. Ainsi, Washington a d’ores et déjà transféré à Kyiv 28 Md€ d’aides budgétaires, et 43 Md€ d’aides militaires pour un total de 71 Md€.

Soutien à l'Ukraine Leopard 2
Le soutien à l’Ukraine européen a été déterminant dans certains domaines, comme dans celui des chars lourds.

L’Union européenne, et ses membres, ont pour leur part attribué une aide budgétaire immédiate atteignant 33 Md€ à l’Ukraine, et transféré pour 28 Md€ d’équipement militaire et de munition, pour un total de 61 Md€. En y ajoutant les aides britanniques et norvégiennes, la parité entre les deux puissances alliées est presque parfaite.

Un équilibre menacé en Europe et aux Etats-Unis

Cette dynamique, qui permit à Kyiv et ses armées de plus que bien résister à l’offensive russe depuis 20 mois, est aujourd’hui menacée de part et d’autres de l’Atlantique. En Europe, d’une part, plusieurs pays ont annoncé qu’ils arrivaient aux limites des stocks d’armement mobilisables pour être transférés vers l’Ukraine.

Surtout, certains membres de l’UE prennent une distance plus qu’affirmée vis-à-vis de la politique de soutien à Kyiv européenne. C’était déjà le cas, depuis l’entame du conflit, de la Hongrie et de son président Viktor Orban. C’est aussi le cas dorénavant de la Slovaquie, à la suite de la victoire du nationaliste populiste Robert Fico lors des élections législatives du 30 septembre 2023.

L’aide militaire américaine suspendue par le Congrès dans l’attente du vote du budget fédéral 2024

Mais, la plus grande menace pour l’avenir de la résistance ukrainienne vient de Washington. En effet, avec l’objectif d’éviter le « shut down » des institutions fédérales face au refus républicain de voter le budget 2024, le Congrès a voté une procédure permettant ce financement pendant quelques semaines. Toutefois, celle-ci exclu la possibilité de financer, sur cette période, l’effort de guerre ukrainien.

Congrès américain
Le Congrès américain a suspendu l’aide militaire à l’Ukraine dans l’attente du vote du budget fédéral 2024.

À cette menace très immédiate, s’ajoute le risque de plus en plus pressant concernant une victoire du candidat républicain aux prochaines élections présidentielles de 2024, alors que Donald Trump, grand favori des primaires républicaines, s’est maintes fois exprimé en faveur du désengagement américain du conflit ukrainien.

C’est dans ce contexte que le chef de la diplomatie européenne, Joseph Borrell, s’est exprimé sur la position européenne, face à l’arrêt temporaire ou définitif de l’aide militaire et budgétaire à Kyiv.

L’Europe ne peut pas se substituer à l’aide américaine, selon Joseph Borrell

À ce sujet, le diplomate européen a été parfaitement clair. « L’Europe peut-elle combler le vide laissé par les Etats-Unis ? Non, l’Europe ne peut certainement pas se substituer aux Etats-Unis », a-t-il ainsi répondu aux questions de journalistes.

Si cette position a de quoi inquiéter, puisque sans le soutien occidental, les armées ukrainiennes ne pourront probablement pas longtemps résister à la pression des forces de Moscou en pleine recomposition, soutenue par un effort industriel russe sans précédent.

En effet, la plupart des chancelleries européennes ont, à de nombreuses reprises, aligné leurs positions concernant ce conflit sur celles de Washington, y compris en refusant de livrer certains types de matériel si les Etats-Unis ne faisaient pas le premier pas dans ce domaine.

M2 Braldey ukraine
Les Etats-Unis ont fourni 43 Md€ d’aides militaires à l’Ukraine depuis le début du conflit.

En outre, à l’exception de certains pays de l’Est et du nord, le volontarisme exprimé par les chefs d’État et de gouvernement après le début de l’offensive russe, en faveur d’un effort de defense accru pour renforcer leurs armées, ont depuis fait marche arrière, de manière plus ou moins ouverte et assumée.

Dans tous les cas, une majorité des capitales européennes n’envisage certainement pas de continuer à défier Moscou en soutenant l’Ukraine militairement ou budgétairement, si les Etats-Unis venaient à retirer ce soutien.

L’Union européenne peut soutenir seule l’Ukraine, mais ne veut pas

Et la position exprimée par Joseph Borrell est la parfaite expression. En effet, le soutien nécessaire pour que l’Ukraine maintienne son ascendant militaire, représente autour de 60 Md€ par an, soit 30 Md€ d’équipements militaires et 30 Md€ d’aides budgétaires.

Ce montant ne représente, en fait, que 0,35 % du PIB européen, et même 0,28 % en y ajoutant le Royaume-Uni et la Norvège. Rappelons à ce titre que certaines capitales, comme Vilnius et Riga, consacrent plus de 1 % de leur PIB au soutien de Kyiv depuis le début du conflit.

En outre, sur ces 0,35 %, la moitié repose sur des équipements militaires à produire sur place, ce qui engendre un retour budgétaire pour les États européens, de l’ordre de 40 % (moyenne européenne), et dépassant les 50 % dans certains pays comme la France et l’Italie.

World of Tank
Le budget nécessaire au soutien de l’effort de guerre ukrainien équivaut aux dépenses des européens en matière de jeux vidéo chaque année.

Déduis de ces recettes, l’effort européen, nécessaire à la survie de l’Ukraine, atteint donc 0,23 % du PIB, et 0,21 % avec les deux pays précédemment cités. Il s’agit là de l’investissement nécessaire et probablement suffisant pour contenir la menace militaire et géopolitique russe, empêcher la chute de l’Ukraine, et éviter que la Russie ne vienne directement menacer l’est de l’Union européenne.

À titre de comparaison, ce montant de 60 Md€ par an, est équivalent aux dépenses annuelles des européens… en matière de jeux vidéos !

La crainte des conséquences d’une posture divergente avec Washington

Dès lors, la déclaration de Joseph Borrell, selon laquelle l’Europe ne pourrait pas se substituer aux Etats-Unis pour soutenir l’Ukraine le cas échéant, est on ne peut plus inexacte.

Les dirigeants européens, ou tout au moins une majorité d’entre eux, ne le veulent pas, et non ne le veulent pas, tant pour préserver leurs finances que pour ne pas se désolidariser de la position américaine, et donc de la protection supposée offerte par Washington.

On peut, en effet, supposer que si un président Trump réélu venait à supprimer l’aide américaine à Kyiv, il ne se sentirait pas tenu par les accords de defense de l’OTAN si Moscou venait à menacer des pays européens qui continueraient d’aider l’Ukraine.

De fait, par cette position, Joseph Borrell ne fait qu’affirmer, s’il était besoin, la totale subornation des européens à Washington, y compris dans ses possibles basculements radicaux de position.

Reste à voir si certains pays, comme la Suède, la Grande-Bretagne et surtout la France, sauront résister à cette résignation profonde, pour assumer leurs responsabilités dans ce domaine, et ainsi donner un exemple fédérateur à d’autres européens en mal de repères.

SSN-AUKUS va-t-il avoir la peau des frégates de la classe Hunter en Australie ?

La presse australienne mène, depuis plusieurs semaines, une campagne visant à saper les fondations du programme de frégates de classe Hunter, attribué au britannique BAe en 2018. Il s’agit là, comme précédemment au sujet des VCI AS21 Redback et potentiellement des F-35A, de libérer les crédits qui seront indispensables au financement du programme de sous-marins nucléaires d’attaque SSN-AUKUS, et ses couts extraordinairement élevés pour un pays qui n’en a visiblement pas les moyens.

On le sait, le programme australien de huit sous-marins nucléaires d’attaque, qui prévoit d’acquérir une flotte composée de SNA de la classe Virginia américains et de SSN-AUKUS conçus et construits conjointement avec la Grande-Bretagne, promet d’être long, et particulièrement onéreux.

Le programme SSN-AUKUS va consommer 20 % du budget australien de la défense pendant 30 ans.

Ainsi, là où le programme SEA 1000 qui précédait faisait l’objet de toutes les critiques par son cout estimé à 120 Md$ pour 12 sous-marins, tous produits localement, le programme australien de sous-marins nucléaires d’attaque devraient couter, selon les dernières estimations, trois fois plus chers, sur la durée de vie des navires.

Un tel effort budgétaire n’est pas sans conséquence pour un pays dont le PIB est moitié moins élevé que celui de la France, et la population 60 % plus réduite. Avec un effort de defense à 2,04 % du PIB pour 50 Md$ (australiens), soit 30 Md€, le pays devra consacrer plus de 20 % de ses dépenses de defense lors des 30 années à venir, pour financer ce seul programme.

Shortfin barracuda Naval Group SEA 1000
L’Australie devait initialement construire 12 sous-marins de la classe Attack pour un peu plus de 100 Md$ sur l’ensemble de la durée de vie du programme. Le programme SSN-AUKUS coutera, lui, plus de 350 Md$ pour huit navires.

Comme l’effort de defense australien ne pourra pas croitre encore beaucoup, la seule solution, pour les dirigeants du pays, est de trouver des marges budgétaires, au sein même des armées du pays.

Des coupes dans les programmes pour libérer les marges budgétaires nécessaires

C’est ainsi que ces derniers mois, plusieurs programmes ont connu des coupes franches sévères, afin de libérer les ressources budgétaires et humaines indispensables au programme SSN-AUKUS.

Ce fut notamment le cas il y a quelques semaines avec la spectaculaire annonce du passage de 450 à seulement 129 véhicules de combat d’infanterie AS21 Redback sud-coréens, qui seront acquis par l’Australian Army dans le cadre du programme Land 400 Phase 3.

Plus récemment, c’était au tour du programme AIR 6000 prévoyant l’acquisition d’une trentaine de F-35A pour la Royal Australian Air Force, d’être menacé par les coupes budgétaires liées au financement de SSN AUKUS.

Mais depuis quelque temps, c’est surtout le programme visant à remplacer les 8 frégates de la classe Anzac par 9 frégates de la classe Hunter, dérivées de la Type 26 britannique, qui est en ligne de mire, parfois de manière bien peu subtile.

L’attaque en règle contre les frégates de la classe Hunter dans la presse australienne

Ainsi, le 6 octobre, un vibrant plaidoyer faisant l’apologie des sous-marins, et pointant l’extraordinaire vulnérabilité des grandes unités de surface combattantes, y compris les frégates et les porte-avions, était publié par le site The Sidney Morning Herald.

frégates de la classe Hunter remplacent les frégates de la classe Anzac
Les frégates de la classe Hunter doivent remplacer les frégates de la classe Anzac de la Royal Australian Navy

L’article, qui n’est pas sans rappeler la campagne parfaitement orchestrée par la presse australienne contre les sous-marins Shortfin barracuda en son temps, dénonce ainsi le glissement budgétaire du programme, passé de 35 à 50 Md$ au fil des demandes de modification émis par la Marine australienne.

Il passe en revanche rapidement sur le fait que les couts supplémentaires sont en grande partie liés aux exigences australiennes de doter les navires d’un système de combat, de capteurs et d’armements américains, plutôt que de se rapprocher de la configuration des Type 26 de la classe City de la Royal Navy qui, elles, respectent calendrier et enveloppe budgétaire.

Il décrit surtout les grandes unités de surface, comme le seront les frégates de la classe Hunter, longue de 150 mètres pour 10 000 tonnes de tonnage, s’avèreront extrêmement vulnérables face à la menace chinoise, tout en mettant en avant la grande furtivité des sous-marins eux-mêmes.

Si les critiques par voix de presse sont choses communes dans les pays anglo-saxons, le schéma qui se met en place aujourd’hui en Australie contre les frégates de la classe Hunter, mais également BAe et Babcock, s’apparente clairement à ce qui fut fait précédemment à l’encontre des sous-marins de Naval Group, ou des hélicoptères d’Airbus Helicopters.

Les alternatives américaines toujours en perspectives

Et comme précédemment, certaines solutions semblent s’imposer d’elles-mêmes, comme c’était le cas des sous-marins Virginia ou des UH-60 Black Hawk et Apache AH-64E américains.

Classe Constellation
Les frégates américaines de la classe Constellation sont régulièrement évoquées comme une alternative au programme Hunter.

En l’occurrence, l’hypothèse de voir la Royal Australian Navy se tourner vers des frégates de la classe Constellation américaines semble apparaitre de manière récurrente, et présentée positivement du point de vue budgétaire et par leur configuration nativement américaine.

Une telle hypothèse serait paradoxale, puisque les Constellation américaines sont dérivées des FREMM Italiennes, un modèle de frégate écarté par Canberra au profit de la Type 26 britannique en 2018 lors de l’attribution du contrat.

La presse n’est pas la seule à remettre en cause la pertinence des frégates de la classe Hunter. Ainsi, la nouvelle Defense Stratégic Review, s’est montrée pour le moins peu enthousiaste vis-à-vis de ce programme, refusant même de prendre position à ce sujet, tout en faisant, une fois encore, l’apologie des futurs SNA qui doivent arriver.

Un jeu à somme nulle potentiellement dévastateur pour l’outil militaire australien

De toute évidence, le jeu à somme nulle qui se déroule au sein des armées australiennes, pour le financement des huit sous-marins nucléaires d’attaque du programme SSN-AUKUS, n’a pas fini de faire des dégâts.

Reste que, de plus en plus, on est en droit de se demander si l’Australie n’a pas visé bien trop haut vis-à-vis de ses moyens financiers, industriels et humains, pour s’équiper de 8 sous-marins certes performants, mais qui ne peuvent ni se substituer à des frégates, ni à des véhicules de combat d’infanterie, et qui sont loin d’être aussi invulnérables que ne veut le présenter la presse du pays.

Et si, dans son entêtement à vouloir se rapprocher les Etats-Unis en matière d’équipement, le pays n’y perd pas l’autonomie stratégique minimale requise pour absorber les variations démocratiques à Washington ?

Pourquoi le missile 9M730 Burevestnik russe ne change rien à l’équation nucléaire mondiale ?

Le président Vladimir Poutine a annoncé la fin des essais du missile 9M730 Burevestnik à propulsion nucléaire, l’une des armes de nouvelle génération présentée en 2018 lors de la campagne présidentielle russe. Si le missile peut s’enorgueillir de ces capacités exceptionnelles, il n’est toutefois pas en mesure de faire évoluer les équilibres stratégiques, ni même les doctrines de dissuasion, des pays dotés.

Il y a un peu plus d’un an maintenant, Moscou annonçait à grand renfort de superlatifs l’entrée en service du sous-marin nucléaire Belgorod, et de sa munition, la torpille nucléaire Poseidon.

Poseidon, Kinzhal, Burevestnik : les armes secrètes de Vladimir Poutine

S’appuyant pour l’occasion sur les fantasmes véhicules par les tabloïds anglo-saxons, la propagande russe présentait alors le couple Belgorod-Poseidon comme une arme capable de renverser les équilibres stratégiques, notamment en créant d’immenses Tsunamis susceptibles d’engendrer des dégâts sans équivalents sur les zones côtières adverses.

Comme nous l’avions alors montré, cette crainte ne reposait sur rien de concret, si ce n’est sur l’exagération autoentretenue par une certaine presse en mal de sensationnalisme.

sous-marin nucléaire Belgorod torpille Poseidon
Lors de la campagne présidentielle de 2018, Vladimir Poutine présenta plusieurs armes révolutionnaires, dont la torpille nucléaire Poseidon qui arme désormais le sous-marin nucléaire Belgorod.

Mieux encore, la réalité stratégique n’était en rien bouleversée par l’arrivée de cette arme, au demeurant moins efficace que les ICBM existants pour maintenir les équilibres mondiaux aux mains des quelques nations dotées.

S’il fallait une preuve supplémentaire du caractère plus sensationnel que militaire de la torpille Poseidon, aucune des grandes nations dotées n’a entrepris de developper de systèmes d’armes équivalent depuis sa présentation par Vladimir Poutine en 2018.

Le missile 9M730 Burevestnik à propulsion nucléo-thermique

C’est aujourd’hui au tour du missile Burevestnik, un des armements présentés par le président russe comme révolutionnaires en marge de la campagne électorale de 2018, d’être annoncé comme bientôt opérationnel, par ce même Vladimir Poutine, à l’occasion du Valdai International Discussion Club.

Le missile 9M730 Burevestnik est, aux dires des autorités russes, un missile de croisière à propulsion nucléaire, susceptible de parcourir plusieurs dizaines de milliers de kilomètres pour atteindre sa cible, et transportant, lui aussi, une charge nucléaire.

Cette portée, considérablement plus importante que celle des autres missiles de croisière, permettrait à l’état-major russe de programmer des trajectoires de vol susceptibles de contourner les défenses anti-aériennes adverses, pour frapper ses cibles sur des approches inattendues, et donc faiblement protégées.

missile 9M730 Burevestnik
Le missile Burevestnik a des caractéristiques de vol proches de celle d’un missile de croisière traditionnel, si ce n’est une portée décuplée.

Il semble en outre que le Burevestnik soit capable de transporter un planeur hypersonique Avangard, armée d’une tête nucléaire pouvant atteindre 200 kt et capable d’évoluer et de manœuvrer à des vitesses hypersoniques pour contrer les défenses antimissiles de l’adversaire.

Enfin, à la différence d’un missile ICBM ou SLBM, ainsi que des bombardiers stratégiques russes Tu-95 ou Tu-160, le lancement d’un missile Burevestnik pourrait bien passer inaperçu des satellites de surveillance américains, faisant de l’arme un vecteur de première frappe potentiellement performant.

Alors, le Burevestnik est-il l’arme nucléaire révolutionnaire telle qu’elle a été présentée par le Kremlin et la propagande russe ? C’est loin d’être le cas …

Les limites du missile de croisière Burevestnik

En effet, si le missile apporte, en effet, certaines options innovantes, il n’en est pas moins dénué de certains défauts, comme la contamination de l’atmosphère en particules radioactives susceptibles d’être détectées dans le sillage du missile, par sa propulsion nucléo-thermique, qui chauffe un fluide à l’aide d’une réaction nucléaire pour l’expulser à grande vitesse et produire ainsi la poussée requise.

Cette propulsion spécifique empêche aussi d’employer le missile armé d’une ogive conventionnelle. En effet, la destruction du missile entrainerait une contamination radiologique importante autour de la cible sur plusieurs kilomètres, assimilable à une frappe nucléaire, et donc susceptible d’engendrer une réponse, elle aussi nucléaire, de la part des adversaires de la Russie.

Enfin, le Burevestnik demeure un missile de croisière, donc lent (subsonique élevé) et vulnérable aux défenses antiaériennes pour peu qu’elles soient déployées au bon endroit pour l’intercepter.

Missile SLBM M51
Le 9M730 Burevestnik, pas davantage que la Poseidon, ne peut faire évoluer les équilibres stratégiques mondiaux, ni même les doctrines de dissuasion des pays dotés.

Les équilibres et doctrine stratégiques demeurent inchangés

Il n’apporte dès lors aucune plus-value stratégique vis-à-vis des missiles ICBM et SLBM actuellement en service en Russie, ceux-ci étant presque impossibles à intercepter et beaucoup plus rapides que le missile de croisière.

En effet, le nouveau missile russe, qu’il soit ou non armé d’une charge nucléaire, ne peut être employé sans entrainer une très probable riposte nucléaire adverse, en particulier pour les pays disposant d’une flotte de seconde frappe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, précisément conçus pour détruire l’adversaire si celui-ci venait à frapper le pays d’origine.

On le comprend, qu’il soit ou non aussi performant que ne l’annonce la propagande russe (de nombreux échecs lors des essais auraient été enregistrés), le Burevestnik ne modifie en rien l’équilibre des forces stratégiques dans le monde, ni même les doctrines des pays dotés.

À l’instar de la torpille nucléaire Poseidon, il s’agit surtout d’une arme destinée à faire la démonstration d’une supposée avance technologique russe dans ce domaine, et à profiter d’une certaine presse occidentale en quête de titres sensationnels.

Faute de clairvoyance, les stocks d’armement européens pour soutenir l’Ukraine s’épuisent de manière critique

Après la Pologne, c’est au tour de l’Italie et de la Grande-Bretagne d’alerter sur l’épuisement des stocks d’armement européens potentiellement transférables à l’Ukraine, alors que le conflit ne montre aucun signe d’une conclusion proche. Les perspectives s’assombrissent donc encore pour Kyiv, alors que Moscou se montre, non sans raison, plus confiant que jamais dans le succès de son opération militaire. Il reste toutefois certaines possibilités à des pays comme la France et la Grande-Bretagne, pour inverser le déroulement mortifère des événements.

L’épuisement des stocks d’armement européens : une situation prévisible mais ignorée

En janvier dernier, Meta-Defense publiait un article à contre-courant de l’idée générale, mettant en évidence le rôle déterminant qu’aurait, dans les mois à venir, le renouveau de la production industrielle russe de défense, dans la poursuite du conflit.

Une menace identifiée dès janvier 2023

Au-delà des effets à venir de l’activité des grandes entreprises russes de défense comme le spécialiste du char Uralvagonzavod, l’article mettait l’accent sur une faiblesse majeure du dispositif de soutien mis en œuvre par les occidentaux, et notamment par les européens, dans leur soutien à l’Ukraine.

Ceux-ci, en effet, transféraient alors, et encore aujourd’hui, des matériels prélevés sur les stocks des armées, le plus souvent des équipements proches de la déclassification.

Uralvagonzavod
La production industrielle russe est aujourd’hui le seul « game changer » qui vaille autour du conflit en Ukraine.

Ces stocks, qui permirent aux chancelleries occidentales de répondre rapidement aux besoins exprimés par Kyiv, étaient en revanche, et de manière évidente, limités.

L’article concluait que pour soutenir le bras de fer avec la Russie, il était alors indispensable aux européens de mettre en place une stratégie industrielle en miroir de celle appliquée par Moscou, permettant de fournir aux armées ukrainiennes les matériels nécessaires pour compenser la monter en puissance progressive des armées russes soutenues par leur propre industrie de défense.

Malheureusement pour Kyiv, les européens n’ont, à aucun moment, pris la mesure du risque et des enjeux. Pire, un sentiment s’installa progressivement dans les chancelleries occidentales, selon lequel les armées russes étaient à ce point érodées qu’elles ne représenteraient plus, pendant de nombreuses années, une menace potentielle.

Les européens, entre passivité et excès de confiance

De fait, en dehors de quelques pays d’Europe de l’Est et du nord, beaucoup de pays européens revinrent sur les ambitions exprimées quelques mois auparavant de se doter de nouveau d’une force armée, conventionnelle, dimensionnée et équipée pour l’hypothèse d’un combat majeur en Europe.

En outre, aucun de ces pays n’a entrepris, individuellement ou collectivement, de déployer les moyens industriels susceptibles de contrebalancer l’industrie de défense russe, et la stratégie à moyen terme de Moscou pour faire tomber l’Ukraine.

T-90 destruit en Ukraine
Les images de destruction des matériels russes en Ukraine, et le discours excessivement triomphaliste parfois porté à ce sujet, ont convaincu, à tort, les européens de la faiblesse des armées russes.

Enfin, Kyiv vie désormais sous la menace du retour possible de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025, ainsi que celle d’un blocage du Congrès par les représentants républicains susceptibles de geler l’aide américaine à l’Ukraine rapidement.

C’est dans ce contexte déjà hautement anxiogène que plusieurs annonces venant de capitales européennes sont venues récemment encore assombrir le tableau.

Les stocks d’armement transférables à l’Ukraine s’épuisent en Pologne, Italie et Grande-Bretagne

Il y a quelques semaines, déjà, Varsovie annonçait qu’elle serait dorénavant dans l’incapacité de livrer des armements à l’Ukraine, ayant vidé ses stocks à un niveau minimum pour maintenir sa défense.

Au début du mois d’octobre, c’était au tour du ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, d’alerter sur l’épuisement des stocks d’armement mobilisables pour soutenir l’Ukraine. Selon lui, l’Italie a fait « tout ce qu’elle pouvait », pour soutenir Kyiv, et n’était plus en capacité de transférer de nouveaux équipements sans venir, là encore, menacer la défense du pays.

Le même jour, le quotidien britannique The Telegraph citait une source « officielle, mais anonyme », qui disait sensiblement la même chose que le ministre italien, à savoir que les armées britanniques avaient, elles aussi, transféré l’ensemble des matériels qu’elles pouvaient aux armées ukrainiennes, et n’avaient désormais plus de stocks mobilisables pour continuer à le faire.

Les initiatives ukrainiennes pour tenter de compenser l’épuisement occidental

En dépit des déclarations du président français, Emmanuel Macron, à l’occasion du sommet de Grenade, il semble bien que les européens arrivent plus rapidement aux limites de leurs stocks, si pas de la volonté affichée de soutenir l’Ukraine.

macron zelensky Grenade 2023
La confiance exprimée par Emmanuel Macron à l’encontre de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky concernant le soutien européen à l’Ukraine semble être dissociée des réalités industrielles sur le vieux continent.

Les autorités ukrainiennes sont conscientes de cette menace existentielle, et tentent depuis plusieurs mois de la contenir, notamment en tentant de déployer des moyens de production sur son sol.

C’est ainsi que Rheinmetall aurait entrepris de faire sortir de terre en quelques mois seulement un site industriel susceptible de produire jusqu’à 400 chars KF51 Panther et véhicules de combat d’infanterie KF41 Lynx par an.

Des discussions aux objectifs similaires ont été entreprises avec d’autres industriels européens, pour la production de véhicules de combat d’infanterie chenillés CV90, des blindés 8×8 AMV Patria finlandais, ou encore des véhicules de transport de troupe blindé VAB français.

La menace des frappes à longue distance russes

Toutefois, cette stratégie demeure très incertaine, dans la mesure où les armées russes conservent d’importants moyens de frappe à longue portée, mais aussi de reconnaissance satellite, pour frapper ces infrastructures, y compris en venant saturer les défenses anti-aériennes et antimissiles déployées pour les protéger.

On comprend, dans ces conditions, la confiance affichée par Vladimir Poutine à l’occasion d’une interview fleuve donnée dans le cadre du Valdai International Discussion Club, jeudi 5 octobre.

Shahed 136 Ukraine
La Russie dispose toujours d’importantes capacités de frappes à longue portée pour neutraliser d’éventuelles infrastructures en Ukraine.

Selon lui, il suffit désormais à la Russie d’attendre que l’aide occidentale à l’Ukraine s’érode, pour pouvoir s’emparer du pays, ses armées n’ayant pas de stocks suffisants pour soutenir le combat. Force est de constater que les faits tendent à accréditer la pertinence de cette stratégie.

Quelles solutions pour inverser la dynamique en cours ?

Les solutions pour répondre à la menace russe sur l’Ukraine, et plus globalement, sur l’Europe, sont à présent aussi peu nombreuses qu’elles sont urgentes. De toute évidence, celles-ci ne peuvent passer que par le déploiement très rapide de nouvelles infrastructures industrielles de défense en Europe, et non en Ukraine, pour compenser les productions de l’industrie russe.

Des besoins d’équipement ukrainiens autour de 20 Md€ par an

Les besoins industriels surnuméraires, c’est-à-dire au-delà des capacités de production actuelles, s’élèveraient autour de 400 chars lourds, autant de véhicules de combat d’infanterie, 600 à 800 véhicules de transport de troupe blindés, une centaine de systèmes d’artillerie ainsi qu’une vingtaine d’avions de combat par an.

Il serait aussi indispensable de produire des systèmes antiaériens et antibalistiques, plusieurs unités par an, et surtout un nombre important de munitions, allant des armes de petits calibres aux obus d’artillerie, aux missiles antichars et aux munitions d’artillerie, classiques ou de précision.

stocks d'armement européens
La production européenne de munition devrait être multipliée par 8 pour répondre aux besoins opérationnels des armées ukrainiennes.

Ce besoin représente une aide globale de l’ordre de 20 Md€ par an, auxquels il conviendrait d’ajouter 2,5 à 3 Md€ pour le déploiement industriel et le dimensionnement de la Supply Chain.

Ce montant est naturellement très important, puisqu’il équivaut à 0,7 % du PIB d’un pays comme la France. Toutefois, une majeure partie des dépenses bénéficieraient des aides internationales accordées à Kyiv, notamment par l’Union européenne, mais également des efforts consentis par Kyiv.

La France et la Grande-Bretagne comme seule alternative pour sauver Kyiv

La question aujourd’hui n’est donc pas tant budgétaire que politique, puisqu’une telle initiative exposerait le pays d’accueil à l’ire de Moscou, y compris au travers de menace nucléaires.

Dans ce contexte, on comprend que seuls deux pays, la Grande-Bretagne et la France, susceptibles de résister aux menaces russes par leur propre dissuasion, seraient effectivement en mesure de mettre en place un tel dispositif au bénéfice de Kyiv.

Paris et Londres doivent, dès lors, aujourd’hui, évaluer les couts d’une telle initiative, potentiellement partagée entre les deux puissances nucléaires européennes, et de la mettre en perspective des conséquences prévisibles d’un effondrement de l’Ukraine, particulièrement en termes d’accueil des réfugiés.

Rafale ASMPA
Par leur dissuasion autonome, la France et la Grande-Bretagne sont les seuls pays en Europe susceptibles de pouvoir accueillir des infrastructures industrielles destinées à soutenir l’effort de guerre ukrainien.

Il serait aussi nécessaire d’évaluer les conclusions d’une victoire absolue de Moscou dans cette guerre, sur la menace que représenterait alors la Russie pour ses voisins, y compris en Europe du Nord et de l’Est.

Enfin, rien n’empêche ces deux pays de profiter des capacités de production offertes par ces infrastructures pour moderniser et étendre leurs armées. En effet, qu’elle soit ou non victorieuse en Ukraine, la Russie est engagée dans un effort de militarisation intensive devenu consubstantiel de la pérennité du régime.

Dès lors, il est plus que probable, comme l’a d’ailleurs souligné récemment le président Zelensky, que la Russie se montrera à nouveau menaçante en Europe et ailleurs, ce dès qu’elle aura fini de transformer son outil militaire et industriel, soit d’ici à la fin de la présente décennie.

Conclusion

De toute évidence, le destin de l’Ukraine repose, à présent, dans les mains d’un petit nombre de pays européens, seuls susceptibles de mettre en œuvre les solutions capables de contenir l’évolution de la puissance militaire russe dans les mois et années à venir, et de compenser le possible désengagement américain.

Au-delà de l’effort important qu’une telle initiative demanderait aux européens, et plus spécialement à Paris et Londres, celle-ci pourrait aussi constituer le marchepied qui aujourd’hui leur fait défaut pour enrayer le déclassement sur la scène internationale, face aux autres puissances en trajectoire ascendante comme la Chine et l’Inde, et surtout face au retour de la Russie.

Reste à voir si les dirigeants des deux pays sauront de saisir du moment probablement historique que se dessine devant eux, et qui va bien au-delà de certaines considérations budgétaires ou sociales. Puisque si l’histoire nous a appris une chose, c’est bien que les faiblesses d’aujourd’hui se paieront demain au prix fort…

KF51 Panther : La Hongrie monte à bord du programme, mais pas du char

Selon Armin Papperger, le CEO de Rheinmetall, la Hongrie va monter à bord du programme KF51 Panther, en finançant l’adaptation de son outil industriel pour être en mesure de produire nouveau char allemand. Toutefois, Budapest n’a nullement annoncé son intention d’acquérir le blindé. Comment s’explique cette étrange position hongroise ?

La Hongrie s’apprête-t-elle à être le plan de repli industriel de Rheinmetall si son usine ukrainienne destinée à produire les nouveaux chars KF51 Panther venait à être dans l’impossibilité de produire ? C’est en tout cas une hypothèse sérieuse du fait de la position paradoxale prise par Budapest concernant sa participation au programme de chars allemands.

En septembre 2019, l’Armée de terre hongroise annonça qu’elle se portait acquéreuse d’une toute nouvelle version du char Leopard 2 de l’allemand KMW. Baptisée Leopard 2A7HU, celle-ci préfigure, en effet, le Leopard 2A8 dévoilé quatre ans plus tard, avec notamment une vétronique modernisée, un blindage renforcé et l’installation d’un système de protection actif hard kill Trophy de l’Israélien Rafael, alors une première en Europe.

Un an plus tard, Budapest se tourna à nouveau vers l’industrie de défense allemande avec l’acquisition de véhicules de combat d’infanterie KF41 Lynx pour 2 Md€, proposés par Rheinmetall et équipés de l’APS Hard-Kill ADS Strikeshield conçu et fabriqué par ce même industriel.

Le contrat s’appuyait cette fois sur un accord de production locale ambitieux, prévoyant, entre autres, la construction d’une usine pour l’assemblage de 162 des 218 blindés, et la maintenance de l’ensemble du parc.

Le pari jusqu’ici perdant de Budapest autour du KF41 Lynx de Rheinmetall

Ce contrat, particulièrement ambitieux pour la Hongrie et ses 10 millions d’habitants, était un pari tant pour Budapest que pour l’industriel allemand. Les autorités hongroises espéraient ainsi profiter des futures exportations du (alors) prometteur Lynx pour amortir son investissement et developper son industrie de défense pour l’occasion.

KF41 Lynx Rheinmetall
Les perspectives de succès du KF41 Lynx de Rheinmetall se résument aujourd’hui à la compétition OMFV de l’US Army.

Rheinmetall, de son côté, misait sur la crédibilité et la réactivité qu’allait lui procurer cette nouvelle infrastructure industrielle, précisément pour séduire de nouveaux clients à l’exportation, spécialement en Europe.

Malheureusement pour les deux, les choses ne se sont pas passées aussi bien qu’espéré concernant le véhicule blindé phare de l’industriel de Düsseldorf. En effet, celui-ci s’est fait battre lors de toutes les compétitions auxquels il participa, notamment par un CV90 suédois aussi performant qu’attractif, et un AS21 sud-coréen aux conditions industrielles imbattables.

Si tous les espoirs ne sont pas encore perdus concernant le Lynx, avec en particulier sa participation à la compétition américaine OMFV pour le remplacement des M2 Bradley de l’US Army, les chances que l’usine hongroise de Zalaegerszeg puisse en profiter sont faibles.

C’est probablement un raisonnement semblable à celui qui amena Budapest et Rheinmetall à construire cette usine, qui est à l’œuvre au sujet de la participation annoncée de la Hongrie au financement industriel pour la fabrication du char KF51 Panther.

La Hongrie monte à bord du programme KF51 Panther

En effet, dans une interview donnée par Armin Papperger, le CEO de Rheinmetall a indiqué que les autorités hongroises allaient financer les adaptations industrielles nécessaires pour permettre à l’usine de Zalaegerszeg de produire le nouveau char dévoilé en 2022 à l’occasion du salon Eurosatory.

Armin Papperger KF51 Panther KF41 Lynx

Pour Budapest, il s’agit très certainement d’entamer l’évolution indispensable de son outil industriel face au manque de succès du Lynx sur la scène européenne, et l’absence de perspective alors que l’essentiel des grands contrats dans ce domaine ont déjà été attribués.

En effet, si le Lynx n’a presque plus d’opportunités en Europe et au-delà, ce n’est pas le cas du KF51 Panther, qui serait, s’il venait à être produit, probablement le char le plus moderne et le plus performant du moment en occident, tout au moins jusqu’à l’arrivée de l’Abrams M1E3 et du Leopard 2AX.

Comme c’était le cas pour le Lynx, il s’agit, pour Rheinmetall, de pouvoir s’appuyer sur une infrastructure industrielle disponible de sorte être en mesure de répondre aux demandes internationales avec des délais brefs comme attendu par les clients aujourd’hui, alors que la menace évolue rapidement.

Un risque calculé pour Budapest

Si Budapest prend un risque en acceptant de participer au financement du programme par l’intermédiaire de l’évolution de son propre outil industriel, il est cette fois modéré, puisqu’aucune commande de char au-delà des 44 Leopard 2 précédemment commandés, a été annoncée.

Le pari hongrois pourrait cependant s’avérer payant. En effet, si pour l’heure, l’intérêt commercial autour du Panther est limité, handicapé qu’il est par l’apparition du Leopard 2A8 de son partenaire, mais néanmoins concurrent, Krauss-Maffei Wegmann, le contexte entourant le char de Rheinmetall est tout autre que celui qui entourait le Lynx précédemment.

En effet, parallèlement à l’usine de Zalaegerszeg, l’industriel a entrepris la construction d’une usine en Ukraine, pour produire, là encore, ses deux matous blindés Panther et Lynx.

usine Zalaegerszeg Rheinmetall Hongrie
L’usine de Zalaegerszeg va évoluer pour être en mesure de produire le Panther, mais par pour l’Armée hongroise.

Cette initiative, qui doit permettre de produire, à partir de 2024, jusqu’à 400 blindés par an, est indispensable à l’effort de guerre ukrainien, qui se doit d’anticiper l’assèchement des stocks européens, et le possible retrait du soutien américain, tout en répondant à la montée en puissance de l’industrie de défense russe, notamment dans le domaine de la production de char.

Or, comme l’ont encore récemment démontré les frappes russes sur Odessa et Lviv, la Russie disposent toujours des moyens nécessaires et suffisants pour frapper les infrastructures critiques ukrainiennes, y compris pour venir à bout des meilleures défenses antiaériennes et antimissiles occidentales déployées pour les protéger.

De fait, le site industriel de Zalaegerszeg pourrait bien faire office de plan de sauvegarde pour Rheinmetall et l’Ukraine en matière de production de blindés, et de sécurité pour les investissements consentis par Budapest.

En outre, si les Panther et Lynx ukrainiens venaient à montrer des qualités et des performances notables face aux blindés russes, il ne fait aucun doute que d’autres utilisateurs potentiels se manifesteront, profitant de fait à l’usine hongroise.

Il s’agit donc, pour Budapest dans cette manœuvre, de continuer d’investir un montant minimum afin de rester dans le jeu, et espérer remporter le pot. Sera-ce payant ?

SSN-AUKUS : Londres investit 4 Md£ pour la conception de son futur sous-marin nucléaire d’attaque

Le ministère de la Défense britannique a annoncé, dans le cadre du programme SSN-AUKUS, la signature de 4 Md£ de contrats avec plusieurs grands industriels, pour la conception du futur remplaçant des sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Astute, ainsi que l’adaptation des infrastructures industrielles pour produire les futurs sous-marins.

Annoncé en 2021, le programme SSN-AUKUS représente le pilier fondateur de l’alliance AUKUS qui rassemble Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne. Ses grandes lignes ont été dévoilées à l’occasion d’une cérémonie ayant rassemblé les chefs d’État des 3 pays sur la base navale de l’US Navy de San Diego en mars 2023.

Ambitions et inquiétudes autour du programme SSN-AUKUS

Celui-ci est bâti sur la conception d’un nouveau sous-marin nucléaire d’attaque destiné à remplacer les SNA de la classe Astute de la Royal Navy à partir de 2040 pour 7 exemplaires, ainsi que l’extension de la flotte de SNA de la Marine australienne à cette même date, pour 3 à 5 exemplaires.

Préalablement, la Royal Australian Navy aura fait l’acquisition de 3 à 5 sous-marins nucléaires d’attaque américains de la classe Virginia Block IV et/ou V, avec l’objectif d’atteindre une flotte de huit navires australiens d’ici à 2050.

Au-delà de la manière pitoyable dont l’ex-premier ministre australien, Scott Morrison, avait négocié le sujet en gardant le secret y compris vis-à-vis de la France avec qui Canberra avait signé en 2015, un contrat pour la construction locale de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle, ce programme suscite de nombreuses inquiétudes, en Australie comme aux Etats-Unis.

Classe Virginia
La Royal Australian Navy va acquérir de 3 à 5 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia auprés des Etats-Unis.

Pour plusieurs hauts responsables du Congrès américains, la vente de 3 à 5 SNA de la classe Virginia à l’Australie, ne pourra se faire, en l’état des projections de planification, qu’au détriment de la remontée en puissance de l’US Navy dans ce domaine, alors que l’hypothèse de tensions croissantes avec Pékin semble désormais s’imposer.

De fait, certains sénateurs et représentants américains craignent que ce programme, s’il permet effectivement de renforcer les capacités opérationnelles de l’Australie, un allié de premier plan dans le Pacifique, vienne conjointement handicaper les capacités de réponse américaines face à Pékin, et donc l’efficacité de leur caractère dissuasif.

En Australie, ce sont essentiellement les questions de couts et de retours industriels du programme qui font l’objet de débats, sachant que celui-ci va couter entre 2,5 et 3 fois plus cher que le pourtant très contesté programme qui visait à construire localement 12 sous-marins de la classe Attack dérivés du Barracuda français.

À ce titre, les conséquences sur la disponibilité budgétaire pour les autres programmes d’équipement des armées australiennes se font déjà ressentir, avec certaines baisses de volume et reports parfois spectaculaires.

4 Md£ pour BAE system, Rolls-Royce et Babcock pour le successeur de la classe Astute

La Grande-Bretagne semblait jusqu’ici moins exposée aux effets délétères de cet ambitieux programme. En effet, la Royal Navy devait, quoi qu’il en soit, entamer prochainement la conception des futurs remplaçants des SNA de la classe Astute, dont l’unité tête de série, le HMS Astute, est entrée en service en 2014, 14 ans après que la quille eut été posée.

classe Astute SSN-AUKUS
Les navires du programme SSN-AUKUS viendront remplacer les SNA de la classe Astute de la Royal Navy.

C’est à ce titre que le ministère de la Défense britannique vient de signer un ensemble de contrats dans le cadre de la phase d’étude et de conception du programme Detailed Design and Long Leads (D2L2), avec les principaux industriels concernés, BAe System, Rolls-Royce et Babcock Marine, le tout pour 4 Md£.

Cette phase doit permettre, non seulement, l’étude et la conception du navire lui-même comme de son futur réacteur nucléaire, mais aussi d’adapter les infrastructures industrielles du chantier naval de Barrow-in-Furness et le site nucléaire de Raynesway, pour produire les nouveaux navires.

De manière intéressante, le communiqué de presse du ministère de la Défense britannique, s’il insiste naturellement sur les performances attendues de son futur « Hunter-killer », comprendre sous-marin spécialisé dans la chasse aux autres sous-marins, ainsi que sur les effets économiques et industriels de l’investissement consenti, il ne fait nullement, pour l’heure, référence à la participation budgétaire et/ou industrielle de l’Australie dans le programme.

Les effets de captation budgétaire sur les armées britanniques

Reste qu’en Grande-Bretagne, comme en Australie, les couts induits par le développement du SSN-AUKUS, mais aussi du programme d’avion de combat GCAP de 6ᵉ génération, conjointement avec l’Italie et le Japon, viennent handicaper les efforts de modernisation des autres programmes, et plus généralement des armées elles-mêmes.

Ainsi, récemment, le MoD a confirmé que la réduction de format de la British Army prévue pour 2025 serait maintenue, pour ramener celle-ci à seulement 73 000 hommes, moitié moins que n’en aura la Pologne à cette date, alors que le pays est deux fois moins peuplé et quatre fois moins riche.

GCAP Tempest BAe
Les investissements requis pour le programme GCAP viennent aussi handicaper l’effort de modernisation des armées britanniques

De même, la flotte de chasse de la Royal Air Force semble destinée à évoluer entre 150 et 175 appareils, y compris les F-35B destinés à embarquer à bord des deux porte-avions de la Royal Navy. Celle-ci, enfin, verra sa flotte et ses capacités passer par un point bas dans la décennie en cours avec le retrait des frégates Type 23 qui ne sera pas intégralement compensé par l’arrivée des Types 26 et 31, et l’absence, pour près de 10 ans, de capacités amphibies.

Le fait est, Londres parait déterminé à concevoir certains programmes industriels majeurs comme SSN-AUKUS, GCAP ou les SNLE de la classe Dreadnought, de sorte à préserver son statut politico-industriel hérité de la Guerre Froide sr la scène internationale. Dans le même temps, l’effort de défense britannique demeure proche du plancher de 2 % du PIB fixé par l’OTAN, deux fois mois que lors cette même guerre froide.

C’est dans cette contradiction qu’il faut trouver l’origine des nombreux renoncements auxquels les armées doivent, et devront probablement longtemps, faire face. Une situation que leurs alliés de toujours d’outre manche connaissent très bien eux aussi.

Programme F-35 suisse : les industriels romands s’impatientent

Les industriels suisses romands qui devaient bénéficier des mesures compensatoires associées au programme F-35 suisse à destination des forces aériennes helvétiques, donnent désormais de la voix pour exprimer leur inquiétude, voire leur agacement et leur découragement, face au manque de progrès évident dans ce domaine, un an après la signature du contrat. Surtout, ils se font l’écho de soupçon de favoritisme en faveur des entreprises suisses basées dans des cantons germanophones.

Lorsque Berne annonça sa décision en faveur du F-35A américain pour moderniser les forces aériennes helvétiques, ne nombreuses voix, en Suisse, mais aussi en France, s’étaient élevées pour mettre en doute la sincérité de l’offre transmise par Lockheed-Martin et les Etats-Unis.

Parmi les sujets jugés alors peu crédibles, le partage industriel de 3 milliards de francs suisse auquel Lockheed-Martin s’était engagé, semblait excessif à la vue du contrat lui-même, mais aussi des accords de partage industriel préalablement signé en Europe par l’avionneur américain.

En outre, plusieurs personnalités suisses, majoritairement en Suisse romande francophone, s’étaient inquiétés du manque de transparence qui entourait l’ensemble du programme, et pus particulièrement les procédures d’attribution des contrats compensatoires.

Le manque de progrès autour des compensations industrielles du programme F-35 suisse

Ces inquiétudes étaient semble-t-il fondées, au moins en partie, si l’on en croit de récents articles de presse publiés, là encore, par la presse francophone helvétique.

Mecaplex swizerland verrieres
La société Mecaplex, spécialiste des verrières aéronautiques, a jeté l’éponge dans l’attente d’une éventuelle commande liée au programme F-35 suisse.

Ainsi, selon la Radio Télévision Suisse, les industriels suisses, et plus particulièrement suisses romands, qui devaient initialement bénéficier de ces mesures de compensation, commencent à désespérer du manque de progrès dans ce domaine, en dépit des innombrables réunions qu’ils ont pu avoir avec Lockheed-Martin depuis un an que le contrat est entré en vigueur.

Certains d’entre eux, comme la société Mecaplex basée à Grange dans le canton de Soleure, un fabricant reconnu de verrière pour aéronef souvent cité en référence par Lockheed-Martin, auraient même jeté l’éponge face au manque de progrès dans ce domaine.

Il semble toutefois que cette perception ne soit pas uniformément repartie en Suisse. En effet, toujours selon RTS, il apparaitrait que ce qui s’apparente à des soupçons de favoritisme en faveur des entreprises appartenant aux cantons germanophones, émergent au sein des industriels romans.

Des soupçons de favoritisme contre les industriels romands

En effet, la majorité des contrats signés à ce jour, qui couvrirait jusqu’à la moitié des 3 Md CHF promis par l’avionneur, l’ont été vers ces entreprises suisses appartenant à des cantons germanophones, et plus particulièrement l’entreprise Ruag, basée à Berne, qui pourrait bien s’avérer être le grand gagnant de cette opération.

programme F-35 suisse compensation industrielle
Les compensations industrielles entourant le programme F-35 suisse sont probablement handicapées par les engagements pris par ailleurs par l’avionneur américain.

C’est précisément le manque de transparence dans l’exécution du programme, mais aussi dans les critères d’attribution retenus par Armasuisse et le Département fédéral de la défense (DDPS), qui est aujourd’hui pointé du doigt par les industriels romans.

Ceux-ci doutent également, de manière dorénavant ouverte, de la parole de Lockheed-Martin, qui promet, depuis un an maintenant, des concrétisations dans un avenir proche.

Comme un air de déjà vue pour Lockheed-Martin

Il est intéressant de constater que le phénomène, dénoncé par les industriels romans suisses, n’est pas sans rappeler des inquiétudes identiques exprimées il y a quelques mois par les industriels belges autour, là encore, du programme compensatoire autour de l’acquisition de F-35.

Il s’agissait, là aussi, d’un manque de progrès évident dans la mise en œuvre des engagements industriels compensatoires pris par Lockheed-Martin lors de la signature du contrat d’acquisition des F-35A belges.

Le sujet a récemment connu de timides avancées, avec la signature, en mai 2023 (soit avec deux ans de retard), d’un contrat cadre qui permettra aux industriels belges de concourir aux appels d’offre dans le cadre du programme F-35, sans qu’ils aient toutefois l’assurance d’être retenus.

SCAF NGF
Les industriels aéronautiques belges espèrent probablement désormais davantage de retombées liées à la participation à venir de Bruxelles au programme européen SCAF, qu’au sujet des contrats compensatoires de Lockheed-Martin.

Cette annonce a peut-être permis de calmer les inquiétudes des industriels belges, dans la mesure où le sujet n’a pas créé de nouveaux rebondissements depuis. À moins que l’arrivée de la Belgique, avec le statut d’observateur au sein du programme SCAF, ait réussi à amadouer les industriels d’outre-Quiévrain.

Quoi qu’il en soit, alors que la probité de la passation du contrat suisse à Lockheed-Martin avait déjà été mis en doute, ces nouvelles révélations laissant supposer de nouvelles entorses aux accords passés, ainsi que des soupçons de favoritisme en faveur des entreprises alémaniques, vient une nouvelle fois peser sur ce programme décrié.