mardi, décembre 2, 2025
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L’industrie de défense française expérimente sa nouvelle doctrine commerciale en Ukraine

Une délégation de l’Industrie de defense française s’est rendu à Kyiv pour négocier plusieurs contrats, y compris sous la forme de partenariats avec production locale, afin de soutenir l’effort de guerre ukrainien. Si de nombreux obstacles demeurent, il s’agit cependant d’une nouvelle démonstration du changement de paradigme entrepris par Paris à ce sujet depuis quelques mois.

Comme nous nous en sommes faits l’écho à plusieurs reprises, la France a entrepris, depuis quelques mois, un profond changement de paradigme en matière d’exportation de systèmes d’armes.

En effet, Paris envisageait jusqu’ici les programmes majeurs en coopération uniquement avec certains partenaires européens proches, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne, ou l’Italie. À l’opposé, la France classait les autres dans la catégorie des clients.

Mais les difficultés rencontrées ces dernières années autour des programmes de coopération avec l’Allemagne (abandon Tigre 3, CIFS, MAWS et difficultés sur SCAF et MGCS), la Grande-Bretagne (FCAS, guerre des mines, missiles..), ou l’Italie (Naviris), ont, semble-t-il, convaincu Paris de sortir de cette vision manichéenne, pour proposer une approche de partenariat à ses plus importants clients.

Un changement de paradigme discret, mais radical, pour les exportations d’armement françaises

Les prémices de ce basculement sont apparues autour de la visite officielle de Narendra Modi, le premier ministre indien, en France à l’occasion des festivités du 14 juillet, en annonçant plusieurs initiatives de coopération industrielle et technologique de défense concernant notamment la motorisation des futurs chasseurs de l’Indian Air Force, tout en entamant les négociations pour l’acquisition de 26 Rafale Marine et de trois sous-marins Scorpène supplémentaires.

AMCA Inde
L’Industrie de défense française pourrait prochainement participer aux programmes de chasseurs de nouvelle génération indiens AMCA et TEDBF

Depuis, d’autres approches similaires ont été développées, que ce soit avec la Grèce concernant la fabrication de corvettes anti-sous-marine Gowind 2500 et de frégates FDI supplémentaires, mais également, plus discrètement, avec les Émirats arabes unis autour de la modernisation du char Leclerc.

C’est désormais au tour de l’Ukraine de faire l’objet de cette nouvelle approche industrielle française. Celle-ci s’appuie sur un autre basculement opéré par le Président Macron il y a quelques mois, au sujet de la position de la France vis-à-vis de son soutien à l’Ukraine face à la Russie ainsi que pour son adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne.

L’industrie de défense française à Kyiv

En effet, une importante délégation industrielle française, rassemblant toutes les grandes entreprises de la BITD comme Thales, Nexter, MBDA ou Arquus, ainsi que des entreprises plus modestes et des start-up, s’est rendue à Kyiv ces jours-ci, pour négocier des contrats de coopération industrielle basés sur la localisation en Ukraine de certaines capacités.

Selon un article du Figaro, il serait ainsi question que les entreprises de la BITD terre française, créent une coentreprise avec un acteur industriel local, dans le but de déployer en Ukraine une infrastructure capable d’entretenir et de réparer les véhicules transférés par Paris à Kyiv, comme les VAB, les canons CAESAR ou encore les AMX-10RC.

AMX-10RC
La France pourrait créer avec l’Ukraine une coentreprise dans le but de déployer une infrastructure industrielle de maintenance pour les blindés cédés à Kyiv, comme l’AMX-10RC

L’objectif pour ces entreprises est évidemment d’engendrer de nouveaux contrats, mais également de saisir, au plus près de l’action, les retours d’expérience et les expressions de besoin exprimés par les militaires ukrainiens, de sorte à enrichir leur perception du sujet, et ainsi d’améliorer leurs produits en conséquence.

De nombreux obstacles restent à lever en Ukraine, comme la question du financement, alors que le fonds spécial de 200 m€ alloué par la France pour l’acquisition d’équipement de défense français par l’Ukraine, est presque intégralement utilisé, ou la pérennité des infrastructures industrielles dans un pays tout entier à portée de tir des missiles et des drones russes.

Vers la redéfinition de l’approche des exportations d’équipement de défense

Pour autant, l’approche déployée par Paris à Kyiv ces derniers jours, conforte pleinement le changement de paradigme opéré par la France concernant ses exportations de défense depuis quelques mois qui, s’il s’avère plutôt discret médiatiquement, n’en est pas moins considérable du point de vue industriel et commercial.

Il est vrai que celui-ci permettra certainement d’exploiter au mieux les atouts de l’industrie de défense française, à savoir ses compétences et acquis technologiques, ainsi que son expérience pour mener des programmes ambitieux et complexes, y compris en coopération.

Industrie de défense française Nexter
L’Industrie de défense française a entamé une profonde mutation de son approche dans le domaine des coopérations internationales.

Dans le même temps, il en gommera, potentiellement du moins, certaines des faiblesses actuelles, à savoir le manque d’activité, conséquence du manque d’ambition de l’État dans ce domaine, tout au moins pour ce qui concerne les programmes d’équipements destinés aux Armées françaises.

Reste à voir, dorénavant, si les négociateurs industriels français sauront évoluer aussi rapidement que ne le fait le paradigme lui-même, et s’ils sauront, ou pourront convertir en succès les multiples ouvertures qui se dessinent.

Rappelons, en effet, que si cette posture est relativement nouvelle pour la France, elle est loin de l’être pour d’autres pays, dont l’Italie, l’Espagne, la Suède et surtout la Grande-Bretagne, grande spécialiste du sujet depuis de nombreuses années.

Avec le sous-marin Hai Kun, Taïwan réalise plus d’une prouesse pour faire face à la menace de Pékin

Le lancement du sous-marin Hai Kun (Narval), premier sous-marin de fabrication taïwanaise, a donné lieu à une cérémonie d’ampleur nationale en présence de la présidente Tsai Ing-wen qui en a souligné le caractère exceptionnel en déclarant que ce projet était encore considéré comme impossible à réaliser, il n’y a de cela que quelques années.

Et pour cause ! Pour donner naissance à cet instant historique pour Taïwan, les militaires, ingénieurs, mais aussi politiques de l’ile ont dû relever de nombreux défis qui semblaient inaccessibles jusque-là, afin de concevoir et de construire un sous-marin susceptible de rivaliser avec la Marine chinoise et les très importants moyens sous-marins et anti-sous-marins qu’elle déploie de manière ininterrompue autour de l’ile convoitée par Pékin.

Convaincre les Etats-Unis de sponsoriser le programme politiquement

La première montagne que Taipei a dû franchir pour parvenir à ce résultat, fut de parvenir à convaincre les Etats-Unis de son caractère indispensable, et ce, dès 2018, alors que les tensions entre Washington et Pékin étaient loin d’être au niveau qu’elles ont atteint aujourd’hui.

Il était, en effet, nécessaire que les Etats-Unis s’engagent conjointement à Taïwan dans cet ambitieux programme, notamment pour accompagner et former les ingénieurs taïwanais à des domaines et des technologies que bien peu de pays dominent.

lancement sous-marin Hai Kun discours présidente Tsai Ing-wen
La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a souligné le caractère historique de l’événement lors du lancement du Hai Kun.

En outre, les nouveaux sous-marins taïwanais devront embarquer certaines technologies, dans le domaine des systèmes de détection ou de l’armement, avec la torpille Mk48 et le missile antinavire Harpoon à changement de milieux, qu’il aurait été impossible de masquer à Pékin.

En d’autres termes, Washington devait tout ensemble aider Taipei à réaliser son projet, et le faire ouvertement, ce qui n’a pas manqué de provoquer l’ire de Pékin.

Convaincre les européens des transferts de technologies discrets, mais indispensables à la conception du sous-marin Hai Kun

Le soutien américain était également nécessaire pour un second volet, tout aussi critique, du programme, s’agissant de convaincre les européens de certains transferts de technologies concernant des aspects que les industriels américains, qui ne conçoivent ni ne construisent plus de sous-marins à propulsion conventionnelle depuis plus de 50 ans, auraient été dans l’incapacité de fournir.

Contrairement aux Etats-unis, les européens refusent, en effet, d’aider publiquement les armées taïwanaises, craignant les représailles économiques de la République Populaire de Chine, qui a fait de cette menace un outil précieux pour affaiblir militairement l’ile autonome.

Type 212 TKMS marine italienne
Le modèle européen dont le Hai Kun se rapproche le plus est le Type 212 de l’allemand TKMS

Il fallut donc aux autorités taïwanaises de déployer des talents rares de négociation comme de discrétion, pour parvenir à convaincre les quelques industriels européens susceptibles d’apporter les technologies manquantes pour concevoir un sous-marin d’attaque efficace capable de faire face à la Marine chinoise.

Garder le secret absolu sur ces transferts de technologies européens

Une fois l’accord des industriels européens acquis, encore fallait-il garder le secret, non seulement sur son existence, mais aussi lors des phases effectives de transferts de technologie, qui nécessitent évidemment des rencontres répétées entre ingénieurs et industriels taïwanais et européens, ainsi que des transferts de matériels vers Taïwan.

Force est de constater que cet aspect, lui aussi, a été remarquablement mené par Taipei, puisqu’à ce jour, on ignore tout des transferts de technologies européens entourant le programme, et même s’ils ont effectivement eu lieu, ce qui, toutefois, semble très probable.

De sorte à brouiller les pistes, et affaiblir les menaces chinoises qui anticipèrent la participation des européens au programme, les autorités taïwanaises ont pris soin de visiter tous les acteurs européens de la filière sous-marine, à chaque déplacement trop visible.

Fusionner les technologies et la dynamique en un unique programme sur des délais remarquablement courts

Une fois ces aspects politiques et sécuritaires, déjà très délicats, négociés avec succès, encore fallait-il les convertir en un véritable sous-marin susceptible de faire face la Marine chinoise. Surtout, il fallait le faire vite, et même très vite.

Issac peral S-80 plus sous-marin
Il fallut 16 ans à l’Espagnol Navantia pour lancer le sous-marin Issac Peral, première unité de la classe S-80 Plus.

À ce titre, il ne fallut que 3 ans à Taipei pour concevoir et lancer le premier navire d’une classe qui doit en compter huit ce qui représente une véritable prouesse. Il a ainsi fallu 16 ans à l’Espagne pour concevoir et lancer le Issac Peral, premier navire de la classe S-80 plus.

Quant au programme Lada russe, il n’est toujours pas fiabilisé au bout de 20 ans, en dépit de l’expérience des bureaux d’étude Rubin et des chantiers navals de Saint-Petersbourg dans le domaine.

En outre, les ingénieurs taïwanais ont dû, sur cette courte période de temps, intégrer des technologies exogènes venues des Etats-Unis et d’Europe, tout en concevant un navire qui se distingue, en forme comme en dimension, de ses homologues européens présents et à venir, de sorte à ne prêter le flanc à une possible interprétation chinoise.

À ce titre, si l’on peut reconnaitre certains emprunts à des bâtiments américains et européens dans le design, il est impossible d’en déduire une filiation évidente, preuve du succès de l’approche taïwanaise.

Ne pouvant dès lors que supputer une intervention européenne, sans pouvoir designer le ou les protagonistes, Pékin est dans l’incapacité de mettre en œuvre des mesures de coercition, sauf à les appliquer à toute l’Europe, et se priver d’un marché indispensable à sa propre économie.

Maintenir ces efforts et cette discipline pendant de nombreuses années

Si le programme de sous-marins chinois qui a donné naissance au Hai Kun, est de toute évidence un succès jusqu’ici, les efforts de Taipei, dans tous les domaines préalablement cités, sont loin de pouvoir prendre fin.

En effet, pour atteindre une efficace opérationnelle, donc dissuasive, suffisante, la flotte de sous-marin taïwanais doit rapidement croitre dans les années à venir. Le programme lui-même vise une flotte de 8 navires, qui viendraient s’ajouter aux deux sous-marins de la classe Hai Lung de la classe néerlandaise Zwaardvis acquis au milieu des années 80.

sous-marin classe Hai Lung taiwan
Les 8 sous-marins de la classe Hai Kun pourront rejoindre les deux sous-marins de la classe Hai Lung acquis auprès des Pays-Bas au milieu des années 80.

À ce titre, la construction du second navire de la classe a déjà commencé, celui-ci devant rejoindre la Marine taïwanaise pour 2027. Selon certaines informations, celui-ci pourrait accueillir de nouveaux équipements, comme des briques anéchoïques permettant d’atténuer les bruits rayonnés ainsi que l’efficacité des sonars actifs, et donc renforcer sa furtivité.

Il faudra donc maintenir simultanément la dynamique politique internationale entourant le programme, de même que la dynamique industrielle taïwanaise pour produire les navires à un rythme soutenu, le tout en conservant l’ensemble du programme sous cloche pour empêcher Pékin de mettre ses menaces à exécution contre les éventuels acteurs européens y ayant pris part, ce qui pourrait faire dérailler l’ensemble du programme.

Conclusion

On le voit, au-delà des défis technologiques et industriels déjà considérables, il fallut à Taipan déployer des trésors d’ingéniosité, de persuasion et de volonté, pour parvenir à donner naissance au sous-marin Hai Kun, ainsi qu’au programme qui l’entoure.

Le jeu en vaut toutefois la chandelle. En effet, une flotte de huit sous-marins conventionnels modernes, particulièrement discrets et bien armés, constituerait à elle seule un obstacle de taille pour Pékin, la Marine chinoise et l’ensemble de l’Armée Populaire de Libération, pour tenter de soumettre par la force Taïwan.

Reste à voir, désormais, si l’ensemble des critères indispensables à la bonne poursuite du programme sera respecté, et surtout si les délais nécessaires à la constitution de cette flotte sous-marine seront suffisamment courts pour répondre à la montée en puissance rapide de la flotte chinoise.

Car paradoxalement, on peut aussi craindre que le succès du programme finisse de convaincre Xi Jinping et l’état-major chinois, de l’urgence de mener cette opération militaire avant que la flotte de sous-marins taïwanais, mais également sa flotte de chasse, aient achevé leur transformation.

L’avion spatial Shenlong chinois va-t-il servir de système antisatellite ASAT ?

Le 26 aout 2022, une fusée Long March 2F mit en orbite l’avion spatial Shenlong chinois, pour une mission qui durera 276 jours. Cette démonstration de force de l’industrie spatiale chinoise, représentait une réponse de Pékin au vol orbital de plus de 900 jours qu’avait réalisé l’avion spatial de Boeing X-37B quelques mois plus tôt.

Toutefois, au-delà de la démonstration de force technologique, le vol du Shenlong montra surtout que la Chine était désormais en capacité de developper de nouveaux systèmes d’armes orbitaux.

C’est notamment le cas des systèmes de bombardement orbitaux fractionnés, à propos desquels Pékin a montré qu’il disposait simultanément du vecteur de mise en orbite, l’avion spatial Shenlong, et des planeurs hypersoniques susceptibles de mener des frappes de précision. Cette nouvelle menace avait fait, alors, l’objet de plusieurs articles détaillés sur ce site.

Les manœuvres observées de l’avion spatial Shenlong

Mais il semble que les ingénieurs chinois ne se soient pas limités, dans leurs expérimentations autour du vol de l’avion spatial, à ce seul domaine. Ainsi, des observations réalisées par le 18ᵉ Escadron de défense spatiale de l’US Space Force, montrent que le Shenlong a réalisé plusieurs missions lors de ce vol, laissant entrevoir d’autres compétences toutes aussi inquiétantes que ne peut l’être le SBF déjà envisagé.

En effet, l’avion spatial a été observé larguant un objet spatial qui, par la suite, évolua de concert avec lui en orbite, laissant supposer, selon un article publié thespacereview, que le Shenlong pourrait représenter une nouvelle brique du dispositif ASAT chinois, susceptible d’apporter une plus-value opérationnelle des plus significatives dans ce domaine à la Chine.

Largage et évolution d’un microsatellite

Selon les observations réalisées, le Shenlong aurait par deux fois au mois effectué des manœuvres de récupération et de largage avec cet objet baptisé « Objet J », qui aurait, lui aussi, été doté d’un système de propulsion et de manœuvre Independant.

Même si la libération de microsatellite ne constitue pas, en soi, une manœuvre ASAT, on imagine dès lors fort bien tout le potentiel qu’un tel système pourrait avoir en matière de neutralisation non destructive d’un objet orbital comme un satellite adverse.

Plusieurs grandes puissances, dont les Etats-unis, la Russie, la Chine ou l’Inde, ont déjà fait la démonstration de systèmes capables de neutraliser un satellite en orbite. Toutefois, l’ensemble des moyens employés reposent, jusqu’à présent, sur l’utilisation de projectiles cinétiques lancés d’un missile à capacité exoatmosphérique, pour venir percuter et détruire le satellite visé.

Les limites des armes ASAT cinétique et le syndrome de Kessler

Or, comme l’avait théorisé Donald Kessler, un chercheur de la NASA, en 1978, et comme l’ont démontré les récents essais de systèmes ASAT chinois ou indiens, la destruction cinétique d’un satellite en orbite engendre la dispersion d’un grand nombre de débris qui viennent, à leur tour, menacer l’ensemble des objets spatiaux évoluant dans une orbite proche ou inférieure.

De fait, la destruction d’un certain nombre de satellites par ce type de procédé, engendrerait une contamination des orbites concernées à ce point dense qu’elle engendrerait à terme la destruction de tous les objets spatiaux y évoluant, empêchant même d’y envoyer d’autres satellites pendant une période longue de plusieurs décennies.

Baptisé syndrome de Kessler, ce phénomène est désormais largement documenté, au point que les grandes puissances ont suspendu les essais ASAT, qui pourraient venir menacer aussi bien leurs propres moyens spatiaux que ceux d’un adversaire potentiel.

Les systèmes antisatellites non cinétiques actuels

De fait, les armées ont cherché, ces dernières années, à se doter de capacités ASAT non cinétiques, susceptibles d’empêcher l’adversaire d’utiliser ses satellites, tout en évitant de menacer les seins.

Il s’agit de systèmes laser destinés à aveugler les capteurs électro-optiques des satellites de reconnaissance, comme le système Perevest russe, ainsi des systèmes de brouillage destinés à empêcher les systèmes de géolocalisation ou de communication de recevoir les signaux électromagnétiques émis par les satellites.

L’utilisation des attaques cyber fait également partie de l’arsenal déployé par les grandes puissances pour tenter d’empêcher l’adversaire d’utiliser ses satellites. Au point qu’en 2019, le réputé Think Tank britannique, Chatam house, estimait qu’il était prudent de considérer que tous les satellites employés par la défense en occident, devaient être considérés comme compromis du point de vue numérique.

perevest asat
Le système Perevest russe est un laser destiné à éblouir les satellites d’observation de l’OTAN pour protéger les sites de lancement stratégiques russes.

En dépit de cet arsenal de moyens anti-satellites non cinétiques qui ne cesse de s’étoffer, l’utilisation croissante de ces relais spatiaux ne cessent de croitre dans les armées, en particulier en occident et aux Etats-Unis, ces derniers ayant fait de ses moyens orbitaux l’un des piliers de sa nouvelle doctrine opérationnelle et technologique baptisée Joint All-Domain Command and Control.

Il est donc crucial, pour un pays comme la Chine, qui sait être engagé dans une trajectoire de confrontation probable avec le bloc occidental dans les deux décennies à venir, de se doter de moyens susceptibles de priver les armées adverses de ses moyens en orbites, susceptible d’entrainer un affaiblissement majeur du potentiel militaire de l’adversaire en cas de conflit.

Le potentiel ASAT démontré par l’avion spatial Shenlong durant son vol

C’est précisément là que l’avion spatial Shenlong pourrait intervenir, selon l’article précité. En effet, par ses capacités à évoluer avec précision, et à libérer des charges spatiales, celui-ci est en mesure de s’approcher très près d’un satellite devant être neutralisé, pour mettre en œuvre des moyens amenant à sa neutralisation.

Il peut s’agir, par exemple, d’une arme à impulsion électromagnétique, d’un puissant système de brouillage empêchant le satellite de communiquer avec ses stations de contrôle, ou d’un système d’abordage destiné à propulser le satellite visé hors de son orbite efficace.

En procédant ainsi, il serait effectivement possible d’éliminer temporairement ou définitivement un satellite militaire, de manière parfaitement ciblée, tout en évitant une contamination orbitale susceptible d’engendrer un syndrome de Kessler.

Dans ce domaine, l’utilisation d’un avion spatial, conçu pour procurer une grande souplesse d’emploi, transportant plusieurs microsatellites offensifs mais non cinétiques, permettrait de traiter plusieurs satellites adverses lors d’un unique vol, en fonction de la technologie de neutralisation employée.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, et à l’instar des Systèmes de Bombardement Fractionnés, les démonstrations faites par l’avion orbital Shenlong lors de son précédent vol, attestent du fait que Pékin dispose dorénavant de l’ensemble des briques technologiques pour s’engager d’un bras de fer féroce avec les Etats-Unis dans le domaine spatial.

Il montre aussi que Pékin est proche de disposer des moyens nécessaires pour menacer l’un des piliers de la doctrine JADCC américaine, sur laquelle le Pentagone construit l’ensemble de sa stratégie pour rétablir le rapport de force face à l’Armée Populaire de Libération.

De toute évidence, les stratèges chinois s’emploient depuis plusieurs années à contrer l’ensemble des multiplicateurs de force technologiques, comme les drones, la robotisation ou l’intelligence artificielle, sur lesquels les armées américaines entendent construire le rapport de force avec la Chine, et semblent être en mesure d’y parvenir bien plus vite que ne l’avait anticipé le Pentagone.

Il ne restera alors, en cas d’affrontement, qu’à s’en remettre à des équipements plus performants et fiables, et à des troupes plus entrainées et aguerries pour compenser l’écart de masse entre les deux armées. Sera-ce suffisant ? C’est loin d’être acquis…

La République tchèque va commander 24 F-35A pour remplacer ses JAS 39 Gripen à partir de 2029.

Le gouvernement tchèque a annoncé avoir validé la future commande de 24 avions F-35A Lightning 2 de l’américain Lockheed-Martin, afin de remplacer, dès la fin de la décennie, les 12 JAS 39C Gripen, et 2 JAS 39D en version biplace d’entrainement, loués auprès de la Suède depuis 2005.

Semaine faste pour Lockheed-Martin. En effet, après l’annonce de Bucarest au sujet de l’acquisition à venir de 48 F-35A en deux lots dans les années à venir, c’est désormais au tour de Prague de faire de même.

24 Lockheed-Martin F-35A pour la République tchèque

Les autorités tchèques ont, à cet effet, validé la prochaine commande de 24 F-34A afin de remplacer les 14 Gripen C/D loués auprès de la Suède depuis 2005, ainsi que les 23 chasseurs légers L-159 Anca de l’avionneur local Aero Vodochody.

Selon les informations transmises, les nouveaux appareils devraient être livrés à partir de 2029 (ou 2031 selon les sources), pour une flotte pleinement opérationnelle. à compter de 2035.

Cette commande à venir s’accompagne d’un accord industriel qui n’a pas encore été détaillé, mais qui permettra à l’industrie aéronautique tchèque de rejoindre l’écosystème F-35.

Prague prévoit de consacrer un peu moins de (106 Md CZK) 5 Md$ pour l’acquisition des appareils et de l’ensemble des équipements nécessaires pour les mettre en œuvre auprès du FMS américain, qui avait rendu une proposition à 5,6 Md$ pour la demande tchèque il y a quelques semaines.

F-35A Lockheed-Martin
La République tchèque a préféré le F-35A au Gripen E suédois pour le remplacement de ses Gripen C

En outre, l’Armée de l’Air tchèque Vzdušné síly va consacrer 1,9 Md$ (44 Md CZK) pour déployer et moderniser les infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle flotte de chasse.

L’important effort de modernisation des armées tchèques

Ce programme représente 2,2 % du PIB de la République tchèque, soit 1 an 1/2 du budget annuel des armées du pays, avec un effort de defense atteignant 1,52 % de son PIB en 2023.

Rappelons qu’en avril 2023, le Parlement tchèque a voté une loi réclamant que l’effort du defense du pays soit amené au-delà du seuil OTAN de 2 % dès 2024, notamment afin de financer les programmes de modernisation des équipements en cours.

En effet, Prague a entrepris plusieurs programmes majeurs ces dernières années, avec l’acquisition de 62 blindés Titus et de 52 systèmes d’artillerie CAESAR auprès de la France, de 200 véhicules de combat d’infanterie CV90 auprès de la Suède, ainsi que de 12 hélicoptères UH-1Y Venom et AH-1Z Viper auprès de l’américain Bell.

Plus récemment, La République tchèque a entrepris des négociations avec l’allemand Krauss-Maffei Wegmann pour l’acquisition de 70 chars Leopard 2A8 afin de remplacer les 84 T-72M4 CZ actuellement en service.

L’arbitrage de Prague en faveur du chasseur américain n’est en rien une surprise. En effet, dès juin 2022, le gouvernement tchèque avait annoncé sa préférence pour le F-35A, jugé plus performant et moins couteux que le JAS 39 Gripen E proposé par le Suédois Saab.

Leopard 2A6HU
La République tchèque souhaite acquérir 70 chars Leopard 2A8 pour remplacer ses 84 T-72M4 CZ actuellement en service

Le désintérêt européen pour l’avionneur tchèque Aero Vodochody

Le fait est, la République tchèque n’a guère de raison de se tourner vers des appareils européens. En effet, alors que son industrie aéronautique produisait, et produit encore, des appareils d’entrainement et d’attaque performants, fiables et économiques comme le L-39 NG, aucune force aérienne européenne, en dehors de la Hongrie, ne s’est intéressée à ses appareils, développant même des appareils en concurrence directe avec ceux-ci.

Il est, à ce titre, probable que si les forces aériennes suédoises s’étaient intéressées à l’avion d’entrainement et d’attaque L-39NG pour remplacer ses avions d’entraînement Saab 105, ou si la France avait de même pour le remplacement d’une partie des Alpha jet, le Gripen E/F ou le Rafale B/C auraient été considérés différemment par Prague.

Quoi qu’il en soit, l’arbitrage tchèque en faveur du F-35A portera à 12 le nombre de forces aériennes européennes mettant en œuvre le chasseur américain d’ici au milieu de la prochaine décennie, alors que l’Espagne et la Grèce devraient prochainement suivre.

L-39NG Aero Vodochody Sénégal
A l’exception de la Hongrie, les forces aériennes européennes se sont détournées de l’avion d’entrainement et d’attaque L-39NG du tchèque Aero Vodochody

Il ne reste, dès lors, en Europe que 4 pays n’ayant pas encore entrepris de moderniser leur flotte de chasse : l’Autriche (remplacement des Eurofighter Typhoon tranche 1), le Portugal (remplacement des F-16), la Hongrie (remplacement des Gripen C/D) et la Serbie (remplacement des Mig-29), pour un total de 65 à 80 appareils.

Selon toute vraisemblance, le Portugal devrait porter son choix vers le F-35 américain. La Serbie semble, de son côté, se diriger vers une commande de Rafale français. Les arbitrages concernant la Hongrie, qui s’oppose toujours à l’adhésion de la Suède à l’OTAN, et l’Autriche, qui s’est montrée très critique vis-à-vis du contrat Eurofighter, demeurent quant à eux ouverts.

Les forces aériennes de l’OTAN multiplient les exercices de dispersion de leur flotte de chasseurs.


Avec le retour des risques de conflit majeur, y compris en Europe, les forces aériennes de l’OTAN renouent avec les exercices de dispersion de leur flotte de chasse, afin de répondre à menace des missiles balistiques, missiles de croisière et drones d’attaque à longue portée, sur les aérodromes militaires dans le cadre de frappes préventives. C’est dans ce contexte que s’est déroulé l’exercice Baana 2023 en Finlande, qui aura permis à plusieurs forces aériennes de s’exercer à l’utilisation de portion d’autoroute pour mettre en œuvre leur aviation de chasse.

Les exercices de dispersion des flottes de chasse étaient communs tout au long de la guerre froide. En effet, toutes les forces aériennes savaient que leurs aérodromes militaires seraient la cible des bombardements adverses, probablement en employant des armes nucléaires, de sorte à éliminer les flottes de chasse de l’OTAN qui représentaient alors le principal atout de l’alliance sur le Pacte de Varsovie.

Certains appareils, comme le JAS 37 Viggen suédois, le A-10 Thunderbolt II américain, et surtout le Harrier britannique, avaient été conçus précisément dans le but de pouvoir être mis en œuvre à partir de terrains de fortune, comme de petits aérodromes civils ou des portions d’autoroute.

Le retour des exercices de dispersion des avions de chasse lié au contexte international

Avec la fin de la guerre froide, ce besoin d’une certaine rusticité des avions de combat, s’étiola alors que les menaces sur les bases aériennes devenaient négligeables, en particulier lors des conflits asymétriques.

Exercices de dispersion autoroute Taïwan mirage 2000-5
Les forces aériennes taïwanaises n’ont jamais cessé de s’exercer à la dispersion opérationnel de leurs avions de combat, notamment sur des portions d’autoroute.

Et seuls quelques pays, dont la Suède et la Finlande alors attachées à leur neutralité, ou Taïwan menacé par Pékin, continuaient d’exercer leurs JAS 39 Gripen, F/A-18 Hornet, F-16 et Mirage 2000, à employer des pistes improvisées pour assurer leur dispersion.

La montée des tensions face à la Chine, l’arrivée massive d’armes à longue portée comme les missiles de croisière ou les drones d’attaque, et surtout les enseignements de la guerre en Ukraine, ont amené les forces aériennes à reconsidérer cette tactique pour garantir leur efficacité opérationnelle, y compris au-delà d’une frappe préventive adverse.

L’Exercice Baana 2023 en Finlande

Dans ce domaine, plusieurs forces aériennes sont allées exercer leurs talents et apprendre des plus expérimentés, lors d’un récent exercice qui s’est tenu en Finlande il y a quelques jours.

Désigné Baana, cet exercice a lieu chaque année, et permet aux forces aériennes finlandaises d’utiliser temporairement des portions d’autoroutes pour s’exercer à faire décoller, atterrir et à mettre en œuvre leurs Hornet à partir de cet environnement dégradé.

Eurofighter Typhoon Royal Air Force Finlande autoroute exercice Baana 2023
Eurofighter Typhoon décollant d’une portion d’autoroute finlandaise lors de l’exercice Baana 23

Cette année, toutefois, d’autres appareils se sont joints aux chasseurs finlandais, dont des Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force, ainsi que des F-35A norvégiens.

L’objectif était de valider les capacités de l’appareil à employer ce type de terrains de fortune, mais aussi des forces aériennes à assurer la mise en œuvre des chasseurs en environnement dégradé.

Eurofighter Typhoon de la RAF et F-35A Norvégiens sur les autoroutes finlandaises

La participation des F-35A norvégiens intéressait particulièrement les Finlandais, qui se sont déclarés en faveur du chasseur de Lockheed-Martin pour remplacer ses Hornet dans les années à venir.

À ce titre, l’expérience a montré que le F-35A norvégien, l’un des seuls à être doté d’un parachute de freinage, pouvait effectivement atterrir et décoller à partir d’une portion d’autoroute.

Il a aussi montré sa capacité à être ravitaillé en carburant et en armement moteur tournant, une procédure appelée Hot Pit en référence aux arrêts aux stands lors des courses automobiles.

F-35A norvégiens en ravitaillement Hot Pit sur une autoroute finlandaise lors de l’exercice Baana 23

On notera cependant que si le Lightning II a montré qu’il pouvait effectuer ces manœuvres efficacement et de manière sécurisée, il n’a en revanche pas pris le risque de couper le moteur, et encore moins d’effectuer des manœuvres de maintenance de base.

De fait, et contrairement à ce qui avancé sur certains sites, le F-35A est encore loin d’avoir démontré certaines des qualités de rusticités requises pour ce type de tactique, qui nécessitent bien davantage qu’un simple plein de carburant Hot Pit pour s’avérer efficace.

Les JAS 39 Gripen et les chasseurs embarqués sont plus adaptés à la dispersion

Dans ce domaine, certains appareils sont, en effet, mieux dotés que d’autres. C’est notamment le cas du JAS 39 Gripen suédois qui a été conçu avec cette contrainte de dispersion ancrée dans son propre ADN. C’est certainement l’une des raisons qui en font le préférer des autorités ukrainiennes aujourd’hui.

Le JAS 39 Gripen de Saab a été conçu en tenant compte des besoins de dispersion des forces aériennes suédoises.

Les appareils navals, comme le Hornet, le super Hornet ou le Rafale, ont, eux aussi, été conçus pour employer des infrastructures de maintenance et de mise en œuvre limitée.

Ainsi, il y a quelques années, les personnels de la Marine nationale démontrèrent à l’US Navy qu’ils étaient capables de changer l’un des moteurs M88 d’un Rafale Marine à bord d’un porte-avions American, en quelques heures seulement et avec une équipe technique de quelques hommes.

C’est précisément depuis cette démonstration que les Rafale M français ont l’autorisation de se poser sur les porte-avions américains, et non de faire uniquement des Touch-and-Go.

Des exercices appelés à se multiplier au sein de l’OTAN, en dépit des contraintes

D’autres forces aériennes de l’OTAN ont entrepris de renouer avec ce savoir-faire. C’est notamment le cas de la Pologne, qui a fait décoller un de ses F-16 à partir d’une portion d’autoroute le 25 septembre 2023, 20 ans après avoir effectué le dernier exercice de ce type en 2003, avec des appareils de fabrication soviétique.

Il est probable que d’autres feront de même dans les mois à venir. Toutefois, pour beaucoup de forces aériennes de l’OTAN, réserver une portion d’autoroute pour réaliser ces exercices pourra s’avérer des plus complexes, qu’il s’agisse de la résistance des utilisateurs ou des exploitants d’autoroute eux-mêmes.

Ces derniers seront, en effet, probablement peu enclins à voir leur revêtement détérioré par les 20 tonnes par essieux des aéronefs, ou encore par la chaleur des réacteurs en post-combustion.

Il faudra pourtant certainement en passer par là face à l’évolution des tensions en Europe, pour répondre aux menaces que représentent les missiles balistiques, missiles de croisière, drones d’attaque et, à nouveau, des armes nucléaires, sur la pérennité des aérodromes militaires par ailleurs beaucoup moins nombreux qu’il y a 30 ans.

Le missile Mistral 3 de MBDA France séduit toujours les Armées espagnoles

Les armées espagnoles vont continuer de mettre en œuvre le missile Mistral sol-air à très courte portée développé par MBDA France. Le gouvernement espagnol vient, à cet effet, de valider la commande de 522 nouveaux missiles Mistral 3, ainsi que systèmes d’entrainement ATPS, de chargeurs de batteries et de pièces de rechange, le tout pour 324,6 m€.

Madrid avait déjà commandé, en 2021, 91 missiles Mistral pour entamer la modernisation des quelque 102 poste de tir d’infanterie et de 10 systèmes ATLAS qui assurent la défense sol-air rapprochée des unités espagnoles depuis de nombreuses années.

Assurer la protection SHORAD des armées espagnoles

Les nouveaux missiles permettront de standardiser l’ensemble du parc vers le nouveau missile entré en service en 2018, offrant des performances accrues avec une portée de 8 km et doté un nouvel autodirecteur capable d’engager des drones et plus résistant aux leurres thermiques,

Pour l’heure, il semble que le contrat espagnol ne concernera que la modernisation des capacités SHORAD (SHOrt Range Air Defense), employée par les 3 armées du pays. Il est également question, à l’avenir, d’équiper certains navires de la Marine espagnole de systèmes SIMBAD-RC employant le même missile pour en renforcer la défense anti-aérienne, antidrone et antimissile.

Mistral 3 SIMBAD-RC
La Marine espagnole s’intéresse aussi au Mistral 3 au travers du système SIMBAD-RC qui protège notamment la nouvelle classe de pétrolier ravitailleur jacques Chevalier de la Marine nationale.

Le Mistral 3 pourra de plus venir armer l’hélicoptère de combat Tigre, qui fait l’objet d’un programme commun de modernisation entre la France et l’Espagne.

Paradoxalement, Madrid ne semble pas souhaiter rejoindre, pour cette commande somme toute importante, l’initiative lancée par Paris pour harmoniser la gestion des contrats et des utilisations du missile mistral au sein d’un « club d’utilisateur » qui rassemble, à ce jour et outre la France, la Belgique, Chypre, l’Estonie et la France, et qui pourrait bientôt être rejoint par la Roumanie.

Les performances du Missile Mistral 3 de MBDA

Long de 1,85 m pour une masse presque 20 kg, le Mistral 3 est trop lourd et encombrant pour être mis en œuvre à l’épaule comme c’est le cas du Stinger ou du FBS-70. Dans sa version d’infanterie, il est transporté et déployé par une équipe de deux hommes, à partir d’un poste de tir.

S’il est moins souple d’utilisation et plus lourd à transporter que les Shorad d’infanterie classique, il offre en revanche des performances bien supérieures, avec une portée de plus de 8 km, soit quasiment le double de celle du Stinger, et une vitesse supersonique haute de Mach 2,7 lui permettant d’engager des aéronefs rapides.

Porte de tir Mistral
Contrairement au Stinger, le Mistral est mis en œuvre à partir d’un poste de tir.

Ses capacités de détection et de manœuvre lui permettent en outre d’être employé contre des drones, mais aussi contre des missiles de croisière ou antinavires. Il assure ainsi la protection antiaérienne et antimissile de plusieurs grandes unités de la Marine nationale (PHA classe Mistral, frégates classe Lafayette modernisée, frégates de surveillance classe Floréal et pétroliers classe Jacques Chevalier), ainsi que de nombreux navires appartenant à d’autres marines.

À ce titre, dans sa version navale, le Mistral 3 représente une alternative efficace au RIM-116 SEA RAM américain, dont le missile, pourtant considérablement plus imposant (long de 2,7 m pour 73 kg) car dérivé de l’AIM-9 Sidewinder, offre des performances comparables.

Un prix et des capacités très concurrentiels

La commande espagnole permet par ailleurs de mettre en avant un des derniers atouts du Mistral 3, un prix particulièrement attractif pour un missile offrant de tels niveaux de performances. Ainsi, déduction faite des systèmes annexes, il apparait que le Mistral 3 est vendu autour des 500.000 €, un prix largement compatible avec ses missions, y compris en tant que système SHORAD antimissile.

C’est certes le double du prix du missile Stinger, bien moins performant, mais c’est moitié moins chère que celui du RIM-116 aux capacités comparables. On peut se demander, à ce titre, si MBDA n’aurait pas tout intérêt à developper, en plus des SIMBAD (2 missiles) et SADRAL (6 missiles) existants, un dispositif disposant de plus de missiles pour assurer la protection rapprochée d’unités navales de premier rang, et pleinement concurrencer le Sea Ram et ses 24 missiles.

RIM-116 Sea RAM
Le système RIM-116 Sea RAM est le principal concurrent naval du Mistral 3. Il est beaucoup plus onéreux, mais permet de mettre en œuvre 24 missiles simultanément, contre 6 seulement pour le SADRAL du Mistral.

Reste qu’après la commande de 1.000 missiles du  » club Mistral » en juillet, et l’annonce récente de la commande de plus de 760 missiles antichars MMP par la Belgique, celle de 522 missiles Mistral 3 par l’Espagne démontre l’efficacité et la pertinence de l’offre de l’industriel français dans ces domaines, y compris sur les marchés européens très concurrencés.

Les risques d’escalade nucléaire en Ukraine demeurent élevés, selon la RAND Corporation


Durant les premiers mois ayant suivi l’agression russe, les chancelleries occidentales redoutaient une escalade nucléaire en Ukraine, et même de l’emploi par la Russie d’armes nucléaires, parfois désignées de tactique ou de faible intensité, si les opérations militaires venaient à échouer.

C’est ainsi qu’en mars 2022, après qu’il devint évident que l’Ukraine ne tomberait pas en quelques jours, la France annonça qu’elle avait déployé trois de ses SNLE, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui portent la capacité de seconde frappe de la dissuasion française. Il s’agissait d’une première depuis 1983 et la crise des euromissiles.

Une perception diffuse de la menace d’escalade du conflit ukrainien en occident

Depuis, la crainte de voir le conflit escalader, soit en s’étendant au-delà des frontières de l’Ukraine, soit par l’emploi d’armes nucléaires par la Russie, a sensiblement diminué tant dans l’opinion publique qu’aux plus hauts niveaux de l’état, en France comme plus globalement, dans le monde occidental.

Cette baisse de vigilance n’est pas uniquement liée à l’assimilation de la menace, comme ce fut le cas durant la guerre froide. Les nombreuses menaces et lignes rouges tracées par la Russie, notamment pour ce qui concerne la livraison d’armes à l’Ukraine, n’ayant pas été suivi d’effet, la perception même de la menace a naturellement diminué.

Dissuasion SNLE le Triomphant
La France avait déployé simultanément 3 SNLE à la mer pour renforcer sa dissuasion en mars 2022, en réponse aux risques d’escalade du conflit en Ukraine.

Elle n’est désormais presque plus au cœur du débat public, y compris dans les médias, même lorsque certaines personnalités politiques, comme D. Medvedev ou Sergueï Karaganov, appellent ouvertement à frapper l’Ukraine et l’OTAN avec des armes nucléaires russes pour, espèrent-ils, mettre fin au conflit.

Pourtant, la menace d’escalade du conflit ukrainien, demeure très élevée, y compris dans le domaine nucléaire. C’est en tout cas la conclusion à laquelle la Rand Corporation est arrivé dans un rapport publié il y a quelques jours.

Le rapport de la Rand Corporation sur les risques d’une escalade nucléaire en Ukraine

Pour réaliser cette analyse, les chercheurs du think tank américain ont interrogé au printemps dernier une quinzaine de spécialistes reconnus du sujet, de sorte à identifier les positions dominantes, comme les approches divergentes de chacun.

Selon ce rapport, les risques d’une escalade du conflit demeurent aujourd’hui inchangés, en dépit de l’absence de réponse des autorités russes aux lignes rouges qu’elles avaient elles-mêmes tracées.

char russe ddetruit en Ukraine
L’hypothèse d’une défaite probable en Ukraine peut amener les autorités russes à franchir le seuil nucléaire selon la Rand

En effet, le Kremlin s’est jusqu’ici retenu de toute réponse par l’action conjuguée de la crainte de la puissance militaire de l’OTAN, celle de se voir abandonner par ses partenaires internationaux, particulièrement la Chine, et surtout la certitude de pouvoir gagner le conflit sans qu’il soit nécessaire d’aller au-delà de la présente situation.

En conséquence, tout ce qui viendrait affaiblir ce triptyque pourrait convaincre les autorités russes de la nécessité ou de l’opportunité d’une escale, y compris concernant l’utilisation d’armes jusque-là proscrites.

Les pivots de la décision d’escalade russe

Ainsi, un affaiblissement de l’OTAN, lié à l’érosion de la cohésion entre alliés, serait certainement, selon le rapport, un risque majeur tant pour l’Europe que pour l’Ukraine.

Même si c’est improbable, si la Chine venait à changer de posture, soit en s’engageant, elle aussi, dans un conflit avec les puissances occidentales, soit au contraire, en s’éloignant significativement de la Russie, pourrait amener le Kremlin à revoir ses objectifs stratégiques, et les moyens d’y parvenir.

Enfin, et l’on serait tenté de dire « Surtout », l’hypothèse d’une défaite de ses armées en Ukraine, ou plus simplement de l’absence de victoire, pourrait amener le pouvoir russe à recourir à une approche stratégique beaucoup plus risquée, ne serait-ce que pour protéger le régime en place.

Une escalade nucléaire en Ukraine étant possible, le bombardier stratégique Tu-160M...
La Russie dispose d’une puissante flotte de bombardiers à long rayon d’action capable d’emporter des missiles de croisière supersoniques armées de têtes nucléaires.

À ce titre, le fait que des idéologues reconnus, comme Karaganov, préconisent ouvertement l’utilisation d’armes nucléaires contre l’OTAN et l’Ukraine, pour mettre fin au conflit, tend à indiquer qu’il existe un débat sur le sujet dans les hautes sphères de l’État russe.

Préserver les freins à l’escalade des autorités russes

Pour contenir cette menace désignée très crédible et probable par la Rand, les chercheurs américains préconisent de préserver l’unité et la cohésion des alliés au sein de l’OTAN et au-delà. Cet aspect est d’autant plus critique qu’il est le plus évident à mettre en œuvre par les dirigeants occidentaux.

Il est aussi indispensable de faire preuve de prudence dans le soutien apporté à l’Ukraine, pour éviter des escalades incontrôlées ou accidentelles. En outre, les dirigeants occidentaux doivent se tenir prêt à mener des actions de désescalades rapides et décisives si la situation venait à prendre une dynamique dangereuse.

La Rand met également en garde contre les risques liés à des tentatives de déstabilisation du pouvoir politique russe, susceptible d’engendrer une suite d’événement sur lesquels il serait très difficile, si pas impossible, d’agir.

ATACMS HIMARS
La Livraison d’armes à longue portée à l’Ukraine doit être parfaitement maitrisée pour empêcher toute escalade incontrôlée du conflit, selon la Rand Corporation

Enfin, les chercheurs américains concluent qu’il est désormais indispensables aux dirigeants occidentaux, américains et européens, de se préparer aux conséquences d’un échec des tentatives de désescalade, et donc d’être prêt à répondre à celle-ci, y compris par l’utilisation d’armes nucléaires, le cas échéant.

Un paradoxe dangereux autour de la poursuite du conflit en Ukraine

On le voit, le rapport publié par la Rand Corporation, est loin d’être optimiste, et détonne singulièrement avec le sentiment de sécurité qui semble s’être imposé en Europe de l’Ouest ces derniers mois, et dont on peut voir les conséquences dans les évolutions à la baisse des ambitions de defense initialement avancée après l’offensive russe.

Il apparait par ailleurs qu’au-delà du risque d’extension géographique du conflit, c’est avant tout l’usage possible par la Russie d’armes de destruction massive, plus particulièrement d’armes nucléaires, contre l’Ukraine et contre l’OTAN, qui est redoutée par les chercheurs américains.

On notera surtout que ce rapport met en évidence un puissant paradoxe dans la posture occidentale vis-à-vis de l’Ukraine, puisqu’en soutenant Kyiv dans l’espoir de remporter la victoire face aux armées russes, les puissances européennes et occidentales viendraient directement menacer l’un des trois piliers qui retient Moscou d’employer ses armes nucléaires.

Dès lors, il apparait dorénavant indispensable aux grandes nations occidentales, et plus particulièrement aux trois états dotés d’une dissuasion, de résoudre ce paradoxe avant toute chose, de sorte à ne pas se retrouver otage d’une situation potentiellement cataclysmique.

L’armée de terre française va-t-elle au-devant d’un cataclysme avec le retrait d’Afrique ?


Le retrait du Niger et le désengagement français en Afrique, sonne comme le tocsin pour une Armée de Terre jusque-là entièrement tournée vers la projection de puissance et les opérations extérieures. Quelles sont les conséquences prévisibles ou nécessaires sur son organisation, ainsi que sur ses grands programmes d’équipement en cours, alors les perspectives opérationnelles ont radicalement changé en seulement quelques années ?

C’est donc par la petite porte que les forces françaises vont devoir quitter le Niger, et avec lui, réduire considérablement leur présence en Afrique, rompant avec plus d’un siècle de présence ininterrompue l’ayant en grande partie formatée.

Après la Centrafrique en 2015, le Mali en 2022, et le Burkina Faso en 2023, les forces armées françaises quitteront donc le Niger en 2024, comme vient de l’annoncer le Président Macron, a l’issue d’une décennie de lutte intensive contre la menace djihadiste dans la zone sahélo-saharienne.

Au-delà du contexte politique et opérationnel spécifique à ces retraits successifs, ceux-ci marquent également la fin d’une époque durant laquelle les armées françaises avaient développé de grandes compétences pour intervenir sur ce théâtre, tant du point de vue tactique que logistique, leur conférant une aura de forces professionnelle aguerrie et efficace dans le monde, et plus particulièrement en Europe.

L’influence des campagnes africaines sur l’Armée de terre d’aujourd’hui

Toutefois, ces succès militaires, fautes d’avoir été politiques, ne se sont pas faits sans certains renoncements. Ainsi, l’Armée de terre française aujourd’hui disposent d’une force de quatre brigades moyennes ou légères entrainées et spécialement équipées pour ce type de mission, et de seulement deux brigades lourdes, plus adaptées pour des engagements symétriques.

Armée de terre VBMR griffon afrique
L’Armée de terre est structurée pour la projection de puissance, comme le montre son parc blindé composé à 80 % de véhicules de 24 tonnes et moins.

Cette surreprésentation des forces légères, comme l’infanterie de Marine, la Légion, les chasseurs alpins ou les parachutistes, se retrouvent d’ailleurs au sommet de sa hiérarchie.

80 % des chefs de l’Armée de terre depuis 2010 sont issus des forces légères

En effet, sur les neufs Chefs d’état-major et Majors généraux de l’Armée de terre nommés depuis 2010, seuls deux, le général Ract-Madoux (CEMAT 2011-2014) et lé général Margueron (MGAT 2010-2014) n’en étaient pas issus, appartenant respectivement à l’arme blindée cavalerie et à l’artillerie.

Cette spécialisation de fait de l’Armée de terre, très utile lorsqu’il fallut intervenir en Afghanistan, au Levant et en zone sub-saharienne, s’avère désormais un handicap face aux besoins en centre Europe de l’OTAN.

80 % des blindés français en 2030 feront moins de 24 tonnes

Ainsi, si l’Armée de Terre est, et demeurera au-delà de 2030, celle qui disposera du plus grand nombre de véhicules blindés de combat en Europe, avec 200 chars Leclerc, plus de 600 VBCI, et surtout presque 1900 VBMR Griffon, 300 EBRC Jaguar et plus de 2000 Serval, elle sera aussi l’une des plus légères, avec seulement 200 blindés chenillés de plus de 32 tonnes, le Leclerc, alors que l’essentiel de son parc évoluera entre 16 et 24 tonnes.

Or, comme l’ont montré sans surpise les AMX-10RC envoyés en Ukraine, les blindés légers, tout mobiles qu’ils puissent être, s’avèrent aussi sensiblement plus vulnérables que les véhicules plus lourds et mieux protégés dans un engagement de haute intensité.

AMX-10RC ukraine
Les AMX-10RC ont montré qu’ils étaient vulnérables dès lors qu’ils s’approchaient de la ligne d’engagement en Ukraine.

Qui plus est, outre le manque de protection, les blindés français souffrent aussi parfois d’un manque de puissance de feu. C’est notamment le cas du VBCI, le véhicule de combat d’infanterie de l’Armée de Terre, dont l’armement principal repose sur un canon de 25 mm que l’on sait léger face à des véhicules blindés moyens comme des VCI ou des chars légers, et inadapté face à des chars de combat, même anciens.

Même l’artillerie française a évolué vers cette exigence de légèreté et de mobilité. C’est ainsi que le CAESAR, il est vrai une réussite incontestable, s’est révélé beaucoup plus vulnérable que le Pzh2000 allemand en Ukraine, même si par son allonge et sa mobilité, il est aussi bien plus efficace que les M109 et autres AS91, mieux protéger, mais handicapés par un canon court, et donc une portée réduite.

De fait, aujourd’hui, toute l’Armée de terre est organisée, de ses programmes d’équipement à sa structure organique, en passant par son haut-commandement, afin de privilégier les forces légères, mobiles et aisément projetables.

Cette structure était bien évidemment pleinement tournée vers l’Afrique, son théâtre de prédilection et d’excellence ces 30 dernières années. De fait, tout porte à croire que le retrait du Niger, et plus généralement l’abandon des dernières cendres de la France-Afrique, représente un cataclysme majeur pour les armées françaises, et plus spécialement pour l’armée de terre, toute entière tournée vers elle.

Les limites du pivot indo-pacifique annoncé par le président français

Le président français, et son ministre des Armées Sébastien Lecornu, semblent désormais privilégier le théâtre indo-Pacifique, ses nombreux territoires ultramarins (Réunion, Mayotte, Polynésie, Nouvelle-Calédonie) et ses partenariats stratégiques (Djibouti, Émirats arabes unis), comme nouveau pivot stratégique français.

Toutefois, le potentiel que représentent ces territoires est très loin de s’approcher de celui des pays africains quittés récemment, et ne justifient pas l’organisation actuelle de la Force Opérationnelle tactique, le bras armé de l’Armée de Terre fort aujourd’hui de deux divisions de trois brigades chacune.

Inquiétudes dans les Armées sur fond de réorganisation profonde en perspective

Face à une telle inversion de perspectives, il n’est en rien étonnant que des inquiétudes se fassent jour au sein des Armées, et plus spécifiquement du corps des officiers de l’Armée de terre, probablement le plus concerné par les profonds changements à venir.

Et ce d’autant que la réorganisation qui ne pourra être évitée, va nécessairement poser des questions quant à la pertinence des programmes actuels, et notamment du dimensionnement du programme SCORPION et des forces légères et d’infanterie françaises, face aux forces lourdes de cavalerie, d’artillerie, ainsi que les armes spécialisées sous-représentées dans la FOT comme dans le commandement.

char Leclerc Armée de Terre
Avec seulement 200 chars Leclerc en 2030, l’Armée de Terre disposera d’une capacité d’engagement de haute intensité limitée, bien en deçà du seuil requis pour compléter la dissuasion nucléaire de manière efficace.

La question se pose, en effet, de l’intérêt de disposer de plus de 4.000 VBMR, et 300 EBRC, lorsque la force de contact se limite à 200 chars lourds soutenus par à peine plus d’une centaine de tubes, et une dizaine de systèmes d’artillerie à longue portée, et sans défense antiaérienne de zone.

Une armée en 2030 conçue pour les conflits de 2015

Cette architecture des forces est de fait considérée par beaucoup de spécialistes comme répondant aux guerres de 2010, alors qu’elle sera pleinement déployée en 2030. Par ailleurs, dans ce domaine, ce n’est pas tant la responsabilité politique que les exigences exprimées par l’Armée de terre elle-même qui sont en cause.

Dans tous les cas, le retrait des forces armées françaises du Niger, et plus généralement, le désengagement français d’Afrique, appelle à une révision profonde de l’organisation même de l’Armée de Terre et de la FOT, amis aussi des programmes industriels en cours.

Cette évolution est nécessaire afin que l’Armée de Terre retrouve le rôle qui était le sien au sein du dispositif de dissuasion conventionnel français, et ne pourra se faire sans revoir, par ailleurs, son format ainsi que ses moyens budgétaires pour assurer sa transformation, notamment en actant la montée en puissance de la garde nationale pour assurer sa masse critique.

Cependant, rien ne semble indiquer, aujourd’hui, que cette dynamique a été engagée à Ballard comme à l’Hôtel de Brienne. C’est probablement cette incertitude qui aujourd’hui mine le plus les militaires français, qui redoutent de se retrouver, dans quelques années, avec le mauvais outil pour s’engager dans la prochaine guerre.

Le CAESAR de Nexter peut-il s’inviter dans la super-compétition indienne pour 1200 systèmes d’artillerie ?

Comme l’attestent son succès commercial comme sur les champs de bataille ukrainien, le canon de 155 mm porté sur camion CAESAR de Nexter, est l’un des meilleurs systèmes d’artillerie du moment, alliant une importante mobilité à une grande précision et une portée étendue.

Toutefois, le canon de Nexter est souvent incompris, notamment du point de vue médiatique. En effet, son objectif n’est pas de se substituer à l’artillerie automotrice sous casemate, comme le PZh2000 allemand, le K9 sud-coréen ou le M109 américain, mais de proposer une nouvelle approche pour l’artillerie tractée.

Le CAESAR comme alternative à l’artillerie tractée

Comme le montre les très importantes pertes de canons M777 américains livrés à l’Ukraine, l’artillerie tractée souffre de manière évidente de ses temps de latence pour la mise et la levée de batterie, rendant ces systèmes vulnérables aux tirs de contrebatterie ainsi qu’aux munitions rôdeuses.

C’est ainsi que 67 des 142 M777 envoyés en Ukraine ont été référencés détruits ou endommagés (50 % de pertes), contre seulement 4 des 30 CAESAR 6×6 envoyés par la France (13 %), et un unique Pzh2000 allemand sur 28 exemplaires livrés (3,5 %).

En effet, l’innovation soutenant le CAESAR, réside dans l’intégration dans un unique équipement de l’ensemble des dispositifs nécessaires à la mise en oeuvre d’un système d’artillerie, tout en se rapprochant le plus possible des couts d’un système comparable tracté.

En d’autres termes, le système d’artillerie français se veut bien davantage une alternative au M777 américain ou au TRF1 français, qu’au PZH2000, Krab et autres M109, dont il ne coute le plus souvent que le tiers des couts, parfois encore moins.

M777 Ukraine Lancet
Les M777 américains ont payé le prix fort en Ukraine, avec un taux de pertes documenté de 50 % – Ici, un M777 dans le viseur d’une munition rôdeuse Lancet.

1200 canons tractés pour l’Armée indienne

C’est dans ce domaine que l’Armée indienne vient d’entreprendre de larges consultations industrielles en vue d’acquérir jusqu’à 1200 canons d’artillerie modernes et désignés tractés, pour remplacer les canons FH77 et M46 actuellement en service.

Jusqu’à présent, celle-ci devait se tourner vers le canon tracté Dhanush développé localement, 114 exemplaires ayant été commandés et en partie livrés à partir de 2016.

Toutefois, l’état-major de l’Armée indienne semble désormais vouloir se tourner vers un système jugé plus fiable et plus performant que ce dernier, mais aussi que le nouveau Advanced Towed Artillery Guns (ATAGS) développé par la DRDO, l’agence de l’armement nationale.

Or, dans une telle compétition, le canon de Nexter a de nombreux atouts à faire valoir, même s’il va plus loin en termes de capacités que le cahier des charges indien ne semble le réclamer.

Les arguments du CAESAR en Inde

En premier lieu, le système d’artillerie français a largement fait ses preuves au combat, y compris face aux systèmes d’artillerie russes dont l’artillerie chinoise est fortement inspirée. Par son allonge, sa précision, et son intégration, il est capable de se mettre en batterie, tirer 6 obus et quitter la zone de tir en moins de 3 minutes, le préservant des ripostes adverses.

Artillerie Dhanush inde
Le système d’artillerie indien Dhanush (arc) se montre onéreux et lourd, avec une masse de 12 tonnes.

En outre, avec son tube de 155 mm et son système de navigation et de visée, il s’avère très précis, même à grande distance, et requiert de fait moins d’obus pour traiter une cible qu’un système traditionnel.

Par ailleurs, le CAESAR a été conçu avant tout pour la mobilité, une exigence des armées françaises pour pouvoir être mis en œuvre sur les terrains complexes et chaotiques rencontrées en opération extérieure. Avec une masse au combat d’à peine plus de 16 tonnes, il peut ainsi évoluer sur des sols meubles et dans des conditions difficiles, comme celles que rencontrent les armées indiennes sur les plateaux himalayens.

Il est surtout économique, avec un prix d’acquisition de l’ordre de 5 m$ l’unité, ce qui ne représente pas un écart considérable face aux 2 m$ du Dhanush, sans compter le camion qui doit être capable d’efficacement tracter les 12 tonnes du système.

Il conviendrait, à ce titre, de réévaluer ce prix basé sur une production presque artisanale française, face à la production industrielle intensive que l’acquisition de 1200 canons supposerait, ainsi que les couts de main d’œuvre indienne plus réduits.

CAESAR chinois PCL-181
L’Armée Populaire de Libération met en œuvre un système d’artillerie très inspiré du CAESAR, le PCL-181

Enfin, et c’est un argument de taille, le Caesar serait la parfaite réponse au PCL-181 chinois, un système d’artillerie sur camion mis en oeuvre par l’APL, et de toute évidence très inspiré du système français, même s’il est 30 % plus lourd, et donc moins mobile.

Un partenariat stratégique étendu franco-indien ?

On le voit, le CAESAR de Nexter, même s’il peut sembler exclu de la compétition initiée par l’Indian Army, aurait de nombreux arguments à faire valoir, à l’instar, comme nous l’avions déjà évoqué, d’une évolution du Leclerc pour remplacer les T-72 indiens.

Eu égard aux besoins indiens en termes d’équipement, mais aussi de transferts de technologies de défense, que ce soit dans les domaines terrestres, aériens ou navals, de l’évidente proximité entre les deux pays, et du changement de paradigmes que semble avoir amorcé la France en matière de coopération industrielle de défense, il serait possible, pour Paris et la BITD terrestre française, de jouer efficacement ses cartes.

Même si, de prime abord, les offres françaises paraissent distantes des besoins exprimés par New Delhi, une approche globale valant une alliance à long terme, adossée à d’importants transferts de technologies, y compris dans le domaine des sous-marins à propulsion nucléaire, pourrait parvenir à faire émerger une coopération historique entre les deux pays dans le domaine de l’industrie de défense, et plus globalement, dans celui du basculement géopolitique français vers la zone indo pacifique.

Il pourrait y avoir plus d’un sous-marin nord-coréen porteur de missiles nucléaires en construction

Au début du mois de septembre, l’agence de presse KCNA annonçait le lancement d’un nouveau sous-marin nord-coréen, présenté alors comme un sous-marin nucléaire d’attaque tactique, et baptisé Héro Kim Gun-ok.

Dans les faits, il s’est avéré qu’il s’agissait de l’adaptation d’un modèle soviétique datant de la fin des années 50, baptisé Romeo par l’OTAN, absolument pas doté de propulsion nucléaire et réputé peu discret.

Le lancement du sous-marin nord-coréen Héro Kim Gun-ok

En revanche, le nouveau submersible nord-coréen semble bien équipé de tubes de lancement vertical, permettant de mettre en œuvre des missiles balistiques de courte portée, ainsi que des missiles de croisière de portée intermédiaire, chacun d’eux pouvant emporter potentiellement une charge nucléaire.

Dès lors, si la présentation du Héro Kim Gun-ok a été passablement exagérée par la propagande de Pyongyang, le potentiel militaire du navire est lui incontestable, notamment pour neutraliser la nouvelle doctrine trois axes de Séoul censée procurer une réponse conventionnelle à la menace nucléaire nord-coréenne.

sous-marin nord-coréen Hero Kim Gun-ok
Lancement du sous-marin nord-coréen Hero Kim Gun-ok en septembre 2023

Si cela ne suffisait pas, il semblerait que les chantiers navals nord-coréens aient entrepris la construction d’au moins un sous-marin lance-missile supplémentaire, équipé cette fois de missiles balistiques KN-26 Pukguksong-3, plus imposants et d’une portée supérieure à ceux mis en œuvre à bord du Héro Kim Gun-ok.

Un nouveau sous-marin nord-coréen potentiellement armé de missiles nucléaires SLBM Pukguksong-3

C’est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivé le spécialiste mondialement renommé des sous-marins et de la guerre sous-marine, H.I Sutton, dans un article publié sur son blog le 17 septembre.

Il base son raisonnement sur les très importantes différences observées entre le navire lancé début septembre, et celui dont les clichés avaient été dévoilés en 2019 à l’occasion de la visite de Kim Jong-Un aux chantiers navals chargés de la construction des sous-marins pour la Marine nord-coréenne.

Dans les deux cas, les navires sont de manière évidente dérivés de la classe soviétique Romeo, même si le Héro Kim Gun-ok apparait plus long et plus imposant que les navires précédents.

La visite de 2019 de Kim Jong-Un pour observer la construction de la classe Sinpo-C

Ainsi, le navire observé en 2019 et baptisé classe Sinpo-C, arbore une silhouette relativement proche de celle des Type 033 chinois dérivés des Romeo Soviétique. En revanche, le kiosque du submersible a été considérablement allongé et surélevé, de sorte à pouvoir accueillir trois missiles balistiques à changement de milieux Pukguksong-3, long de 8 mètres.

Kim Jong-un sous-marin nord-coréen classe Sinpo-C 2019
Visite de Kim Jong-Un aux chantiers navals nord-coréens construisant un sous-marin de la classe Sinpo-C

Si le Sinpo-C est effectivement armé de trois missiles plus lourds et à la portée supérieure, donc potentiellement classés stratégiques, cela expliquerait également l’étrange classification de sous-marin nucléaire d’attaque tactique donnée au Héro Kim Gun-ok.

Pour l’heure, même si les arguments avancés par H.I Sutton sont sérieux et étayés, l’existence de ce nouveau sous-marin, ou de cette nouvelle classe de sous-marins, reste à démontrer par des observations incontestables.

En effet, une autre hypothèse, tout aussi plausible, pourrait être que le Sinpo-C de 2019 a été entièrement modifié pour donner naissance à un Héro Kim Gun-ok plus performant, même si les compétences des chantiers navals nord-coréens pour effectuer une telle évolution peuvent être soumises à caution.

Une nouvelle menace pour les rapports de force stratégiques régionaux

Reste que si l’arrivée du Héro Kim Gun-ok au sein de la Marine nord-coréenne était déjà problématique pour Séoul et Tokyo, celle, il est vrai encore incertaine, d’un second sous-marin lance-missiles équipé cette fois de missiles Pukguksong-3, viendrait encore davantage complexifier la tache des armées des deux pays, et de leur allié commun américain, pour contenir la menace nucléaire nord coréenne.

Missile Pukguksong-3
La Corée du Nord a démontré qu’elle maitrisait la technologie des missiles à changement de milieux avec le missile balistique Pukguksong-3

Enfin, si ces sous-marins, et peut-être d’autres à venir, venaient à profondément bouleverser les équilibres stratégiques régionaux, on peut aussi craindre que, de manière toutefois bien compréhensible, la Corée du Sud, et peut-être même le Japon, viennent à vouloir, eux aussi, s’équiper d’une dissuasion stratégique, d’autant que les deux pays ont l’ensemble des compétences pour y parvenir dans des délais relativement courts.

Le sujet a, en effet, déjà été évoqué tant par Séoul que par Tokyo, alors que d’autres pays, comme la Pologne en Europe, font pression pour rejoindre la dissuasion partagée de l’OTAN. Force est de reconnaitre, dans ce contexte, que la dynamique internationale aujourd’hui ressemble bien plus à celle qui avait cours entre le milieu des années 50 et la fin des années 60, qu’avec les 50 dernières années.