mardi, décembre 2, 2025
Accueil Blog Page 90

L’Allemagne va commander 5 lance-roquettes PULS israéliens grâce au contrat néerlandais

Cela n’aura pas trainé. Berlin vient, en effet, d’annoncer une commande de 5 systèmes lance-roquettes PULS israéliens pour remplacer les 5 M270 MARS 2 de la Bundeswehr expédiés en Ukraine, quelques jours à peine après que Varsovie a eu fait de même, mais cette fois pour 486 lanceurs HIMARS.

Pourquoi ces deux sujets sont-ils liés, en dehors du fait qu’il s’agit de deux systèmes lance-roquettes à longue portée moderne ? Un petit retour en arrière s’impose, en 4 étapes !

1- Les Pays-Bas et KMW préfèrent le PULS d’Elbit

En avril dernier, La Haye avait présenté une série de mesures et de programmes afin de moderniser et de renforcer ses moyens militaires. Outre l’augmentation du budget de ses armées de 40 % pour atteindre les 2 % de PIB requis par l’OTAN en 2024, les autorités néerlandaises avaient également annoncé la commande de missiles de croisière JASSM-ER pour armer leurs F-35A, mais aussi de RGM/UGM-109E Tomahawk pour équiper ses frégates et sous-marins.

La surprise est, en revanche, venue de l’annonce d’une commande de 20 systèmes lance-roquettes Precise and Universal Launching System ou PULS, conçus et fabriqués par l’israélien Elbit.

Quelques semaines auparavant, La Haye avait, en effet, obtenu le feu vert du Foreign Military Sales américain, ou FMS, pour acquérir autant de systèmes HIMARS pour 670 m$. De toute évidence, les autorités néerlandaises avaient obtenu de meilleures conditions que celles proposées par Washington.

Les 5 lance-roquettes PULS qui seront acquis par la Bundeswehr au travers de l'accord commercial néerlandais, permettront de remplacer les 5 M270 MARS 2 envoyés en Ukraine.
Les 5 lance-roquettes PULS qui seront acquis par la Bundeswehr au travers de l’accord commercial néerlandais, permettront de remplacer les 5 M270 MARS 2 envoyés en Ukraine.

Le PULS avait déjà été choisi par le Danemark en début d’année, et intéressait de même l’Espagne et l’Allemagne. Ainsi, le groupe industriel Krauss-Maffei avait présenté, en décembre 2022, un potentiel successeur au M270 MARS 2 allemand, basé précisément sur le PULS israélien.

2- Rheinmetall s’associe à Lockheed-Martin pour l’HIMARS

Toutefois, à la fin du mois d’avril, ce fut au tour de Rheinmetall de signer un accord, cette fois avec Lockheed-Martin, pour developper ce même successeur au MARS 2, cette fois sur la base de l’HIMARS américain, en surfant sur l’accord industriel nouvellement signé autour de la construction de la partie centrale du fuselage du F-35A.

Il était alors évident que les clauses industrielles, et de transfert de technologies, seraient au cœur de la décision de Berlin dans ce dossier, même si le nombre de systèmes visé restait relativement faible, soit moins d’une cinquantaine d’unités afin de reconstituer le potentiel qu’avaient les M270 MARS 2 il y a quelques années.

3- La Pologne rafle la mise avec une commande de 486 HIMARS

Tout porte à croire, désormais, que le choix de partenaire de Rheinmetall n’était pas le bon. En effet, le 11 septembre, Varsovie annonçait une commande record de 486 nouveaux lanceurs HIMARS, ainsi que de plusieurs milliers de munitions, auprès de Lockheed-Martin.

Bien évidemment, même si le sujet n’a pas pour l’heure été confirmé, cette commande s’est accompagnée d’une clause de construction locale, donc de transfert de technologies, mais aussi, très probablement, d’une clause de marché exclusive, faisant de la Pologne le pôle central de l’offre HIMARS en Europe, peut-être au-delà.

Face au lance-roquettes PULS de KMW, Rheinmetall fit le pari d'une version dérivée de l'HIMARS de Lockheed-Martin
Face au lance-roquettes PULS de KMW, Rheinmetall fit le pari d’une version dérivée de l’HIMARS de Lockheed-Martin

4- La Bundeswehr n’a d’autres choix que le PULS

Dans ce contexte, la compétition entre le couple KMW-Elbit et celui de Rheinmetall et Lockheed-Martin, n’avait plus vraiment lieu d’être pour Berlin. Quant à l’annonce d’un arbitrage en faveur du PULS israélien, elle n’est n’est en rien une surprise.

Ce qui l’est davantage, c’est le choix de passer par le contrat néerlandais, certes pour ne remplacer jusqu’ici que les 5 M270 envoyés en Ukraine. En procédant ainsi, la Bundeswehr disposera d’un micro-parc, donc difficile à entretenir, alors même que les arbitrages pour le remplacer du reste de la flotte n’ont pas été faits.

Pire, même si le PULS israélien venait à être retenu à l’avenir, ce qui est probable puisque le K239 Chunmoo sud-coréen comme l’HIMARS américain sont déjà captés par les commandes polonaises, la Bundeswehr mettra alors en œuvre deux modèles de véhicules, si pas de lanceurs.

Enfin, certains verront dans la précipitation de l’annonce allemande, suivant de quelques jours seulement l’annonce de la commande polonaise de HIMARS, la marque d’une certaine forme d’agacement de la part de Berlin vis-à-vis des Etats-Unis, même si les montants et volumes sont incomparables.

4 à 6 sous-marins Type 212CD supplémentaires pour la Marine allemande en discussion

À l’occasion d’une visite à Kiel, le ministre de la Défense allemand a indiqué que l’option portant sur 4 à 6 nouveaux sous-marins Type 212CD, en plus des deux déjà commandés, pourrait être transformée. Cela permettrait au constructeur ThyssenKrupp Marine Systems d’amortir les investissements nécessaires à la fabrication du nouveau submersible.

Il y a quelques années, la Deutsche Marine, la Marine allemande, avait fait la une de la presse spécialisée, lorsque ses 6 sous-marins Type 212, entrés en service entre 2005 et 2016, étaient contraints de rester au port, faute d’un entretien planifié performant.

Cette situation difficile à assumer pour le plus important exportateur de sous-marin du bloc occidental amena les autorités allemandes à commander deux sous-marins supplémentaires dans le cadre d’un codéveloppement avec la Norvège, pour remplacer les sous-marins de la classe Ula. Cette commande constitua également une remarquable manœuvre commerciale, avec à la clé un contrat global de 5,5 Md€.

Le nouveau sous-marin Type 212CD de la Marine allemande

Les nouveaux sous-marins, baptisés Type 212CD, seront livrés aux forces navales allemandes d’ici à 2034. Cette nouvelle classe se veut par ailleurs plus imposante que le Type 212A déjà en service, avec une longueur de 74 mètres contre 56 mètres, une largeur de 10 m contre 7 m, et un déplacement en plongée de 2 500 tonnes, contre 1 800 tonnes pour la version précédente.

Ils seront, en outre, dotés d’une propulsion AIP anaérobie de nouvelle génération, de deux moteurs diesels MTU 4000 au lieu d’un seul, et de nouveaux senseurs et systèmes d’armes, dont la torpille lourde DM2A4 et le système antiaérien IDAS. Ils seront enfin sensiblement plus silencieux, notamment à vitesse soutenue, et dotés d’une autonomie en plongée accrue.

Le Type 212CD sera dérivé du Type 212A

Il y a quelques jours, le constructeur du navire, le groupe allemand ThyssenKrupp Marine Systems, avait fait savoir que les investissements requis pour adapter l’outil industriel qui doit produire les nouveaux submersibles, seraient onéreux, et nécessiterait une aide d’État, peut-être sous la forme d’une prise de participation.

Boris Pistorius au secours de TKMS

En visite à Kiel, le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius, avait alors indiqué que le sujet faisait l’objet d’une réflexion de la part de son ministère. Rappelons que l’état allemand avait, en 2021, pris une participation similaire au sein de groupe d’électronique Hensoldt, qui conçoit notamment des radars, précisément pour permettre sa transformation industrielle.

Mais une nouvelle hypothèse est apparue sur les écrans plus récemment. En effet, selon le site 24rhein.de, ce même Boris Pistorius aurait ouvert la porte à la commande de 4 à 6 nouveaux sous-marins de même modèle pour la Deutsche Marine, en activant l’option initialement prévue.

Pour l’heure, le ministère travaillerait au financement de cette mesure qui amènerait le format de la flotte de sous-marins allemands, de 6 navires aujourd’hui, à 12 ou 14 unités d’ici à la fin de la prochaine décennie.

Boris Pistorius et Bjørn Arild
Boris Pistorius et Bjørn Arild lors de la rencontre à Kiel auprès de TKMS

Il s’agirait, pour la Bundeswehr, de mieux répondre aux attentes de l’OTAN vis-à-vis de l’Allemagne dans ce domaine, que ce soit en mer Baltique, mais aussi en mer du Nord et dans l’Atlantique nord, le Type 212CD étant précisément conçu pour apporter une capacité océanique au modèle.

Cette déclaration a été faite à l’occasion d’une rencontre entre le ministre allemand et son homologue norvégien Bjørn Arild, en visite à Kiel auprès de TKMS, précisément concernant la construction des 4 sous-marins qui devront être livrés à la Marine norvégienne à partir de 2029.

La commande de 4 à 6 sous-marins supplémentaires permettrait probablement à l’industriel d’amortir les investissements nécessaires pour la transformation de ses infrastructures industrielles, et donc d’éviter une prise de participation de l’état. Notons toutefois que ces deux aspects ne s’excluent pas mutuellement, bien au contraire.

Reste que l’annonce faite par Boris Pistorius à Kiel demeure, pour l’instant, non contraignante, puisqu’elle ne concerne que la levée d’option, celle-ci pouvant intervenir pendant encore plusieurs années.

Il peut donc s’agir, aussi, d’une simple manœuvre d’attente, permettant de faire patienter l’industriel, tout en remettant à plus tard, et ainsi probablement à un autre gouvernement, la responsabilité d’y répondre, et de financer la mesure.

Face à l’Abrams M1E3, l’EMBT français peut-il s’inviter dans la génération intermédiaire des chars de combat ?

Plutôt que de developper un nouveau char de combat, l’US Army a annoncé, il y a quelques semaines, se tourner vers une évolution radicale de son M1 Abrams, pour donner naissance au M1E3 Abrams d’ici à la fin de la décennie.

À l’instar de l’Allemagne et de son Leopard 2AX, il s’agit pour les Etats-Unis de répondre au mieux, face aux contraintes de temps et de technologies, aux enseignements de la guerre en Ukraine, et notamment à l’arrivée massive des drones à tous les échelons du combat.

Cette approche, qui s’oppose aux objectifs d’un programme MGCS, se veut pragmatique pour répondre aux enjeux opérationnels, mais aussi commerciaux, qui se présentent aujourd’hui.

Dans ce contexte, la France, sur la base d’une évolution radicale du char Leclerc basée sur la tourelle EMBT, doit-elle, elle aussi, s’inviter dans cette course contre-la-montre qui s’est engagée des deux cotés de l’Atlantique ?

La transformation robotique du champ de bataille est en marche

S’il est un enseignement crucial à retenir des 19 mois de guerre en Ukraine, c’est incontestablement le rôle désormais central que les technologies robotisées, plus particulièrement les drones, ont pris sur le champ de bataille.

Leopard 2A4 ukraine
La guerre en Ukraine a montré toute l’utilité des chars de combat, un temps destinés au musée selon certain.

Ceux-ci interviennent dans la presque totalité des espaces de conflictualité, qu’il s’agisse de frapper les unités sur la ligne de front, de diriger le tir de l’artillerie à longue et très longue portée, de mener des raids aériens ou navals contre les bases arrière de l’adversaire, et même pour mener des campagnes de terreur contre les populations civiles.

L’arrivée de ces drones et autres munitions rôdeuses, influence à présent la réflexion opérationnelle des stratèges militaires, au point de modeler, avec d’autres facteurs souvent connexes, la conception même des nouveaux équipements militaires.

C’est ainsi que les Loyal Wingmen et autres Remote Carrier sont aujourd’hui au cœur de la conception des avions de combat de nouvelle génération comme les NGAD aux Etats-Unis, le GCAP britannique (Italie/Japon), et le SCAF européen.

Ils influencent aussi la conception des nouveaux navires militaires, qu’il s’agisse des unités de surface combattantes comme les destroyers et frégates, les grands navires aéronavals et d’assaut, les bâtiments de guerre des mines et même les sous-marins.

C’est aussi le cas dans le domaine des armements terrestres, qu’il s’agisse de l’artillerie, des blindés de combat et de soutien, et désormais du seigneur du champ de bataille, le char de combat.

T14 Armata
Le T14 Armata russe fut le premier char à intégrer pleinement la révolution robotique. Toutefois, les difficultés qu’il rencontre depuis presque 10 ans maintenant pour sa mise au point, laisse penser que celui-ci était trop ambitieux pour les technologies du moment maitrisées par l’industrie russe.

En effet, les programmes de chars de combat de nouvelle génération, ou devons-nous dire plutôt de génération intermédiaire, comme le K2 Black Panther, le T14 Armata, le Leopard 2A8 ou le récemment annoncé, Abrams M1E3, sont conçus autour de cette révolution robotique.

Ils intègrent ainsi des drones de reconnaissance pour une perception étendue de leur environnement, des systèmes antidrone et APS pour engager et détruire les drones de reconnaissance et les munitions rôdeuses,

La robotique entre aussi dans l’habitacle, pour remplacer le poste de chargeur par un système automatisé, même au sein des armées attachées à l’équipage à quatre traditionnels jusqu’ici.

Cette influence dépasse même ce cadre direct, en imposant, par exemple, des chars plus légers et plus mobiles, avec une empreinte logistique plus faible, de sorte à préserver les flux logistiques des frappes indirectes menées, là encore, avec l’aide ou par des drones.

Avions, hélicoptères, chars : leur rôle va évoluer dans les années à venir

Au-delà de ces aspects déjà appliqués au combat aujourd’hui, notamment en Ukraine, il apparait surtout que la révolution robotique des armées en cours, va considérablement influencer le rôle même des piliers de l’action militaire.

F-35 et drones de combat loyal wingman
Les avions de combat vont rapidement évoluer du rôle de vecteur effecteur à celui de coordinateur des drones de combat, qui eux assureront le transport et la livraison des munitions.

Ainsi, les avions de chasse, mais aussi, les frégates, destroyers et sous-marins, les hélicoptères et les chars, voient leur rôle opérationnel évolué d’une mission de type vecteur/effecteur, c’est-à-dire de transport et de mise en œuvre des munitions et des systèmes d’armes, à celui de coordinateur de drones jouant précisément ce rôle de vecteur/effecteur.

Dit autrement, là où aujourd’hui un avion de combat comme le Rafale transporte lui-même ses bombes et ses missiles, ou un char comme le Leclerc emploie son canon de 120 mm, les équipements qui devront les remplacer s’appuieront avant tout sur les munitions et capacités de leurs drones, pour frapper l’adversaire.

En effet, les systèmes d’armes sont désormais à ce point efficaces et précis, et les moyens de communication performants et réactifs, qu’exposer un avion de combat de 100 m€ ou un char lourd de 20 m€, ainsi que leurs précieux et rares équipages, ne peut se faire que parcimonieusement, avec un temps d’exposition le plus réduit possible.

Quelle influence sur les nouveaux chars de combat ?

Si la révolution drone et robotique s’était déjà invitée depuis plusieurs années dans la conception des systèmes de combat aériens de nouvelle génération, et dans la guerre navale, son intégration aux véhicules blindés, et notamment aux chars de combat, était en revanche plus timide (en dehors des systèmes de chargement automatique en Russie, France ou encore Corée du Sud).

M1A2 Abrams
Au fil des années et des évolutions, le M1 Abrams américain a connu de nombreuses évolutions, ayant chacune laissé des marques sur son toit, et sur la balance.

Toutefois, il semble que les nouveaux programmes en cours de développement, comme le toujours mystérieux Leopard 2AX en Allemagne, et surtout le M1E3 Abrams récemment dévoilé par l’US Army, semblent précisément tournés vers celle-ci.

Ainsi, à l’occasion de la Defense Warfighter Conference, le général de brigade Geoffrey Norman, directeur de la Next-Generation Combat Vehicle Cross Functional Team de l’US Army, a donné des précisions sur le nouveau char à l’étude, dont l’existence fut dévoilée il y a tout juste une semaine.

Comme anticipé, le nouveau char sera conçu sur la base des avancées développées dans le cadre de la version SEPv4 du M1A2 Abrams, finalement annulée au profit du nouveau programme.

Il intégrera de fait de nouveaux équipements de vetronique, comme un système infrarouge de nouvelle génération 3GEN FLIR, un détecteur de menace laser, un système de gestion thermique et d’autres nouvelles capacités.

En revanche, celui-ci sera entièrement repensé pour absorber les enseignements de la guerre en Ukraine, et intégrer la révolution robotique en cours. Il disposera de cette manière d’un système de protection actif passif, soft et hard-kill intégré nativement, et non ajouté comme c’est le cas du Trophy sur le M1A2 SEPv3.

AbramsX de GDLS
Le démonstrateur AbramsX de GDLS a été présenté au salon AUSA de 2022. Il préfigure probablement le M1E3, qui en reprend les principales caractéristiques.

Son équipage sera, lui, ramené à trois membres, avec la suppression du poste de chargeur, et l’intégration d’un système de chargement automatique du canon principal.

Surtout, le char sera considérablement allégé, de sorte à en réduire l’empreinte logistique et doté d’une propulsion hybride, tant pour réduire sa consommation que pour en améliorer au besoin la furtivité.

Si la masse au combat du M1E3 n’est pas encore révélée, le General Norman a toutefois précisé qu’il s’agissait notamment de lui permettre d’employer certaines infrastructures de transport civiles, comme les ponts, aujourd’hui interdits au M1A2 et à ses 73 tonnes.

Abrams M1E3, Leopard 2AX : Pourquoi l’option du reboot générationnel a beaucoup d’intérêt ?

Il est toutefois intéressant de remarquer qu’à l’instar du Leopard 2AX allemand, l’US Army privilégie dans ce programme une évolution de l’Abrams, même si celle-ci est radicale, au développement d’un nouveau char, comme envisagé par le programme MGCS franco-allemand. Ce choix s’explique par plusieurs facteurs concomitants.

La pression du calendrier géopolitique et commercial

En premier lieu, il existe, dans ces programmes, un réel caractère d’urgence. Pour l’US Army, il s’agit non seulement de rapidement intégrer les enseignements de la guerre en Ukraine, pour faire face aux armées russes en Europe centrale, mais aussi de se préparer à une possible confrontation avec la Chine, d’ici à la fin de la décennie.

Dans un cas comme dans l’autre, un char plus moderne, infocentré, en partie robotisé et intégré à la boucle opérationnelle robotique, et surtout plus léger et mobile, s’avèrerait un atout précieux, tant du point de vue dissuasif qu’opérationnel. En outre, sur ces deux théâtres, les contraintes logistiques sont déterminantes.

Leopard 2A7HU
Avec le Leopard 2A8, KMW est parvenu à répondre à une demande pressante des armées européennes pour un char plus moderne et mieux adapté au combat moderne de haute intensité.

Pour l’Allemagne, il s’agit avant tout de répondre à l’explosion de la demande européenne, mais aussi internationale, en matière de chars de combat. En l’absence d’une réponse rapide et adaptée aux demandes, Berlin et son industrie de defense, auraient alors pu perdre de très importantes parts de marché au profit notamment du K2 Black Panther sud-coréen, unique char de combat de conception récente sur le marché occidental.

Dans ce domaine, le programme MGCS franco-allemand, trop ambitieux pour respecter l’échéance de 2035, et quoi qu’il en soit, en retard de dix ans sur l’explosion de la demande, ne permettait pas à Berlin de répondre aux exigences actuelles.

En s’appuyant sur un char existant, et au travers d’un reboot profond, il est possible de réduire les délais et les couts de développement, et donc de respecter les contraintes de calendrier.

Une conception plus sûre qui concentre les investissements sur les nouvelles plus-values

Par ailleurs, en s’appuyant sur un modèle existant, il est alors possible d’en réutiliser un grand nombre des composants, précisément ceux dont le remplacement n’apporterait pas de plus-value significative au nouveau blindé.

M1A2 abrams usine
Plutôt que de développer l’ensemble d’un char, le reboot générationnel permet de concentrer les investissements sur les composants apportant la plus-value la plus déterminante.

En procédant de cette manière, il est alors possible de concentrer les investissements, en couts comme en durée, sur la conception et l’intégration des composants qui apporteront la plus importante valeur ajoutée au blindé, et ainsi réaliser de substantielles économies dans les deux domaines.

En outre, cette approche permet de sensiblement dérisquer une partie notable du programme, en s’appuyant sur des équipements déjà développés et souvent en service sur les précédents modèles.

Une transition allégée et simplifiée (formation, infrastructures, maintenance…)

D’autre part, la conversion sur la base d’un char existant, présente de nombreux attraits, au-delà des développements eux-mêmes. Ainsi, il sera possible d’employer une partie des infrastructures industrielles existantes, ce qui constituera incontestablement un gain appréciable en temps comme en couts, tant pour la fabrication que pour la maintenance industrielle des blindés.

De même, les personnels dédiés à la fabrication ou la maintenance, tout comme les militaires qui les mettront en œuvre, pourront s’appuyer sur leurs propres acquis et expériences passées sur les modèles antérieurs, de sorte que les besoins de formation seront sensiblement réduits.

KMW usine Leopard 2A6
Le reboot générationnel permet de conserver en partie les infrastructures industrielles

Les lignes logistiques, là encore industrielles et opérationnelles, pourront, elles aussi, conserver une grande partie de leur organisation et moyens, pour assurer la mise en œuvre du nouveau parc. En outre, lors de la phase de transition, la gestion simultanée des deux flottes sera grandement simplifiée.

D’un point de vue encore plus pragmatique, en cas de nouvelle production, une partie des pièces des blindés d’ancienne génération, pourra servir à la maintenance des nouveaux modèles, par cannibalisation du parc.

Un bond technologique vers la nouvelle génération encore immature

Enfin, et c’est probablement là le point le plus critique, tout indique que les technologies qui pourraient effectivement donner naissance à un char de nouvelle génération, sont encore trop immatures pour qu’un programme de ce type puisse effectivement être entrepris, avec des délais et des couts raisonnables.

Paradoxalement, cette position n’a été exprimée ni par l’US Army, ni par les industriels allemands, mais par l’état-major français de l’Armée de Terre, au sujet du programme MGCS.

Selon lui, les technologies attendues autour de ce programme franco-allemand, nécessitent encore une bonne dizaine d’années de développement et de maturation, avant de pouvoir effectivement prendre place dans un blindé de combat. De fait, MGCS ne pourrait voir le jour, avec ces technologies jugées critiques, qu’après 2040, peut-être même au-delà.

programme MGCS
Les ambitions du programme MGCS nécessitent encore une dizaine d’années de maturation technologique

Dans ce contexte, le développement d’un char de génération intermédiaire, basé sur une plateforme déjà fiabilisée comme l’Abrams ou le Leopard 2, prend naturellement tout son sens.

Non seulement permet-il de répondre à l’urgence opérationnelle et commerciale, avec une échéance de quelques années incompatible avec les ambitions technologiques de la nouvelle génération, mais il permet de dérisquer certaines technologies plus précoces que d’autres, à bord d’un blindé opérationnel.

En procédant ainsi, américains et allemands pourront dès lors relever le défi sécuritaire en temps voulu, répondre à la demande internationale, et ainsi préserver leurs parts de marché, et enregistrer des progrès technologiques notables en vue de la prochaine génération de blindé qui devrait arriver au-delà de 2045.

Avec le Leclerc et la tourelle EMBT, La France a toutes les briques technologiques nécessaires

Reste que dans cette course technologique, Washington et Berlin ne sont pas les seuls à disposer des compétences technologiques et savoir-faire nécessaires pour developper un char de génération intermédiaire, et ainsi préparer le terrain à un modèle de nouvelle génération.

EMBT démontrateur Nexter
La tourelle EMBT de Nexter permettrait à al France de rapidement developper un char de génération intermédiaire basé sur un reboot générationnel du Leclerc.

En effet, à l’occasion du salon Eurosatory 2022, le français Nexter avait présenté, sous la bannière KNDS, une nouvelle tourelle baptisée EMBT. Celle-ci intégrait alors de nombreuses caractéristiques de ce qui prendra place à bord des Abrams M1E3 et Leopard 2AX, avec notamment des systèmes hard-kill nativement intégrés, une vetronique de nouvelle génération, et l’intégration à la guerre des drones, offensive comme défensive.

Bien qu’excessivement prometteuse, cette tourelle, qui pourrait aisément prendre place sur une caisse Leclerc remotorisée pour l’occasion, et ainsi donner naissance à un char de génération intermédiaire sur des délais relativement courts, ne suscita pas d’intérêt auprès des autorités françaises, alors pleinement et uniquement focalisées sur le programme MGCS franco-allemand.

Depuis, le programme de char européen a connu de nombreux tumultes, et son avenir s’est vu plusieurs fois menacé, alors que dans le même temps, le partenaire de Nexter au sein de KNDS, l’allemand KMW, a présenté son Leopard 2A8 qui rencontre déjà un grand succès commercial, et travaille désormais sur le Leopard 2AX.

Dans ce contexte, il semble tout indiqué que le ministère des Armées français, la DGA et l’Armée de terre, se tournent vers Nexter et la BITD terre nationale, pour étudier le développement d’une évolution radicale du Leclerc basée sur la tourelle EMBT, à l’image des nouveaux modèles américains et allemands.

Leclerc Azur
Le char Leclerc français ne permet pas, aujourd’hui, de répondre aux évolutions du champ de bataille, et notamment à la révolution robotique en cours.

Il serait ainsi possible de reprendre pied sur le marché du char de combat, particulièrement en invitant d’autres partenaires à se joindre au programme (Grèce, Belgique, EAU, Égypte, Inde ..), tout en redonnant à la flotte de chars lourds de l’Armée de terre, les capacités actualisées nécessaires à un engagement moderne de haute intensité.

Conclusion

On le voit, la trajectoire choisie aujourd’hui par l’US Army avec le M1E3 Abrams, mais aussi, on peut le penser, par les industriels allemands avec le développement du Leopard 2AX, répond à de nombreux enjeux, et offre de nombreuses opportunités aussi bien opérationnelles que commerciales.

Il convient alors de se demander, à ce titre, si le programme de char franco-allemand MGCS n’apparait pas, dans ce contexte, comme anachronique, au sens qu’il ne permet ni de répondre aux enjeux de calendrier qui pressent une partie des utilisateurs, ni ceux liés à l’explosion de la demande pour des chars plus performants et mieux adaptés à la guerre moderne, issue de la guerre en Ukraine. Tout au moins, faut-il admettre que son calendrier n’apporte aujourd’hui aucune réponse à la montée en puissance très rapide des menaces, qui pourraient bien se transformer en agression avant 2040.

Dans cette course militaire, technologique et commerciale, à laquelle d’autres pays comme la Russie, la Chine et la Corée du Sud pourraient aussi s’inviter, la France a de sérieux atouts à faire valoir, en particulier en s’appuyant sur une plateforme de char performante et légère, le Leclerc, et sur la tourelle EMBT de Nexter.

Dans tous les cas, la pire des démarches, pour préserver le potentiel opérationnel des armées et technologique de la BITD, consisterait à rester figé dans une posture d’attente autour d’un MGCS au long-cour, alors que de toutes parts, les initiatives avances sur un calendrier beaucoup plus proche.

Les dépenses de défense en Europe n’ont progressé que de 4 % par an ces 5 dernières années

Un nouveau rapport du cabinet McKinsey met en évidence que la progression observée des dépenses de défense en Europe, ne permet pas aux armées européennes de compenser les effets désastreux de 25 années de sous-investissements dans ce domaine, en lien avec la théorie, largement partagée, mais bien peu étayée, des bénéfices de la Paix.

À en croire pléthore d’annonces intervenues ces dernières années, et plus particulièrement depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, les budgets des armées européennes progressent, et progressent même beaucoup. Pourtant, une récente étude publiée par le cabinet McKinsey, semble bien moins enthousiaste que les discours dans ce domaine.

En effet, selon celle-ci, les budgets des armées européennes auraient progressé, ces 5 dernières années, de 4 % par an, soit de moins de 22 % en cinq ans. Pire, alors que de nombreuses ont été faites depuis le 24 février 2022, ces budgets ne progresseront, dans les cinq années à venir, que de 6 % par an, en moyenne.

Ces montants sont très probablement compensés de l’inflation. Toutefois, ils sont, selon l’étude publiée, très insuffisant pour contrebalancer les effets désastreux des 25 années de sous-investissements critiques des armées, intervenus après la chute de l’Union Soviétique.

Les dépenses de défense en Europe ont progressé de 4 % par an depuis 2018 selon McKinsey

De fait, en dépit d’annonces spectaculaires comme la Zeitenwende allemande et ses 100 Md€, ou encore de l‘envolée des dépenses polonaises, ces hausses ne permettront pas de réorienter la dynamique en cours au sein des armées européennes.

Les dépenses de defense en Europe n'ont pas suffisamment progressé pour compenser les effets de 25 années de sous-investissements suite à la fin du bloc soviétique.
Les dépenses de defense en Europe n’ont pas suffisamment progressé pour compenser les effets de 25 années de sous-investissements suite à la fin du bloc soviétique.

Le rapport met en lumière plusieurs raisons à cette situation mortifère. Ainsi, beaucoup d’annonces faites ne sont pas suivies de faits, ou de manière bien sensiblement inférieure à ce qui pouvait être anticipé. C’est notamment le cas en Italie ou en Allemagne, qui apparaissent plus prompts à soutenir leurs industries qu’à renforcer leurs armées.

Les industriels, eux aussi, sont pointés du doigt par le rapport, particulièrement leur réticence à investir pour accroitre leur outil productif. Toutefois, reconnaissent les auteurs, les difficultés rencontrées par les gouvernements pour signer des contrats pluriannuels fermes, tendent à créer, dans ce domaine, un dialogue de sourd entre les parties, chacun se rejetant la responsabilité de la stagnation constatée.

Des couts de production des industries de défense européennes face à la Russie

La compétitivité comparée des industries de défense européennes et russes est également pointée par le rapport. Ainsi, selon les données fournies, les usines russes produisent un obus de 152 mm pour un prix de 600 $, 10 fois plus bas que les 6 000 $ des usines d’armement européennes. Notons que ce constat peut s’étendre bien au-delà des munitions.

Ainsi, les chars T-90M sont vendus aux armées russes entre 3 et 4 m$ par Uralvagonzavod, contre plus de 15 Md$ pour les chars occidentaux modernes, parfois bien davantage. Dans le domaine des avions combat, le chasseur Su-35s est vendu aux forces aériennes russes autour des 30 m$, contre 100 m$ en moyenne pour un chasseur moderne comme le Rafale, le Typhoon ou le F-35A.

T-90M

De fait, même en admettant une supériorité technologique occidentale et européenne sur les équipements russes (ou chinois), la différence de prix représente un handicap sévère pour compenser l’effort de défense de Moscou.

Même si ce n’est pas abordé par le rapport, on peut également ici pointer les difficultés rencontrées par les armées et les industries de défense européennes pour accroitre les ressources humaines, sans toutefois prendre les mesures politiques pour y répondre, comme la conscription.

Évidemment, celles-ci sont probablement complexes à mettre en œuvre et peu populaires, y compris au sein des armées elle-mêmes.

L’Europe de l’Est en première ligne, l’Europe de l’Ouest en roue libre

En dernier lieu, le constat posé par le rapport de McKinsey, est difficilement contestable. En dépit de moyens considérablement accrus depuis la fin de la guerre froide, dont disposent, les pays européens, et notamment les grandes économies d’Europe de l’Ouest, restent incapables de répondre à une menace bien réelle, et pourtant sensiblement moindre que celle à laquelle ils firent face durant la guerre froide.

Surtout, ce sont surtout les pays d’Europe de l’Est, les moins riches, mais aussi les plus exposés, qui produisent les efforts nécessaires pour compenser la passivité des Allemands, Français, Italiens, Belges ou Britanniques.

Le rapport McKinsey n’est naturellement en rien une surprise pour qui suit attentivement le sujet depuis plusieurs années. Espérons que venant du sérail, il sera mieux entendu que ne l’ont été les autres mises en garde de même titre par le passé, ostensiblement ignorée jusqu’ici.

La Lituanie appelle à ouvrir le Fonds Européen de Défense aux entreprises américaines

Pour Greta Monika Tučkutė, la ministre de la Défense adjointe de Lituanie, il est désormais temps d’ouvrir le fonds européen de défense aux entreprises américaines, de sorte à renforcer les capacités de dissuasion des armées européennes face à la menace russe.

Voilà qui ne manquera pas de faire réagir, en particulier en France ou en Italie. Dans une interview donnée à Politico, la ministre adjointe de la défense lituanienne, Greta Monika Tučkutė, s’est exprimée en faveur d’une ouverture aux entreprises américaines du Fonds Européens de Défense, jusqu’ici réservé aux programmes de défense en coopération s’appuyant uniquement sur des entreprises Européennes.

Selon la ministre balte, cela permettrait, en effet, d’améliorer et d’accroitre les liens transatlantiques entre les armées et industriels européens et américains, et ainsi de mieux dissuader la Russie.

Pour elle, si la compétition avec les industries américaines en matière d’innovation est nécessaire pour les européens, celle-ci doit s’effacer au profit de l’efficacité lorsqu’il s’agit d’équiper les armées elles-mêmes.

La Lituanie montre l’exemple en matière de préférence européenne

La charge menée par Greta Monika Tučkutė, et par extension par la Lituanie, n’est pas anodine ni dénuée de contexte. En effet, Vilnius ne peut pas être taxé, en Europe, de préférence américaine en matière d’équipement, comme ce peut être le cas, par exemple, d’autres pays comme la Pologne.

Leopard 2A7HU avec Trophy
La Lituanie entend acquérir une cinquantaine de Leopard 2A8 pour former un bataillon de char

Ainsi, la Lituanie s’est tournée vers le CAESAR NG français et PZH 2000 allemand pour moderniser son artillerie. En matière de blindés, Vilnius a choisi le Boxer allemand pour former la colonne vertébrale de son infanterie mécanisée, alors qu’il est question que le pays fasse l’acquisition d’une cinquantaine de Leopard 2A8 auprès de Berlin dans les mois qui viennent.

La défense antiaérienne lituanienne, quant à elle, s’appuie sur deux batteries de NASAMS 3 norvégiens. Dans les faits, ces dernières années, le seul contrait d’équipement majeur attribué par Vilnius aux entreprises américaines concerne l’acquisition de huit systèmes HIMARS, alors qu’aucun équipement similaire n’existe à ce jour en Europe.

De fait, on peut difficilement taxer la ministre lituanienne, ou son pays, de lobbying orienté lorsqu’elle soutient cette position, même s’il est très probable que le lobbying américain est sous-jacent dans ce dossier.

Les spécificités du Fonds Européen de Défense de l’Union européenne

Pour autant, la ministre lituanienne n’est pas sans savoir que plusieurs pays, dont la France et l’Italie, seront particulièrement hostiles à cette initiative. Surtout, elle sait que le Fonds Européen de Défense a été créé par l’Union européenne, et non par l’OTAN, non pour alléger le fardeau budgétaire des états pour équiper leurs armées, mais pour accroitre la coopération industrielle entre européen, et ainsi homogénéiser les parcs d’équipement.

Le fonds européen de défense a pour fonction d'améliorer le fonctionnement de la BITD européenne en soutenant l'innovation et l'émergence de programmes européens .
Le fonds européen de défense a pour fonction d’améliorer le fonctionnement de la BITD européenne en soutenant l’innovation et l’émergence de programmes européens .

Alors, pourquoi cette annonce qui ne manquera d’être vilipendée ? La réponse la plus probable est à chercher dans la faiblesse des armées européennes, plus particulièrement celles d’Europe occidentale, et dans leur incapacité à assurer effectivement la protection collective des frontières de l’OTAN.

Rappelons, en effet, que les 4 plus grandes économies du vieux continent, Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie, totalisant à eux 4 plus de 75 % du PIB et 65 de la population globale, aligneront conjointement en 2030 moins de 1 000 chars et 2 000 véhicules de combat d’infanterie plus ou moins adaptés au combat de haute intensité, soit autant que la Pologne, son PIB 12 fois moins important, et sa population huit fois moins élevée que les quatre pays réunis.

La faiblesse des armées européennes pointée indirectement par Greta Monika Tučkutė

En outre, ces moyens ont des capacités de réponse et de mobilisation particulièrement faibles, signifiant que seule une partie de cette force conjointement pourrait effectivement être déployée pour protéger les frontières orientales de l’OTAN. Dès lors, la puissance militaire des pays d’Europe occidentale est probablement incapable, par elle-même, de dissuader Moscou d’une action offensive conventionnelle en Europe de l’Est.

Pour Vilnius, et plus globale les pays Baltes, la sécurité repose, dès lors, sur leurs propres capacités militaires, et surtout sur la puissance de dissuasion que représentent les Armées américaines dans leur ensemble, au travers de l’Article 5 de l’OTAN.

char Leclerc Armée de terre
Alors qu’elles devraient former le gros des forces militaires conventionnelles en Europe, les armées des 4 plus grandes économies européennes, représentant 10 fois le PIB de la Russie, sont incapables de contenir la menace militaire russe.

Il est donc compréhensible, et même raisonnable dans ce contexte, de chercher à optimiser l’interopérabilité avec les forces américaines pour ses pays dont la principale préoccupation n’est ni industrielle, ni technologique ou politique, mais sécuritaire.

Une chose est certaine. Tant que les grandes économies d’Europe de l’Ouest n’auront pas compris la menace perçue de ces pays frontaliers de la Russie et de la Biélorusse, vis–vis du potentiel d’agression militaire russe, et tant qu’elles n’y auront pas apporté une réponse concrète, les situations, comme l’appel de Greta Monika Tučkutė, sont appelées à se multiplier, et l’idée d’Europe de la Défense, à reculer.

Dans ce domaine, ce ne sont probablement pas tant les Etats-Unis ou les pays d’Europe de l’Est, qui sont le plus à blâmer.

E-2D Hawkeye, chasseurs lourds… : le futur des forces aériennes polonaises se dévoile

Afin de finaliser leur transformation, les forces aériennes polonaises s’intéressent au E-2D Hawkeye pour la veille aérienne avancée, ainsi qu’au F-15EX, au Typhoon et au Boramae pour constituer les deux escadrons qui lui font défaut. Toutefois, ces ambitions affichées se confrontent à des contraintes bien réelles, en matière budgétaire, RH et d’efficacité.

Ces derniers mois, il ne s’est pas passé une semaine sans que les autorités polonaises n’aient annoncé l’arrivée d’un nouveau programme d’armement majeur. Afin de moderniser et d’étendre ses armées face à la menace russe, Varsovie a, en effet, entreprit de considérablement accroitre ses investissements, visant à atteindre un effort de defense de 4 % du PIB dans les années à venir.

Jusqu’à présent, la plupart des annonces ont porté sur la recapitalisation de l’armée de terre polonaise, avec l’acquisition de 1 250 chars M1A2 Abrams et K2 Black Panther, de plus de 2 000 véhicules de combat d’infanterie Borsuk et CBWP.

L’aérocombat polonais recevra 96 hélicoptères d’attaque AH64E Apache et 32 AW149, alors que les 27 escadrons d’artillerie polonais seront équipés de presque 800 systèmes HIMARS et K239 Chunmoo et d’autant de canons automoteurs de 155 mm Krab et K9 Thunder.

Dans le domaine naval, Varsovie a lancé la construction des frégates de la classe Mièçznick, et relancé une nouvelle mouture du programme ORKA pour se doter d’une flotte sous-marine. Dans le domaine antiaérien, les armées polonaises disposeront de 8 batteries Patriot PAC-3 et de 22 batteries anti-aérienne Pilica+ équipées du missile à courte et moyenne portée CAMM-ER. Même le spatial a été traité, avec la commande auprès du français Airbus DS de deux satellites de reconnaissance militaires.

FA-50 pologne
Le premier des FA-50 polonais a été livré il y a quelques semaines, un an à peine après que la commande ait été signée par Varsovie.

Les forces aériennes polonaises aujourd’hui

Paradoxalement, la puissance aérienne avait, jusqu’ici, été plus ou moins mise de côté par Varsovie, si ce n’est au travers de l’acquisition de 48 chasseurs légers FA-50 sud-coréens. Il est vrai qu’il s’agissait du domaine ayant été privilégié auparavant, avec notamment la commande de 32 F-35A Lighting 2 en 2019, pour venir renforcer les 48 F-16 C/D commandés au début des années 2010.

En outre, Varsovie sait que la puissance aérienne est incontestablement le point fort de l’OTAN face à la Russie, et qu’elle est aisément et rapidement mobilisable par les alliés européens dans l’hypothèse d’un conflit avec Moscou, contrairement aux forces terrestres.

Il semble toutefois que Varsovie envisage désormais d’amener ses forces aériennes à niveau de l’effort fourni dans le domaine terrestre et naval. Déjà, il y a quelques semaines, polonais et suédois s’entendaient pour l’acquisition de 2 avions de contrôle aérien avancé Saab 340 d’occasion.

Ces appareils, de type Awacs, permettent de détecter les avions et missiles adverses, et de coordonner l’action de l’aviation de chasse et de la defense aérienne pour s’y opposer. À ce jour, en Europe, seuls trois pays disposent de ce type de capacités en propre : la France, la Grande-Bretagne et la Suède.

Le E-2D Hawkeye intéresse Varsovie

Cependant, les Saab 340 acquis par Varsovie pour 52 m€, ne représentent qu’une solution d’attente. En effet, La Pologne aurait entrepris de négocier, avec l’américain Northrop-Grumman, l’acquisition de E-2D Hawkeye, pour assurer, dans le futur, cette mission.

E-2D Hawkeye ravitaillé en vol par un MQ-25 Stingray
L’une des évolutions principales du E-2D Hawkeye lui permet d’être ravitaillé en vol, ici par un drone MQ-25 Stingray

Déjà en service au sein de l’US Navy et commandés par la France et le Japon, entre autres, l’E-2D est la dernière évolution de la famille des Hawkeye, un appareil biturbopropulseur de veille aérienne avancée, capable d’opérer à partir de porte-avions dotés de catapultes et brins d’arrêt.

S’il n’a pas l’autonomie et la puissance de contrôle d’un E-7 Wedgetail, le Hawkeye demeure un appareil très performant dans ce type de mission, tout en étant sensiblement moins onéreux que l’appareil de Boeing, à l’achat comme à la mise en œuvre.

Au-delà de ces appareils, Varsovie entend également amener sa flotte de chasse à 160 appareils, en se dotant de deux escadrons de chasse supplémentaires. Il ne s’agirait pas, cette fois, de chasseurs monomoteurs comme le F-16, le F-35A ou le FA-50, mais d’un chasseur moyen ou lourd bimoteur.

Eurofighter Typhoon, KF-21 Boramae et F-15EX en compétition

Selon les informations distillées par les autorités polonaises à ce jour, 3 modèles seraient à l’étude aujourd’hui : l’Eurofighter Typhoon européen, le KF-21 Boramae sud-coréen et le F-15EX américain.

Les contours de ces futures commandes sont encore floues, et ne devraient pas intervenir avant 2025 ou 2026, si l’on en croit les annonces faites par le ministre de la Défense, Marius Błaszczak, au sujet du Boramae. En effet, celui-ci avait alors laissé entendre que Varsovie pourrait rejoindre le programme dans sa phase 2, c’est-à-dire la version plus furtive et plus aboutie de l’appareil, soit à partir de 2025 ou 2026.

KF 21 Boramae prototype e1684494847856 Supériorité aérienne | Alliances militaires | Analyses Défense
La KF-21 Boramae sud-coréen intéresse particulièrement les forces aériennes polonaises, mais aussi l’industrie aéronautique du pays, Séoul étant particulièrement flexible sur les accords industriels dans ce domaine.

Reste que l’acquisition de 32 chasseurs moyens ou lourds, et des 3 ou 4 E-2D Hawkeye nécessaires pour assurer une veille permanente sur une période de quelques jours, nécessitera de considérables investissements, de l’ordre de 10 Md€. Surtout, à l’instar des ambitions affichées concernant l’Armée de terre et la Marine Polonaise, il sera nécessaire d’augmenter sensiblement le format des ressources humaines des forces aériennes.

Des contraintes à la mesure des ambitions affichées

Or, un tel effort, sur une période de temps aussi réduite, est tout sauf simple à mettre en œuvre. En outre, comme évoqué dans de précédents articles, il engendrera un phénomène de vague autoentretenu lié à la durée de vie similaire de l’ensemble des équipements, autour de 30 ans.

Ce phénomène créera de fait des épisodes d’intenses activités industrielles et RH, entrecoupés de périodes d’activité forcément très réduite, particulièrement délicats à contenir sans dégrader l’outil industriel ou les pyramides des armées.

Toute la question, désormais, est de savoir à quel point Varsovie sera effectivement en mesure d’assumer dans la durée les ambitions affichées, au-delà des enjeux électoralistes actuels, et ce quelle que soit la majorité qui sortira des urnes le 15 octobre.

Il s’agira aussi d’observer à quel point la transformation très rapide des armées engendrée par cette débauche d’annonces, permettra ou pas de donner naissance à une puissance militaire cohérente et efficace, et non des armées très bien dotées, mais incapables de mettre en œuvre efficacement ses moyens, comme ce fut longtemps le cas de plusieurs grandes armées au Moyen-Orient.

F 15EX e1648647448300 Supériorité aérienne | Alliances militaires | Analyses Défense
Plus lourd que le Typhoon et le Boramae, le F-15EX Eagle 2 apporterait un regain de puissance de feu et d’autonomie aux forces aériennes polonaises face aux chasseurs lourds russes comme le Su-30SM ou le Su-35s.

Une chose est certaine, cependant. Si Varsovie parvient effectivement à aller au bout de ses ambitions, la Pologne disposera, à la fin de la décennie, d’une puissance militaire conventionnelle taillée pour contenir, à elle seule, la menace russe sur le flanc oriental de l’OTAN.

On comprend, dans ces conditions, l’attachement de Washington aux initiatives polonaises, susceptibles à elles-seules de retirer une immense épine du pied des armées américaines, qui pourront alors se concentrer sur le théâtre Pacifique.

Avec le Multi Role Support Ship, Britanniques et Néerlandais conçoivent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut

En juin dernier, Britanniques et Néerlandais annonçaient s’être engagés à developper conjointement le Multi Role Support Ship. À mi-chemin entre le porte-hélicoptère d’assaut LPD et le grand navire de soutien logistique, le MRSS était alors présenté comme un bâtiment proche de certaines classes existantes, comme les San Antonio de l’US Navy ou le Type 71 chinois.

À l’occasion du salon DSEI qui vient d’ouvrir ses portes dans la banlieue londonienne, un nouveau visuel, en illustration principale, du navire a été présenté par la ministre de la Défense néerlandaise, Kajsa Ollongren.

Or, celui-ci diffère radicalement des premiers visuels diffusés en juin dernier, et laisse transparaitre une nouvelle approche pour les navires. De prime abord, le navire ressemble à un porte-hélicoptère d’assaut comme il en existe beaucoup.

Le Multi Role Support Ship bien mieux armé que les LPD

On constate, en effet, que l’armement du navire est beaucoup plus conséquent que sur les LPD classiques. Ainsi, en plus d’un imposant canon naval à l’avant, probablement de 5 pouces (127 mm), le navire est protégé par deux systèmes d’artillerie de plus petit calibre sur la passerelle et le roof du hangar aéronautique.

Sea Ceptor CAMM-ER Quadpack
Le système Sea Ceptor et le missile CAMM-ER ont été conçus pour permettre d’intégrer quatre missiles par silo vertical, comme pour le VLS Mk41 américain.

Étant donné la taille des tourelles, il est probable qu’il s’agisse ici de canon de moyen calibre, entre 40 et 57 mm, spécialisé dans la defense antiaérienne et antimissile rapprochée.

Avec un tel calibre, le navire dispose simultanément de puissants systèmes CIWS (Close-incoming Weapon System) à vocation antimissile, que de capacités d’autodéfense rapprochée contre les aéronefs, les drones et les embarcations navales.

16 silos verticaux et 8 missiles antinavires

Un système de 16 silos verticaux apparait dernière la pièce d’artillerie principale. Il s’agit très probablement de missiles destinés à la defense antiaérienne et antimissile du navire, comme le CAMM-ER ou l’ESSM, tous deux capables d’embarquer à quatre missiles par silo avec le système Mk41.

Chaque navire disposerait alors de 64 missiles antiaériens à courte et moyenne portée, capables d’intercepter des cibles supersoniques jusqu’à 50 km, pour se protéger, alors que son artillerie navale assurera un second rideau défensif.

En d’autres termes, là où les navires d’assaut modernes pêchent souvent par leurs capacités d’autodéfense, le Multi Role Support Ship semble, lui, particulièrement bien pourvu dans ce domaine.

Harpoon missile Supériorité aérienne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les conteneurs croisés par quatre observés sur l’illustration principale du MRSS est typique de la disposition classique des missiles antinavires lourds comme le Harpoon, le NSM ou le MM40.

Surtout que deux systèmes, l’un devant le mat intégré, l’autre légèrement en arrière de celui-ci, paraissent être des lasers à haute énergie. La Grande-Bretagne développe, en effet, depuis plusieurs années, ce type de système pour accroitre la défense antimissile et antidrone de ses navires.

De fait, l’intégration de ce type de système à haute énergie pour compléter la protection d’un navire majeur transportant potentiellement 300 Royal Marines, parait tout indiquée.

La chose la plus surprenante, apparue sur le nouveau visuel diffusé lors du salon DSEI, n’est autre que la présence de missiles antinavires lourds sur le navire. On remarque ainsi quatre conteneurs comparables à ceux employés pour les missiles Tomahawk ou Harpoon dans un espace intégré dans la coque après le mat intégré.

Ces missiles peuvent servir à engager des cibles navales en situation d’autodéfense, mais également pour frapper des cibles terrestres en soutien de l’opération aéro-amphibie déployée à partir du navire.

Grande-Bretagne et Pays-Bas imaginent le croiseur porte-hélicoptères d’assaut

En effet, celui-ci dispose toujours d’un radier conçu pour accueillir un aéroglisseur amphibie de type LCAC et une barge amphibie, alors que la plate-forme et le hangar aviation sont dimensionnés pour mettre en œuvre plusieurs hélicoptères dont des appareils de transport Merlin.

Les MRSS pourront donc mener des opérations amphibies, mais d’ampleur moindre de celle qu’un LHD comme les Mistral français ou les America américains pourront mener. Ils seront, en revanche, bien mieux armés que ces derniers, et pourront évoluer avec une escorte réduite, de sorte à accroitre la furtivité de l’opération.

Le Multi Role Support Ship permettra à la Marine royale néerlandaise de prendre la suite du LPD Karel Doorman.
Le Multi Role Support Ship permettra à la Marine royale néerlandaise de prendre la suite du Karel Doorman.

En d’autres termes, les MRSS semblent taillés pour les opérations amphibies de type raids de commando, davantage que pour les grandes opérations aéro-amphibies pour lesquels le dimensionnement de son radier et de ses infrastructures aéronautiques sont trop réduites.

Si le visuel présenté par Kajsa Ollongren au salon DSEI préfigure effectivement de la configuration à venir des Multi Role Support Ship britanniques et néerlandais, ces navires pourraient préfigurer l’apparition d’une nouvelle catégorie de navire militaire, à mi-chemin entre le destroyer et le porte-hélicoptère d’assaut LPD, avec des dimensions le classant aisément comme un croiseur.

Par le passé, certains navires avaient associé la fonction croiseur de celle de croiseur, comme les Moskva soviétiques ou la Jeanne D’arc de la Marine nationale.

Toutefois, jamais un tel navire n’a été doté dans le même temps d’un radier pour mener des assauts amphibies, lui conférant une polyvalence accrue, probablement très utile sur certains théâtres, comme dans le Pacifique.

La Royal New Zealand Navy lance un appel d’offre global pour moderniser sa flotte

Par sa position particulière, la Nouvelle-Zélande, et sa marine, la Royal New Zealand Navy ou RNZN, jouent un rôle déterminant dans le contrôle du Pacifique Sud et des routes antarctiques mondiales.

Ce pays de presque 270 000 km², n’a qu’une population de 5 millions d’habitants, et un PIB de 250 Md$. En outre, à l’instar de nombreux pays occidentaux, les armées néozélandaises ont vu leur budget fondre comme neige au soleil à partir de 1990, passant de 2,2 % du PIB à 1,1 % en 2015.

Toutefois, si en Europe, en Australie ou au Japon, les investissements reprirent lors de la seconde moitié de la précédente décennie, ce rebond des dépenses de defense fut particulièrement contenu en Nouvelle-Zélande, pour atteindre juste 1,18 % en 2022.

Une première revue stratégique pour les armées néozélandaises

À ce titre, à l’occasion de la présentation de la première revue stratégique néozélandaise de l’histoire en aout dernier, le chef des forces armées du pays, l’Air Marshal Kevin Short, reconnu qu’il n’était pas question, pour l’heure, que le budget des armées augmente vers le seuil des 2 % universellement employé en occident.

De fait, avec un budget de 4 Md$, les armées néozélandaises et leurs 9 000 personnels en activité, pour 3 500 réservistes, sont pour le moins réduites, et faiblement dotées. Ainsi, l’Armée de terre et ses 4 500 soldats, ne disposent, en termes de véhicules blindés, que de 73 NZLAV 8×8 dérivés du LAV3, ainsi que d’une vingtaine de Bushmaster.

Les forces aériennes néozélandaises ont, quant à elles, perdu leurs escadrons de chasse au début des années 2000, après que le gouvernement ait annulé la commande de 28 F-16A/B pour remplacer les A-4 Skyhawk et les MB-339 encore en service.

Celles-ci ne disposent plus, aujourd’hui, que de 4 avions de patrouille maritime P-8A Poseidon et de 5 C-130 de transport, ainsi que d’une flotte d’hélicoptère forte de 8 NH90 de transport (+1 spare), de 9 SH-2G Super Seapsrite pour armer les frégates, ainsi que de six hélicoptères légers AW109.

La Royal New Zealand Navy privilégiée dans les arbitrages gouvernementaux

Avec ses deux frégates de lutte anti-sous-marine de la classe Anzac de 3.600 tonnes, ses deux OPV de 1.900 tonnes de la classe Protector, et ses deux OPV légers de 360 tonnes, classe Lake, la Royal New Zealand Navy, est plutôt bien lotie au sein des armées du pays.

Surtout que ces navires bénéficient de l’appui d’une flotte de soutien forte d’une puissante flotte de soutien, avec le nouveau pétrolier ravitailleur et navire amiral de la flotte de 25.000 tonnes, le HMNZS Aotearoa, entré en service en 2020. Le navire hydrographique HMNZS Maharani de 5.700 tonnes a été acheté d’occasion en 2018, alors que le navire multirôle de 9.000 tonnes HMNZS Canterbury est entré en service en 2007.

Le remplacement des 2 frégates, le HMNZS Te Kaha entrée en service en 1997, et le HMNZS Te Mana en 1999, avait déjà fait l’objet de plusieurs consultations depuis 2019. Contre toute attente, les autorités néozélandaises s’orienteraient désormais vers une approche plus globale, et plus innovante, pour moderniser leur flotte.

Royal New Zealand Navy admiral ship - HMNZ Aotearoa
Livré par le sud-coréen HHI, le HMNZS HMNZS Aotearoa, un pétrolier ravitailleur océanique de 25.000 tonnes, est aujourd’hui le navire le plus moderne en service au sein de la RNZN, et fait office de navire amiral.

Un appel d’offre global pour moderniser la marine néozélandaise

En effet, plutôt que de procéder de manière successive pour le remplacement des 2 Anzac, puis des OPV, du navire hydrographique et du HMNZS Canterbury, Wellington a lancé une demande d’information pour un remplacement capacitaire global de sa flotte, en dehors du nouveau HMNZS Aotearoa.

Concrètement, la Request for Information, publiée par le ministère néozélandais, demande aux soumissionnaires une proposition de flotte pour remplacer les 8 navires, ne se calquant pas nécessairement le format actuel de la marine néozélandaise, même si la flotte résultante devra répondre aux besoins couverts par celle-ci aujourd’hui.

Cette approche a de réels attraits. Elle permet notamment aux industriels de proposer une flotte homogène, ce qui permet d’en simplifier la maintenance et de réduire les contraintes de formation. En outre, elle permet de créer une concurrence globale entre industriels, tirant inévitablement les prix vers le bas.

Toutefois, elle n’est pas sans effets pervers. En particulier, dans cette approche, les industriels sont invités à promettre davantage qu’ils ne pourront ternir, particulièrement en surestimant la disponibilité des navires et des équipages. Les effets des avaries de mer et autres immobilisations non planifiées sont quant à eux souvent sous-estimés, de sorte à tirer les prix vers le bas, en réduisant le format et/ou le tonnage de la flotte.

P8 neozelandais Supériorité aérienne | Alliances militaires | Analyses Défense
La nouvelle-Zélande a été l’un des premiers clients à l’exportation du P-8A Poseidon de Boeing.

Évidemment, certains industriels se sont fait une spécialité de ce type de demande ouverte, de sorte à proposer des équipements attractifs sur le papier. Néanmoins, les résultats sont généralement décevants, surtout dans un contexte opérationnel intense.

Les FREMM italienne durent ainsi être revues par les ingénieurs américains pour renforcer sa survivabilité au combat et aux avaries, prenant au passage 360 tonnes de porte-étanches et de cloisons, pour répondre aux exigences de l’US Navy.

C’est également ainsi qu’une frégate de 5.000 tonnes finit par 15 mètres de fond, après avoir raclé le fond suite à une mauvaise manœuvre de son commandant.

Toute la question, désormais, pour la RNZN, est de savoir si l’objectif visé par les autorités civiles et militaires, est effectivement l’optimisation des moyens, sans rien céder à la qualité et aux performances, ou s’il ne s’agit que d’un artifice pour réduire les dépenses sans en assumer les conséquences à terme.

Le budget des armées suédoises augmentera de 28 % en 2024 pour atteindre 2,1 % du PIB

Durant toute la guerre froide, le budget des armées suédoises était demeuré élevé, avec un pic à 4 % du PIB en 1963, pour assurer la sécurité de cet état scandinave attaché à sa neutralité, et ne pouvant alors s’appuyer sur l’OTAN pour assurer sa protection.

Toutefois, à l’instar de la plupart des pays européens, Stockholm s’est rapidement engouffré dans l’opportunité offerte par les fameux « bénéfices de la paix » suite à l’effondrement du bloc soviétique, pour réduire ses dépenses de défense.

L’effort de défense suédois rebondit à partir de 2017.

Ainsi, entre 1990 et 2017, l’effort de défense suédois est passé de 2,5 % à seulement 1 % du PIB du pays. Les Armées suédoises, quant à elles, subissaient une cure d’amaigrissement des plus strictes, passant, par exemple, de près de 300 chasseurs Saab 37 Viggen à la fin des années 80, à seulement 70 JAS 39 Gripen C/D aujourd’hui.

Avec le retour des tensions avec la Russie, Stockholm entreprit d’accroitre, d’abord modestement, son effort de défense. Ainsi, le budget des armées suédoises passa de 47 Md de couronnes et 1 % du PIB en 2017, à 57 Md Kr et 1,3 % du PIB en 2020.

Saab 37 gripen
Dans les années 80, la Flygvapnet alignait près de 300 chasseurs Saab 37 Viggen, contre 70 JAS 39 Gripen C/D aujourd’hui.

L’effort s’accéléra par la suite, pour atteindre 67 MdKr en 2021 puis 78 MdKr en 2022, soit une hausse de 66 % en cinq ans, et un effort de defense venant flirter avec les 1,5 % du PIB du pays.

La guerre en Ukraine, la demande d’adhésion à l’OTAN, et le soutien de plus en plus appuyé de Stockholm à Kyiv face à l’agression russe, ont amené le gouvernement de Ulf Kristersson à une nouvelle hausse de cet effort, spectaculaire cette fois, pour 2024.

Hausse spectaculaire du budget des armées suédoises en 2024

En effet, le budget des armées suédoises va connaitre, cette année, une hausse record de 27 Md Kr, soit 2,27 Md€, pour atteindre 119 Md Kr (10 Md€). Cette hausse de 28% du budget des armées, permettera à la Séude d’atteindre un effort de défense de 2,1 % de son PIB en 2024.

Les objectifs visés par cette hausse spectaculaire sont nombreux. En premier lieu, il s’agit pour Stockholm de donner les garanties nécessaires pour lever les dernières oppositions afin d’accélérer l’adhésion suédoise à l’OTAN.

CV9040 suéde
L’industrie militaire suédoise est performante et exportatrice, notamment dans le domaine des véhicules blindés avec le CV90.

Celle-ci demeure sous le joug d’Ankara et du président Erdogan, toujours déterminé à monnayer l’autorisation turque par la levée des sanctions américaines et européennes concernant l’exportation de certains matériels militaires vers la Turquie.

À ce titre, le communiqué suédois précise que 700 millions de couronnes de ce budget seront directement employés pour cette procédure d’adhésion à l’OTAN.

Le reste de cette manne budgétaire permettra aux armées suédoises de se reconstruire et de se redimensionner afin de répondre à l’évolution de la menace en Scandinavie et mer Baltique.

En effet, avec seulement 24 000 personnels en activité, et 35 000 réservistes, celles-ci sont très loin du format qu’elles avaient à la fin de la guerre froide, lorsqu’elles alignaient 16 brigades de combat, une centaine de bataillons territoriaux et 300 avions de combat prêts à être engagés sous 48 heures.

À cet effet, la conscription a été rétablie dans le pays en 2017, après avoir été abandonnée en 2010. Elle permet désormais de renforcer chaque année les armées suédoises de 6 000 hommes et femmes, avec l’objectif d’atteindre 10 000 personnels d’ici à 2035.

La hausse du budget des armées suédoises pourrait permettre d'étendre la flotte de sous-marin présente dans la Baltique
La hausse du budget des armées suédoises pourrait permettre d’étendre la flotte de sous-marin présente dans la Baltique

Une transformation qui prendra du temps

Il ne faut cependant pas s’attendre à constater rapidement les effets de la spectaculaire hausse budgétaire annoncée aujourd’hui. En effet, il faudra plusieurs années, voire une décennie complète, pour permettre aux armées, comme aux industriels suédois, de se restructurer efficacement pour répondre à un tel changement de moyens et de paradigmes.

Il faudra donc rester attentif quant aux modalités de ces évolutions majeures, qui seront détaillées dans les semaines et mois à venir. À ce titre, on peut s’attendre à ce que Stockholm produise d’importants efforts en faveur de son industrie de défense, et attire de fait les convoitises de ses voisins européens, pour les intégrer dans des programmes en coopération.

Vers une différenciation du seuil des 2 % défini par l’OTAN

Reste que cette annonce montre, une nouvelle fois, que le seuil de 2 % pour les dépenses de défense, établi en 2014 lors du sommet de Cardiff de l’OTAN, représente désormais un plancher concernant uniquement les efforts requis pour les forces conventionnelles.

Pour des pays comme la France et la Grande-Bretagne, disposant à la fois d’une dissuasion grevant séverement cet effort de defense d’une part, et concomitamment engagés militairement au-delà du périmètre européen, qu’il s’agisse d’opérations extérieures ou de defense des territoires ultramarins, ce seuil ne peut plus être considéré comme suffisant.

Leopard 2 suede
La Suède sera certainement courtisée dans les mois et années à venir, tant pour son industrie de defense performante que pour ses moyens budgétaires renouvelés de ses armées.

Au contraire, si Londres et Paris ambitionnent toujours de montrer la voie en matière de defense sur le vieux continent, ils devront simultanément investir 2 % de leur PIB dans un effort de defense conventionnel à visée européenne. Par ailleurs, ils devront produire les efforts supplémentaires, au-delà de ce seuil, pour financer leur dissuasion et les moyens nécessaires à leur engagement hors d’Europe.

Faute de quoi, les deux membres permanents européens du Conseil de Sécurité des Nations Unis, ne pèseront plus qu’en fonction de leur propre dissuasion, par ailleurs indépendante de l’OTAN, en Europe et vis-à-vis de leurs partenaires et alliés.

Avec la commande de 486 lanceurs HIMARS supplémentaires, la Pologne aura 60 fois plus de lance-roquettes que la France en 2030.

C’était attendu depuis plusieurs semaines, et notamment depuis la visite de Mariusz Błaszczak sur le site d’assemblage des HIMARS de Lockheed-Martin de Camden, dans l’Arkansas, en mais dernier. C’est désormais chose faite.

Le 11 septembre, ce même Mariusz Błaszczak, le ministre de la Défense polonais, a annoncé avoir approuvé une très importante commande de systèmes HIMARS supplémentaires, ainsi que de munition, auprès de Lockheed-Martin, le tout pour une enveloppe pouvant atteindre 10 Md$.

486 lanceurs HIMARS et des milliers de munition pour la Pologne

Selon le communiqué, la Pologne va donc commander, au travers du FMS, 486 lanceurs HIMARS, en plus des 20 déjà commandés en 2019, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de missiles GMLRS, GMLRS-ER, ATACMS et PrSM, selon Lockheed-Martin.

Baptisés HOMAR-A (America), ces systèmes viendront ainsi renforcer les quelque 290 systèmes lance-roquettes K239 Chunmoo commandés il y a un an auprès de la Corée du Sud, et désignés par le nom de code HOMAR-K (Korea) dans les armées polonaises.

HIMARS en ukraine
La Pologne avait déjà commandé, en 2019, 20 lanceurs HIMARS, dont deux sont destinés à l’instruction.

Les systèmes polonais viendront armer 27 escadrons d’artillerie à longue portée, dont l’immense majorité devront être créés dans les années à venir, dans la mesure où les armées polonaises n’exploitaient qu’une centaine de lance-roquettes multiples de conception locale ou soviétique jusqu’ici.

Le contour exact de la commande n’a pas encore été présenté par les autorités polonaises. On ignore notamment le calendrier des livraisons, ainsi que la part de conception locale qui sera négociée entre LM et les autorités polonaises.

Bien évidemment, cette nouvelle annonce ne peut être considérée en dehors du contexte électoral polonais, avec des élections législatives aux résultats incertains approchant de leur échéance le 15 octobre. De fait, le gouvernement polonais du PiS, multiplie les annonces de ce type, visant à flatter son électoral nationaliste.

En revanche, si cette annonce venait à se concrétiser, les armées polonaises disposeraient alors d’une puissance de feu trois fois plus importante que celle de l’ensemble des armées européennes réunies.

60 fois plus de lance-roquettes multiples que l’Armée de Terre française en 2030

Rappelons, à ce titre, que la LPM 2024-2040 prévoit, pour l’Armée de Terre française, le remplacement des 8 LRU actuellement en service, par 13 nouveaux systèmes lance-roquettes à longue portée en 2030, 60 fois moins que n’en auront les armées polonaises.

K-239 Chunmoo
La Pologne a déjà commandé 290 systèmes K239 Chunmoo sud-coréens baptisés HOMAR-K au sein des armées polonaises

Il sera, de toute évidence, beaucoup plus difficile pour les armées françaises de revendiquer le statut de « meilleures armées d’Europe », furent-elles plus expérimentées au combat par ses opérations extérieures.

Une bataille commerciale et industrielle avec l’Allemagne

Cette annonce risque aussi de couper l’herbe sous le pied de Rheinmetall, qui visait à devenir le partenaire privilégié de Lockheed-Martin en Europe afin de commercialiser un système dérivé du HIMARS produit dans le pays.

Il est, en effet, probable qu’avec une telle commande, Varsovie négociera une forme d’exclusivité territoriale pour le marché européen. Surtout, en mettant en œuvre un tel parc, la Pologne disposera de fait des infrastructures logistiques dimensionnées pour assurer la maintenance de large flotte.

On peut donc vraisemblablement s’attendre à ce que la France soit appelée à commander ses systèmes d’artillerie auprès de Varsovie, si Paris décidait de se tourner vers ce système pour le remplacement des LRU.

LRU armée de terre
L’hypothèse d’un développement national, d’un remplaçant au LRU de l’Armée de Terre française est désormais improbable alors que le marché européen sera saturé d’offres d’ici à quelques années.

L’hypothétique remplaçant français du LRU face à un marché européen saturé d’offres

Quant à l‘hypothèse d’un développement national français, elle devient de plus en plus improbable, alors que le marché européen se structure très rapidement avec l’apparition conjointe des offres polonaises basées sur l’HIMARS américain et le Chunmoo sud-coréen, et le PULS israélien vers lequel Berlin se tournera probablement, maintenant que Varsovie a choisi l’HIMARS.

Dès lors, les opportunités commerciales, indispensables à l’absorption des couts de développement élevés de ce type de système, seront de toute évidence très limitées en Europe pour un système national français.

Sauf à se tourner vers des partenariats extra-européens porteurs d’une forte demande, comme l’Inde ou l’Égypte, les options pour une solution nationale française s’amenuisent à vue d’œil.

Reste qu’une nouvelle fois, il faudra attendre les résultats des élections d’octobre, pour se faire une idée de ce vers quoi les armées polonaises évolueront dans les années à venir.