C’était attendu depuis plusieurs semaines, et notamment depuis la visite de Mariusz Błaszczak sur le site d’assemblage des HIMARS de Lockheed-Martin de Camden, dans l’Arkansas, en mais dernier. C’est désormais chose faite.
486 lanceurs HIMARS et des milliers de munition pour la Pologne
Selon le communiqué, la Pologne va donc commander, au travers du FMS, 486 lanceurs HIMARS, en plus des 20 déjà commandés en 2019, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de missiles GMLRS, GMLRS-ER, ATACMS et PrSM, selon Lockheed-Martin.
Baptisés HOMAR-A (America), ces systèmes viendront ainsi renforcer les quelque 290 systèmes lance-roquettes K239 Chunmoo commandés il y a un an auprès de la Corée du Sud, et désignés par le nom de code HOMAR-K (Korea) dans les armées polonaises.
La Pologne avait déjà commandé, en 2019, 20 lanceurs HIMARS, dont deux sont destinés à l’instruction.
Les systèmes polonais viendront armer 27 escadrons d’artillerie à longue portée, dont l’immense majorité devront être créés dans les années à venir, dans la mesure où les armées polonaises n’exploitaient qu’une centaine de lance-roquettes multiples de conception locale ou soviétique jusqu’ici.
Le contour exact de la commande n’a pas encore été présenté par les autorités polonaises. On ignore notamment le calendrier des livraisons, ainsi que la part de conception locale qui sera négociée entre LM et les autorités polonaises.
Bien évidemment, cette nouvelle annonce ne peut être considérée en dehors du contexte électoral polonais, avec des élections législatives aux résultats incertains approchant de leur échéance le 15 octobre. De fait, le gouvernement polonais du PiS, multiplie les annonces de ce type, visant à flatter son électoral nationaliste.
En revanche, si cette annonce venait à se concrétiser, les armées polonaises disposeraient alors d’une puissance de feu trois fois plus importante que celle de l’ensemble des armées européennes réunies.
60 fois plus de lance-roquettes multiples que l’Armée de Terre française en 2030
Rappelons, à ce titre, que la LPM 2024-2040 prévoit, pour l’Armée de Terre française, le remplacement des 8 LRU actuellement en service, par 13 nouveaux systèmes lance-roquettes à longue portée en 2030, 60 fois moins que n’en auront les armées polonaises.
La Pologne a déjà commandé 290 systèmes K239 Chunmoo sud-coréens baptisés HOMAR-K au sein des armées polonaises
Il sera, de toute évidence, beaucoup plus difficile pour les armées françaises de revendiquer le statut de « meilleures armées d’Europe », furent-elles plus expérimentées au combat par ses opérations extérieures.
Une bataille commerciale et industrielle avec l’Allemagne
Cette annonce risque aussi de couper l’herbe sous le pied de Rheinmetall, qui visait à devenir le partenaire privilégié de Lockheed-Martin en Europe afin de commercialiser un système dérivé du HIMARS produit dans le pays.
Il est, en effet, probable qu’avec une telle commande, Varsovie négociera une forme d’exclusivité territoriale pour le marché européen. Surtout, en mettant en œuvre un tel parc, la Pologne disposera de fait des infrastructures logistiques dimensionnées pour assurer la maintenance de large flotte.
On peut donc vraisemblablement s’attendre à ce que la France soit appelée à commander ses systèmes d’artillerie auprès de Varsovie, si Paris décidait de se tourner vers ce système pour le remplacement des LRU.
L’hypothèse d’un développement national, d’un remplaçant au LRU de l’Armée de Terre française est désormais improbable alors que le marché européen sera saturé d’offres d’ici à quelques années.
L’hypothétique remplaçant français du LRU face à un marché européen saturé d’offres
Quant à l‘hypothèse d’un développement national français, elle devient de plus en plus improbable, alors que le marché européen se structure très rapidement avec l’apparition conjointe des offres polonaises basées sur l’HIMARS américain et le Chunmoo sud-coréen, et le PULS israélien vers lequel Berlin se tournera probablement, maintenant que Varsovie a choisi l’HIMARS.
Dès lors, les opportunités commerciales, indispensables à l’absorption des couts de développement élevés de ce type de système, seront de toute évidence très limitées en Europe pour un système national français.
Sauf à se tourner vers des partenariats extra-européens porteurs d’une forte demande, comme l’Inde ou l’Égypte, les options pour une solution nationale française s’amenuisent à vue d’œil.
Reste qu’une nouvelle fois, il faudra attendre les résultats des élections d’octobre, pour se faire une idée de ce vers quoi les armées polonaises évolueront dans les années à venir.
Ces dernières semaines, les médias ont rapporté des informations préoccupantes concernant la coopération industrielle franco-allemande dans le domaine de la défense. En effet, les programmes MGCS (char de nouvelle génération) et SCAF (avion de combat futur) sont grandement sous tension, autour du partage industriel, du calendrier et des enjeux industriels et opérationnels.
Bien que le programme SCAF ait l’assurance d’atteindre les phases 1B et 2, avec l’étude et la conception d’un démonstrateur, son avenir au-delà reste incertain en raison des éventuelles conséquences de l’annulation du programme MGCS.
Dans ce contexte, il est important de prendre en compte les conséquences potentielles d’un échec successif des programmes MGCS et SCAF, ainsi que d’évaluer les alternatives pour remplacer les chars et avions de combat français dans les décennies à venir.
1. Les menaces sur les programmes MGCS et SCAF
En dehors des quelques mois d’euphorie politique ayant suivi l’annonce, en 2017, par Emmanuel Macron et Angela Merkel, d’une vaste initiative industrielle et politique franco-allemande autour du concept encore flou d’Europe de la Défense, les programmes lancés alors conjointement rencontrèrent rapidement d’importants écueils.
C’est ainsi qu’en cinq ans de temps seulement, les programmes CIFS (artillerie à lingue portée), Tigre III (hélicoptère de combat) et MAWS (Patrouille maritime), furent enterrés faute de décision de la part de Berlin.
Le programme Tigre III a été abandonné par Berlin
Début 2022, seuls 2 programmes subsistaient Le programme MGCS pour le remplacement des chars Leclerc et Leopard 2 en 2035, et SCAF, le système de combat aérien du futur pour prendre le relais des Rafale et Typhoon en 2040. S’ils subsistaient, ils n’en rencontraient pas moins d’importantes difficultés.
Ainsi, à l’hiver 2022, les tensions entre Dassault Aviation et Airbus DS obligèrent les ministres des Armées des trois pays membres de programme, Allemagne, Espagne et France, à forcer la main de leurs industriels pour sortir de l’ornière et lancer la phase 1B, pour l’étude du démonstrateur technologique.
1.1 MGCS : Le char de Schrödinger
Si SCAF semblait, début 2023, sur une trajectoire plus sécurisée, ce n’était pas le cas de MGCS. En effet, sous l’action conjuguée de l’augmentation de la demande en matière de chars de combat, de la guerre en Ukraine, et de l’arrivée de Rheinmetall au sein du programme en 2019, le programme était depuis plusieurs mois en état de stase. Les quelques évolutions et avancées le concernant suffisaient à peine à le maintenir en vie, et à ne pas suivre le destin de CIFS ou MAWS.
En cause, des visions de plus en plus divergentes entre les besoins des deux armées, la France privilégiant la mobilité, l’Allemagne la protection et la puissance de feu. Les agendas industriels et opérationnels devenaient, eux aussi, plus complexes à fusionner.
Le programme MGCS doit concevoir un système de combat terrestre, bien davantage qu’un simple char
L’Allemagne, la Bundeswehr et ses industriels, ne sont pas exposés aux mêmes contraintes. Avec le KF-51 de Rheinmetall et le Leopard 2A8, ceux-ci disposent non seulement de solutions intérimaires performantes, mais également de produits demandés sur le marché.
En conséquence de quoi, au-delà des divergences déjà profondes concernant la nature même du système à concevoir, Paris et Berlin ne sont, aujourd’hui, d’accord sur rien autour de ce programme, surtout pas son calendrier ni son périmètre industriel et technologique.
De fait, depuis quelques mois, l’instar du chat de Schrödinger, le programme MGCS est simultanément mort, du fait de l’explosion évidente des divergences entre les deux protagonistes, et vivant, si l’on en croit les déclarations des ministres de tutelle, Sébastien Lecornu et Boris Pistorius.
Et tout porte à penser que la rencontre prévue entre les deux hommes, d’ici à la fin du mois septembre, aura pour but d’ouvrir la boite, et de regarder, objectivement, si le char a bu le poison, ou pas.
1.2 Un dangereux effet domino
De l’avis même de sources proches du projet, aujourd’hui, les chances que le programme MGCS tourne court dans les semaines ou mois à venir, sont de l’ordre d’une chance sur deux, et l’avenir de celui-ci est désormais en grande partie entre les mains de Boris Pistorius, de KMW et de Rheinmetall.
Or, les programmes MGCS et SCAF ont été artificiellement liés, lors de leur conception, au travers du partage industriel. De fait, la chute de l’un pourrait venir gravement menacer l’avenir de l’autre, dans un dangereux effet de domino.
Les programmes MGCS et SCAF sont artificiellement liés depuis leur conception
À ce titre, selon ces mêmes sources, il s’agirait désormais de la plus importante menace sur le déroulement du programme SCAF, même si tout porte à croire que les phases 1B et 2, visant respectivement à concevoir puis fabriquer le démonstrateur technologique du NGF et de certains de ses systèmes, iront à leurs termes.
Reste que si MGCS et SCAF venaient à péricliter, chacun des pays devrait alors trouver des solutions alternatives et palliatives, pour répondre aux impératifs opérationnels et technologiques jusqu’ici censés être couverts par les deux programmes.
2. Coût du développement de MGCS et SCAF
La question se pose donc, pour la France, de savoir si celle-ci sera en mesure de developper seule, ou différemment accompagnée, ces deux programmes indispensables aux armées françaises entre 2035 et 2040.
La Base industrielle et technologique défense, ou BITD, française, dispose de l’ensemble des compétences nécessaires pour developper, par elle-même, un programme comme MGCS ou SCAF. En effet, dans le domaine des blindés, elle peut s’appuyer sur Nexter, concepteur du Leclerc, et sur un écosystème complet pour concevoir un nouveau char de combat, et son système de systèmes à venir.
La BITD française a les compétences pour developper MGCS par elle-même
Il en va de même autour d’un éventuel SCAF franco-français. Emportée par Dassault Aviation, Safran, Thales, MBDA et l’ensemble de la Team Rafale, la BITD aéronautique française est aujourd’hui l’une des cinq pouvant effectivement developper en toute autonomie un avion de combat de 6ᵉ génération dans le monde.
Ce d’autant qu’une partie des développements requis pour SCAF sera préalablement développée dans le cadre du très ambitieux programme Rafale F5, annoncé par Sébastien Lecornu à l’occasion des débats parlementaires concernant la Loi de Programmation Militaire française 2024-2030.
2.1 Estimations financières
Si le développement technologique et industriel de ces deux programmes ne représente pas un obstacle pour l’industrie de défense française, leur financement, en revanche, sera incontestablement difficile à mettre en œuvre, tout au moins en visant les mêmes ambitions.
C’est d’ailleurs l’une des principales justifications avancées par l’exécutif français pour soutenir l’intérêt d’un codéveloppement franco-allemand de ces deux programmes, plutôt qu’une solution purement nationale, comme ce fut le cas pour le Leclerc et le Rafale.
En effet, concevoir seule, puis construire les quelques centaines de chars de combat, véhicules de combat blindés et lance-missiles de nouvelle génération de MGCS, ainsi que les 250 avions de chasse, et autant de drones de combat, du programme SCAF, couterait cher, et même très cher au budget des armées.
Le EMBT peut représenter une solution d’attente, mais pas une alternative à MGCS
Sur la base des projections existantes concernant ces deux programmes, ceux-ci couteraient à la France entre 3,5 et 4,5 Md€ (en euro 2023) par an, et ce pendant plus de 20 ans.
Déduction faite des engagements de financement dans le cadre des coopérations existantes, il s’agirait d’un surcout de 2 à 3 Md€ par an, particulièrement sensible lors de la phase de conception.
2.2 Impacts sur le budget de défense français
Ce surcout peut paraitre « accessible » à la France et son PIB de 3 000 Md€. Il représente toutefois une hausse de l’ordre de 20 Md€ sur la seule LPM 2024-2030, inflation comprise, mais aussi une hausse de près de 30 % du budget consacré par les Armées aux Programmes à Effet Majeur, ou PEM, autour de 8 Md€ en 2023.
Il sera donc tout sauf aisé pour la France de financer seule un tel effort, tout de moins en préservant le périmètre technologique et les ambitions préalablement définies autour des deux programmes.
Il s’agit, à ce titre, d’une des craintes exprimées par les personnes qui aujourd’hui y travaillent côté français, redoutant que, dans une telle hypothèse, la France, ses armées et son industrie de défense, doivent descendre d’une division face aux nouveaux chars et avions américains, allemands, britanniques ou chinois.
Les Armées françaises doivent financer d’autres programmes gourmands en ressources, comme le porte-avions de nouvelle génération
Il est vrai que les opportunités françaises pour financer de tels programmes, sont peu nombreuses. La pression fiscale étant déjà à un très haut niveau, il n’est pas question de s’appuyer sur de nouvelles taxes pour générer des recettes supplémentaires.
De même, la dette publique française, qui atteint désormais les 3 000 Md€, interdit à Paris de se tourner vers de quelconques formes de financement classique, fut-il issu d’un emprunt national ou d’un livret d’état, sauf à radicalement changer les paradigmes actuels concernant le financement de l’effort de défense, ce qui n’est pas d’actualité.
La réattribution budgétaire, enfin, qu’elle soit interne au ministère des Armées ou externe à ce dernier, semble aussi à exclure, tant les budgets sont sous tension dans nombre de domaines, interdisant toute marge de manœuvre de ce type à Bercy.
On comprend, dans ce contexte, l’attachement de la France à la poursuite de ces deux programmes actuels. Il s’agit aussi d’un des principaux reproches faits par l’Allemagne à la France les concernant. Les Allemands estiment, non sans raison, n’être avant tout que les financiers de cette coopération aux yeux de la France et de son industrie de défense.
3. La France peut-elle se tourner vers de nouveaux partenaires ?
De fait, la solution la plus évidente pour Paris, face à un effondrement du partenariat industriel de défense franco-allemand, serait de se tourner vers d’autres partenaires. Bien que prometteuse, cette solution n’est pas dénuée de risques et de contraintes.
En effet, les contraintes qui aujourd’hui viennent menacer SCAF et MGCS, et avant eux de nombreux autres programmes français en coopération européenne, peuvent évidemment entraver d’éventuels nouveaux partenariats industriels de défense.
3.1 Atouts et contraintes du partenariat technologique international
Il est vrai que la France fait office de mouton noir en Europe, alors qu’elle a, derrière elle, une longue liste de programmes de défense avortés avec l’Allemagne, mais aussi la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et d’autres.
3.1.1 Réduction des couts et extension de l’assiette industrielle
Cette coopération a bien sûr de nombreux atouts. D’une part, elle permet de partager les couts de recherche et de développement, même si une règle empirique veut que les couts de conception augmentent selon la racine carrée du nombre de partenaires.
Le partage industriel est l’un des sujets critiques dans la conception d’une coopération internationale industrielle de défense
Ainsi, à deux partenaires, les couts de conception augmenteront en moyenne de 40 %, et de presque 75 % à trois. Cependant, la participation de chaque État s’avère 30 % moins élevée à 2 partenaires, et plus de 40 % moins onéreuse si trois pays collaborent.
D’autre part, la collaboration internationale permet d’étendre l’assiette industrielle du programme, et ainsi d’atteindre certains seuils entrainants des baisses de couts par économie d’échelle. C’est le cas aussi bien pour la production initiale que concernant la maintenance et l’évolutivité des équipements produits.
Enfin, chaque partenaire apporte avec lui son propre réseau international et commercial, ce qui doit permettre, en toute logique, d’accroitre les chances de succès à l’exportation de l’équipement.
3.1.2 Divergence des besoins, partage industriel et véto commercial
Toutefois, la coopération internationale ne vient pas sans de sérieuses contraintes. Ce sont d’ailleurs celles-ci qui aujourd’hui menacent les deux programmes franco-allemands, et avant eux, les trois autres programmes déjà passés par pertes et profits.
Avant tout, il convient de s’assurer que l’ensemble des partenaires partagent les mêmes besoins, et ont les mêmes attentes en termes de performances, d’évolutivité et de calendrier, pour chacun des programmes.
Les calendriers français et allemands sur MGCS, divergent depuis l’apparition du Leopard 2A8 et du KF-51 Panther
Dans le cas de SCAF et MGCS, ce sont précisément ces divergences, masquées initialement par l’enthousiasme politique, qui ont creusé le précipice vers lesquels ils semblent se diriger.
Par ailleurs, la participation d’un état s’accompagne inexorablement d’un partage industriel, voire de clauses de transfert de technologies. Ce partage industriel, dans le cas de la France dont la BITD est globale, se fera systématiquement au détriment de compétences détenues par des entreprises nationales.
Dans ce domaine, la notion de ‘Best Athlete », avancée initialement par Paris face à Berlin, s’avère extraordinairement contre-productive. Non seulement ne permet-elle pas de faciliter les négociations autour du partage industriel, tout au mieux exacerbe-t-elle les frustrations, mais elle contribue à faire apparaitre les autres partenaires comme des acteurs secondaires, ajoutant à leur défiance.
Enfin, si un partenaire peut étendre les opportunités commerciales des équipements co-produits, il peut également venir entraver les chances de succès vers certains clients potentiels. Cela peut se faire par l’intermédiaire d’un droit de veto nationale difficile à contourner, soit tout simplement en raison de certaines tensions entre le client potentiel et l’un des partenaires.
3.2 Vers quels pays se tourner ?
De ce qui précède, il est possible de tracer un portrait robot du ou des partenaires idéaux de la France sur la scène internationale, pour l’accompagner dans le développement d’un système de combat aérien du Futur de type SCAF, ou d’un Système de combat blindé terrestre de nouvelle génération de type MGCS.
3.2.1 Portrait robot du partenaire international idéal pour la France
Bien évidemment, ce portrait diffère selon les programmes. Pour MGCS, d’abord, le ou les partenaires devront partager une conception proche de celle de la France concernant l’engagement blindé. Ainsi, le ou les blindés à concevoir et à produire devront être très mobiles, donc d’une masse inférieure à celle des blindés américains, allemands et britanniques actuels.
L’inde est un partenaire stratégique de la France et de son industrie de défense
Cela suppose des matériels disposant d’un blindage passif plus réduit, et s’appuyant sur des systèmes actifs pour en assurer la survivabilité, comme les systèmes APS hard-kill et les systèmes de camouflage soft-kill ou électro-optiques. En outre, le rôle de l’engagement coopératif s’avèrera au cœur du blindé, donc de la doctrine de ses utilisateurs.
Le char devra être économique à l’achat et la mise en œuvre, et suffisamment robuste pour pouvoir être employé sur des terrains difficiles, montagneux ou désertiques. Surtout, les partenaires devront partager un calendrier commun, visant à livrer les nouveaux blindés entre 2035 et 2040.
Le candidat idéal pour le programme SCAF, lui, devrait avant tout avoir l’expérience de l’approche française de la guerre aérienne, et donc mettre œuvre des avions de combat récents de fabrication française, idéalement le Rafale, mais aussi le Mirage 2000. À ce titre, la notion de « Club Rafale » évoquée par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans le cadre du développement du Rafale F5, se rapproche de cette classification.
Le partenaire idéal doit aussi disposer d’une industrie aéronautique militaire pour servir de base à la coopération. Il doit par ailleurs privilégier les chasseurs moyens polyvalents, tel le Rafale ou le Mirage 2000 avant lui, aux chasseurs lourds, mais onéreux, comme le F-15, le NGAD ou le GCAP, et aux chasseurs légers comme le Gripen.
Il doit enfin viser à s’équiper de nouveaux appareils à partir de 2040, et être prêt à s’intégrer dans un programme piloté par la France, sur le modèle du programme Neuron piloté par Dassault aviation précédemment. L’ambition de se doter de capacités aéronavales ou de capacités stratégiques nationales constitueraient naturellement de sérieux arguments de rapprochement.
3.2.2 Quels partenaires potentiels pour la France ?
Ces classifications permettent d’établir une liste de partenaires potentiels pouvant être sollicités par la France pour intégrer un programme SCAF ou MGCS national, le cas échéant.
3.2.2.1 Les partenaires européens
En Europe, la Grèce fait figure de favoris, pour les deux programmes. Non seulement est-elle un utilisateur fidèle des avions de combat français, mais elle est également un partenaire de défense de première importance pour la France, avec laquelle elle a signé un ambitieux accord de defense bilatéral en 2021.
Les membres du Club Rafale ont naturellement un statut privilégié pour rejoindre un SCAF sans l’Allemagne
La Grèce dispose en outre d’une puissante industrie aéronautique organisée autour de HAI, qui assure la production de nombreuses parties du F-16 américain. Surtout, Athènes va devoir remplacer ses F16 modernisés à échéance de 2040, ainsi que ses chars lourds d’ici à 2035. Son seul inconvénient est sa faible envergure financière, compensée par un volontarisme défense admirable.
La Belgique, partenaire de la France en matière d’équipements terrestres au travers du programme CaMo, constitue aussi un partenaire potentiel de choix. Les autorités belges n’ont pas caché leur intérêt pour SCAF, en dépit de leur choix en faveur du F35 en 2018, et disposent d’une industrie aéronautique spécialisée performante. Dans le domaine des armements terrestres, elle abrite le spécialiste européen John Cockerhill réputé pour ses tourelles de blindés.
En revanche, le pays est presque la lanterne rouge de l’OTAN en matière d’investissement de défense, même si Bruxelles s’est engagé à produire les efforts nécessaires pour l’augmenter dans les années à venir.
D’autres pays européens peuvent voir une opportunité à rejoindre l’un des deux programmes. On pense à la Suède et au Portugal pour le programme SCAF, ou à la Croatie et la Serbie pour MGCS. Toutefois, ces pays présentent des profils probablement moins attrayants que la Grèce et la Belgique précédemment évoquées.
3.2.2.2 Les partenaires potentiels internationaux de la France
Au-delà des frontières de l’Europe, les partenaires potentiels de la France pour codévelopper l’un ou l’autre de ces programmes, voire les deux, sont relativement nombreux.
L’Inde a lancé une compétition internationale pour le remplacement de ses 2 000 T-72.
L’Inde fait évidemment office de coureur de tête. Le pays présente, en effet, toutes les caractéristiques requises par le portrait robot préalablement établi, d’autant qu’il cherche à remplacer ses quelque 2 000 chars T-72 sur la base d’un partenariat international, et qu’il entend developper son industrie aéronautique de défense dans le cadre des programmes AMCA et TEDBF.
Les Émirats arabes unis font, eux aussi, figure de favoris. À l’instar de l’Inde, ils produisent de grands efforts pour developper leur propre industrie de défense. Ils disposent en outre d’importantes ressources budgétaires. Enfin, ils devront remplacer leurs chars Leclerc comme la France, ainsi que leurs F-16 pour évoluer aux côtés de leurs Rafale.
Enfin, Abu Dhabi comme New Delhi sont des clients fidèles de longue date de l’industrie militaire française, et des partenaires internationaux précieux de Paris sur la scène internationale.
L’Égypte représente un partenaire potentiel de choix. Le pays développe son industrie de défense et ses armées emploient de nombreux équipements français, dont le chasseur Rafale dont une nouvelle commande serait en discussion. Elle dispose de ressources budgétaires grâce aux immenses réserves de gaz découvertes il y a quelques années.
L’Égypte va devoir remplacer plus de 1 100 Abrams M1 et autant de M60 Patton
Surtout, Le Caire va devoir remplacer les 218 F-16 qu’elle met en œuvre, ainsi que les 2 300 M1 Abrams et M60 Patton encore en service, ce qui en fait un partenaire potentiel stratégique pour les deux programmes français.
D’autres pays, comme l’Indonésie ou l’Arabie saoudite, pourraient enfin s’avérer de précieux partenaires directs ou indirects des programmes MGCS et SCAF, ceux-ci devant être développés sans l’Allemagne.
4. Vers un nouveau paradigme de coopération industrielle de défense ?
Reste qu’après un éventuel échec de SCAF et de MGCS, il pourrait être difficile, et surtout long, à la France de négocier des partenariats internationaux, alors que les calendriers sont déjà sous tension pour respecter les échéances visées.
4.1 Des programmes français ouverts à la coopération
Pour répondre à ces échéances, il serait alors nécessaire pour Paris de s’engager rapidement, donc seul, dans le développement des deux programmes. Il faudra en outre les concevoir afin qu’il soit possible, dynamiquement et sous certaines conditions, à de nouveaux partenaires de les rejoindre.
Bien que contre-intuitive, cette approche s’est, à plusieurs reprises, révélée efficace, pour peu qu’elle ait été anticipée dès la conception du programme.
Le programme GCAP est désormais sûr de meilleures bases que SCAF
En effet, en se présentant comme le porteur unique, mais ouvert, du programme, la France apparaitrait comme entièrement engagée dans son bon déroulement, pour que l’hypothèse d’un nouvel échec soit exclue. Cela gommerait les possibles inquiétudes liées aux échecs de SCAF et MGCS précédemment.
En outre, cette dynamique permet d’éliminer la perception de partenaire/payeur qui a tant détérioré les relations entre Paris et Berlin dans ces dossiers. Enfin, et c’est loin d’être négligeable, cette structure met de fait la France et ses industriels en position de force vis-à-vis d’éventuels partenaires, simplifiant de fait les négociations autour du partage industriel.
Cette dynamique fut mise en œuvre avec succès par Dassault autour du programme Neuron, mais aussi, plus récemment, par Londres concernant le programme GCAP.
Un temps raillé par certains comme un ersatz bas de gamme du SCAF, le GCAP rassemble aujourd’hui la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon et dispose d’une structure bien plus solide et cohérente que le programme franco-allemand.
4.2 Le financement constant à contraintes dégressives
Reste que pour lancer ces programmes de manière unilatérale, il serait nécessaire de les intégrer dans une architecture de financement innovante, afin d’en garantir la soutenabilité par l’État.
La solution serait alors d’adosser le financement du programme à une société financière tampon, chargée d’absorber le surcroit de couts pour l’état, jusqu’à l’arrivée de nouveaux partenaires internationaux permettant d’équilibrer les flux entrants et sortants,
Les questions de financement des programmes MGCS et SCAF sont les plus difficiles pour la France
De structure publique-privée, mais à majorité privée, celle-ci interviendrait alors comme un acteur indépendant investissant dans le développement de technologies de défense pour le compte de la BITD française. Elle serait, dès lors, exclue du décompte de la dette souveraine française.
La France, pour sa part, financerait le programme selon le calendrier prévu dans son partenariat avec l’Allemagne, afin de ne pas venir déstabiliser la loi de programmation militaire.
Une fois le ou les partenaires internationaux intégrés, le fonds d’investissement régénèrerait ses investissements selon à protocole à déterminer. Soit par un abondement de l’État français provenant des recettes générées par le surcroit d’activité industrielle lié au programme.
Soit sur la base d’une plus-value financière sur le prix de vente des équipements et de l’ensemble des pièces et des services y attenant, en France comme à l’exportation.
Enfin, si, cas improbable et toutefois possible, la France ne parvenait pas à attirer de nouveaux partenaires industriels, le Fonds pourrait alors basculer sur un modèle de financement à plus long terme, basé sur une solution de Leasing des équipements.
Une telle approche permettra d’absorber les taux d’intérêt sur la durée au travers d’un modèle à double plus-values (Location + revente d’occasion à terme), sans venir alourdir les dépenses annuelles des armées, ni risquer de voir la bulle financière requalifiée en dette souveraine. Ceux qui suivent Meta-defense de longue date, auront naturellement reconnu ici un modèle de type Socle Défense.
Conclusion
Nous voilà au terme de cet article, plus long qu’à l’accoutumée. Comme nous l’avons vu, les risques qui pèsent aujourd’hui sur MGCS et SCAF sont bien réels, bien qu’ils ne soient en rien synonymes d’un destin funeste. Toutefois, en considérant cette probabilité, il conviendrait désormais d’en étudier des solutions palliatives, si ceux-ci venaient à péricliter.
Les Émirats arabes unis vont devoir remplacer les chars Leclerc conjointement à la France
La réponse la plus évidente pour Paris serait de se tourner vers d’autres partenaires, d’un profil plus en adéquation avec les ambitions françaises que ne pouvaient l’être l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne. Ces partenaires potentiels existent, comme la Grèce et la Belgique en Europe, ou encore l’Inde, les Émirats arabes unis ou l’Égypte au-delà. De plus, cette liste n’est en rien exhaustive.
Pour autant, les contraintes de calendrier imposeraient alors à la France de relancer, à courte échéance, les deux programmes, afin de respecter les échéances impératives des armées. Et donc de s’y engager seule initialement, tout en ouvrant la porte à ces nouveaux partenaires, et en produisant les efforts nécessaires pour qu’ils s’y engagent.
Il serait alors nécessaire de concevoir une solution de financement innovante, permettant de préserver la trajectoire budgétaire établie par la LPM, tout en assumant l’ensemble des couts de développement, jusqu’à l’arrivée de nouveaux partenaires.
De fait, la réponse à la question principale, quant à savoir si la France peut, ou non, developper seule les programmes SCAF et MGCS, est affirmative. Il faudra en revanche, pour cela, sortir de certains sentiers battus afin de garder la cohérence et l’ambition des deux programmes, tout en préservant la trajectoire budgétaire édictée par la LPM 2024-2030.
Le 7 septembre, les autorités nord-coréennes, au travers de l’agence de presse d’état KNCA, ont annoncé le lancement d’un nouveau submersible présenté comme un « sous-marin nucléaire tactique d’attaque ».
Si, comme c’est souvent le cas, Pyongyang a largement galvaudé et exagéré, dans sa présentation, les capacités du nouveau navire, il n’en demeure pas moins vrai qu’il représente une nouvelle menace bien réelle, avec laquelle la Corée du Sud et le Japon, ainsi que les forces américaines qui y stationnent, vont devoir composer.
Découvrez le sous-marin nucléaire nord-coréen Hero Kim Gun-ok…
« Hero Kim Gun-ok ». C’est ainsi qu’a été baptisé le nouveau sous-marin nord-coréen, dont le lancement a été annoncé ce 7 septembre par l’agence de presse KNCA. Le lancement, dont le protocole et certaines procédures ont été directement inspirées de ceux employés en occident pour lancer les sous-marins sensibles comme les SNA et SNLE, a donné lieu une diffusion publique de nombreux clichés, chose suffisamment rare pour saisir la portée de l’événement.
En effet, le Hero Kim Gun-ok n’est pas un simple sous-marin. Selon Pyongyang, il s’agirait d’un « sous-marin nucléaire tactique d’attaque », tel qu’il a été référencé par la nomenclature nord-coréenne. Les clichés diffusés montrent qu’effectivement, le navire arbore une excroissance dorsale à l’arrière du kiosque, abritant dix portes de silo de lancement vertical de missile.
Comme c’est désormais la norme, la présentation nord-coréenne est conçue pour fourvoyer l’observateur. En effet, le Hero Kim Gun-ok n’est en rien un sous-marin nucléaire, comme ceux en service en Chine, aux Etats-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Russie. Le navire s’appuie sur une propulsion conventionnelle diesel-électrique, et non sur un réacteur nucléaire.
Comme les Romeo, les sous-marins soviétiques de la classe Whiskey ont été dérivés des quatre Type XXI saisis à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
De fait, il n’aura pas l’autonomie en plongée des sous-marins nucléaires, qui est potentiellement illimitée, même si, dans les faits, celle-ci est limitée par l’accès à la nourriture et la santé psychologique de l’équipage, de 2 à 3 mois. Il n’aura pas davantage des performances comparables, les SNA et SNLE pouvant maintenir une vitesse très élevée pendant toute la durée de la plongée, n’étant pas restreints par la charge des batteries.
Qui est en fait dérivé de la classe Romeo des années 50
Le Hero Kim Gun-ok, lui, est un modèle dérivé de la famille de sous-marin du projet soviétique 633, désignée par l’OTAN sous le nom de classe Romeo. Entrés en service à partir de 1957, ces sous-marins diesel électrique océaniques visaient à remplacer les Zulu conçus à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la base des 4 Type XXI allemands saisis par les forces soviétiques.
À ce titre, les Romeo, produits à plus de 135 exemplaires de 1957 à 1961 en Union Soviétique, empruntaient, eux aussi, de nombreuses avancées au Type XXI allemand, comme c’était le cas des Zulu (26 exemplaires) et des Whiskey (235 unités, record historique pour une classe de sous-marin) avant eux.
De fait, le nouveau sous-marin nord-coréen n’a pas grand-chose de nouveau, et surtout pas sa propulsion, pas davantage que ses performances nautiques ou acoustiques, qui demeureront très certainement à un niveau proche de celles des Romeo des années 50 et 60.
La poupe du nouveau sous-marin nord-coréen a été floutée sur les clichés publiés. Il s’agit très probablement bien davantage de tenter de coller ici aux protocoles occidentaux que de véritablement protéger la forme des hélices.
Détail cocasse, le floutage des hélices constaté sur les clichés publiés. Cette procédure est souvent employée lors du lancement de sous-marins modernes, et notamment des sous-marins nucléaires pour qui la forme des hélices donnent beaucoup d’informations. Elle ne sert ici, en revanche, qu’à entretenir le mythe, et non à protéger une quelconque information sensible.
Alors, le sous-marin nucléaire tactique d’attaque Héro Kim Gun-ok, va-t-il rejoindre le char de nouvelle génération M2020 ou encore le chasseur furtif Qaher-313 au firmament des fake militaires ? Oui… Et non !
En effet, si le nouveau sous-marin nord-coréen n’a rien de révolutionnaire, même à l’échelle de la Corée du Nord, ce n’est certainement pas le cas de son armement, et surtout de celui que les dix silos de lancement vertical en arrière du kiosque, permettront de mettre en œuvre.
10 silos de lancement pour missiles balistiques SLBM et missiles de croisière
Faute de référentiel visuel, il est difficile aujourd’hui d’évaluer les dimensions exactes de ces silos, et particulièrement le diamètre probable des missiles qu’ils contiennent. Toutefois, selon le spécialiste H.I Sutton, il semblerait que ceux-ci soient divisés en deux catégories. Les quatre premiers (les plus proches du kiosque) apparaissent plus imposants pour recevoir des missiles balistiques SLBM, les six silos restants, plus petits, pour accueillir des missiles de croisière.
Les clichés publiés par KNCA sont remarquablement précis, et permettent de parfaitement observer les 10 trappes de silo de lancement vertical de missiles. Nul doute que tel était bien l’objectif à atteindre.
La Corée du Nord avait déjà, dès 2021, fait la démonstration qu’elle maîtrisait les technologies pour concevoir et mettre en œuvre ces deux types de missiles à changement de milieux, pouvant par ailleurs accueillir une tête nucléaire.
Ainsi, bien qu’obsolète dans sa conception, le Hero Kim Gun-ok, une fois en service, sera tout sauf quantité négligeable pour les forces armées sud-coréennes, américaines et japonaises. Rappelons effet, qu’un sous-marin diesel-électrique, fut-il un Romeo des années 50, s’avère discret une fois en plongée sur batterie.
Il sera donc difficile à localiser et à détruire par les forces sous-marines et anti-sous-marines adverses, le cas échéant, sachant que la lutte anti-sous-marine est une activité excessivement chronophage. Dans le même temps, il ne lui faudra que quelques minutes pour qu’il lance ses missiles vers les villes sud-coréennes et nippones.
À lui seul, le Hero Kim Gun-ok peut neutraliser la doctrine 3 axes sud-coréenne
Dans le cas spécifiquement coréen, le nouveau sous-marin de Pyongyang s’avère ainsi une réponse, probablement efficace, à la doctrine « 3 axes » mise en œuvre par Séoul et ses armées depuis deux ans, pour contenir la menace nucléaire de son voisin.
En octobre 2021, la Corée du Nord a démontré sans ambiguïté qu’elle maitrisait la technologie des missiles à changement de milieux. Elle dispose désormais du sous-marin pour la mettre en pratique.
Celle-ci s’appuie sur 3 actions militaires successives destinées à empêcher Pyongyang d’employer ses armes nucléaires contre la Corée du Sud, d’abord au travers de frappes de missiles préventives visant l’ensemble des positions abritant des vecteurs nucléaires nord-coréens formant le 1ᵉʳ axe. Celui-ci est suivi de la destruction en vol des derniers vecteurs restants lancés par l’adversaire (2ᵉ axe), et enfin la destruction de tous les sites stratégiques et de commandement nord-coréens par des frappes d’aviation et de missiles (3ᵉ axe).
Cette doctrine, séduisante au demeurant, trouve son efficacité probable dans l’immense avance technologique des forces armées sud-coréennes sur celles du nord. Elles disposent, par ailleurs, d’équipement en nombre suffisant pour garantir la fulgurance des destructions et créer, ainsi, la sidération nécessaire à l’enchaînement, et au succès, des trois axes.
L’arrivée du Hero Kim Gun-ok, à elle seule, suffit cependant à mettre à mal l’ensemble de cette doctrine, sauf à avoir en permanence l’assurance de pouvoir détruire le navire lors des frappes préventives du premier axe. Le sous-marin, comme les SNLE du reste, s’avère, en effet, d’avantage une arme de seconde frappe, qu’un système offensif destiné aux frappes de première intention, et sera sans le moindre doute employé comme tel par Pyongyang.
Dit autrement, en dépit de la débauche de moyens et d’ambitions technologiques engagée en Corée du Sud, depuis quelques années, pour tenter de neutraliser la menace nucléaire nord-coréenne par une capacité militaire conventionnelle, l’arrivée d’un unique « sous-marin (pas) nucléaire (pas vraiment) tactique (et plutôt de riposte que) d’attaque », semble bien devoir suffire à neutraliser l’ensemble des efforts de Séoul ces dernières années dans ce domaine.
On le voit, le Hero Kim Gun-ok est un Fake. Mais cela ne veut pas dire qu’il sera inefficace ou inutile. Bien au contraire…
Entrés en service respectivement en 2017 et 2019, les porte-avions britanniques de 65 000 tonnes HMS Queen Elizabeth (R08) et HMS Prince of Wales (R09), sont aujourd’hui les deux plus imposants navires de combat non américains en service, dans l’attente de l’arrivée du porte-avions chinois CV-18 Fujian chinois et ses 75 000 tonnes estimées.
Ces navires permirent à la Royal Navy de recouvrer ses compétences en matière d’aviation embarquée et de combat aéronaval, en sommeil depuis le retrait du service du dernier bâtiment de la classe Invincible, le HMS Ark Royal, en 2014.
Longs de 283 mètres, ils disposent d’un pont d’envol de 73 mètres dans sa plus grande largeur, pour une surface totale de 16 000 m², 33 % plus imposant que les 12 000 m² du PAN Charles de Gaulle français.
Les porte-avions classe Queen Elizabeth peuvent ainsi mettre en œuvre un groupe aérien embarqué de 24 à 36 chasseurs F-35B Lightning 2 et de 14 hélicoptères Merlin et Wildcat assurant notamment la protection anti-sous-marine et la détection avancée de la flotte.
Les F-35B américains et britanniques décollent dynamiquement, mais appontent verticalement, à l’instar de la procédure employée par les Harrier.
Avantages et contraintes du Ski Jump sur porte-avions
Toutefois, et contrairement aux porte-avions français et américains, les navires britanniques ne sont ni à propulsion nucléaire ni dotés de catapultes et de brins d’arrêt, mais uniquement d’un Ski Jump (qui est une invention britannique soit dit en passant, comme le pont incliné).
Cette configuration a certains avantages, les catapultes étant complexes à mettre en œuvre, et surtout onéreuse à l’achat. Ainsi, les deux catapultes électromagnétiques qui devront équiper le successeur du Charles de Gaulle français, couteront plus d’un milliard de dollars à la Marine Nationale, soit plus de 25 % du navire lui-même et de sa propulsion nucléaire.
De fait, si Londres avait voulu équiper ses deux porte-avions de deux catapultes chacun, le prix du programme serait certainement passé de 6 à plus de 8 Md€, presque le cout d’une troisième unité.
Toutefois, cette configuration impose aussi certaines restrictions. En particulier, ces navires ne peuvent mettre en œuvre d’avions à ailes fixes à turbopropulseurs, qu’il s’agisse d’avions de détection aérienne avancée comme le E2-D Hawkeye américain ou le KJ-600 chinois, d’avions de liaison comme le C-2 Greyhound, ou encore d’appareils de patrouille maritime comme pouvaient l’être le Fairey Gannet, le Breguet Alizé ou le Lockheed S-3 Viking.
Le Ski Jump permet aux avions embarqués de transformer une partie de leur énergie cinétique en impulsion verticale, et ainsi de décoller à plus lourde charge. Cependant, il n’offre pas les mêmes performances que les catapultes employées sur les porte-avions américains et français.
Pour assurer ces missions, les porte-avions britanniques des classes Hermès et Invincible devaient s’appuyer soit sur des hélicoptères embarqués qui, bien que performants, manquaient d’allonge, d’autonomie et de performances, soit sur les appareils basés à terre, comme les S-3 Sentry ou les Nimrod.
C’est aussi le cas des Queen Elizabeth aujourd’hui. Cela pourrait bien changer dans les mois et années à venir. En effet, la Royal Navy a annoncé avoir assuré la première liaison logistique entre la terre et le HMS Prince of Wales à la mer, en employant un drone à aile fixe. Il ne s’agit encore que d’un essai prémilitaire.
Toutefois, les résultats ont été jugés concluant par la Royal Navy, ce qui pourrait bien ouvrir la voie à leur arrivée massive et systématique, et avec elle, doter le groupe aéronaval britannique de nouvelles capacités le rapprochant de leurs homologues américains et français.
Appontage et décollage d’un drone logistique du HMS Prince of Wales
Concrètement, un drone à vocation logistique a pu rejoindre le HMS Prince of Wales navigant au large des côtes britanniques, se poser sur le pont d’envol sans qu’il soit nécessaire d’employer un système d’arrêt. Après avoir livré son fret d’une centaine de kilogrammes, le drone a repris l’air à partir du pont d’envol du navire, pour rejoindre son aérodrome de départ.
Ce cliché permet d’apprécier les dimensions du drone bimoteurs bipoutres ayant fait la liaison logistique avec le HMS Prince of Wales
Le drone employé, un bimoteur à aile droite et double empennage, a été développé par la société britannique W Autonomous Systems (WAS). Selon les clichés diffusés, il semble avoir des dimensions proches entre celles du TB2 turc ou du Patroller français, alors que sa configuration bimoteurs bipoutres lui confère une cellule portante volumineuse pour le transport de fret.
Selon les informations transmises par la Royal Navy, le drone en question aurait une autonomie de 1 000 km pour une capacité de transport de fret de 100 kg. Le regain de puissance conféré par ses deux moteurs thermiques, ainsi que sa configuration aérodynamique optimisée pour une portance maximale à basse vitesse, lui permettent de décoller ou d’atterrir sur 150 m, selon les Britanniques.
On ignore toutefois si ces données doivent être considérées par vent nul, ou vis-à-vis d’un porte-avions en manœuvre aviation évoluant vent debout à 25 nœuds.
Le succès de la démonstration faite par la Royal Navy, qui au passage a coiffé la Turquie que l’on attendait sur le sujet, permettra d’alléger la charge logistique aujourd’hui confiée aux lourds et onéreux hélicoptères Wildcat et Merlin, parfois pour aller chercher une pièce de seulement quelques kg à plusieurs centaines de km.
Comme le montre ce cliché, la soute du drone britannique est limitée en dimension, alors que l’appareil ne peut emporter que 100 kg de fret.
La Royal Navy va tester le drone Mojave de General Atomics à bord du Prince of Wales cet automne
Pour autant, la portée de ce succès dépasse largement la seule chaine logistique légère du porte-avions. En effet, elle ouvra la voie à une nouvelle expérimentation qui se déroulera cet automne, et qui verra le HMS Prince of Wales accueillir et lancer un nouveau drone MALE léger de General Atomics.
Dérivé du MQ-9, le Mojave est un drone de combat de 9 m de long pour 16 m d’envergure, conçu pour opérer à partir de pistes courtes, comme celles d’un pont d’envol. Si ses dimensions sont relativement réduites, il a toutefois une masse maximale au décollage de 3,175 tonnes, ainsi qu’une autonomie de plus de 25 heures pour une distance franchissable supérieure à 4 600 km.
Grâce à son turbopropulseur Rolls-Royce M250 de 450 cv, le drone peut emporter jusqu’à 1,7 tonne de chargement, entre le carburant et les munitions. Ces performances laissent supposer que l’appareil sera en mesure de réaliser différents types de missions, notamment en emportant des systèmes de détection aéroportés, radars ou électro-optiques.
Vers la réduction de l’écart capacitaire entre catapulte et Ski Jump ?
Si les essais de cet autonome à bord du Prince Of Wales s’avéraient concluant, et que le Mojave est effectivement apte à prendre l’air à charge maximale à partir du navire britannique, ainsi que d’y apponter en toute sécurité même en conditions dégradées, il est très probable qu’il intégrera rapidement le groupe aérien embarqué de la Royal Navy.
Le Mojave de General Atomics a été conçu pour emporter la charge utile la plus importante tout en employant la piste la plus courte possible.
Quant à l’avenir du drone logistique de WAS qui a ouvert la voie, il est probable qu’il sera appelé à évoluer pour en accroitre les performances et les capacités d’emport, ce qui permettrait au groupe aéronaval britannique de mettre en œuvre un flux logistique aérien permanent avec la terre aussi efficace qu’économique.
De fait, si l’arrivée des drones ne va pas remettre en question l’intérêt des systèmes de catapultes et de brins d’arrêt pour les porte-avions les plus évolués, les navires qui en sont ou seront dépourvus verront, pour leur part, l’écart capacitaire se réduire. Reste à voir à quel point ?
Selon un communiqué de presse publié par l’avionneur américain Boeing, le F-15EX Eagle II intéresserait Varsovie, pour renforcer les forces aériennes polonaises. Toutefois, cette annonce intervient dans un contexte extrêmement volatil en matière d’annonces sur fond de campagne électorale majeure à venir, invitant à la plus grande prudence à son sujet.
Alors que l’échéance électorale du 15 octobre se rapproche, et que les sondages ne décollent pas pour garantir une majorité parlementaire au PiS, les annonces polonaises en matière de contrat d’équipement de défense, quant à elles, tendent à se multiplier et d’intensifier, dans une dynamique qui n’est pas sans rappeler celle qui toucha la Turquie il y a quelques mois.
Une déferlante d’annonces de Varsovie
Ainsi, pour les seuls derniers dix jours, Varsovie a annoncé une commande record pour 6 nouvelles batteries antiaériennes Patriot PAC-3 et plus de 600 missiles, ainsi que 200 missiles antinavires NSM pour protéger les 350 km de côtes polonaises (soit un missile tous les 1,75 km de côtes) des 43 unités de surface en service au sein de la flotte russe de la Baltique.
Dans le même temps, un autre accord, tout aussi important, a été signé avec la Grande-Bretagne pour la production des systèmes antiaériens Narew et Pilica+, ainsi que pour le codéveloppement d’une nouvelle version à portée étendue du missile CAAM.
La Pologne a commandé 200 missiles antinavires NSM pour défense 350 km de cotes face à seulement 43 unités de surface au sein de la flotte russe de la mer Baltique
Le F-15EX intéresserait les forces aériennes polonaises selon Boeing
Mais l’annonce la plus stupéfiante de ces derniers jours, n’est autre que la publication d’un communiqué de presse par l’Américain Boeing, indiquant que des discussions auraient été engagées entre Varsovie et l’avionneur pour l’acquisition de F-15EX Eagle II pour les forces aériennes polonaises.
À cette heure, le communiqué de presse de Boeing est la seule source concernant cette hypothèse. En outre, celui-ci n’affirme pas explicitement que des négociations seraient en cours avec les autorités polonaises à ce sujet, faisant simplement référence à un « intérêt de la Pologne pour le F-15EX ».
Toutefois, celle-ci n’est pas dénuée de sens. En effet, Varsovie aurait également, selon certaines informations, ouvert des discussions avec BAe pour étudier la possible acquisition d’Eurofighter Typhoon. Or, les deux appareils évoluent dans une gamme de performances et de capacités proches l’une de l’autre, notamment pour ce qui concerne les missions de supériorité aérienne.
Des capacités complémentaires aux F-16, F-35A et FA-50 déjà acquis
En outre, les F-16 C/D, F-35A et FA-50, commandés jusqu’ici par Varsovie dans le cadre de la modernisation de ses forces aériennes, sont tous trois des appareils plus spécialisés dans l’attaque et le soutien que dans le soutien aérien.
Le FA-50 est agile et performant, mais il n’a ni l’endurance ni la capacité d’emport d’un F-15EX ou d’un Typhoon.
Ils souffrent en particulier d’une autonomie et de capacités d’emport plus réduites que le Typhoon, et encore davantage vis-à-vis du F-15EX, véritable « camion à missile volant », capable de mener des patrouilles de défense aérienne de plusieurs heures sans ravitaillement.
C’est précisément cette capacité qui, aujourd’hui, manque aux forces aériennes polonaises, notamment pour assurer l’opacification de leur espace aérien face aux forces aériennes russes, elles aussi richement dotées en chasseurs et chasseur-bombardiers lourds comme le Su-30, le Su-34, le Su-35 et le nouveau Su-57.
La question du financement demeure
Reste que l’acquisition d’un simple escadron d’Eagle 2, soit 18 à 24 appareils, couterait plusieurs milliards d’euros aux finances publiques polonaises, déjà très lourdement sollicitées par la succession d’annonce en matière d’acquisitions et de programmes d’équipement de défense, ces derniers mois.
En outre, en l’absence de majorité absolue, le PiS aura probablement beaucoup de mal à convaincre ses partenaires de coalition éventuels, de poursuivre la politique d’équipement proche du « quoi qu’il en coute » de l’épisode Covid, si tant est qu’il puisse effectivement se maintenir au pouvoir.
Le F-15EX de Boeing offrirait effectivement des capacités bienvenues pour la defense du ciel polonais.
Dans tous les cas, et comme c’est aujourd’hui le cas en Turquie, il y a fort à parier que les lendemains postélectoraux en Pologne risquent d’être pour le moins tendus, une fois qu’il faudra assumer les dépenses engagées par le président Duda et son gouvernement.
Quant aux F-15EX polonais, il est probablement plus judicieux d’attendre une éventuelle confirmation au-delà du 15 octobre, pour se faire une idée de la portée du communiqué de presse publié par Boeing.
Le sous-secrétaire à l’Armée Gabe Camarillo a indiqué qu’une nouvelle version du char M1, désignée Abrams M1E3, et visant à alléger le blindé tout en augmentant sa survivabilité, était désormais à l’étude. La version M1A2 SEPv4, et ses 67 tonnes au combat, quant à elle, a été suspendue.
Le char américain M1A2 Abrams est aujourd’hui, de manière incontestable, l’un des plus puissants blindés en service, et l’un des mieux protégés. Toutefois, à l’instar du véhicule de combat d’infanterie M2 Bradley, son contemporain au sein de l’US Army, celui-ci s’est vu atteint d’un important embonpoint au fil des années et des versions successives.
Si les premiers Abrams affichaient une masse au combat inférieure à 55 tonnes à la fin des années 70, le M1A2 SEPv4 qui devait commencer d’arriver au printemps dernier au sein des unités de chars américaines, dépassera les 67 tonnes sur la balance, sous l’effet des équipements et des blindages successivement ajoutés.
Avec sa turbine AGT1500 et ses 1 500 chevaux, l’Abrams dispose toujours d’un rapport puissance-poids de presque 23 cv par tonne, lui conférant des performances élevées sur route comme en tout terrain. Néanmoins, les contraintes engendrées par cette masse semblent, désormais, dépasser les bénéfices attendus au combat de ces évolutions successives.
Les 67 tonnes de l’Abrams M1A2 SEPv4 posent problèmes à l’US Army
Ainsi, les chars américains sont confrontés de plus en plus souvent, par leur masse, à des contraintes pour utiliser les infrastructures civiles comme les ponts, venant entraver singulièrement leur mobilité. De même, ils tendent à plus facilement s’embourber sur terrain instable, boueux ou autre, que les blindés plus légers.
Le M1A2 Abrams a connu des prises de masse successives, l’ayant amené à flirter avec les 67 tonnes au combat
Enfin, et d’aucuns diraient surtout, cette masse engendre des contraintes logistiques très importantes, notamment en termes de consommation de carburant, mais également d’usure de certains éléments mécaniques.
Jusqu’il y a peu, les chars étant utilisés dans des environnements restreints pour lesquels le surcroît de protection, de moyens de détection et de puissance de feu, représentaient la plus grande valeur ajoutée, même au détriment de la mobilité. C’était spécialement le cas lors des engagements en Irak et en Afghanistan des forces américaines.
Selon celles-ci, la production du SEPv4 a été reportée (pour ne pas dire annulée), de sorte à libérer les crédits et les ressources humaines nécessaires afin de developper une nouvelle version du char se voulant plus en adéquation avec les besoins de l’US Army dans les années à venir.
Le char Abrams M1E3 sera protégé par un système hard-kill Trophy intégré nativement dans la tourelle, et non ajouté comme ici sur un M1A2.
Baptisée M1E3, de sorte à marquer son caractère disruptif vis-à-vis des évolutions précédentes, celle-ci doit permettre de réduire sensiblement la masse du char, pour en accroitre la mobilité et la souplesse d’utilisation de manière substantielle.
Il s’appuiera notamment sur un système de systèmes modulaire ouvert, de sorte à permettre une évolutivité optimisée et rapide, et mettra l’accent sur la survivabilité du blindé comme de son équipage, que l’on sait désormais être la ressource la plus critique d’un char au combat.
L’AbramsX de GDLS prêt à bondir
Si aucun calendrier n’a jusqu’ici été divulgué, le cahier des charges sommaire présenté par Gabe Camarillo, n’est pas sans rappeler les caractéristiques de base de l’AbramsX dévoilé par General Dynamic Land Systems à l’occasion du salon AUSA 2022 il y a tout juste un an.
L’Abrams américain est à ce point lourd qu’il peine à pouvoir emprunter certaines infrastructures de transport routier ou ferroviaire en Europe.
Le démonstrateur exposé à cette occasion par GDLS affichait, en effet, une masse de 54 tonnes. Ce gain de masse, ainsi qu’une propulsion hybride entièrement renouvelée, permettrait, selon son concepteur, de voir sa consommation divisée par deux face au SEPv3, alors que la protection du blindé est assurée par le système Hard-Kill Trophy de l’Israélien Rafael.
Même l’équipage du char avait subi une cure d’amaigrissement, passant de 4 à 3 membres, le poste de chargeur étant remplacé par un système de chargement automatique permettant, en outre, d’accroitre la cadence de tir et les capacités de faire feu en mouvement.
Reste à voir, désormais, si l’US Army saura faire simple et économique, en se tournant vers l’AbramsX pour le reboot de son char de combat Abrams M1E3, ou si, à son habitude, elle fera long compliqué et cher, en produisant un cahier des charges propres nécessitant une nouvelle étude ?
La pression des menaces russes en Europe, et chinoises dans le pacifique, pourrait cette fois l’amener à des arbitrages pragmatiques, alors que 2027 apparait chaque jour davantage comme l’échéance à ne pas rater pour les armées américaines.
Après avoir officialisé la commande de 54 chars M1A2 Abrams américains, la Roumanie serait engagée dans d’intenses négociations avec la Corée du Sud, pour l’acquisition de chars K2, mais également d’autres véhicules blindés, se rapprochant des arbitrages polonais dans ce domaine.
Il y a trois années de cela, il n’était pas rare que plusieurs semaines passent sans que la moindre actualité ne traite de chars de combat, ou plus généralement, de véhicules de combat lourds. Désormais, les chars s’invitent presque quotidiennement dans les fils d’information des sites spécialisés défense.
Le retour des tensions internationales, aux frontières de l’Europe et dans le Monde, avaient bâti le socle fertile pour que les chars reviennent sur le devant de la scène. C’est cependant la guerre en Ukraine, et ses quelque 3 000 chars perdus, qui remit le char de combat, et avec lui les véhicules de combat d’infanterie et les systèmes d’artillerie mobile, au cœur des préoccupations des stratèges, ainsi que des planifications militaires.
La résurrection du char de combat en Europe
C’est notamment le cas en Europe. Ces trois dernières années, pas moins de neuf pays membres de l’OTAN du vieux Continent se sont engagés à acquérir plusieurs centaines de chars de combat Leopard 2, K2 et Abrams, ainsi que des véhicules de combat d’infanterie Puma, Lynx et CV90, dans un effort inédit depuis la fin de la guerre froide.
Les pays d’Europe de l’Est et du nord sont en pointe dans ce domaine. Ainsi, la Hongrie a commandé, en 2020, 218 VCI KF41 auprès de Rheinmetall après avoir commandé précédemment 44 chars Leopard 2A7HU auprès de KMW.
Le Leopard 2A7 (à gauche) et le K2 Black Panther (à droite) ont fait jeu égal lors des essais en Norvège.
Le dernier-né de Krauss-Maffei Wegmann, présenté publiquement il n’y a de cela que quelques mois, semble d’ailleurs promis à un bel avenir. En effet, au-delà des 54 exemplaires norvégiens, et des 18 commandés par la Bundeswehr pour remplacer les Leopard 2A6 envoyés en Ukraine par l’Allemagne, la République tchèque, l’Italie et les Pays-Bas, sont pressentis pour commander prochainement le blindé allemand.
M1A2 Abrams et K2 Black Panther, le duo gagnant en Pologne et en Roumanie ?
Mais l’effort le plus colossal, et le plus remarquable, dans ce domaine en Europe, est produit par la Pologne. En effet, celle-ci a entrepris de doter ses forces de 250 nouveaux chars M1A2 américains, ainsi que de 1 000 K2 sud-coréens, dont une grande partie serait construite en Pologne même, aux côtés des quelque 650 systèmes d’artillerie K9 et Krab, et des 288 K239 Chunmoo également commandés auprès de Hanwha Systems.
Un second pays européen, la Roumanie, semble suivre le chemin tracé par Varsovie dans ce domaine. Bucarest a, en effet, officialisé la commande de 54 chars américains M1A2 Abrams.
La souplesse des offres sud-coréennes, associées à des délais de livraison courts, jouèrent un rôle déterminant dans le choix de Varsovie en faveur d’un partenariat stratégique avec Séoul.
Surtout, à l’instar de la Pologne, les autorités roumaines ont entrepris de négocier avec le sud-coréen Hanwha, l’acquisition de chars K2 Black Panther, de canons automoteurs K9 et de véhicules de combat d’infanterie AS21 Redback.
Pour l’heure, Bucarest reste évasif quant à ces discussions, sachant pertinemment que, comme dans le cas de la Pologne, la réaction de ses partenaires européens risque d’être pour le moins irritée. En effet, ces derniers assurent notamment le renforcement de ses frontières face à la Russie, et contribuent, là encore comme pour la Pologne, activement aux finances publiques du pays.
Un choix qui répond à des contraintes perceptibles
Fondamentalement, le raisonnement tenu ici par les autorités roumaines, se rapprochent de celui tenu précédemment par Varsovie. D’une part, en matière de réassurance et de dissuasion, seuls les Etats-Unis sont effectivement capables, ou tout au moins perçus comme tels, de renforcer les défenses et la dissuasion roumaine.
Il convient donc d’optimiser l’interopérabilité des armées roumaines avec les forces américaines, en particulier en se tournant vers des matériels de conception US, comme l’Abrams ou le F-35A.
L’arrivée du Leopard 2A8, et l’annonce du développement du Leopard 2AX, ont été en partie conditionnées par les succès de l’Abrams et du Black Panther en Europe.
D’autre part, les propositions sud-coréennes semblent non seulement plus économiques, mais surtout plus rapides et plus souples en matière de production locale et de transfert technologique, que ne peuvent l’être leurs homologues européennes. Or, comme la Pologne encore, Bucarest vise à developper sa propre industrie de défense, semblant trouver en Séoul le partenaire le plus adéquate pour cela.
Reste que la direction prise par la Roumanie, et la Pologne avant elle, joue probablement un rôle dans la décision allemande de prendre l’initiative de developper et promouvoir le Leopard 2A8, et probablement le Leopard 2AX après lui, afin de retrouver la place qui était la sienne sur le marché européen et mondial du char de combat.
Surtout, elle montre toute la vacuité des aspirations françaises en matière de d’Europe de la défense, alors que le pays à un PIB 10 fois inférieur à celui de la France, et disposera d’une flotte de chars 50 % plus importante, et considérablement plus moderne, que l’Armée de Terre.
Impossible, dans ces conditions, de revendiquer une position dominante en matière de défense en Europe, et d’espérer fédérer les européens, dont le regard reste plus que jamais braqué sur Washington, ses 5 000 chars et ses 2 500 avions de combat, pour tenir en respect Moscou, ses 3 000 chars et 1 200 avions de combat.
Selon la presse allemande, Berlin aurait signé un accord avec l’Italie, l’Espagne et la Suède, en vue de concevoir un nouveau char allemand. Les menaces sur l’avenir du programme MGCS franco-allemand se précisent rapidement.
Il est des informations inattendues. Il en est d’autres qui font l’effet d’une bombe. C’est incontestablement le cas des révélations du site d’information Handelsblatt, qui pourraient bien faire voler en éclat non seulement le programme MGCS, mais également les espoirs français en matière de coopération européenne de défense.
En effet, selon le site allemand souvent bien renseigné, Berlin aurait signé un accord avec l’Italie, l’Espagne et la Suède en vue de developper un nouveau char de combat. Très peu d’informations entourent cette révélation, si ce n’est qu’on ignore, à ce jour, si cet accord est intégré au programme MGCS franco-allemand, ou pas.
L’hypothèse du Leopard 2AX privilégiée
Selon toute probabilité, eu égard aux trois partenaires évoqués, il est très probable qu’il s’agisse, ici, du développement d’une nouvelle version du Leopard 2désignée Leopard 2AX jusqu’à présent par Krauss Maffei Wegmann. L’hypothèse d’un modèle basé sur le KF51 Panther de Rheinmetall est évidemment possible, mais très peu probable.
En effet, l’Italie s’est déjà déclarée en faveur du char allemand pour remplacer une partie de ses C1 Ariete. Les Stridsvagn 122 suédois, une version dérivée du Leoaprd 2A5, sont quant à eux entrés en service en 1997. Quant à l’Espagne, elle aligne encore une centaine de Leopard 2A4 aux côtés de ses 220 Léopard 2A6.
Les Stridsvagn 122 suédois sont entrés en service à la fin des années 90, et ne tiendront probablement pas jusqu’à l’arrivée de la nouvelle génération de chars de combat d’ici à 2040.
De fait, ces trois pays font face simultanément à un besoin de nouveaux chars lourds à horizon 2 à 5 ans, afin de moderniser ou d’étendre leur parc. En outre, ils semblent tous enclins à des coopérations européennes, sachant qu’à quatre pays, le programme devient éligible aux aides et financement européens.
Rappelons à ce titre que le Fonds Européen de Défense a lancé un appel à projets pour l’étude d’un char européen, les dossiers devant être remis d’ici à la fin du mois de novembre.
Un nouveau char face au programme MGCS
Pour autant, cette annonce risque d’ébranler Paris dans ses objectifs de négociations avec Berlin au sujet du programme MGCS, mais également du SCAF. En effet, le ministère des Armées avait, semble-t-il, laissé fuiter son intention d‘imposer l’Italie au programme MGCS, afin d’en réorganiser le partage industriel, déstabilisé depuis 2019 et l’arrivée de Rheinmetall.
Cette fuite, relayée par Handelsblatt laisse supposer non seulement que Berlin maîtrise toujours le sujet, mais surtout que l’éventuel plan B envisagé avec l’Italie comme alternative au programme MGCS si celui-ci venait à échouer, a peu de chance d’aboutir.
En outre, il est aussi peu probable que Rome prenne le rôle de bélier que semblait lui donner Paris face à Berlin concernant le programme MGCS, si effectivement l’Italie se joint a un programme visant à developper un char de génération intermédiaire européen.
La France en voit d’isolement ?
Enfin, cette annonce vient simultanément éroder l’espoir évoqué ces derniers dans la presse française, d’une ligne commune retrouvée entre Paris et Rome concernant la coopération de défense. Pire, la France paraît désormais plus isolée que jamais sur la scène européenne sur ces sujets, en dépit d’une année record concernant ses exportations de défense.
La décision française de se détourner de la conception d’un char de génération intermédiaire basé sur l’EMBT pourrait bien lourdement peser sur l’avenir de la filiale blindés lourds française dans les années à venir.
Il faudra très certainement attendre les réactions officielles, tant de Berlin que de Rome, Madrid et Stockholm, pour avoir le fin mot de cette révélation, et notamment pour connaitre la portée exacte du programme évoqué par Handelsblatt.
Surtout, il faudra suivre avec attention la posture française dans ce dossier, sachant que si l’information se révélait exacte, elle pourrait sensiblement, et durablement, affaiblir la position de la France sur la scène européenne. Paris risque de grandement regretter sa décision de se détourner de l’EMBT pour concevoir un char de génération intermédiaire, comme souvent évoqué ici.
La Space Defense Agency a déployé 13 nouveaux satellites militaires américains en orbite basse pour assurer les communications des armées et la détection de missiles balistiques et hypersoniques adverses. Au total, la SDA vise à mettre en orbite de 500 à 700 de ces satellites dans les années à venir.
Au sujet de la confrontation militaire, désormais de plus en plus probable, entre les Etats-Unis et la Chine dans le Pacifique, les armées US travaillent presque systématiquement sur l’hypothèse d’une supériorité numérique et de puissance de feu pour l’Armée Populaire de Libération face aux forces américaines.
En effet, les ressources mobilisables par Pékin, qu’elles soient humaines ou industrielles, sont très en faveur de l’APL, tout comme l’est l’étirement probable des lignes logistiques américaines dans un conflit qui pourrait se dérouler à 7 000 km des cotes des Etats-Unis.
La doctrine JADCC pour répondre au défi chinois dans le pacifique
Pour répondre à ce défi, le Pentagone a fait le pari de l’avantage technologique avec certains programmes clés comme les chasseurs NGAD, les destroyers DDX ou encore les sous-marins nucléaires Virginia et SSNx. Elle produit en outre d’immenses efforts pour fédérer ses alliés avec l’alliance AUKUS, ainsi que vers le Japon, la Corée du Sud, les Philippines et même l’Indonésie.
La doctrine JADCC met l’information et la communication au cœur du rapport de force pour les armées américaines.
Celle-ci vise, en effet, à permettre aux unités engagées comme au commandement, de disposer en permanence d’un flot d’informations leur conférant une vision exhaustive de la zone d’engagement étendue, mais aussi de pouvoir solliciter tous les moyens disponibles sur le champ de bataille, qu’ils soient terrestres, aériens, navals, spatiaux ou cyber,
En procédant ainsi, les armées américaines estiment pouvoir surpasser, par la fulgurance de l’action, la mobilité des unités et la concentration de puissance de feu et d’effecteurs mobilisables, la masse des armées chinoises.
500 à 700 satellites militaires pour donner vie à la doctrine JADCC
Le système nerveux de cette doctrine repose sur une nouvelle galaxie de satellites, en cours de déploiement par la Space Defense Agency, ou SDA. Celle-ci se composera de plusieurs centaines de satellites. Une partie d’entre eux assurera les communications nécessaires à l’ensemble des unités et des moyens américains déployés sur le théâtre d’opération, y compris les drones et les munitions intelligentes.
L’autre partie des satellites déployés aura pour mission de détecter et de suivre les menaces sur les théâtres d’engagement, notamment les missiles balistiques et hypersoniques, afin de permettre leur interception par les moyens disponibles avec un préavis suffisant pour les mettre en œuvre efficacement.
Les satellites militaires de la couche Transport doivent assurer un maillage de communication permanent sur l’ensemble des théâtres, afin de permettre aux unités et équipements US de communiquer à haut débit en temps réels entre elles et vers le commandement.
La première volée de satellites, baptisée Tranche 0, est en cours de déploiement. Celle-ci se composera de 20 satellites de « Transport », comprendre de communication, et de huit satellites appartenant à la couche Tracking, assurant la détection et le suivi des missiles balistiques et hypersoniques.
En avril dernier, les dix premiers satellites, huit de Transport et deux de Tracking, avaient été déployés par une fusée SpaceX. 13 autres unités, dont 11 Transport, ont été déployés avec succès en ce début septembre par une seconde fusée SpaceX. Les quatre derniers satellites de la Tranche 0, appartenant tous à la famille Tracking, seront lancés d’ici à la fin d’année.
Suite au succès de la Tranche 0, la production de satellite et leur lancement vont s’accélérer dès le début de l’année 2024. Au total, la SDA vise à déployer de 300 à 500 satellites Transport, et jusqu’à 200 satellites de Tracking en orbite basse, de sorte à disposer en permanence d’une couverture globale sur l’ensemble des théâtres d’opération, et de la redondance nécessaire pour en garantir le bon fonctionnement.
Les efforts de l’Armée Populaire de Libération
La communication entre les satellites, quant à elle, doit être assurée par l’utilisation de laser de communication. Si cette technologie doit garantir une meilleure résistance de la galaxie de satellites américains au brouillage électromagnétique et à l’interception de données, elle semble à ce jour encore peu mature à en juger les difficultés rencontrées par les premiers satellites déployés.
La Chine produit un très important effort pour se doter d’une galaxie de satellites militaires et civils
Reste que, comme nous l’avons déjà abordé, l’avantage opérationnel sur l’APL que doit procurer cette architecture satellitaires au travers de la doctrine JADCC, vaudra uniquement le temps durant lequel l’APL, elle-même, ne se sera pas dotée de capacités similaires, si pas identiques.
La militarisation de l’arctique par la Chine, mais surtout par la Russie, représente à nouveau en enjeu de sécurité majeur, selon le commandant de l’US Fleet Forces, l’amiral Caudle. Cependant, la réponse à l’émergence de ces nouveaux théâtres de conflictualité, ne pourra se faire qu’au détriment d’autres zones d’engagement, tout du moins tant que Washington appliquera la même politique de surprotection de ses alliés occidentaux, et notamment européens.
Durant la guerre froide, le théâtre Arctique revêtait une importance stratégique tant pour l’Union Soviétique et le Pacte de Varsovie, que pour les Etats-Unis et l’OTAN. Les sous-marins nucléaires des deux camps, et spécialement les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, y croisaient fréquemment, par l’absence de moyens de surface et de l’aviation de patrouille maritime.
Par ailleurs, la trajectoire Arctique a longtemps été la seule envisageable pour les bombardiers soviétiques et américains afin d’atteindre le territoire adverse. De fait, d’immenses moyens de détection et d’interception.
C’était en particulier le cas du célèbre NORAD américain, qui surveillaient le ciel arctique, ainsi que de nombreux déploiements de forces terrestres ou navales pour marquer sa présence, et empêcher l’adversaire de faire de même.
Une nouvelle militarisation de l’arctique par la Russie
Avec la fin de la guerre froide, l’intérêt stratégique de l’arctique s’étiola un temps. Avec le retour des tensions entre le bloc occidental et la Russie, et depuis peu la Chine, l’intérêt stratégique de l’arctique cru rapidement ces dernières années.
Le ciel arctique était le lieu de fréquentes rencontres entre chasseurs et bombardiers américains et soviétiques durant la guerre froide.
Il fut par ailleurs exacerbé par les effets du réchauffement climatique, laissant apparaitre de nouvelles perspectives commerciales et industrielles pour exploiter ce territoire.
Pour l’amiral américain Daryl Caudle, qui commande l’US Fleet Forces, cette militarisation de l’Arctique a désormais atteint un niveau des plus préoccupants, nécessitant une réponse coordonnée des Etats-Unis et de ses alliés de l’OTAN afin de contenir l’omniprésence militaire russe et chinoise observée sur ce théâtre.
Il est vrai que depuis le retour de Vladimir Poutine à la présidence russe en 2012, et l’inflexion qui en suivit de la politique internationale russe, Moscou a considérablement accru sa présence militaire en zone Arctique, avec notamment le déploiement, ou redéploiement, de plusieurs bases permanentes équipées de systèmes antiaériens et antinavires spécialement adaptés aux rigueurs du climat.
Dans le même temps, avec la modernisation de la flotte sous-marine russe, et notamment de sa flotte de SNLE, les déploiements de sous-marins russes, mais aussi de bombardiers et d’intercepteurs, sur ce théâtre se multiplièrent, au point d’amener le Canada à prendre certaines mesures pour garantir sa souveraineté sur des territoires contestés par Moscou.
La militarisation de l’arctique passe, pour Moscou, par le déploiement de systèmes spécialement développés pour ce théâtre, comme ce système antiaérien à courte portée TOR M2DT.
Etats-Unis et les alliés de l’OTAN manquent de moyens en Arctique
Pour contenir cette menace, l’amiral Claudle appelle à accroitre les exercices occidentaux dans cette zone, qu’ils soient directement sous son commandement, ou sous celui d’autres grands commandements américains et alliés.
Il note également qu’il s’avère désormais indispensable de densifier la flotte de brise-glace au sein de l’US Navy et des Marines alliées, celle-ci ayant fortement diminué depuis la fin de la guerre froide avec la diminution des tensions.
Quoi qu’il en soit, l’émergence d’une nouvelle zone de conflictualité dans l’Arctique n’est certainement pas une bonne nouvelle pour les Etats-Unis. Elle obligera, en effet, les armées américaines à de déployer de manière préventive, alors même qu’elles tendent à concentrer leurs moyens afin de pouvoir contrer, le cas échéant, la Chine autour de Taïwan.
Le risque des théâtres de conflictualité émergents
En outre, et en partie, d’ailleurs, de la politique américaine visant à accroitre le contrôle des Etats-unis sur leurs alliés par la dépendance à la défense US, ceux-ci se montrent aujourd’hui bien moins enclins à investir dans leurs propres défenses, en particulier en Europe, qu’ils ne l’étaient pendant la guerre froide.
Ce comportement européen fait désormais peser sur les armées US la responsabilité de l’ensemble de ces théâtres, sans qu’elles aient les moyens budgétaires ni humains pour le faire efficacement face au couple sino-russe.
L’US Navy ne dispose aujourd’hui que de 7 brise-glaces, contre 109 pour la flotte russe.
Il est ainsi probable que tant que Washington continuera de jouer cette carte en Europe, les Armées américaines seront contraintes à une dispersion mondiale incompatible avec les crises qui se dessinent. Sauf à ce que l’exemple sud-coréen et polonais viennent influencer les grandes économies européennes. Soyons lucide, c’est très peu probable.
De fait, et comme le montre très bien l’exemple Arctique, la stratégie défensive américaine, et avec elle celle de l’ensemble du bloc occidental, demeurera affaiblie par l’émergence de nouveaux théâtres ou de conflits d’opportunités, venant diviser et disperser ses forces, donc son potentiel dissuasif.
Tout du moins tant que Washington n’aura pas entamé une profonde transformation de sa politique de biberonage de ses alliés en matière de sécurité, au seul profit de son industrie de défense.