Le missile Meteor est universellement reconnu aujourd’hui comme l’un des meilleurs missiles air air à longue portée. D’une masse de seulement 185 kg, pour 3,65 m de long, il évolue dans la catégorie d’encombrement de l’AIM-120 AMRAAM américain et le R-77 russe, pour des performances supérieures.
Il s’avère en revanche plus compact et léger que le PL-15 chinois (230 kg) tout en proposant une portée et une vitesse comparable. Et, si le R-37M russe, avec sa portée annoncée de 400 km et sa vitesse de Mach 5, surpasse sur le papier le Meteor et sa vitesse de Mach 4 pour une portée donnée supérieure à 150 km, il est également plus lourd (600 kg) et imposant (6 mètres), au point de ne pouvoir être emporté que par le Su-35s et le Mig-31.
Le missile Meteor, un des plus performants de sa catégorie aujourd’hui
Non seulement le missile Meteor est-il performant, mais il est aussi peu onéreux, comparativement parlant à ses concurrents. En effet, les données publiques permettent d’en estimer le prix unitaire autour des 2 millions d’euros, là où l’AIM-120C-8 par exemple, couterait 2,5 m$ l’unité, tout en étant sensiblement moins performant.
Le missile Meteor est aujourd’hui un atout précieux pour les appareils européens qui le mettent en œuvre sur la scène internationale, comme le Rafale français, le Gripen suédois et l’Eurofighter Typhoon européen.
L’annonce peut paraitre surprenante, dans la mesure où Londres et Rome sont parties prenantes du programme Meteor, et que le missile est déjà fort bien positionné en termes de performances et de prix.
Elle l’est d’autant plus que Tokyo se tournera très probablement, dans les années à venir, vers le nouveau AIM-260 américain qui se veut un successeur à l’AMRAAM et une alternative au Meteor, pour armer ses F-35A/B, ses F-15J et probablement ses Mitsubishi F-2.
PL-15, PL-21.. : le tempo technologique imposé par Pékin
Toutefois, les forces aériennes seront, dans les années à venir, en première ligne face à l’Armée Populaire de Libération. Celle-ci met déjà en œuvre le missile PL-15 à longue portée donné pour atteindre des cibles distantes de 200 à 300 km en évoluant à Mach 4+.
Le missile PL-15 à longue portée chinois équipe les chasseurs J-10C, J-15, J-16, J-20 et J-11B, ainsi que le JF-17 Block 3 sino-pakistanais.
À l’avenir, celles-ci pourraient recevoir d’autres missiles à longue portée plus évolués, comme le PL-21, un missile lourd de 500 kg destiné à armer les J-16, J-20 et J-35, et capable d’atteindre des cibles à 400 km à l’aide d’un autodirecteur radar à antenne AESA.
De fait, les forces d’autodéfense nippones vont devoir relever un défi technologique autrement intense face à la Chine, que ne devront le faire les européens face à la Russie. C’est probablement dans cette optique que Tokyo a annoncé sa volonté de developper son propre missile air air à longue portée, comme ce sera également le cas concernant les missiles de croisière et les armes hypersoniques.
En procédant ainsi, les autorités japonaises s’assurent de pouvoir rester au contact du tempo technologique qu’imposera incontestablement la Chine dans les années à venir.
Ces dernières décennies, les chasseurs légers monomoteurs, comme le Mirage 2000 français, le F-16 américain ou encore le Gripen suédois, ont perdu de leur attrait vis-à-vis des forces aériennes mondiales, face à des appareils plus lourds et plus polyvalents comme le F-35 ou le Rafale.
Ces appareils avaient pourtant formé la colonne vertébrale de très nombreuses forces aériennes depuis les années 70, qui en appréciaient les performances, mais aussi des couts raisonnables et une mise en œuvre bien moins contraignante que celle d’appareils plus lourds comme le F-15 ou le F-18.
Le désamour croissant des chasseurs légers occidentaux
Force est de reconnaitre que depuis la chute du bloc soviétique, les intérêts spécifiques de ces appareils, plus économiques, donc susceptibles d’être acquis en plus grand nombre, et pouvant être déployés à partir d’infrastructures plus sommaires, perdirent de leur attrait face à la grande polyvalence et l’allonge promises par les nouveaux chasseurs moyens.
Les effets négatifs sur la masse des forces, quant à eux, semblaient alors de moindre importance, tandis que l’hypothèse d’un conflit de haute intensité semblait écartée à court ou moyen terme.
Les chasseurs moyens comme le F-35A ne sont pas seulement plus chers que les chasseurs légers, ils requièrent également une maintenance plus lourde et des infrastructures dédiées pour pouvoir être mis en œuvre.
C’est dans ce contexte que les F-16, Gripen et Mirage perdirent progressivement leur prévalence au sein d’une majorité de forces aériennes, sauf les moins bien dotées budgétairement d’entre elles. C’est ainsi que, faute de nouvelle commande, la chaîne d’assemblage du Mirage 2000 fut fermée en 2011, alors que la production annuelle de F-16 fut divisée par 3 ces 10 dernières années.
L’insistance ukrainienne pour obtenir des F-16 et des Gripen
Les choses pourraient cependant évoluer à ce sujet dans les mois et années à venir. En effet, Mirage 2000, F-16 et surtout Gripen, sont précisément les appareils réclamés avec insistance depuis des mois par l’Ukraine pour faire face à la puissance aérienne russe.
Bien qu’en partie neutralisées par l’omniprésence des systèmes antiaériens déployés de part et d’autres, les forces aériennes continuent de jouer un rôle majeur dans le conflit qui oppose russes et ukrainiens, qu’il s’agisse de soutenir les engagements au sol, de détruire les sites logistiques et de commandement adverses, ou d’empêcher l’adversaire de le faire.
Les Mirage 2000-5 taïwanais s’entrainent régulièrement à utiliser des portions d’autoroute et des aérodromes secondaires de déploiement pour faire face à la menace chinoise.
Aujourd’hui encore équipées exclusivement d’appareils d’origine soviétique en partie fournis par les ex-membres du Pacte de Varsovie alliés de Kyiv, les forces aériennes ukrainiennes font peser une pression significative sur le flux logistique dans la profondeur du dispositif russe.
Pour autant, elles souffrent de contraintes oubliées depuis plusieurs décennies des planificateurs occidentaux, notamment la grande vulnérabilité des bases aériennes, aisément localisables et identifiables, spécialement par des moyens spatiaux, et difficiles à défendre face à des attaques combinées alliant missiles balistiques, missiles de croisière et drones de différents types.
L’état-major est d’autant plus conscient de ces vulnérabilités qu’il les a, à plusieurs reprises, exploitées pour frapper durement les forces aériennes russes, y compris les forces aériennes stratégiques à Engels, et les forces de bombardement à long rayon d’action sur la base aérienne Soltsy-2 au sud de Saint-Petersbourg.
Les contraintes de la guerre en Ukraine
De fait, ne pouvant reculer au-delà de la portée des armes russes, et ne pouvant s’en prémunir de manière exhaustive, l’état-major ukrainien s’est mis en quête d’appareils susceptibles d’être déployés par petites unités sur des aérodromes secondaires, voire sur des pistes improvisées sur des portions d’autoroute.
Les Ukrainiens sont parfaitement au fait de la vulnérabilité des aérodromes militaires, l’ayant exploité à plusieurs reprises contre la Russie. Ici, un bombardier à long rayon d’action Tu-23M3 détruit par des drones ukrainiens sur la base russe Solty-2 près de Saint-Petersbourg.
C’est précisément dans ce contexte que les chasseurs monomoteurs légers comme le F-16 et le Gripen apportent la plus grande plus-value. Non seulement sont-ils capables de décoller ou d’atterrir sur des courtes pistes, mais leur maintenance est considérablement moins lourde et complexe que pour des appareils comme le F-35, le F-15 ou le Rafale.
Dans le cas ukrainien, ils répondent donc parfaitement aux besoins des forces aériennes de Kyiv, d’autant qu’ils peuvent être déployés relativement près de la ligne d’engagement, compensant de fait leur autonomie plus réduite face à des chasseurs plus lourds.
On comprend, à ce titre, pourquoi les autorités ukrainiennes déploient tant d’énergie pour tenter d’obtenir des Gripen de la part de Stockholm, le chasseur suédois étant aujourd’hui, sans le moindre doute, l’appareil répondant le mieux à cette doctrine d’emploi, précisément car il fut conçu dans cette optique.
Quitte ou double pour le Gripen, le F-16 et les chasseurs russes
L’arrivée de F-16, et on l’espère de Gripen, au sein des forces aériennes ukrainiennes, permettra en outre de voir se confronter directement deux doctrines opposées l’une de l’autre, avec des chasseurs légers déployés à proximité relative de la ligne d’engagement d’une part, et des chasseurs lourds déployés de bases distantes, de l’autre.
Le JAS 39 Gripen a été conçu pour un contexte opérationnel très proche de celui auquel font face les Ukrainiens, raison pour laquelle ces derniers insistent tant pour acquérir l’avion suédois.
Comme ce fut le cas par le passé, si un camp venait à prendre un net ascendant sur l’autre en matière de guerre aérienne, de nombreuses forces aériennes mondiales en tireraient les conséquences et chercheraient, elles aussi, à reproduire cet avantage constaté.
De fait, l’évolution de la guerre aérienne en Ukraine pourrait s’avérer décisive pour le F-16, le Gripen et plus généralement, pour l’avenir des chasseurs monomoteurs à hautes performances, mais également pour la crédibilité des chasseurs de conception russe sur la scène internationale.
Reste à voir quels seront les vainqueurs et les perdants de cette confrontation, si tant est qu’il y en ait une …
Article du 29 aout en version intégrale jusqu’au 30 septembre
Rares sont les fois où les autorités politiques américaines décrivent nommément la Chine et l’armée populaire de libération comme un adversaire militaire direct des Etats-Unis. C’est pourtant bien ce que vient de faire Kathleen Hicks, la Secrétaire à la Défense adjointe, à l’occasion de la présentation publique d’un nouveau programme destiné à redonner aux armées US l’avantage face à l’APL dans les deux ans, et baptisé « Replicator ».
Celui-ci vise à s’appuyer sur l’existant technologique américain, pour concevoir et produire, à très court terme, une offre massive de drones répondant à un cahier des charges simple : « économique, sacrifiable et nombreux », pour déclencher le bond en avant des forces américaines vers la doctrine All-Domain d’engagement coopératif.
Concrètement, le programme Replicator visera à concevoir, et à produire en très grande série, une famille de drones légers capables d’accomplir de nombreuses tâches spécialisées, qu’il s’agisse de la reconnaissance ou de la communication, en passant par la désignation de cible, le tout de manière interconnectée et unifiée dans une architecture commune.
Il s’agit donc, selon cette approche, de concevoir ici le plus petit commun dénominateur technologique, qui permettra aux armées US de compenser le rapport de force numérique défavorable qui se dessine face à l’Armée Populaire de Libération, et ce, sur un calendrier fort resserré, puisqu’ils sont attendus d’ici à deux ans dans les forces.
Présentation du programme Replicator par Kathleen Hicks, la Secrétaire à la Défense adjointe, lors de son intervention face à la National Defense Industrial Association.
Pour l’heure, le programme est encore présenté de manière relativement floue. On peut toutefois supposer qu’il vise à produire une famille de drones légers, comme ceux qui sont employés en grand nombre en Ukraine par les deux camps, susceptibles d’emporter des « modules de mission » spécialisés.
Le ou les drones pourront alors se transformer, au besoin, ci, en système de reconnaissance capable de designer une cible avec un laser, là, de brouiller, ou de relayer, des communications, et même de frapper des cibles en se transformant en munition rôdeuse.
Cette approche permet notamment de simplifier la conception des systèmes de sorte à les produire de gigantesques séries, et donc d’obtenir des tarifs et des délais très compétitifs. En outre, en développant de manière coordonnée et centralisée l’ensemble de la famille, il est également possible de concevoir l’interface d’applications programmées (API) permettant d’en étendre les fonctionnalités, aussi bien concernant le hardware que le logiciel, par les modules de missions.
Le tout pourra alors être encapsulé dans un système de systèmes robuste, protégé et modulaire, susceptible de faire émerger, à l’instar des systèmes d’exploitation modernes, un environnement permettant aux industriels, mais surtout aux startups et équipes universitaires, de developper des applications innovantes à forte valeur ajoutée, directement intégrables et déployables par les armées.
En d’autres termes, il semble que le Pentagone tente ici de developper un technosphère complète, inspirée de celle qui s’est imposée dans l’univers de la téléphonie mobile avec les Smartphones, mais appliquée aux drones militaires.
Les drones légers jouent un rôle décisif pour les deux camps dans la guerre en Ukraine, largement au-delà de ce qu’avaient envisagé tous les état-majors occidentaux jusqu’ici.
Pour Kathleen Hicks, cette approche doit permettre, non seulement de compenser la masse de l’adversaire potentiel, l’armée populaire de libération, mais aussi, de manière indirecte, de compenser les contraintes des matériels en service au sein des armées US et souvent très onéreux.
Pour autant, cette approche technologique suppose, pour apporter une plus-value opérationnelle susceptible de compenser la masse chinoise, que l’APL ne se dote pas des mêmes capacités en miroir.
Or, ces dernières années, la Chine a justement démontré qu’elle possédait les moyens technologiques et industrielles, et la volonté politique, pour répliquer rapidement certains programmes de défense américains et occidentaux, y compris les plus avancés.
Même dans le domaine des drones, les industriels chinois parviennent à calquer leurs développements sur les avancées occidentales et US, de sorte à garder sous contrôle toute avancée susceptible de leur conférer un avantage, même temporaire.
Le drone furtif FH-97 a été présenté par le chinois CASIC en 2021, moins de deux ans après que le XQ-98A Valkyrie de l’Américain Kratos a été choisi par l’US Air Force pour le programme Skyborg
De fait, le programme Replicator présenté ici, s’il est probablement des plus intéressants et susceptible d’apporter une valeur ajoutée opérationnelle concrète, montre surtout, par les ambitions qui lui sont attachées, la fébrilité qui s’impose aujourd’hui au sein de Pentagone face à la Chine.
De toute évidence, les autorités militaires US ne parviennent pas à résoudre l’équation chinoise des années à venir, pas sans devoir profondément revoir l’ensemble des paradigmes sur lesquels est bâtie la suprématie militaire et économique américaine.
Les récents clichés suivant la construction de la première des nouvelles frégates Type 054B de la Marine chinoise, laissaient supposer un lancement imminent. C’est désormais chose faite, les premières photos du navire à son quai ayant commencé à circuler dimanche 27 aout.
Longtemps attendue, car annoncée depuis 2017, la nouvelle frégate Type 054B va donc rejoindre la Marine chinoise d’ici à quelques mois, le lancement de la première unité ayant eu lieu le 27 aout.
Au-delà de l’événement lui-même, ce lancement est également l’occasion de confirmer ou d’infirmer les informations qui avaient déjà circulé à propos de ce navire appelé à devenir le futur escorteur de lutte anti-sous-marine de haute mer des forces navales de l’Armée Populaire de Libération.
Le premier constat, du plus frappant lorsque l’on regarde les clichés de la nouvelle frégate sur son quai de travaux, n’est autre que l’immense faussé qui la sépare du modèle précédent, la frégate Type 054A Jiangkaï II, entrée en service à partir de 2008 et produite, jusqu’ici, à 34 exemplaires dont quatre destinées à la Marine Pakistanaise et désignées Type 054A/P ou classe Turghril.
La Type 054B sera 50 % plus lourde que frégate Type 054A
En effet, la Type 054B s’avère beaucoup plus imposante que son ainée, avec une longueur de 147 mètres contre 134, ainsi qu’un maître bau (plus grande largeur) de 18 mètres contre 16, et surtout une architecture beaucoup plus ramassée, à l’instar, par exemple, des nouvelles FREMM des classes Aquitaine ou Bergamini franco-italiennes.
De fait, elle aura un tonnage sensiblement supérieur, estimé à 6 000 tonnes en charge, contre 4 000 pour la Type 054A, et dispose de davantage d’espace sous les superstructures et dans la coque, pour accueillir ses systèmes et renforcer sa survivabilité aux avaries et dégâts.
Vue arrière de la nouvelle frégate Type 054B. Remarquez la plateforme aviation étendue pouvant accueillir un hélicoptère moyen comme le Z-20.
Cette longueur accrue lui permet également de recevoir une plateforme aviation et des hangars plus imposants. De toute évidence, à l’instar des destroyers Type 052DL, la Type 054B mettra en œuvre le nouvel hélicoptère naval Z-20, plus lourd, mais aussi bien plus performant que l’actuel Z-9 qui arme les Type 054A.
Radar et mature intégrée
La troisième différence majeure, aisément remarquable, de la nouvelle frégate avec la précédente, est la présence d’une mature intégrée. Le mat principal, en arrière de la passerelle, soutient le nouveau radar rotatif de veille aérienne équipé de deux antennes AESA, là où le radar Type 382 des Type 054A, rotatif lui aussi, met en œuvre deux antennes PESA comme les FREMM européennes.
Le mat intégré, lui, se situe sur la superstructure arrière en amont des hangars aviations, et rassemble toutes les antennes et les systèmes de communication dans une superstructure unique, conçue pour réduire l’encombrement comme la signature radar, ainsi que les interférences électromagnétiques et physiques aux organes de détection du navire.
Cette approche est mise en œuvre sur la plupart des frégates et des corvettes modernes occidentales, mais il s’agit d’une première pour un navire chinois.
Aucune information n’a filtré concernant la Chine de détection sonar du nouveau navire. Toutefois, dans ce domaine, les Type 054A, et notamment celles du second lot, parfois désignées A+, étaient déjà très bien équipées, avec un sonar de coque, un sonar tracté de détection passive à basse fréquence, et un sonar tracté à profondeur variable.
On constate, sur cette photo, l’ensemble des différences entre la Type 054A et la nouvelle Type 054B.
Il n’y a donc aucune raison de penser que les Type 054B pourraient être plus mal dotées que leurs ainées dans ce domaine, d’autant que, comme elles, la lutte anti-sous-marine de haute mer demeurera leur mission principale, notamment pour escorter les Capital Ships que sont les porte-avions et grands navires amphibies de la Marine chinoise.
Un armement puissant et polyvalent
À ce titre, l’armement des Type 054B n’aura rien à envier aux modèles occidentaux équivalents. Le navire emportera, en effet, 8 missiles antinavires supersoniques, comme le YJ-18A supersonique qui équipe les destroyers Type 052D et Type 055.
La frégate dispose par ailleurs d’un système VLS à lancement vertical à 32 cellules armées de missiles HHQ-16 surface-air d’une portée de 70 km et de missiles anti-sous-marins Yu-8, ainsi que deux tubes lance-torpilles quadruples.
Pour son autodéfense, enfin, la Type 054B disposera d’un système CIWS H/PJ-11 doté d’un canon à 11 tubes de 30 mm sous la passerelle, ainsi que d’un CIWS HHQ-10, équivalent chinois du SeaRam, armé de 24 missiles à guidage infrarouge mixte d’une portée estimée à 9 km.
Gros plan sur l’avant de la Type 054B. Remarquez le canon de 100 mm, le CIWS H/PJ-11 et le radar rotatif à antennes AESA double.
Le canon principal du navire est, quant à lui, une réelle surprise. En effet, les architectes navals chinois semblent être revenus vers le calibre de 100 mm qui équipait les premiers destroyers Type 052 , et qui est dérivé du célèbre DCN-100 qui armait les navires français, au détriment du canon de 76 mm qui équipe la Type 054A.
Mais la plus grande innovation de la frégate Type 054B résidera toutefois dans sa propulsion. En effet, à l’instar des destroyers britannique de la classe Daring, celle-ci s’appuiera sur une propulsion électrique intégrée, encore rare, y compris sur les frégates et les destroyers les plus modernes occidentaux.
La propulsion électrique intégrée, une première pour la Marine chinoise
Contrairement aux propulsions conventionnelles qui transmettent directement la puissance délivrée par les turbines diesel ou à gaz, aux arbres d’hélices, la propulsion électrique intégrée dissocie la production énergétique, qui ne produit que de l’énergie électrique, et la propulsion, qui repose sur des moteurs électriques.
Cette technologie procure une grande souplesse d’utilisation au navire, tout en simplifiant son schéma énergétique et en réduisant le nombre de systèmes nécessaires à son fonctionnement.
En outre, elle conférera, à l’avenir, une plus grande évolutivité à la frégate, qui disposera nativement d’une puissance électrique potentielle adaptée, par exemple, à la mise en œuvre d’armes à énergie dirigée ou de systèmes informatiques supplémentaires.
Enfin, dans le cas d’une frégate spécialisée dans la lutte anti-sous-marine, cette propulsion doit permettre au navire d’évoluer sur batteries, et donc de considérablement réduire les émissions acoustiques liées au fonctionnement des moteurs thermiques. Il s’agira, sans le moindre doute, d’un atout considérable pour peu qu’il soit convenablement intégré.
Beaucoup de choses diffèrent entre cette vision de 2021 de la Type 054B, et la réalité constatée aujourd’hui à Shanghai.
Une frégate prometteuse qui doit faire ses preuves
Sur le papier, la frégate Type 054B, qui vient d’être lancée par les chantiers navals chinois, n’aura strictement rien à envier aux meilleures frégates occidentales du moment. Elle disposera même, bien souvent, de certains atouts notables comme une densité d’armement supérieure à la plupart des frégates modernes telles les FDI françaises, les PPA italiennes, les Mogami nippones ou encore les Type 31 britanniques. Sa propulsion électrique intégrée, quant à elle, procurera des capacités utiles au navire, au combat comme concernant son évolution.
Reste que, comme c’est généralement le cas avec les navires chinois, il est, et sera, difficile d’en évaluer les performances comme les faiblesses de manière objective. Ni la Marine chinoise, ni même d’éventuels clients exports, ne sont particulièrement prolixes sur le sujet, en règle général.
Comme c’est le plus souvent le cas en matière de défense, il faudra donc, concernant la frégate Type 054B comme l’ensemble des matériels militaires chinois, envisager le pire et espérer le meilleur, même si, dans ce contexte, le pire serait bel bien que la frégate satisfasse pleinement aux performances théoriques ici décrites.
Comme abordé dans la première partie de cet article, l’avenir du programme MGCS, pourtant solide et équilibré à son lancement, s’est considérablement détérioré ces dernières années, sous l’action conjuguée de l’arrivée déstabilisatrice de Rheinmetall imposée par le Bundestag en 2019, et du renouveau de la demande mondiale en matière de chars lourds en lien avec la guerre en Ukraine.
Après une tentative infructueuse en juillet du ministre des Armées Sébastien Lecornu visant à reproduire, avec son homologue allemand Boris Pistorius, la démarche qui permit de débloquer la situation autour du programme SCAF, Paris semble désormais avoir changé son fusil d’épaule.
En effet, selon le site latribune.fr, La France voudrait dorénavant imposer l’adhésion de l’Italie au programme MGCS, avec l’objectif, dans le discours tout au moins, de le rééquilibrer, donc, in fine, de le consolider et de le sauver.
Comment, et pourquoi, l’arrivée de l’Italie au sein du Programme MGCS aurait-elle une telle efficacité, alors que Paris et Berlin ne parviennent déjà pas à s’entendre sur le sujet ? Comme nous le verrons, la stratégie dévoilée par la Tribune repose sur plusieurs leviers, et sur plusieurs échelons plus ou moins imbriqués.
Comment l’Italie peut-elle sauver le programme MGCS ?
L’arrivée de l’Italie au sein du programme franco-allemand, n’est pas sans rappeler une dynamique identique récente, lorsque la France parvint à convaincre Londres d’ouvrir la porte à Rome concernant le programme FMAN/FMC franco-britannique de missile de croisière et de missile antinavire du futur.
Les points communs sont, en effet, nombreux entre ces deux situations. Comme pour MGCS, le programme FMAN/FMC faisait partie d’une vaste initiative bilatérale de défense, en l’occurrence, les accords de Lancaster-house signés par la France et la Grande-Bretagne en 2010.
Comme MGCS, le programme franco-britannique FMAN/FMC était à l’arrêt. L’arrivée de l’Italie, annoncé en juin dernier, doit permettre de le relancer sur des bases efficaces.
Comme c’est aujourd’hui le cas de l’initiative franco-allemande de 2017, plusieurs programmes couverts par ces accords ont progressivement été abandonnés. Ce fut notamment le cas du programme FCAS, qui devait permettre à la France et le Royaume-Uni de developper conjointement un drone de combat de type Loyal Wingman à horizon 2030.
Enfin, comme pour le programme MGCS, le programme FMAN/FMC était depuis plusieurs mois, et même plusieurs années, à l’arrêt, sur fonds de désaccords entre les deux pays quant aux technologies employées, aux performances souhaitées et à son calendrier.
L’arrivée de l’Italie, déjà partenaire de la France dans le programme Eurosam qui donna naissance à la famille de missiles Aster, a été annoncée en juin dernier, là encore suite à une invitation française. Elle avait pour objet de consolider le programme, mais également de le rééquilibrer, et ainsi permettre d’obtenir les arbitrages nécessaires à sa poursuite.
De toute évidence, Paris s’est inspiré de cette dynamique, comme de celle retrouvée ces derniers mois avec Rome en matière de coopération de défense, pour tenter de sortir de programme MGCS de l’ornière dans laquelle il se trouve depuis trop longtemps, au point de venir menacer l’avenir des chars lourds au sein de l’Armée de terre dans les années à venir.
Une coalition franco-italienne à l’envers de l’histoire récente du programme
Pour autant, il s’agirait là d’un changement profond de posture de la part de la France. En effet, jusqu’à présent, la France était le principal frein concernant l’ouverture du programme MGCS à d’autres partenaires européens.
Le Challenger III britannique va reposer sur de nombreux composants allemands, dont le canon Rh-120 de 120 mm de Rheinmetall qui équipe aussi le Leopard 2
À ce moment-là, pas si lointain, c’était la France qui s’opposait à cette évolution. Selon Paris, l’ouverture du programme MGCS ne pouvait s’envisager qu’une fois la phase d’étude terminée, les arbitrages technologiques faits, et la trajectoire industrielle parfaitement définie.
De fait, l’annonce, relayée par la Tribune, de la volonté française « d’imposer » à Berlin l’adhésion de Rome, parait pour le moins paradoxale, même provocante d’un certain point de vue pour l’Allemagne, et montre, tout au moins, un profond changement de paradigmes de la part de Paris à ce sujet.
Retracer les rapports de force au sein du programme
L’objectif premier de Paris, ou tout du moins celui mis en avant comme tel par l’article de la Tribune, est de redéfinir les rapports de force dans le programme MGCS. Comme nous l’avons vu dans la première partie de l’article, l’arrivée de Rheinmetall, exigée par Berlin en 2019, a profondément déstabilisé les équilibres industriels et technologiques du programme.
L’arrivée de l’Italie permettra de diluer le pouvoir de nuisance de Rheinmetall au sin du programme MGCS
L’arrivée de l’Italie et de Leonardo dans le programme, serait donc l’occasion de remettre à plat les partages industriels entre les trois nations et les quatre industriels majeurs, et ainsi, peut-on l’espérer, de mettre fin aux oppositions stériles entre Nexter et Rheinmetall.
Ce pourrait être, concomitamment, l’occasion de réviser les engagements budgétaires allemands et français au sein du programme, de sorte à les aligner strictement sur les partages industriels, ce qui n’est plus le cas depuis l’arrivée de Rheinmetall.
Une stratégie pour contrer le lobbying de Rheinmetall
De fait, l’arrivée italienne dans le programme MGCS « imposée » par la France, s’avèrerait avant tout une stratégie visant à contrer l’action délétère de l’industriel de Düsseldorf depuis son arrivée, qu’il s’agisse des blocages en matière de partage industriel, comme des actions de lobbying en sous-main contre le programme lui-même à destination du Bundestag.
Les industriels allemands seront nécessairement sensibles aux attentes italiennes, alors que Rome va commander 125+ Leopard 2A8 prochainement
L’entrée de Leonardo entrainerait une renégociation globale du partage industriel, permettant de mettre fin au glissement mortifère entamé depuis 2019, et ainsi repartir sur des bases saines.
Dans le même temps, l’arrivée de Rome amènerait Berlin à clarifier ses positions et ses ambitions quant à ce programme, tant en termes industriels que militaires, et surtout de calendrier En effet, l’Italie va devenir, dans les mois à venir, le plus important client du nouveau Leopard 2A8, avec une commande qui doit porter sur 125 chars, et qui pourrait bien être étendue vers des véhicules de combat d’infanterie.
Il sera difficile, pour les autorités allemandes, de garder la position ambiguë actuelle, face à un partenaire, mais également un client aussi crucial.
Redonner du poids à l’échéance 2040
Enfin, Rome partage avec la France un impératif strict concernant le programme MGCS. En effet, à l’instar des chars Leclerc français, les C1 Ariete italiens, dont 125 exemplaires seront modernisés concomitamment à l’acquisition des Leopard 2A8, devront être remplacés d’ici à 2040.
Les 125 C1 Ariete italiens qui seront modernisés, devront être remplacés avant 2040.
Le C1 Ariete, conçu par OTO Melara (groupe Leonardo), est entré en service en 1995, et comme le Leclerc dont il partage la philosophie opérationnelle avec une masse au combat de 55 tonnes, il ne pourra plus efficacement remplir sa mission au-delà de 2035, 2040 au mieux, en dépit de la modernisation à venir.
La convergence franco-italienne est, dans ce domaine, évidente. Surtout, Rome étant par ailleurs un client stratégique en devenir de l’industrie allemande de défense, ses attentes et impératifs auront certainement beaucoup plus de poids auprès de l’industrie allemande, en particulier Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall, là où les contraintes françaises n’ont aucun poids outre-Rhin.
De fait, non seulement l’arrivée de l’Italie dans le programme MGCS pourrait permettre à la France d’obtenir ce qu’elle réclame en vain depuis plusieurs mois à Berlin et l’industrie allemande, mais par ses annonces précédentes, il serait très mal venu que l’Allemagne ne s’oppose à cette arrivée, fut-elle « exigée » par la France.
Une stratégie française à double tranchant
En revanche, la porte ouverte à Rome pourrait bien faire évoluer la nature même du programme MGCS, qui perdrait son statut bilatéral, avec toutes les conséquences qu’une telle évolution implique. Celles-ci pourraient, à ce titre, s’avérer risquées, voire néfastes, pour la France et son industrie de défense.
La porte ouverte à d’autres partenaires ?
En premier lieu, l’Allemagne et la France, peineront à justifier un nouveau refus ou report face à de nouvelles demandes d’adhésion, qu’il s’agisse de la Grande-Bretagne dont le Challenger 3 intégrera un grand nombre de composants allemands, ou de la Norvège comme de la République tchèque, qui ont ou vont commander des chars Leopard 2A8.
La Norvège a préféré le Leopard 2A7 puis le Leopard 2A8 au K2 sud-coréen lors de la compétition qui s’est déroulée en 2022.
De fait, il est probable qu’à peine l’adhésion italienne au programme serait-elle officialisée, que plusieurs autres pays européens viendraient, eux aussi, se manifester pour faire de même.
Or, on peut craindre que pour Londres, Oslo ou Prague, le leadership allemand du programme puisse être incontestable et même incontesté. En outre, si Rome partage les contraintes françaises en de nombreux aspects, ce ne sera pas nécessairement le cas de ces nouveaux participants, notamment ceux qui viennent d’acquérir de nouveaux Leopard 2A8 pour moderniser leur parc de chars lourds.
Ainsi, selon la stratégie choisie par l’Allemagne, il se pourrait bien que la dynamique espérée par Paris ne s’inverse, alors que de nouveaux participants rejoindront le programme, plus particulièrement pour ce qui concerne son calendrier comme le partage industriel.
Une nouvelle baisse de la charge industrielle française en perspective
Le corollaire strict d’une ouverture du programme MGCS, n’est autre que la baisse de la charge industrielle pour l’Allemagne, mais également pour la France. En outre, plus le nombre de participants augmentera, plus la part industrielle relative de la France diminuera.
La France devra revoir sa planification défense pour garantir l’activité nécessaire à la BITD terre, si l’Italie (et d’autres) rejoint le programme MGCS.
Ce phénomène sera d’autant plus sensible que la France ne prévoit pas d’acquérir un grand nombre de systèmes, relativement parlant, ni ne contrôle d’importantes parts de marché à l’exportation dans ce domaine, contrairement aux avions de combat par exemple. Or, le partage industriel était déjà la pierre d’achoppement sur laquelle Paris et Berlin ne trouvaient pas de position commune.
Dès lors, si Paris applique effectivement cette stratégie, il sera aussi indispensable à la France de réviser ses programmes à venir envers Nexter et l’ensemble de la BITD française, afin de leur garantir une activité industrielle suffisante au maintien de l’outil et des compétences industriels.
Une stratégie à deux niveaux pour Paris ?
Reste que l’ensemble de ces aspects, comme leurs conséquences, valent uniquement si l’Allemagne venait à accepter d’accueillir l’Italie et Leonardo au sein du programme MGCS.
Ce risque a probablement été considéré par Paris, à en juger par le ton dramatique donné à l’initiative française dans la fuite orchestrée vers la tribune. En effet, en liant l’avenir du programme MGCS à l’arrivée de l’Italie, telle qu’elle a été exigée par la France, celle-ci met en avant l’ensemble des convergences qui existent aujourd’hui avec Rome dans ce domaine.
La France devra remplacer ses chars Leclerc d’ici à 2040, comme l’Italie ses C1 Ariete
En procédant ainsi, la France prépare, au besoin, un possible coopération bilatérale franco-italienne dans ce domaine, en cas d’échec du programme MGCS ou de refus allemand, ce qui, au demeurant, pourrait venir contrarier les ambitions des industriels allemands concernant les futures versions du Leopard 2.
De fait, Paris pourrait espérer, de manière indirecte, sécuriser une porte de sortie pouvant être rapidement activée au besoin, tout en faisant peser sur Berlin une pression parfaitement sensible.
Conclusion
Il apparait de cette analyse, que l’information relayée par la tribune, concernant le soutien français à une adhésion italienne au programme MGCS, s’avère une hypothèse potentiellement performante pour Paris afin de sortir le programme de la situation figée dans lequel il demeure depuis plusieurs mois.
En outre, cette initiative, et la manière dont elle est présentée, correspond à une stratégie ayant potentiellement non seulement de nombreux atouts à faire valoir, mais également d’importantes chances de succès, et même une porte de sortie performante le cas échéant.
En revanche, il est fort possible qu’en cas de succès, le partage industriel autour du programme MGCS sera nécessairement plus défavorable aux industries françaises qu’il ne pouvait l’être à deux acteurs. À l’inverse, la part des investissements français serait, elle aussi, orientée à la baisse.
La France pourrait tenter d’intégrer au programme MGCS l’Italie, selon le site latribune.fr. Pour Paris, cette décision semble destinée à sauver le programme franco-allemand, aujourd’hui menacé de toutes parts, notamment par une industrie allemande qui renoue avec ses anciens succès sur le marché de l’exportation.
La rentrée 2023 risque fort d’être pour le moins mouvementée pour les industriels de la base industrielle et technologique de défense français. Alors que la Loi de programmation militaire 2024-2030 a été votée par le Parlement juste avant la coupure d’été, il faudra, en effet, au ministère des Armées, entamer les négociations pour donner corps aux ambitions développées par celle-ci, qui prévoit une augmentation du budget des Armées de près de 30 % sur les sept années à venir.
Le programme franco-allemand Main Ground Combat System, ou MGCS, qui doit concevoir le futur remplaçant du char Leclerc et du char Leopard 2 à horizon 2035 ou 2040, est l’un de ces dossiers chauds qu’il conviendra à Sébastien Lecornu et ses équipes de traiter en urgence dans les semaines à venir.
Il fallut l’intervention ferme des 3 ministres de la Défense français, espagnol et allemand, en mai 2022, pour remettre le programme SCAF sur une plus saine trajectoire.
Pire, les tensions entre la France et l’Allemagne dans ce domaine se sont accrues durant l’été, alors que Paris, pour l’occasion allié à Rome, s’oppose à Berlin au sujet d’une étude européenne désignée FMBT, traitant précisément du char du futur en Europe.
C’est dans ce contexte que le site latribune.fr vient de publier une information des plus surprenantes. La France aurait, selon ce site, décidé de soutenir l’intégration de l’Italie au programme MGCS, de sorte à rééquilibrer les rapports de force internes, avec l’objectif affiché de le sauver face aux tensions qui le handicapent.
En bien des aspects, cette annonce en devenir irait à l’opposé des positions françaises exprimées jusqu’à présent. Pour en comprendre les tenants et aboutissants, il convient donc de revenir sur la Genèse de ce programme, et sur ces développements successifs.
La lune de miel des programmes de défense franco-allemands aura été courte
C’est lors de l’été 2017 que le programme MGCS, et avec lui plusieurs autres programmes de defense en coopération bilatérale franco-allemande, a pris sa forme actuelle, bien que son origine remonte à quelques années auparavant. À ce moment-là, les étoiles, et même les galaxies, semblaient parfaitement alignées pour cela.
Une convergence historique des ambitions franco-allemandes en 2017
En France, le nouveau président français, Emmanuel Macron, était plus volontaire que ses prédécesseurs concernant l’effort de défense national et la reconstruction des armées, tout en étant un fervent adepte des programmes européens dans ce domaine.
Outre Rhin, les relations entre Berlin et Washington, et plus particulièrement entre le président Trump et la chancelière Angela Merkel, étaient particulièrement dégradées. De fait, les autorités allemandes étaient, en 2017, bien plus ouvertes qu’elles ne l’avaient été précédemment, à d’éventuels programmes de défense en coopération.
En 2017, Emmanuel Macron et Angela Merkel semblaient partager une ambition commune autour de l’émergence de l’Europe de la défense.
Qui plus est, la chancelière était sensible alors aux ambitions portées par le nouveau président français, autour du projet d’Europe de la Défense et d’autonomie stratégique européenne.
De fait, à l’autonome 2017, Paris et Berlin annonçaient une vaste et ambitieuse initiative commune pour donner corps à cette Europe de la Défense, au travers de plusieurs programmes industriels de défense franco-allemands : le SCAF pour remplacer Rafale et l’Eurofighter Typhoon, le CIFS dans le domaine de l’artillerie, le MAWS dans celui de la patrouille maritime ou encore le Tigre III pour moderniser la flotte d’hélicoptères de combat des deux armées.
Les divergences apparaissent dès 2019
Rapidement, cependant, des divergences apparurent entre Paris et Berlin, tant dans les domaines industriels et technologiques, que concernant le positionnement politique et la trajectoire poursuivie par les deux chancelleries, exacerbées, il est vrai, par le réchauffement des relations bilatérales entre Washington et Berlin avec l’élection de Joe Biden à la Maison-Blanche.
Successivement, Berlin se retira, de manière plus ou moins directe, des programmes Tigre III, CIFS et MAWS. Le programme SCAF, quant à lui, fut l’objet d’intenses tractations entre Airbus DS et Dassault Aviation, concernant le partage industriel et le pilotage du premier pilier du programme, la conception de l’avion de combat NGF lui-même, l’amenant au bord de l’implosion.
Avec la fin du programme CIFS, Les industriels allemands ont lancé la conception d’un canon de 155 mm porté sur roues (ici le RCH-155 de KMW) et d’un lance-roquette multiple.
Quant à l’autre survivant de l’ambition franco-allemande de 2017, le programme MGCS, il est, lui aussi, en situation difficile depuis plusieurs années, sans que les ministres de tutelles aient permis, à ce jour, de sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve.
Le programme MGCS et la participation de Nexter menacés
Pourtant, initialement, le programme MGCS, qui devait permettre le remplacement des chars Leclerc français et Leopard 2 allemands à échéance de 2035, semblait bien plus solide en ambition comme en trajectoire, que les autres initiatives franco-allemandes.
Ses bases étaient, en effet, simples, claires et équilibrées : Paris et Berlin devaient financer chacun 50 % des couts du programme, alors que la conception et la fabrication des blindés étaient confiés à la coentreprise KNDS, rassemblant à parts égales le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann.
Face à KNDS, l’arrivée déstabilisatrice de Rheinmetall au sein du programme MGCS
En 2019, toutefois, sous pression du Bundestag, Berlin imposa que Rheinmetall, le partenaire traditionnel de KMW dans la conception des blindés allemands, rejoigne le programme, Non content de cela, Rheinmetall exigea un partage industriel à parts égales entre les trois industriels.
Dans le même temps, le postula de départ voulant que la France et l’Allemagne financent chacun la moitié des couts, et produisent la moitié des prestations industrielles, demeurait inchangé.
Pour Rheinmetall, le KF51 Panther est une alternative économique, performante et immédiatement disponible au programme MGCS à l’arrêt.
Bien évidemment, ces deux paradigmes s’excluant l’un l’autre, les tensions et les problèmes se sont multipliés depuis, au point de bloquer plusieurs piliers majeurs du programme, notamment pour ce qui concerne le choix de l’armement principal du char entre le canon L55 de 135 mm proposé par Rheinmetall et l’Ascalon de 140 mm de Nexter.
Pire, l’industriel de Düsseldorf a poursuivi un agenda propre, en développant de son côté un nouveau char de combat, le KF51 Panther, qu’il tente, depuis sa présentation publique il y a un an, de placer comme une alternative au programme MGCS auprès de la Bundeswehr.
Le Leopard 2A8 de Krauss-Maffeï Wegmann et l’explosion de la demande de chars
La guerre en Ukraine, et l’explosion des demandes pour de nouveaux chars, ont également amené KMW à developper, pour sa part, une nouvelle version de son char baptisée Leopard 2A8.
À peine fut-il rendu public en avril 2023, que la Bundeswehr le choisit pour remplacer les 18 Leopard 2A6 envoyés en Ukraine, alors que successivement la République tchèque, la Norvège et l’Italie, annoncèrent depuis choisir le nouveau blindé.
Le succès commercial du Leopard 2A8 incite les industriels allemands à vouloir reporter le programme MGCS
Or, si le succès du Leopard 2A8 se fit au détriment des espoirs de Rheinmetall de placer rapidement son KF51 Panther, il fit par ailleurs naitre outre Rhin une dynamique visant à reporter l’échéance du programme MGCS au-delà de 2035, et même de 2045, afin que les deux programmes ne se chevauchent pas commercialement.
Ce d’autant que plusieurs échos laissent à penser aujourd’hui que KMW et Rheinmetall coopèrent pour concevoir et produire une nouvelle version du Leopard 2, embarquant une partie des nouvelles technologies développées pour le Panther, dont le canon, avec l’ambition de le présenter au marché lors la seconde moitié de la décennie.
De fait, aujourd’hui, non seulement le programme MGCS est-il menacé de l’intérieur alors qu’une partie de ses piliers est à l’arrêt, mais il l’est aussi de l’extérieur, par le succès du Leopard 2A8 et l’arrivée qui se profile d’un Leopard 2AX hybride avec le KF51 Panther.
C’est dans ce contexte que Paris semble vouloir jouer la carte italienne, pour rééquilibrer le programme MGCS mais surtout, pour tenter de le faire sortir de sa trajectoire mortifère.
Les autorités brésiliennes ont annoncé la prochaine commande de 34 chasseurs JAS 39 Gripen E/F supplémentaires pour les forces aériennes brésiliennes.
En 2013, le directeur des exportations de l’avionneur suédois Saab, Eddy de la Motte, était tout sourire. Il venait, en effet, de finaliser les négociations avec le Brésil, pour le premier lot portant sur 36 chasseurs monomoteurs Gripen NG, l’évolution du JAS 39 Gripen déjà en service au sein de la Flygvapnet, les forces aériennes suédoises, et le plus grand succès à l’exportation de l’avionneur, avec quatre opérateurs (Afrique du Sud, Hongrie, République tchèque et Thaïlande).
Il estimait alors que le marché à l’exportation pour celui qui deviendra par la suite le JAS 39 Gripen E (version monoplace) et F (version biplace), s’établissait entre 400 et 450 appareils.
La traversée du désert du JAS 39 Gripen E-F
Dix ans plus tard, l’ambiance était tout autre à Stockholm. En effet, le Gripen E-F n’avait enregistré aucune nouvelle commande depuis le Brésil, mais il fut systématiquement battu, lors des compétitions internationales, par le F-35A américain (Canada, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Norvège, Pologne et Suisse), le F-16V (Bulgarie et Slovaquie) et le Rafale (Croatie, Inde, Indonésie).
Même ses clients historiques, comme la République tchèque et la Thaïlande, et ses voisins, comme le Danemark, la Norvège et surtout la Finlande, préféraient l’avion de Lockheed-Martin, pourtant considérablement plus onéreux, au chasseur léger, performant et économique suédois.
Dans ce contexte, l’annonce faite cette semaine par les autorités brésiliennes, fut très probablement bien accueillie par l’avionneur, qui commençait à douter de sa capacité à survivre à cet échec.
Le F-35A a battu le Gripen NG lors de toutes les compétitions dans lesquelles les deux appareils ont été confrontés.
34 nouveaux Gripen à venir pour les forces aériennes brésiliennes
La nouvelle commande brésilienne n’est en rien une surprise. En effet, initialement, les forces aériennes du pays avaient estimé leurs besoins à 108 appareils qui devaient être commandés en trois lots successifs.
Il aura toutefois fallu attendre que la ligne de production brésilienne du JAS 39 Gripen E soit active, à partir du mois de mai de cette année, pour que la question avance et s’éclaircisse.
En effet, les annonces de calendriers et volumes concernant l’éventuel second lot de Gripen brésiliens, se sont succédées ces derniers mois, toutes différentes, créant une certaine confusion autour de ce dossier. Ainsi, en février 2022, il était question de 30 appareils pour le second lot. 3 mois plus tard, en mai, Brasília annonçait une nouvelle commande de Gripen, mais de seulement 4 appareils, amenant le lot 1 à 40 aéronefs.
Un an plus tard, en avril 2023, la commande du second lot semblait proche, et portait cette fois sur 26 appareils. Un mois après, cette commande ne portait plus que sur 26 avions. Aujourd’hui, il est question de 34 Gripen E-F. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits !
La ligne d’assemblage brésilienne du Gripen E est opérationnelle depuis le mois de mai 2023
Pour autant, la nouvelle annonce, même si elle ne s’est accompagnée d’aucun calendrier prévisionnel, apparait plus solide que les précédentes. En effet, l’enveloppe de 10 Md€ libérée par le gouvernement fédéral ne doit pas recevoir l’aval du Parlement brésilien, étant prélevée sur les fonds fédéraux discrétionnaires.
En d’autres termes, le plus gros frein à l’officialisation de la future commande, son financement, a été levé, ce qui devrait permettre une conclusion relativement rapide, au plus grand soulagement de Saab et de Stockholm. Reste qu’avec le Brésil, il convient d’être patient.
De nouvelles opportunités d’exportation du chasseur suédois
Enfin, ces derniers jours, les autorités suédoises et ukrainiennes ont entrepris des discussions entourant la possible construction de véhicules de combat d’infanterie CV90 directement sur le sol ukrainien, mais également au sujet de la possible acquisition de JAS 39 Gripen, probablement des versions C ou D moins onéreuses, pour faire face aux forces aériennes russes.
La Thaïlande envisage d’acquérir de nouveaux JAS 39 Gripen après le refus américain de lui livrer des F-35A.
Il faut dire que sur ce théâtre d’opération ramassé, les atouts du JAS 39, comme ses performances élevées et ses couts de mise en œuvre réduits, tendent à largement compenser son rayon d’action limité.
Que ces négociations, avec Kyiv, Manille ou Bangkok, soient ou non couronner de succès, l’arrivée du second lot de Gripen brésiliens constituera, sans le moindre doute, une excellente nouvelle pour Saab, mais également pour l’avenir de la construction aéronautique suédoise. One ne peut qu’espérer qu’elles se concrétisent rapidement.
Le géant de la construction navale sud-coréenne, Hanwha Ocean, vient d’annoncer une stratégie d’investissement de 1,5 Md$, pour se positionner sur un marché mondial aujourd’hui dominé par les européens.
En 2012, les exportations sud-coréennes en matière d’équipement de défense plafonnaient à 2,3 Md$ pour seulement 7 clients, dont la Turquie qui représentait à elle seule plus de 50 % de ce montant.
En effet, les K2 Black Panther, K21 Redback, K239 Chunmoo et surtout le canon automoteur K9 Thunder, ont rencontré un succès fulgurant ces dernières années. Ils pouvaient s’appuyer pour cela sur plusieurs atouts exclusifs et concomitants.
D’abord, les blindés sud-coréens sont aujourd’hui en bien des domaines les plus évolués ou les plus récents du marché. Rappelons, en effet, que jusqu’il y a peu, américains comme européens, les traditionnels acteurs du marché des véhicules blindés en occident, avaient largement délaissé ce domaine pour se tourner vers des systèmes plus légers et plus mobiles, répondant mieux aux besoins des opérations extérieures en Afrique ou au Moyen-Orient.
Le canon automoteur K9 Thunder a été choisi par 10 forces armées, dont 4 en Europe
De fait, à l’exception notable de l’Altay turc qui n’est pas encore opérationnel, et qui le sera uniquement grâce à d’importants transferts de technologies venus de Corée du Sud, aucun nouveau char, ni aucun nouveau système d’artillerie blindé chenillé a été conçu ces 20 dernières années en occident.
Les atouts des blindés sud-coréens
Les K2 Black Panther et K9 Thunder avaient alors devant eux un véritable boulevard commercial lorsque les tensions mondiales et les risques de conflit de haute intensité, exacerbés par la guerre en Ukraine, refirent leur apparition.
De plus, les offres commerciales sud-coréennes se sont souvent montrées attractives et particulièrement souples, que ce soit en termes de livraison rapide des équipements, comme des transferts de technologies et de capacités industrielles.
La Pologne a signé avec la Corée du Sud un partenariat stratégique pour acquérir et produire plusieurs milliers de blindés, dont un millier de chars K2 Black Panther
Enfin, les industriels sud-coréens ont pu s’adosser à un marché national aussi dynamique que planifié avec soin, leur permettant de dimensionner efficacement leurs investissements et leurs moyens de production. Ils pourront ainsi proposer des offres alliant de courts délais, des prix compétitifs et des équipements performants, conçus pour faire face, au besoin, à la Corée du Nord et la Chine.
Ces atouts ont notamment joué pleinement leurs rôles lors des négociations avec la Pologne pour l’acquisition et la construction locale des chars K2 et K2PL, des canons automoteurs K9 ainsi que des systèmes d’artillerie à longue portée K-239 Chunmoo, dans ce qui deviendra le plus important contrat cadre d’armement terrestre de ces 30 dernières années.
Enfin, Séoul s’est souvent montré bien moins regardant concernant ses exportations d’équipement de défense que n’ont pu l’être américains et européens, particulièrement vers les pays du Moyen-Orient ou la Turquie. De fait, les industriels sud-coréens ont pu se saisir de marchés snobés par les chancelleries occidentales, et ainsi consolider sa position.
Cette redoutable stratégie, contre laquelle les européens se sont régulièrement retrouvés démunis par son dynamisme et sa compétitivité, va bientôt être portée dans un autre domaine, celui de la construction navale de défense.
Les destroyers lourds de la classe Sejong le grand (programme KDD-III Batch 1) sont parmi les plus puissants navires de surface combattants de la planète aujourd’hui.
À l’instar de ce qui fut fait dans le domaine terrestre, Séoul a construit, ces 20 dernières années, une puissante industrie navale militaire, en s’appuyant sur de juteux contrats d’importation avec de nombreux transferts de technologies, ainsi que sur le savoir-faire avéré de son industrie navale commerciale et civile.
L’objectif initial, tel qu’il a été présenté par les autorités sud-coréennes, était alors de moderniser les forces armées du pays, au travers de plusieurs programmes marqués par une part croissante de production locale.
Le super-programme KSS de sous-marins
Ce fut fait, et les progrès réalisés par l’industrie navale militaire sud-coréennes peuvent s’observer au travers des programmes itératifs comme KSS, son super-programme de sous-marins.
La première étape, baptisée KSS-I, s’étala sur un peu plus de dix ans, de 1990 à 2001. Elle permit de lancer 9 sous-marins conventionnels de la classe Jang Bogo, des Type 209/1200 de l’allemand TKMS, qui employaient alors une grande partie des équipements fournis par l’industrie allemande.
Le programme KSS 1 était articulé autour du Type 209/1200 de TKMS
Elle fut suivie du programme KSS-II, qui permit aux industriels sud-coréens de produire les 9 sous-marins de la classe Sohn Won-yil. Dérivés du modèle Type 214 de TKMS, ces navires, entrés en service de 2007 à 2020, s’avéraient beaucoup plus performants que leurs prédécesseurs, avec notamment une propulsion anaérobie AIP. En outre, ils emportaient davantage de composants sud-coréens.
La classe Sohn Won-yil ouvrit de fait la voie à la conception et la fabrication de la classe Dosan Anh Changho au sein du programme KSS-III. Contrairement aux deux précédentes, celle-ci a été conçue en Corée du Sud, et non inspirée d’un modèle allemand. En outre, l’immense majorité de ses composants sont sud-coréens.
La construction du premier navire de la classe éponyme qui doit compter 9 navires, a débuté en mai 2016. Le Dosan Anh Changho est entré en service au sein des forces navales sud-coréennes en aout 2021. Il s’agit là d’un délai remarquablement court pour un premier sous-marin de classe, qui plus est lorsqu’il s’agit du premier sous-marin de conception locale d’un pays.
Les sous-marins sud-coréens de la classe Dosan Anh Changho (programme KSS-III) ont été conçus en Corée du sud
En outre, les navires s’avèrent, semble-t-il, performants et discrets, et sont les premiers sous-marins à propulsion conventionnelle à être nativement équipés de systèmes de lancement verticaux K-VLS. Grâce à eux, ils peuvent mettre en œuvre six missiles de croisière Chonryong, version navale à changement de milieux du Hyunmoo-3.
La même dynamique peut s’observer autour des autres programmes navals sud-coréens, comme KDD (destroyers), FFG (frégates) et PCC (corvettes). Ces programmes ont permis aux forces navales sud-coréennes de passer d’un statut de marine de défense côtière au début des années 90, à celui de flotte de haute mer aujourd’hui.
Elle dispose dorénavant, à elle seule, de plus de navires de première ligne et de sous-marins que les marines françaises, italiennes et allemandes réunies.
L’offre, l’ambition et la stratégie de Hanwha Ocean
De fait, aujourd’hui, avec les sous-marins de la classe Dosan Anh Changho, les destroyers AEGIS de la classe Sejong le Grand, les frégates de la classe Chungnam, les corvettes Pohang ou encore les navires d’assaut de la classe Dokdo, la Marine sud-coréenne dispose d’une panoplie complète et évolutive de l’ensemble des navires de combat du moment.
Et il en va, bien évidemment, de même pour l’industrie navale sud-coréenne, qui entend bien réitérer le succès des blindés dans ce domaine.
La construction navale sud-coréenne est désormais très dynamique, dans le domaine civil comme militaire
L’investissement sera financé par la vente de nouvelles actions, avec la promesse de générer, d’ici à 2040, plus de 22 Md$ de chiffre d’affaires sur le marché militaire à l’exportation.
Il s’agit pour Hanwha, déjà acteur principal de l’offre industriel sud-coréenne dans le domaine des véhicules blindés, de poursuivre la dynamique engagée, et de l’étendre horizontalement en profitant des synergies qui pourront apparaitre, tout au moins dans le domaine des relations économiques et politiques, entre les deux activités, avec leurs clients existants et à venir.
On notera qu’à ce jour, seuls trois industriels dans le monde peuvent profiter d’une telle synergie : l’américain Lockheed-Martin, le britannique BAe et le Suédois Saab. À l’inverse, l’immense majorité des acteurs majeurs européens est spécialisée dans son seul domaine, notamment concernant la construction navale avec le français Naval group, l’italien Fincantieri, l’espagnol Navantia, l’allemand TKMS ou le néerlandais Damen.
Une menace pour l’avenir de l’industrie navale européenne
L’arrivée annoncée des offres sud-coréennes sur le marché adressable par ces acteurs européens de la construction navale militaire, jusqu’ici en situation de quasi-monopole de fait en occident, peut lourdement peser sur les exportations européennes.
Ce sera d’autant plus le cas si, comme on peut s’y attendre, Hanwha Ocean met en œuvre une stratégie commerciale comparable à celle qui fit le succès de ses blindés ces dernières années, fondée sur des prix attractifs, une grande souplesse commerciale et industrielle, ainsi qu’une importante réactivité.
La survie de l’industrie navale militaire européenne repose sur les commandes nationales, mais aussi sur d’impératives exportations devant représenter, selon les acteurs, de 30 à 70 % de l’activité globale.
Les conséquences pour l’industrie navale européenne seront d’autant plus difficiles que les Etats-Unis, avec les frégates de la classe Constellation, sont, eux aussi, déterminés à revenir sur ce marché, alors que la Chine, la Turquie et l’Inde, semblent prêts à investir le marché mondial dans ce domaine.
Ce tableau, déjà fort inquiétant, est encore plus sombre en tenant compte d’un dernier facteur clé. En effet, la planification navale militaire sud-coréenne, ces 30 dernières années, a été conçue précisément pour venir à bout de ses compétiteurs européens.
Le rôle de la stratégie d’acquisition de la Marine sud-coréenne
Pour cela, l’ensemble des programmes majeurs navals a été bâti selon un calendrier de renouvellement linéarisé sur 30 à 35 ans, de sorte que l’industrie navale sud-coréenne peut s’appuyer, sur les 30 années à venir, sur un calendrier ferme et suffisamment important pour garantir sa pérennité.
Ce calendrier concerne la construction de navires, avec une moyenne d’un nouveau sous-marin et d’une nouvelle frégate par an, ainsi que d’un destroyer tous les trois ans. Il concerne tout autant la R & D et les travaux des bureaux d’études, avec une nouvelle classe de sous-marin, de frégate et de destroyers tous les dix ans,
Une fois la dernière FDI de la classe Amiral Ronarc’h livrée à la Marine nationale, le site de Lorient de Naval Group ne pourra s’appuyer, pendant près de 10 ans, que sur la construction de 5 à 7 corvettes du programme EPC en termes de commande nationale.
De fait, même en l’absence de succès à l’exportation, Séoul et Hanwha Ocean pourront s’appuyer sur le renouvellement des moyens militaires des forces navales sud-coréennes, pour préserver et developper cette industrie.
À l’inverse, les acteurs européens de ce marché reposent en majorité sur leurs exportations pour sécuriser leur outil productif et leurs bureaux d’étude.
Les Sud-coréens ont donc le temps d’attendre, là où les européens doivent impérativement engranger les succès exports. Ils savent, par ailleurs, qu’une action offensive déterminée, par exemple, en vendant à marge nulle pendant plusieurs années, priverait les européens des ressources critiques pouvant menacer leur propre survie.
Ce phénomène est d’autant plus marqué que beaucoup de marines européennes achèvent aujourd’hui un important cycle de renouvellement de leur flotte. Dès lors, les chantiers navals européens dépendront avant tout de leurs éventuels succès à l’exportation à venir, pour garantir leur pérennité.
Mobile, moyen, opportunité… et victime
Qui regarde les séries policières, sait que pour trouver le coupable, il convient de répondre à trois questions : le moyen, l’opportunité, le mobile. Si l’industrie navale sud-coréenne, son offre et des capacités de production représentent aujourd’hui le moyen, les annonces faites par Hanwha Ocean constituent, quant à elles, le mobile et l’opportunité.
Quant à la victime, tout indique qu’il s’agira de l’industrie navale de defense européenne. Nous voilà prévenus !
De tous les blindés chenillés envoyés par l’occident en Ukraine, le véhicule de combat d’infanterie CV90 du suédois BAE Systems Hägglunds est probablement celui qui a le plus impressionné par ses performances et ses qualités au combat les militaires ukrainiens.
Bien protégé, propulsé par un puissant moteur V8 turbo diesel, et armé d’un autocanon de 40 mm, il s’est montré à la fois mobile, robuste et létal aux mains des soldats ukrainiens qui l’on mit en œuvre au sein des 33ᵉ et 47ᵉ brigades, surclassant nettement les modèles russes qui lui sont opposés.
Ainsi, à ce jour, le Royaume scandinave a transmis aux armées ukrainiennes une dizaine de chars lourds Strv 122 (Leopard 2A5), 8 systèmes d’artillerie de 155 mm sur roues Archer, et plus d’une cinquantaine de véhicules de combat d’infanterie CV9040C, ainsi qu’un grand nombre de munitions, de véhicules légers ou spécialisés, de systèmes sol air ou antichars.
Le véhicule de combat d’infanterie CV90 s’est montré très efficace en Ukraine
Rappelons qu’à titre de comparaison, le PIB suédois de 650 Md€ équivaut au quart du PIB français ou au sixième de celui de l’Allemagne, pour une population de seulement 10,5 millions d’habitants. Cela en dit long sur l’implication de Stockholm vis-à-vis de Kyiv.
Les choses pourraient bien encore évoluer. Déjà, il y a quelques jours, des informations ont filtré concernant la possible acquisition de chasseurs JAS 39 Gripen par les forces aériennes ukrainiennes.
Produire le Vehicle de combat d’infanterie CV90 en Ukraine
Hier, c’était au tour du premier ministre suédois, Ulf Kristersson, d’ouvrir une porte, en évoquant « l’intensification de la coopération entre les deux pays autour de la plateforme », faisant référence au CV90. Cette déclaration faisait suite à une autre, cette fois, du président ukrainien Volodymyr Zelenski, le 20 aout, au sujet de la possible construction des CV90 directement sur le sol ukrainien.
En l’absence de déclaration plus ouverte, et surtout d’un calendrier précis, il convient d’être prudent quant à l’engagement réel de ces échanges indirects. Mais, de toute évidence, les deux hommes partagent une vision commune, et entendent conjointement avancer sur le sujet.
Au-delà du calendrier plus qu’ambitieux, alors qu’il aura fallu 2 ans pour faire sortir de terre l’usine hongroise de Zalaegerszeg qui doit produire les KF-41 Lynx dans le pays, cette annonce soulevait des interrogations concernant la pérennité d’un tel outil industriel dans un pays sous la menace permanente des frappes de missiles et drones russes.
Inquiétudes balayées alors par M Papperger, qui estimait que les systèmes antiaériens occidentaux déployés en Ukraine s’étaient montrés suffisamment performants pour pouvoir protéger des infrastructures critiques des missiles russes au besoin.
Pour autant, tandis que les réserves de chars transférables en Ukraine s’épuisent en Europe, et que l’industrie russe a retrouvé des cadences de production de guerre, la production de chars, mais aussi de véhicules de combat d’infanterie et de systèmes d’artillerie, sur le sol ukrainien, est désormais un enjeu vital pour Kyiv.
La production industrielle militaire russe a considérablement augmenté depuis le début de l’année 2023.
Dans ce contexte, les discussions entamées avec Stockholm, s’avèrent donc stratégiques pour les autorités ukrainiennes, pour espérer surpasser, ou tout au moins contenir, la montée en puissance des armées russes soutenues par leur propre industrie.
Ulf Kristersson et Volodymyr Zelenski face au calendrier
Reste que, pour s’avérer efficace dans le contexte opérationnel présent, il sera nécessaire que la production des CV90 ukrainiens intervienne au plus tôt. En effet, même avec l’arrivée d’ici à quelques mois des F-16 danois et néerlandais, et peut-être d’autres appareils occidentaux, le temps joue dorénavant pour Moscou, qui reconstitue des forces plus rapidement que Kyiv, en dépit de l’aide occidentale.
De fait, les négociations autour d’un programme aussi ambitieux, qui normalement prennent plusieurs mois et parfois plusieurs années, devront être terminées en quelques semaines, si tant est que Kyiv et Stockholm souhaitent effectivement peser sur le conflit en cours. L’avenir nous dira si, dans le cas de BAE Systems Hägglunds comme de Rheinmetall, ces contraintes sauront être surmontées à temps…
Le gouvernement espagnol annonce la commande de 394 véhicules blindés VAC pour remplacer les M113 en service au sein des armées espagnoles, pour un montant de 2 Md€.
À l’instar de l’immense majorité des capitales européennes, Madrid a entrepris, ces derniers mois, d’augmenter son effort de Défense pour répondre aux évolutions des tensions en Europe et dans le Monde. C’est ainsi qu’en 2023, le budget des armées espagnoles atteint 12,5 Md€, en hausse de 1 Md€ ou 8 % vis-à-vis de 2022.
Pour autant, cet effort est loin d’être suffisant pour atteindre les standards de l’OTAN. Il ne représente, en effet, que 1,2 % du PIB espagnol, bien loin des 2 % exigés par l’Alliance pour 2025, faisant du pays l’avant-dernier du classement dans ce domaine, dépassant uniquement les 0,65 % luxembourgeois.
En outre, Madrid n’a pas donné, jusqu’ici, de trajectoire ferme pour atteindre cet objectif. L’alternance démocratique intensive au-delà des Pyrénées, ne favorise pas, non plus, l’émergence d’une trajectoire stable à moyen terme dans ce domaine.
Le VCI Pizarro partagera la même plateforme ASCOD que le futur VAC au sein des armées espagnoles
Déjà très présent dans le domaine du transport aérien militaire avec CASA (groupe Airbus), elle s’est également positionnée avec force au sein du programme SCAF d’avion de combat de 6ᵉ génération, obtenant un tiers de la charge R & D du programme malgré son manque de recul dans le domaine face à la France et l’Allemagne.
C’est aussi le cas dans le domaine des véhicules blindés. Si jusqu’il y a peu, les armées espagnoles étaient majoritairement équipées de blindés américains et européens, Madrid a produit d’importants efforts pour developper cette capacité.
Ainsi, à la fin des années 80, Madrid lançait, en partenariat avec l’Autriche et avec l’appui de l’Américain General Dynamic Land System, le développement de l’ASCOD, un véhicule blindé polyvalent de 28 tonnes, employé au sein des armées espagnoles pour le véhicule de combat d’infanterie Pizzaro, commandé à 261 exemplaires et entré en service en 2002.
En 2007, elle entamait le développement du véhicule blindé VCR 8×8 Dragon, dérivé cette fois du Mowag Piranha 5 suisse, livré à 1000 exemplaires en 3 versions (transport de troupe, commandement et véhicules de combat d’infanterie) de 2022 à 2035.
L’Armée de terre espagnole a commandé près d’un millier de blindés 8×8 Dragon
Les autorités espagnoles ont lancé, en début de semaine, un nouveau programme de véhicules blindés destinés, cette fois, à remplacer les quelque 500 transports de troupe blindés M113 américains acquis dans les années 80.
Le nouveau blindé sera livré en plusieurs versions, allant du mortier automatique d’appui tactique de 120 mm à l’évacuation sanitaire, en passant par le poste de commandement et le transport de troupe.
Les VAC seront conçus et construits par le même consortium industriel Tess à l’origine du Dragon, et équipés là encore par les mêmes industriels qui ont conçu les systèmes de blindé 8×8, conduits par Indra.
Reste à déterminer, désormais, le calendrier de ce programme, et les caractéristiques exactes du blindé. On notera également qu’il arrivera sur un marché d’ores et déjà richement fourni, notamment en Europe, tant dans le domaine des véhicules de transport de troupe blindés que des plateformes polyvalentes.
Si le marché export du VAC, un blindé par ailleurs onéreux pour un transport de troupe, sera de fait limité, le choix de la plateforme ASCOD permettra en revanche d’en simplifier la maintenance au sein des armées espagnoles, déjà armées du Pizzaro dans ce domaine.