mardi, décembre 2, 2025
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Drones vs brouillage : les ingénieurs chinois avancent rapidement

Alors que dans la compétition Drones vs Brouillage, le second semble prendre l’avantage en Ukraine, des chercheurs chinois annoncent des avancées notables dans le domaine de l’intelligence artificielle pouvant sensiblement changer ce rapport de force.

Si les drones ont incontestablement démontré toute leur efficacité en Ukraine, c’est également le cas des systèmes de brouillage conçus pour les contrer. Le fait est, selon les forces ukrainiennes, celles-ci perdraient chaque mois plus de 10 000 drones de tous types, en grande majorité par systèmes de brouillage russes.

En effet, en privant le drone de ses informations de localisation GPS, et/ou de la connexion avec l’opérateur qui le dirige, celui-ci n’est plus à même de poursuivre sa mission, et fini, le plus souvent, par s’abimer au sol.

C’est pour répondre à ce défi que les ingénieurs chinois ont conçu une intelligence artificielle capable de contrôler le drone et d’exécuter la mission même en l’absence de signal GPS. Celle-ci serait même apte à détecter, identifier, poursuivre et, le cas échéant, engager et détruire ses propres cibles, même si une autorisation humaine est alors requise.

Drones vs brouillage : avantage aux drones chinois

C’est en substance ce qui ressort d’un article publié en juillet dans la revue scientifique Engeenering. Selon cet article, les ingénieurs chinois auraient effectué certaines percées significatives dans le traitement du signal vidéo, permettant non seulement au drone de calculer sa propre position, mais encore de calculer la position et la vitesse d’une éventuelle cible.

Dans la guerre drones vs brouillage, le brouillage prend l'avantage en Ukraine, tout du moins là où il est présent.
Dans la guerre drones vs brouillage, le brouillage prend l’avantage en Ukraine, tout du moins là où il est présent.

De fait, un drone équipé de cette technologie, serait apte à mener des missions en environnement dénié de signaux GPS (Baidu en Chine). Il serait donc insensible aux technologies de brouillage actuellement développées pour répondre à cette menace, même si la liaison avec l’opérateur semble, pour l’heure, toujours requise, au moins pour obtenir l’ordre de tir.

Même dans ce cas, la technologie développée par la Chine permettrait des avancées notables. En effet, en limitant les interactions avec l’opérateur, qui intervient uniquement pour valider des autorisations d’engagement, ou pour actualiser les paramètres de la mission, il sera beaucoup plus délicat aux opérateurs de guerre électroniques d’isoler et de brouiller les fréquences requises, dans un laps de temps par ailleurs très court.

Les ingénieurs chinois ne sont évidemment pas les seuls à avancer sur ce type de technologies. La plupart des grandes nations technologiques développement aujourd’hui des solutions permettant de mettre en œuvre des drones ou des munitions guidées dans un environnement de guerre électronique intense.

Brouillage GPS, artillerie antiaérienne ou armes à énergie dirigée ?

En revanche, nombreuses sont aussi les armées qui parient sur le brouillage pour se protéger des drones, là où, de toute évidence, cette solution n’aura qu’une efficacité temporaire, tout au moins lorsqu’il s’agira d’affrontements entre armées technologiquement dotées.

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Face à des drones légers ou des munitions rôdeuses, un système comme le Skyranger 30 peut, au mieux, protéger une zone de 3 ou 4 km²

À l’inverse, les solutions cinétiques, comme l’artillerie antiaérienne de petit calibre, ou les armes à énergie dirigée, comme les lasers à haute énergie et les canons à micro-ondes, sont certes en développement, mais avec des densités incompatibles avec la réalité des besoins de protection.

Ainsi, pour protéger à l’aide de systèmes de 20 à 30 mm la zone d’engagement classique d’un bataillon d’infanterie mécanisée, au moins quatre, plus probablement cinq systèmes seraient nécessaires, soit une quarantaine de systèmes par brigade.

Pour les armées françaises, en tenant compte des 6 brigades et des besoins de protection des infrastructures et des sites logistiques, un minimum de 350 à 400 systèmes serait requis pour effectivement répondre à la menace drones à venir.

96 hélicoptères de combat AH-64E Apache polonais validés par le FMS pour 12 Md$

Le Foreign Military Sales (FMS) américain a validé la demande polonaise pour 96 hélicoptères AH-64E Apache ainsi qu’un important stock de munition, le tout pour 12 Md$. Alors que l’avenir de l’hélicoptère de combat est contesté, quel sera l’avenir de cette possible nouvelle commande polonaise d’armement ?

12 Md$ ! C’est le montant astronomique avalisé par le Foreign Military Sales américain, concernant la prochaine commande du ministère de la Défense polonaise, pour équiper et armer la composante antichar de sa future flotte d’hélicoptères de combat.

Il faut dire que dans ce domaine, comme dans de nombreux autres, Varsovie voit grand. Jugez plutôt : 96 hélicoptères de combat Boeing AH-64E Apache, la dernière évolution du fameux appareil, mais également 1844 missiles antichars AGM-144R2 Hellfire, 460 missiles antichars AGM-179A JAGM, 508 missiles air-air FIM-92K Stinger ainsi que 37 radars AN/APG-78 et 96 interféromètres MRFI 2 AN/APR-48B.

À cela s’ajoutent un important lot de pièces détachées, des simulateurs de même qu’une prestation de formation conséquente. Si cette commande venait à être passée dans son intégralité, les Armées polonaises seraient non seulement le second opérateur mondial de l’AH-64E, mais disposeraient aussi de la plus importante flotte d’hélicoptères de combat lourds en Europe.

Comment fonctionne le Foreign Military Sales ou FMS ?

Pour autant, cette débauche de matériel et de couts, doit être prise avec précaution, car il ne s’agit, dans les faits, que d’une autorisation maximale donnée par le Foreign Military Sales, ou FMS, à ses alliés.

Créé pour faciliter les exportations d’équipement de défense de l’Industrie américaine vers ses alliés, le FMS permet aux alliés des Etats-Unis d’acquérir des matériels militaires aux standards et conditions obtenues par le pentagone pour ses propres armées.

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Le FMS permet de standardiser et de fluidifier les commandes d’armement alliées vers l’industrie de défense américaine.

Son rôle est de fluidifier l’intégration des commandes exports dans le flux de production, et de garantir une plus grande homogénéité des parcs déployés dans le monde, de sorte à en faciliter la maintenance et l’évolution. Il permet aussi de bénéficier, théoriquement, de couts de production moindre par des séries plus importantes.

De fait, l’aval et les prix donnés par le FMS ne valent qu’au travers de son propre cahier des charges, à savoir l’intégration des productions prévues dans la planification en cours, aux prix appliqués aux forces américaines.

Ainsi, il est d’usage que le FMS estime systématiquement l’enveloppe la plus importante demandée par les alliés des Etats-Unis, sachant que « qui peut le plus, peut le moins ». Bien souvent, les contrats signés pour finir, qui doivent par ailleurs obtenir l’aval de l’exécutif et du Congrès américains pour être validés, sont sensiblement inférieurs aux estimations données.

Le cas de la future commande polonaise

Dans le cas de la Pologne, toutefois, il est très possible que la commande résultante soit très proche de l’estimation donnée par le FMS. En effet, il est peu probable que les autorités polonaises revoient à la baisse le volume de la flotte devenu un marqueur politique, si tant est que le PiS remporte effectivement les élections législatives d’octobre.

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La Pologne a multiplié ces derniers mois les contrats d’équipement de défense, ainsi que les dépenses allant avec

Dans le cas contraire, en revanche, on peut s’attendre à une profonde remise en cause de plusieurs contrats en cours de négociation aujourd’hui, dont on sait que les couts cumulés vont lourdement peser à l’avenir sur la santé économique du pays.

Dit de manière plus triviale, si le PiS remporte les élections à venir, tout porte à croire que le contrat estimé par le FMS sera pleinement exécuté, même si son calendrier n’a pour l’heure pas été rendu publique, laissant une certaine marge de manœuvre aux dirigeants polonais.

Dans le cas contraire, on peut s’attendre à ce que ce contrat soit purement et simplement envoyé aux oubliettes, et que le nouveau gouvernement aura déjà fort à faire pour renégocier les contrats signés et entrés en exécution pour préserver les finances publiques.

L’hélicoptère de combat Boeing AH-64E Apache

Évolution de l’AH-64D Longbow Apache, l’AH-64E bénéficie de nombreuses améliorations, dont de nouvelles turbines T700-GE-701D délivrant chacune 1 994 cv, 104 de plus que la T700-GE-701C du Longbow. Ce regain de puissance, et un nouveau rotor composite, lui permettent d’atteindre une vitesse de croisière plus élevée, une plus haute altitude et lui confèrent une manœuvrabilité plus importante.

L’électronique de bord et les systèmes de communication de l’appareil ont, eux aussi, évoluer, avec notamment l’intégration Joint Tactical Information Distribution System (JTIDS), un système en bande L permettant d’échanger les données d’engagement avec les autres appareils et les troupes au sol, en application de la nouvelle doctrine JADCC.

Le AH-64E Apache est une évolution de l'AH-64D Longbow Apache
L’hélicoptère de combat AH-64E Apache est une évolution de l’AH-64D Longbow Apache

L’appareil a également été doté de la possibilité d’échanger et de contrôler des drones comme le MQ-1C Grey Eagle, alors que d’autres modèles de drones sont en cours d’intégration pour répondre aux demandes exports, comme le TB2 Bayraktar.

Côté armement, outre son canon de 30 mm, l’AH64E pourra emporter des missiles antichars à guidage laser AGM-144R2 Hellfire, et son successeur, le AGM-179A JAGM, doté d’un guidage mixte associant un récepteur laser et un autodirecteur radar millimétrique.

L’appareil pourra en outre recevoir des paniers de roquettes de 70 mm à guidage laser, considérablement plus précises que les versions classiques, mais beaucoup moins onéreuses que les missiles antichars. Enfin, pour son autodéfense, il emporte des missiles air air à très courte portée FIM-92K Stinger, à guidage infrarouge.

Depuis sa présentation en 2012, l’Ah-64E a connu un important succès commercial, en étant commandé par les Etats-unis, l’Arabie Saoudite, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, le Qatar, le Maroc ou encore la Grande-Bretagne, en faisant l’hélicoptère de combat le plus exporté de ces 20 dernières années, loin devant le Mi-35M russe, second du classement.

Quel avenir de l’hélicoptère de combat ?

En dépit de ces performances impressionnantes, beaucoup de voix se sont élevées, en Pologne et ailleurs, pour remettre en question l’intérêt de l’hélicoptère de combat, dans un contexte d’engagement de haute intensité.

En effet, les premiers mois de la guerre en Ukraine, furent marqués par de très importantes pertes pour les hélicoptères de combat Ka-52, Mi-28NM et Mi-35M mis en œuvre par les armées russes. Pire, l’avantage qu’était censé apporter l’écrasante supériorité des forces russes sur les forces ukrainiennes dans ce domaine, ne s’était pas concrétisé sur le terrain, bien au contraire.

On eut pu croire, alors, que face aux défenses anti-aériennes modernes, les hélicoptères de combat n’avaient plus leur place sur le champ de bataille moderne, et qu’ils devaient, dès lors, laisser leur place à d’autres systèmes, comme les munitions rôdeuses et les drones.

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Le Tigre européen propose des performances et des capacités comparables à l’AH-64E, mais il n’en a pas connu le succès international.

Toutefois, et comme ce fut souvent le cas lors de cette guerre, les conclusions initiales trop tranchées furent contredites par la réalité des combats. Ainsi, mieux employés et mieux pilotés, les hélicoptères de combat ukrainiens parvinrent, à plusieurs reprises, à porter des coups décisifs au dispositif russe, ce dépit des nombreuses défenses antiaériennes déployées.

Côté russe, une fois les enseignements intégrés, les hélicoptères Ka-52 et Mi-28MN portèrent à leur tour de terribles frappes sur les offensives ukrainiennes ces derniers mois, notamment en opérant de nuit et à très basse altitude, pour éviter la détection et l’engagement de la DCA adverse.

Côté occidental, ces enseignements ont aussi été intégrés, même s’ils avaient, en de nombreux aspects, été anticipés depuis plusieurs années. Ainsi, les hélicoptères de combat de nouvelle génération, comme l’AH-64E et le Tigre III, peuvent ou pourront engager des cibles à des distances dépassant la portée des systèmes anti-aériens portables.

Ils feront en outre usage de drones pour mener les reconnaissances en terrain hostile et designer les cibles, sans devoir s’exposer eux-mêmes, et en restant sous le couvert du relief.

Enfin, ils intègrent pleinement les nouveaux outils d’engagement coopératifs, de sorte à rendre l’engagement plus dynamique et réactif, et ainsi de répondre aux mieux aux opportunités de frappe tout en évitant les zones de danger.

En d’autres termes, la guerre en Ukraine n’a pas tant montré qu’il était temps de troquer les hélicoptères de combat pour des drones ou d’autres systèmes. Au contraire, il est dorénavant nécessaire d’intégrer pleinement l’hélicoptère de combat dans le nouveau dispositif d’engagement coopératif, pour en exploiter parfaitement les capacités uniques.

Le Boeing F-15EX Eagle II se rapproche de l’Indonésie, et de sa première commande export

Le ministre de la Défense indonésien, Prabowo Subianto, a signé ce 21 aout un MoU pour 24 F-15EX Eagle II pour les forces aériennes indonésiennes, à l’occasion de sa visite sur le site Boeing de Saint-Louis produisant l’appareil pour l’US Air Force.

Au début de 2021, le chef d’état-major de l’Armée de l’air indonésienne, l’Air Marshal Fajar Prasetyo, détaillait les plans d’acquisition à venir pour moderniser les forces aériennes du pays. Afin de remplacer les Su-30 et Su-27 encore en service, et les F-16 les plus anciens, celui-ci prévoyait d’acquérir 36 avions Rafale français, ainsi que huit chasseurs lourds américains Boeing F-15EX Eagle II.

L’objectif alors présenté d’une commande pour ces deux appareils d’ici à la fin de l’année semblait excessivement ambitieux à ce moment-là. Et, de fait, il aura fallu attendre l’année suivante pour que la première commande de 6 Rafale soit notifiée, tandis qu’un engagement sur 42 appareils était signé par Jakarta.

La même année, en février 2022, l’Armée de l’air indonésienne et son ministre de la Défense, Prabowo Subianto, obtenait l’accord du Parlement pour négocier une commande de 36 chasseurs F-15EX.

Signature d’un MoU pour 24 F-15EX Eagle II indonésiens

Après une année et demie de négociations, la première étape de cette commande, ramenée à 24 appareils, a été franchie ce 21 aout, avec la signature, par Prabowo Subianto, d’un MoU avec la société Boeing, à son sujet. Le ministre de la Défense indonésien s’était rendu pour l’occasion sur le site industriel Boeing de Saint-Louis, qui produit le F-15EX Eagle II pour l’US Air Force, mais également les F/A-18 E/F Super Hornet pour l’US Navy.

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Signature du MoU entre l’Indonésie et Boeing, à Saint-Louis, Missouri, par Mark Spears (directeur adjoint des programmes de chasseurs chez Boeing) et le Marshall Yusuf Jauhari, sous les yeux du ministre de la Défense indonésien, Prabowo Subianto.

Pour l’heure, aucune information au-delà de cette signature n’a été divulguée, que ce soit concernant le périmètre du futur contrat, son cout ou son calendrier. On peut toutefois supposer que les 13 Md$ initialement accordés par le Parlement indonésien étaient insuffisants pour une flotte de 36 appareils, soit trois escadrons.

Il ne s’agit, en outre, que d’une première étape dans un processus complexe, qui doit encore obtenir l’autorisation du FMS et du Sénat américain, et surtout traverser les méandres de la procédure de libération de crédits indonésienne. En d’autres termes, il est probable que les F-15EX indonésiens, si le contrat venait à se confirmer, n’entreraient en service qu’à la fin de la décennie, dans le meilleur des cas.

Il y a pourtant urgence pour les forces aériennes de Jakarta. Sans être aligné sur les positions américaines, comme peuvent l’être le Japon ou la Corée du Sud, l’Indonésie fait toutefois face à des tensions croissantes avec la Chine autour de l’annexion de fait de la mer de Chine du Sud décrétée par Pékin.

Les frictions entre les flottes civiles, et parfois les gardes cotes, des deux pays, se sont ainsi multipliées ces dernières années. En outre, par sa géographie insulaire très particulière, avec 55 000 km de cotes pour 2 millions de km² à protéger, les contraintes de défense, notamment de l’espace aérien du pays, sont nombreuses.

C’est la raison pour laquelle Jakarta s’est tourné vers des appareils réputés pour leur autonomie et leur allonge, comme le Rafale et le F-15EX Eagle II, par ailleurs adaptés pour contrer les menaces aériennes et navales chinoises le cas échéant.

Le dernier chasseur de Boeing

Dernière évolution du célèbre chasseur conçu par McDonnell Douglas au début des années 70, le Boeing F-15EX Eagle trouve sa genèse en 2018, lorsque l’US Air Force demanda à Boeing d’étudier un chasseur lourd à grande autonomie dérivé du F-15QA précédemment vendu au Qatar.

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Le F-15QA commandé par le Qatar est à l’origine du F-15EX Eagle II de l’US Air Force

L’appareil devait en outre être équipé d’un radar AESA, d’une avionique et d’une électronique défensive modernisée, et de mettre en œuvre jusqu’à 22 missiles air air à l’aide du nouveau Advanced Missile and Bomb Ejector Rack, ou AMBER.

Le F-15EX devait alors permettre de combler les lacunes du F-35A en matière d’autonomie et de capacités d’emport, ainsi que le faible nombre de F-22 disponibles. Il répondait, par ailleurs, à la doctrine préconisée par le directeur des acquisitions de l’US Air Force du moment, Will Roper, qui vantait le recours à de petites séries d’appareils spécialisés conçus et produits rapidement et à faibles couts.

Avec l’éviction de Will Roper suite à la victoire de Joe Biden de 2020, et l’arrivée de Franck Kendall Jr au poste de Secrétaire à l’Air Force, l’avenir du F-15EX s’assombrit. Là où 144 appareils devaient initialement être commandés, ce nombre fut ramené à 80 en 2021.

Un sursis pour le site Boeing de Saint-Louis

Le format visé atteint aujourd’hui 104 appareils, suite aux bras de fer entre l’exécutif et le Congrès soucieux de préserver l’outil industriel de Boeing à Saint-Louis, alors que la production de Super Hornet prendra fin en 2025.

La vente de 24 F-15EX Eagle II à l'Indonésie permettrait à Boeing de maintenir l'activité de production de chasseurs sur son site de Saint-Louis jusqu'à la fin de la décennie, et le début de la production des programmes de chasseurs de 6ᵉ génération de l'US Navy et/ou de l'US Air Force.
La vente de 24 F-15EX Eagle II à l’Indonésie permettrait à Boeing de maintenir l’activité de production de chasseurs sur son site de Saint-Louis jusqu’à la fin de la décennie, et le début de la production des programmes de chasseurs de 6ᵉ génération de l’US Navy et/ou de l’US Air Force.

On comprend, dans ce contexte, tout l’intérêt que peut avoir la future commande indonésienne pour Boeing. Cumulée aux commandes de l’US Air Force, elle permettrait, en effet, à l’avionneur de maintenir l’activité de production de son site de Saint-Louis, jusqu’à la fin de la décennie et l’arrivée des productions des programmes NGAD de l’US Air Force et de l’US Navy.

Encore faudra-t-il, pour Boeing, parvenir à s’imposer face à Lockheed-Martin et Northrop-Grumman concernant au moins l’un de ces programmes, ce qui n’est pas acquis étant donné ses récents déboires et retards autour des programmes KC-46A Pegasus, T-7A Red Hawk et F-15EX (sic) de l’US Air Force.

32 des 48 Lockheed-Martin F-35A roumains seront commandés en 2024, selon le ministère de la Défense

La Roumanie a annoncé qu’elle entendait officialiser une première commande de 32 chasseurs furtifs Lockheed-Martin F-35A, dès 2024 pour armer, à partir de 2030, les deux premiers des trois escadrons de chasse destinés à mettre en œuvre l’appareil américain.

L’intention des autorités roumaines d’acquérir le chasseur américain Lockheed-Martin F-35A pour moderniser ses forces aériennes n’est en rien une surprise. En effet, dès 2019, certains échos laissaient entendre que Bucarest rejoindrait le club F-35 dès que ses finances le lui permettraient.

Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, avec laquelle la Roumanie partage une frontière de 530 km, les tensions en Moldavie sous menace russe, et celles en mer Noire, Bucarest a, comme nombre de ses voisins d’Europe de l’Est, considérablement accéléré et étendu ses ambitions et ses calendriers de défense.

C’est ainsi qu’il y a quelques mois, Bucarest annonçait son intention d’étendre son effort de défense, déjà amené de 1,2 % à 2 % de son PIB de 2012 à 2022, au-delà de 2,5 % dans les années à venir. Dans le même temps, une enveloppe de 10 Md€ pour moderniser ses forces terrestres a été libérée, et l’acquisition de deux sous-marins d’attaque validée, le Scorpène étant largement pressenti pour ce contrat.

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Après plusieurs accidents mortels, les Mig-21 Lancer roumains ont été interdits de vol en avril 2022. Deux mois plus tard, Bucarest faisait l’acquisition de 32 F-16 d’occasion norvégiens pour 385 m$, comme solution d’attente jusqu’à l’arrivée des premiers F-35A

La modernisation des forces aériennes roumaines se fera, quant à elles, en deux temps. En juin 2022, Bucarest et Oslo s’entendaient pour l‘acquisition de 32 F-16 d’occasion norvégiens par les forces aériennes roumaines, et rejoindre les 17 F-16 Block 15 portugais achetés d’occasion en 2013 et 2019, pour remplacer ses MIG-21.

Dans un second temps, les Forces aériennes roumaines entendent se doter de trois escadrons armés du chasseur de 5ᵉ génération F-35A de Lockheed-Martin. La première commande, annoncée par le ministère de la Défense, est donc attendue pou 2024.

Elle portera sur 32 chasseurs ainsi que 35 moteurs, un simulateur et l’armement, les pièces détachées et la formation nécessaire pour mettre en œuvre, à partir de 2030, les premiers appareils au sein des deux escadrons qui les recevront initialement. Le ministère de la Défense prévoit une enveloppe de 6,5 Md€ pour financer ce programme.

On notera que Bucarest ne sera pas passé, dans ce dossier, par un appel d’offre, ni par une mise en concurrence, pas davantage qu’il ne le fera, semble-t-il, concernant son programme de sous-marin, ou ses programmes terrestres.

Lockheed-Martin F-35A
L’arrivée des Lockheed-Martin F-35A au sein des forces aériennes européennes, de 2015 à 2035, va considérablement réduire le marché adressable des programmes SCAF et GCAP

Le choix du F-35A par les forces aériennes roumaines n’a, en revanche, rien de surprenant. Face à la menace russe, la guerre en Ukraine a, en effet, montré toutes les limites de la protection potentielle offerte par les européens de l’ouest, alors que Washington continue de donner le La pour l’OTAN.

En outre, l’appareil est aujourd’hui, de fait, un standard européen, tandis que 10 forces aériennes ont déjà choisi le chasseur américain, et que plusieurs autres (Grèce, Espagne, République tchèque) s’apprêtent à le faire, marginalisant les avions européens.

Reste que cette annonce va encore davantage creuser l’écart entre les appareils européens et américains au sein des forces aériennes du vieux continent, alors même que les Etats-Unis vont devoir entamer un rapide et massif pivot vers le Pacifique pour contenir la puissance chinoise.

Surtout, l’arrivée de ces F-35A neufs à échéance 2030, va considérablement réduire le marché adressable du SCAF et autres GCAP, en dehors des partenaires des programmes. Le risque est grand, de fait, que ces programmes soient, à l’instar du Rafale et du Typhoon face aux F-16 et F-18, à contre-temps des vagues d’acquisitions coordonnées en Europe et dans le monde, conditionnées aujourd’hui par le remplacement de ces deux appareils américains.

Washington parie sur une alliance Corée du Sud Japon, face à la Chine, la Corée du Nord et la Russie dans le Pacifique

Le président Biden tente de construire une alliance Corée du Sud Japon pour faire face à la montée des tensions et des menaces sur le théâtre Pacifique occidental, en invitant les chefs d’État des deux pays ensemble à Camp David.

Avec 18 destroyers AEGIS, plus de 40 sous-marins d’attaque, une cinquantaine de frégates et plus de 600 avions de combat, la puissance militaire que représenterait une action coordonnée des forces navales et aériennes de Corée du Sud et du Japon, serait considérable. Elle pourrait même s’avérer suffisante pour contenir, à elles seules, la montée en puissance des armées chinoises, russes et nord-coréennes dans ce domaine.

Ce potentiel militaire n’a certes pas échappé à Washington, qui peine à suivre le rythme industriel et technologique imposé par Pékin. Cependant, et contrairement aux pays européens qui ont su passer au-delà de leur histoire belliqueuse, Séoul et Tokyo ont toujours eu, ces dernières décennies, des relations pour le moins tumultueuses.

En cause, la période allant de 1910 à 1945, marquée par l‘invasion puis l’occupation de la péninsule coréenne par l’Empire du Japon. Celle-ci s’est accompagnée de nombreuses exactions perpétrées par les forces impériales, Ainsi que l’exploitation massive de la main d’œuvre coréenne considérée comme « inférieure » par l’occupant.

Si, bien évidemment, le Japon moderne n’a plus guère à voir avec son ancêtre impérial, le ressentiment reste puissant en Corée du Sud contre le Japon, et est régulièrement exploité à des fins électorales à tendance nationalistes, notamment pour exiger des réparations de la part de Tokyo.

Une alliance Corée du Sud Japon formerait une puissance navale et arienne considérable dur le théâtre du Pacifique occidental
Une alliance Corée du Sud Japon formerait une puissance navale et arienne considérable dur le théâtre du Pacifique occidental

De son côté, la classe politique nippone, et plus particulièrement le Parti libéral démocrate à tendance nationaliste, au pouvoir depuis 2012, estime avoir déjà réglé le sujet, et n’entend pas servir de marchepied à la politique intérieure sud-coréenne.

Si certaines avancées avaient été obtenues par Washington dans les années 2010, les relations entre les deux pays se sont de nouveau détériorées en 2019, au point qu’une loi fut votée par le Parlement sud-coréen, interdisant la normalisation des relations avec Tokyo tant que des excuses officielles, et des compensations financières, n’auront pas été acquises.

Dans le même temps, la situation sécuritaire régionale s’est considérablement détériorée, tant par la montée en puissance des armées chinoises, que du durcissement du régime nord-coréen, plus prompt à brandir la menace balistique et nucléaire, et d’une implication croissante de la flotte russe du Pacifique à leurs côtés.

Même si ces dernières décennies, Washington s’était relativement satisfait des relations distendues entre les deux grandes puissances économiques de bloc occidental dans cette région, l’heure n’est plus, aujourd’hui, à des calculs à court terme.

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Les forces aériennes nippones et sud-coréennes alignent conjointement plus de 600 chasseurs, dont 250 F-15

C’est dans ce contexte que Joe Biden a invité le premier ministre nippon, Fumio Kishida, et le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, à sa résidence de Camp David la semaine dernière, avec l’objectif de resserrer les liens entre ses deux alliés stratégiques, et en ligne de mire, l’émergence d’une possible alliance Corée du Sud Japon.

La tâche était toutefois difficile pour le président américain et le Département d’État. En effet, même si ses deux homologues asiatiques sont relativement bien disposés pour certaines avancées dans ce domaine, les tensions restent vives, notamment au sein de l’opinion publique sud-coréenne, venant limiter les gains potentiels.

De fait, les avancées obtenues lors de cette rencontre, ont été restreintes. Les trois dirigeants sont, en effet, convenus de se rencontrer à ce format tous les ans, de créer une liaison téléphonique directe entre les deux dirigeants asiatiques pour pouvoir se contacter sans interférence le cas échéant, et la possibilité d’organiser des exercices trilatéraux, sur une base restant à déterminer.

En revanche, il n’est toujours pas question de connecter directement les systèmes radars des deux pays, une procédure pourtant potentiellement très utile face aux tirs balistiques nord-coréens, même si les armées américaines ont mis en œuvre une connexion répliquées utilisant l’interconnexion de ces systèmes à son propre système de détection.

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Les missiles balistiques nord-coréens, comme ici le Hwasong-8, menacent la Corée du Sud comme le Japon

Il ne fait aucun doute que Washington tentera d’accroître cette coopération, et d’amener Séoul et Tokyo à passer outre leur passé commun, pour éventuellement donner naissance à une alliance militaire comparable à l’OTAN dans le Pacifique.

L’utilisation de l’alliance Aukus qui rassemble déjà les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, pourrait servir de support à une telle initiative, d’autant que d’autres pays, dont la Nouvelle-Zélande, les Philippines et même la France, semblent avoir signifié leur intérêt pour y participer.

Il ne fait aucun doute que cette tâche, qui suppose une évolution profonde des opinions publiques des deux pays, sera probablement difficile à mettre en œuvre sur un calendrier compatible avec l’évolution de la menace.

Ce le sera d’autant plus que Pékin comme Moscou tenteront, par de nombreux moyens, de faire dérailler le processus, tant une alliance formelle entre les deux pays renverserait en profondeur les rapports de force régionaux. Reste à voir, désormais, à quel point l’urgence sécuritaire saura dépasser les vieilles rancunes ?

L’Armée polonaise va recevoir 700 véhicules de combat d’infanterie CBWP lourds

Les nouveaux véhicules de combat d’infanterie CBWP polonais, destinés à accompagner les chars lourds M1 Abrams, ont reçu l’aval du ministère de la Défense, qui vient d’en signer l’accord-cadre pour entamer sa conception.

Ces derniers mois, le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, est devenu le meilleur ami de l’ensemble des sites d’information et des magazines traitant de l’actualité défense. En effet, il ne passe pas une semaine sans qu’il annonce un nouveau programme de défense majeur pour les armées polonaises.

Même en ces temps de canicule et de fin d’été, plutôt peu propices aux annonces dans ce domaine, il ne déroge pas à cette règle. Ainsi, en fin de semaine dernière, il a annoncé avoir approuvé l’accord-cadre pour la conception et la fabrication de 700 véhicules de combat d’infanterie lourds du programme CBWP (pour ciężkich bojowych wozów piechoty en polonais, littéralement véhicule de combat d’infanterie lourd).

700 véhicules de combat d’infanterie CBWP pour l’Armée polonaise

Ces 700 blindés, conçus sur le châssis du canon automoteur KRAB et K9, tous deux en services au sein de l’armée polonaise, seront destinés à épauler les quelque 350 chars lourds M1 Abrams commandés auprès des Etats-Unis. Les 1.400 véhicules de combat d’infanterie moyens Borsuk (blaireau) accompagneront, quant à eux, les 1000 chars K2 et K2PL Black Panther sud-coréens.

Les véhicules de combat d'infanterie CBWP s'appuieront sur le même châssis que les AHS Krab
Les véhicules de combat d’infanterie CBWP s’appuieront sur le même châssis que les AHS Krab

Bien que peu d’informations soient encore disponibles concernant le programme CBWP, il apparait que le blindé sera sensiblement plus lourd et mieux protégé que le Borsuk, chenillé et propulsé par un groupe moteur plus puissant. Il emportera le même équipage de trois personnes, mais transportera huit soldats en armes contre 6 pour le Borsuk.

Il pourra en outre recevoir un blindage complémentaire, sous la forme de briques réactives, mais aussi des plaques additionnelles, ainsi qu’un système de protection active APS hard-kill, dont le modèle n’a pas été défini à ce jour. Le bas de caisse sera, lui aussi, renforcé pour mieux résister aux mines et autres IED.

La tourelle ZSSW-30 du BPW Borsuk

En revanche, il emploiera la même tourelle robotisée ZSSW-30 que le BPW Borsuk et le KTO Rosomak, un véhicule blindé 8×8, variante du Patria AMV finlandais, lui aussi commandé par les armées polonaises à 997 exemplaires. La moitié seront produits en version véhicule de combat d’infanterie, et l’autre en version transport de troupes blindé armée d’une mitrailleuse lourde 12,7 mm.

Entièrement automatisée, la tourelle ZSSW-30 est armée d’un canon Bushmaster 2 de 30 mm, avec la possibilité d’évoluer vers des munitions de 40 mm. Toutefois, selon l’état-major polonais, le calibre 30 mm est aujourd’hui suffisant pour engager et détruire tous les blindés russes de combat, d’infanterie ou de transport de troupe comme les familles BMP et BMD, même dans leurs versions les plus évoluées.

Le CBWP utilisera la même tourelle ZSSW-30 que le Borsuk et la version combat d'infanterie du Rosomak
Le CBWP utilisera la même tourelle ZSSW-30 que le Borsuk et la version combat d’infanterie du Rosomak

En outre, la munition de 30×173 mm employée par le Bushmaster 2 est largement employée au sein de l’OTAN, de sorte à en simplifier les contraintes de logistique et de production de munition. Enfin, les nouveaux blindés russes, comme le Kurganet 25 et le Boomerang, seront aussi vulnérables aux munitions de cette tourelle.

Pour les blindés lourds adverses, comme les chars de combat et l’éventuel véhicule de combat d’infanterie lourd T-15 Armata, si celui-ci entre effectivement en service, le CBWP pourra employer ses 2 missiles antichars Spike-LR d’une portée de 4 000 mètres.

Des perspectives exports difficiles

Par ses arbitrages cohérents et le parc important visé, le nouveau CBWP polonais promet d’être un véhicule de combat d’infanterie lourd performant et attractif, par ailleurs adapté aux besoins des armes polonaises.

Pour autant, il arrivera sur un marché déjà largement entamé avec les KF-41 Lynx et Puma allemands, le CV90 suédois et l’ASCOD espagnol, pour le parler que les productions européennes, alors que le blindé polonais arrivera probablement un peu trop tard pour espérer s’imposer en Europe.

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Le CBWP évoluera dans la même gamme de blindés que le KF-41 Lynx ou le Puma allemands

Reste qu’il y a aujourd’hui une évidente boulimie d’annonces de la part du gouvernement polonais. Effectivement, les élections législatives d’octobre se rapprochent, et que les sondages montrent des résultats très serrés.

La note des programmes successivement annoncés, quant à elle, ne cessent de croitre, sans que les solutions de financement aient été explicitement définies par les autorités jusqu’ici. Il faudra donc attendre que cette échéance soit franchie, quels qu’en soient les résultats, pour se faire une idée exacte de l’avenir des armées polonaises, et de ses nombreux programmes.

La grogne monte contre le programme SSN-AUKUS en Australie, y compris au sein du parti travailliste au pouvoir

En 2022, quelques mois après avoir été annoncés, l’alliance AUKUS et le programme SSN-AUKUS, qui rassemblent l’Australie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, et qui prévoient de doter la Royal Australian Navy de huit sous-marins nucléaires d’attaque, jouissaient d’un important soutien populaire en Australie.

À ce moment-là, en effet, 33 % des Australiens se déclaraient très en faveur de ces programmes, alors que 37 % se disaient plutôt favorable. Seuls 11 % des personnes interrogées se positionnaient fermement contre la conception et l’acquisition de sous-marins nucléaires d’attaque par la Marine australienne.

368 Md$ plus tard, le budget prévisionnel du programme SSN-AUKUS tel qu’il a été prévu par le gouvernement travailliste d’Antony Albanese, la perception publique a sensiblement évolué à ce sujet.

Selon un sondage réalisé en mars dernier, par le même organisme que celui précédemment cité, 26 % des personnes interrogées soutenaient fermement le programme (-7 %), alors que 41 % se déclaraient plutôt favorables (+4 %), 21 % y étant plutôt opposées (+4 %). Un second sondage, réalisé à la même époque par un autre institut, suggérait même que le soutien populaire au programme était désormais à parité avec ceux qui s’y opposaient.

Lancement d'un SNA Virginia Block IV
Trois à cinq des huit SNA australiens seront des navires de la classe Virginia conçus et construits aux Etats-Unis sans que l’industrie australienne n’y participent

Cette dynamique s’est invitée à la convention du parti travailliste australien, actuellement au pouvoir, qui s’est tenue à Brisbane cette semaine. En effet, l’aile gauche du parti, ainsi que les puissants syndicats qui la composent, ont déposé une motion visant précisément à empêcher la poursuite du programme SSN-AUKUS soutenu par le gouvernement Albanese.

Pour les opposants au programme, aucun débat public n’a véritablement eu lieu sur le sujet, ce d’autant que la perception publique quant à la réalité de la menace chinoise est loin d’être aussi tranchée que ne laissent supposer les sondages AUKUS.

De plus, les dépenses engendrées par ce programme, 368 Md$ ($ australiens constants) selon les dernières projections sur l’ensemble de la durée de vie des navires, s’avèrent considérables, équivalentes à plus de 60 % du budget fédéral australien annuel aujourd’hui.

Selon ces opposants, la question de savoir si cette somme doit ou non être investie dans cet unique programme, mérite, elle aussi, un débat public, si ce n’est un référendum.

Rappelons que si le gouvernement promet la création de 20.000 emplois liés à l’exécution de ce programme, sa structure interdit à l’Australie de developper des compétences propres lui permettant d’exploiter les acquis du programme au-delà de lui-même.

Lancement du programme SSN-Aukus a San Diego en mars 2023 avec Antony Albanese, Joe Biden et Rishi Sunak
Lancement du programme SSN-Aukus a San Diego en mars 2023 avec Antony Albanese, Joe Biden et Rishi Sunak

En d’autres termes, une fois le programme terminé, l’industrie australienne sera ramenée à son point de départ, et les investissements fédéraux ne créeront qu’une activité transitoire ne pouvant perdurer par la suite.

La fronde au sein du Parti travailliste australien aura toutefois tourné court, le premier ministre Antony Albanese ayant aisément fait repousser la motion proposée, mettant fin par là même aux discussions à ce sujet.

Cependant, par ses couts pharaoniques, ses retours industriels et technologiques contestables et limités, et l’évidente aliénation aux Etats-unis qu’il entraine, le programme SSN-AUKUS ne manquera probablement pas de susciter encore de nombreux débats dans les mois à venir au pays des kangourous… et des grands requins blancs.

Reste qu’au-delà de ses faiblesses et excès, le programme SSN-AUKUS s’avèrera rapidement trop important, et surtout trop stratégique, pour pouvoir être annulé, même si ses couts et ses délais venaient à s’envoler. Toutefois, à l’instar de l’aile gauche travailliste, on peut raisonnablement s’interroger sur la validité des arbitrages menés, sachant qu’à budget égal, la Royal Australian Navy aurait pu se doter de deux groupes aéronavals complets autour de porte-avions de la classe Queen Elizabeth, et de 12 sous-marins conventionnels ..

L’US Air Force veut plus de tankers et de E-7 Wedgetail pour le théâtre Pacifique

Les flottes de tankers et de E-7 Wedgetail de l’US Air force seront décisives face à la Chine, selon les conclusions du dernier exercice Red Flag, qui s’est tenu du 17 juillet au 4 aout sur la base de Nellis.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’il y a peu, le théâtre Pacifique, et ses contraintes, ne représentait pas un enjeu majeur pour les armées américaines. Concentrées d’abord sur la confrontation avec le bloc soviétique en Europe et en Asie du Sud-Est, puis engagées dans des guerres de moyenne à faible intensité au Moyen-Orient, elles perdirent progressivement les acquis de la campagne du Pacifique face à l’empire japonais.

Ces dernières années, sur une période particulièrement courte, les tensions face à la Chine, notamment autour de l’ile de Taïwan, ressuscitèrent les besoins de devoir s’engager, et s’imposer sur ce théâtre, face à un adversaire en progression rapide, l’Armée Populaire de Libération.

De fait, de nombreux nouveaux programmes taillés pour le Pacifique, son immensité et ses contraintes, ont émergé ces dernières années outre-Atlantique, et ce pour les quatre armées américaines. C’est le cas du char léger M10 Booker, du programme d’artillerie ERCA et des hélicoptères de manœuvre Bell V-280 Valor du programme FLRAA pour l’US Army.

L’US Navy, pour sa part, développe à marche forcée sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque pour passer de 45 navires à plus de 60 d’ici à 2040, et produit d’importants efforts pour étendre sa composante aéronavale, sa flotte de surface, sa flotte logistique ainsi que pour créer une flotte robotisée.

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La puissance aérienne chinoise évolue rapidement, en quantité comme en qualité, avec de nouveaux appareils performants comme le J-16

L’US Marines Corps, sous l’impulsion du général David Berger, son chef d’état-major de 2019 à 2023, a profondément transformé sa structure pour revenir à sa mission première, l’assaut amphibie, renonçant au passage à ses chars lourds et à une grande partie de son artillerie.

Le plus important défi à venir pour s’adapter à ce théâtre concernera toutefois sans le moindre doute l’US Air Force. Celle-ci doit, en effet, simultanément faire face aux contraintes de distance inhérentes au Pacifique, tout en considérant la menace que représentent, pour ses bases aériennes, les missiles balistiques et de croisière chinois, susceptibles de les repousser au-delà du rayon d’avion de ses appareils.

C’est précisément ce scénario qui a été testé lors du dernier exercice Red Flag, qui s’est déroulé du 17 juillet au 4 aout sur la base de Nellis, en Californie. Focalisé sur une éventuelle, mais de plus en plus probable, confrontation avec les forces aériennes et navales de l’Armée Populaire de libération chinoise, l’exercice intégra notamment l’escadron Agressor récemment transformé sur F-35 pour simuler les appareils de 5ᵉ génération adverses, ainsi que les F-16 des autres escadrons pour simuler la masse et la puissance de feu chinoises.

Surtout, les conditions d’engagement s’approchaient au plus près de celles auxquelles les pilotes américains devraient se confronter face à la Chine, autour de Taïwan. Comme c’est souvent le cas, peu d’informations ont filtré quant au déroulement de l’exercice. En revanche, ses conclusions ont été explicitement diffusées par l’état-major de l’US Air Force.

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L’US Air Force dispose désormais d’un escadron Agressor équipé de F-35 pour simuler les chasseurs chinois de 5ᵉ génération.

Il est ainsi apparu qu’un tel engagement nécessiterait, sans grande surprise, un grand nombre d’avions ravitailleurs de sorte à donner aux avions de combat américains l’allonge et l’endurance nécessaire pour s’imposer dans le ciel. Surtout, l’Us Air Force a insisté, à l’issue de l’exercice, sur l’urgence de se doter rapidement d’une importante flotte de E-7 Wedgetail.

Le Boeing E-7 Wedgetail est un appareil de veille aérienne avancée conçu initialement à la demande de l’Australie, sur la base du Boeing 737. Bien plus évolué et moderne que les E-3 Sentry qu’ils remplacent, ils disposent notamment d’un système radar doté d’une antenne AESA, de puissants systèmes de communication et d’une panoplie de défense et de guerre électronique moderne et performante.

Selon l’US Air Force, la présence de Wedgetail, non pas un, mais deux ou trois, en appuie des avions de combat, constitue un atout de taille pour s’imposer face à un adversaire comme la Chine, pour peu qu’ils puissent être déployés en nombre et dans la durée.

Il y a quelques mois, l’US Air Force avait annoncé une commande de 26 E-7A Wedgetail pour remplacer la flotte de E-3 Sentry vieillissante. Les premiers appareils, qui disposeront d’un radar plus puissant et d’une avionique plus évoluée que les versions australiennes, turques ou sud-coréennes, entreront en service à partir de 2027.

Le E-7 Wedgetail dispose de capteurs et de capacités beaucoup plus évoluées que celles du E-3 Sentry qu'il remplace.
Le E-7 Wedgetail dispose de capteurs et de capacités beaucoup plus évoluées que celles du E-3 Sentry qu’il remplace.

Pour autant, une flotte de « seulement » 26 Wedgetail n’est pas suffisante pour déployer de manière continue, et dans la durée, 2 ou 3 appareils dans un engagement distant face à l’APL. Ou du moins est-elle uniquement suffisante pour y parvenir, en excluant tout autre déploiement et en concentrant l’ensemble des moyens sur cet unique théâtre.

On notera également que l’USAF désigne spécifiquement le E-7 Wedgetail comme indispensable dans son compte rendu, et non plus généralement un appareil de veille aérienne, comme l’E-3 Sentry. Cela laisse supposer que le vénérable Awacs entré en service en 1977, n’apporte pas la plus-value nécessaire et suffisante pour s’imposer sur ce théâtre selon les militaires américains.

Sur la base des conclusions avancées autour de cet exercice, mais également des craintes croissantes exprimées par le Pentagone de voir un conflit avec la Chine autour de Taïwan éclater d’ici à 2027, il est probable que l’US Air force tentera, dans les mois à venir, d’accélérer et d’entendre ses programmes de modernisation de sa flotte de tankers, et le remplacement de sa flotte de E-3 Sentry.

Reste à voir si les finances américaines, comme les ressources humaines que l’on sait sous tension, permettront de répondre positivement aux attentes de l’USAF. C’est loin d’être acquis.

Les exportations de l’industrie de défense russe en chute libre

À la fin de la précédente décennie, en 2019 et 2020, les exportations de l’industrie de défense russe atteignaient, en moyenne, 15 Md$ par an. Elles représentaient alors une ressource majeure de devises pour le budget fédéral, et la première activité industrielle exportatrice du pays.

Pour soutenir ces exportations, les entreprises russes s’appuient de plus en plus sur le salon Army, organisé près de Moscou chaque année, et dont l’audience a considérablement augmenté ces dernières années.

70 % de baisse des exportations de l’industrie de défense russe lors du salon Army-2023

Ainsi, l’édition 2021 du salon permit aux industriels de signer plus de 2 Md$ de contrats à l’exportation, mais également de présenter en grandes pompes certains nouveaux programmes, comme le chasseur léger Su-75 Checkmate.

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Le chasseur léger Su-75 fut la grande vedette du salon Army-2021

Depuis deux ans, cependant, les exportations militaires russes sont en chute libre, comme l’atteste l’annonce de Rosoboronexport à l’issue du salon Army-2023. En effet, lors de cette édition se voulant relancer la dynamique des exportations militaires russes, les prises de commande n’ont atteint que 600 m$, 70 % de moins qu’en 2021.

Plusieurs raisons expliquent cette descente aux enfers des exportations russes dans ce domaine, dont on trouve les prémices à partir de 2019, entre les conséquences de la guerre en Ukraine et la législation CAATSA américaine,

La campagne militaire entamée le 24 février 2022 par les armées russes contre l’Ukraine, qui devait initialement durer juste quelques jours, voire quelques semaines, a en effet, une influence majeure sur cette situation.

Les répercussions de la Guerre en Ukraine sur les exportations de défense russes

Tout d’abord, l’enlisement du conflit et les pertes considérables, en hommes comme en matériel, enregistrées par les armées russes, ont obligé les industries russes à concentrer leur production pour régénérer les moyens russes, sacrifiant pour cela les contrats exports.

À ce titre, de multiples contrats de livraison ont été suspendus, y compris concernant certains clients traditionnels et stratégiques de l’industrie de défense russe, comme l’Inde, l’Algérie ou le Vietnam. En conséquence, même les clients fidèles se sont écartés des offres de cette industrie, comme le montre l’éviction des offres russes de nombreuses compétitions, notamment en Inde, au profit d’équipements occidentaux.

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Les équipements russes n’ont pas démontré d’excellentes capacités en début de conflit face à l’Ukraine

Les performances des forces armées russes en Ukraine, en particulier au début du conflit, ont probablement influencé le désamour de ces clients pour les équipements militaires de facture russe. C’est particulièrement sensible dans le domaine des systèmes d’artillerie, surclassés de manière évidente par leurs équivalents occidentaux, des blindés ou encore des systèmes sol air.

Ainsi, de nombreux systèmes d’armes qui jouissaient jusque-là d’une réputation flatteuse, comme les systèmes antiaériens S-400 ou Pantsir S, le char T-90M ou le chasseur bombardier Su-34, ont montré d’évidentes limites lors de ce conflit. Sans pouvoir être effectivement quantifié, il est probable que l’image des équipements militaires russes sur la scène internationale, aura été durablement ternie en Ukraine.

La montée en puissance de la législation CAATSA

En 2017, le Congrès américain vota la loi Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act, abrégée en CAATSA, signée le 2 aout 2017 par le président Trump. Celle-ci permettait à l’exécutif et au Congrès américains de mettre sous sanction des états comme des personnalités et des entreprises, pour avoir acquis certains équipements stratégiques auprès des adversaires des Etats-Unis, comme la Corée du Nord, l’Iran et la Russie.

La portée de cette nouvelle loi, par ailleurs accueillie fraichement sur la scène internationale, y compris auprès des alliés des Etats-Unis, fut ponctuelle durant plusieurs années, en dehors de l’épisode des systèmes S-400 acquis par la Turquie.

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L’acquisition par Ankara de S-400 russes a déclenché d’importantes sanctions américaines

Avec la hausse des tensions internationales, celle-ci fut intensément et systématiquement brandie par Washington, pour contenir les acquisitions potentielles de certains matériels russes. C’est ainsi qu’en 2020, le Caire annula une commande supposée de 24 chasseurs Su-35s, après que l’exécutif américain eut menacé de mettre sous sanction le pays et ses armées majoritairement équipées de matériels américains.

D’autres clients potentiels des matériels majeurs de l’industrie de défense russe s’en sont détournés ces dernières années en raison de cette menace américaine, dont l’Indonésie, le Maroc ou encore l’Argentine. Même les clients traditionnels de l’industrie de defense russe, comme l’Inde, le Vietnam ou l’Algérie, semblent aujourd’hui montrer une plus grande prudence dans ce domaine, pour ne pas déclencher l’ire de Washington.

On notera que si cette loi a parfois fait les affaires des industries de defense occidentales, notamment européennes, sud-coréennes et israéliennes, rien n’indique à ce jour qu’elle a profité aux équipements militaires américains. En revanche, elle a probablement ouvert la voie aux armements chinois dans de nombreux pays (Serbie, Maroc, Thaïlande…)

Quelles conséquences de la baisse des exportations militaires russes ?

Bien que considérable, la baisse des exportations militaires russes n’aura probablement pas d’importantes répercussions sur l’outil industriel de défense du pays, tout du moins rapidement.

En effet, au-delà des devises rapportées, ces exportations servaient essentiellement à maintenir à flot l’immense complexe industriel militaire du pays, qui employait en 2021 plus d’un million de salariés sur l’ensemble du territoire. Dans le même temps, elles donnaient à Moscou d’importants moyens de négociation sur la scène internationale, pour consolider le statut de grande puissance du pays.

industrie de défense russe ne manque pas d'activité aujourd'hui
L’industrie de défense russe ne manque pas d’activité aujourd’hui

Or, dans le présent contexte de guerre face l’Ukraine, un immense effort a été entrepris par les autorités russes pour passer en « économie de guerre », de manière autrement sensible qu’en Europe ou aux Etats-Unis. Ainsi, les cadences de production des grandes usines d’équipements militaires, comme Uralvagonzavod qui construit les chars T-90M, ont été sensiblement augmentées, après que la chaine d’approvisionnement et de sous-traitance a été réorganisée face aux sanctions occidentales.

En d’autres termes, les usines de défense russes ne manquent pas, aujourd’hui, d’activité, bien au contraire. Les éventuels contrats à l’exportation qui pourraient être signés, ne seraient probablement pas produits avant la fin du conflit.

En outre, si les équipements militaires russes obtenaient souvent de piètres résultats opérationnels en début de conflit, ils semblent aujourd’hui plus performants, ou tout simplement mieux employés. Si leur image pouvaient être altérées ces derniers mois, il est donc possible qu’elles s’améliorent dans les mois et années à venir.

Enfin, la législation CAATSA parait avoir accéléré un certain retour à un monde bipolaire. Une fois les deux « camps » identifiés et stabilisés, Moscou pourra alors s’adresser à un marché peu perméable aux menaces américaines dans ce domaine.

Conclusion

Reste que la mise en retrait du marché international de l’industrie de défense russe, aura également permis l’émergence de nouveaux acteurs, qu’ils appartiennent au bloc occidental (Corée du Sud, Israël, Turquie) ou pas (Chine, Inde, Pakistan, Iran…).

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Plusieurs pays comblent les vides laissés aujourd’hui par l’industrie de defense russe sur le marché international

Ces pays, avec eux leurs industries de défense, ont enregistré d’importants succès à l’exportation ces dernières années, souvent au détriment des industriels russes. Il sera donc difficile à Moscou de réinvestir ce marché international, d’autant plus que la guerre en Ukraine et l’absence russe seront longues.

Pour autant, contrairement à nombre de ces émergents, la Russie peut, pour de nombreuses années, se permettre de conserver et même developper son industrie de défense, sans devoir s’appuyer sur les exportations pour en garantir la pérennité.

De fait, à l’instar de la stratégie appliquée face à l’Ukraine, Moscou a le temps d’attendre pour se saisir de nouvelles opportunités dans les années et mêmes décennies à venir, et renouer avec ce marché stratégique. Sera-ce un pari payant ? C’est toute la question aujourd’hui…

L’US Navy retire la LCS Sioux City du service 5 ans seulement après son admission

L’US Navy vient d’annonce le retrait du service de la LCS Sioux City, 6ᵉ unité de la classe Freedom, alors que le navire a plus de 1 Md$ est entré en service en novembre 2018, il y a tout juste 5 ans.

Dire que le programme Littoral Combat Ship ou LCS de l’US Navy est un formidable échec tiendrait probablement de l’euphémisme. En effet, au-delà des nombreux déboires qu’ont rencontrés les navires des classes Independence et Freedom depuis leur admission au service actif à la fin des années 2000, ces navires ne sont jamais parvenus à faire ce pour quoi ils étaient conçus.

Initialement, le programme LCS devait permettre à l’US Navy de compenser le retrait du service des frégates de la classe O.H Perry, ainsi que celui à venir des chasseurs de mines de la classe Avenger. Pour cela, les navires des classes Freedom et Independence devaient disposer d’une grande modularité, leur permettant de répondre à un vaste panel de missions allant de la présence en zone de moindre intensité, à la lutte anti-sous-marine et la guerre des mines en zone littorale.

Face aux nombreuses difficultés rencontrées, le développement des modules de mission fut interrompu en 2015, laissant des navires faiblement armés et incapables d’effectuer les missions spécialisées comme la lutte ASM ou la guerre des mines. Dans le même temps, le durcissement des tensions internationales, réduit le potentiel offensif et défensif de ces navires, insuffisants pour être engagés face à la Marine chinoise ou russe.

De fait, dès le milieu de la précédente décennies, l’US Navy entreprit de réduire radicalement le volume de LCS devant être livré. Elle espérait ainsi libérer hommes et crédits pour armer nouveau programme de frégates en cours de conception, qui deviendra par la suite la classe Constellation. C’était toutefois sans compter sans le conservatisme des parlementaires américains, et par leurs intérêts à défendre la poursuite des programmes pour dorer leur image politique locale.

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Les deux premières LCS de la classe Independence ont déjà été retirés du service

Si le programme LCS devait initialement livrer 50 navires, celui-ci fut toutefois ramené à 32 coques face aux instances de la Navy, les dernières unités étant toujours en construction dans les chantiers navals Austral et Lockheed-Martin.

Pour autant, avec l’évolution des tensions, des moyens militaires chinois et russes, et des difficultés rencontrées par l’US Navy en matière budgétaire et RH, celle-ci a entrepris, depuis 3 ans, un important bras de fer avec le Congrès pour retirer du service le plus de LCS possibles, faute de pouvoir empêcher leur livraison.

C’est ainsi que l’USS Freedom, tête de série de la classe éponyme, entrée en service en novembre 2008, l’a quitté le 29 septembre 2021, soit après seulement 13 ans de service sur les 25 initialement prévus. La situation n’est guère meilleure pour la classe Independance, l’USS Independence ayant quitté le service le 29 juillet 2021 après 11 ans, et l’USS Coronado un an plus tard, après 10 ans.

Le retrait annoncé de l’USS Sioux City, 6ᵉ unité de la classe Freedom, marque une nouvelle étape dans ce domaine. En effet, le navire est entré en service le 17 novembre 2018, et n’aura navigué sous les couleurs de l’US Navy que 5 années sur les 25 initialement prévues.

La LCS Sioux City est retirée du service par l'US Navy
L’USS Sioux City est la seconde LCS de la classe Freedom à quitter le service, après seulement 5 années sous pavillon de l’US Navy.

À plus de 1 Md$ le navire, conception comprise (36 Md$ pour 32 LCS), il s’agit là d’un formidable exemple des capacités des armées occidentales, américaines en particulier, pour gaspiller l’argent du contribuable, alors même que les Armées US n’ont jamais autant en demande de nouveaux moyens depuis 40 ans.

Les responsabilités de ce fiasco considérable sont diffuses. À l’instar du programme Zumwalt, l’US Navy a tenu à concevoir un navire se voulant trop innovant pour ses moyens technologiques du moment, et a explicitement manqué de sens de l’anticipation concernant les évolutions géopolitiques en cours.

Les parlementaires américains, et plus particulièrement les sénateurs, ont également eu un rôle décisif dans cet échec. D’abord, ils ont empêché l’US Navy de mettre fin de façon prématurée au programme pour préserver l’activité industrielle des deux chantiers navals. Par ailleurs, ils ont forcé l’US Navy à armer les navires, sans qu’il y ait, de manière évidente, de besoins adaptés à leurs capacités spécifiques.

Enfin, l’exécutif américain, qu’il s’agisse de l’administration Biden aujourd’hui, ou Trump et Obama avant elle, a surtout appliqué la politique de l’autruche, en laissant l’US Navy et le Congrès s’engager dans un bras de fer, sans chercher à arbitrer dans un sens ou dans l’autre.

Austal USA Launched the 30th Littoral Combat Ship for the US Navy Intelligence Artificielle | Déni d'accès | Drones de combat
La gabegie budgétaire des LCS est en partie liée à des intérêts de politiques locales des parlementaires US.

Reste à voir, désormais, quel sera l’avenir donné à ces coques encore récentes. La logique voudrait que l’US Navy les vende à tarif privilégié à certains alliés. On pense notamment aux pays Baltes, à la Bulgarie ou la Croatie, ne bénéficiant pas de moyens importants, mais pouvant jouer un rôle dans les mers étroites comme la Baltique, la mer du Nord ou l’Adriatique. Elles pourraient également être avantageusement transmises à l’Ukraine ou la Géorgie, de sorte à contenir la flotte russe de la mer Noire.

Toutefois, les coques retirées du service par l’US Navy n’ont pas été réparées suite aux nombreuses avaries et défauts de conception. De fait, le Sioux City, comme les navires précédemment retirés du service, doivent subit d’importantes (et onéreuses) réparations avant de pouvoir être exploités, ce qui en réduit considérablement l’attractivité sur le marché de l’occasion.