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L’avion de transport à fuselage intégré Z-5 de JetZero : un atout militaire allié, mais une menace pour Airbus

L’US Air Force choisit le Z-5, développé par la Startup JetZero et l’avionneur Northrop-Grumman, pour étudier le principe du fuselage intégré et ouvrir de nouvelles opportunités pour l’avenir de sa flotte de transport stratégique et d’avions ravitailleurs, avec un œil sur la compétition avec Airbus dans le domaine du transport civil.

Il y a quelques mois, le géant américain de l’aéronautique Northrop-Grumman présentait sa vision de ce que pourrait être l’avenir du ravitaillement en vol de l’US Air Force. Le projet, désigné Z-5, est développé par la startup JetZero, et repose sur le principe du Fuselage Intégré (Blended Wing Body ou BWB en anglais), garantissant une trainée réduite pour des performances sensiblement accrues.

Si, pour l’heure, l’US Air Force n’en est pas à choisir son futur avion ravitailleur dans le cadre du programme KCz, elle n’en a pas moins été sensible aux arguments avancés par le concepteur du B-2 Spirit et du B-21 Raider. En effet, celle-ci vient d’annoncer qu’elle financerait la construction d’un démonstrateur du Z-5 d’ici à 2027, de sorte à acquérir des compétences technologiques qui seront, selon ses dires, utiles tant pour le transport militaire… que pour le transport commercial.

Les performances du Z-5 de JetZero intéressent l’US Air Force

Il faut dire que le Z-5, et plus généralement les appareils conçus sur le principe du fuselage intégré, ne manquent pas d’attrait pour les militaires dans le domaine du transport aérien stratégique et le ravitaillement en vol, comme pour les avionneurs de transport civil, tel Boeing.

Cette architecture permet de sensiblement réduire les trainées générées par la cellule, les ailes ainsi que les moteurs, en concevant une cellule portante, des ailes fines et des cellules moteurs en parties masquées pour en réduire la résistance à l’air. En outre, cette forme permet de concevoir des appareils plus compacts ayant la même capacité d’emport que les longs liners tubulaires actuellement en service.

Le Z-5 de JetZero repose sur une architecture de type fuselage intégré

Le tout réduit la résistance à l’air de l’aéronef, tout en augmentant la portance, de sorte à réduire de près de 50 % la consommation à charge égale, donc d’augmenter d’autant l’autonomie ou le rayon d’action. En outre, la portance accrue de la cellule permet aux appareils d’avoir une vitesse de décrochage plus basse, et en conséquence de décoller et d’atterrir sur des distances plus réduites.

Bien évidemment, du point de vue militaire, de telles performances peuvent susciter un grand intérêt. Elles permettraient, en effet, de concevoir un avion de transport stratégique, successeur du C-17, capable de transporter des charges plus importantes sur des distances considérables, tout avec des pistes plus réduites.

Dans le domaine désormais hautement stratégique du ravitaillement en vol, elles garantissent une autonomie largement étendue, de sorte à apporter une réponse potentielle au défi que représente le théâtre Pacifique pour les Etats-Unis.

Enfin, même si tel n’est pas sa fonction première, cette architecture permet d’optimiser, à moindre frais, la furtivité radar, mais également infrarouge de l’appareil, et donc d’améliorer sa survivabilité au combat.

KC46A et F35 Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs

Northrop-Grumman au chevet de Boeing face à Airbus ?

Mais, avec le développement du démonstrateur Z-5 par l’US Air Force, les bénéfices attendus dépassent le cadre purement militaire. Dans sa déclaration publique, celle-ci ne manque pas de faire valoir l’intérêt d’une telle technologie pour le marché du transport aérien civil, alors que les avionneurs américains, spécifiquement Boeing, ont perdu d’importantes parts de marché ces dernières années face à Airbus notamment.

En effet, les qualités attendues pour le transport militaire, se transposent à merveille dans le transport civil, avec une consommation spécifique considérablement réduite, alors que le prix du carburant représente aujourd’hui de 20 % et 40 % du prix d’un billet d’avion, et que les considérations écologiques pèsent sur ce domaine.

Il est toutefois intéressant de noter que l’US Air Force met en avant cet aspect autour de ce programme, alors que les Etats-Unis n’ont cessé de critiquer, et même de combattre par des moyens légaux, l’interventionnisme européen dans le succès d’Airbus ces dernières décennies.

Airbus emploie 14.000 personnes en Grande Bretagne sur 25 sites conditionnant 100.000 emplois dans le pays Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
La compétition Boeing-Airbus dans le viseur de l’US Air Force

L’avionneur européen, qui pourrait être tenté d’attaquer ce programme américain, et donc le financement d’un programme de recherche civil dans le cadre militaire, serait probablement avisé de faire comme Northrop, et de faire financer sans scrupules par l’Union européenne, ou par les Etats, un programme semblable à visée mixte militaire et civile.

En effet, si le Z-5 a le potentiel de venir menacer les parts de marchés civiles d’Airbus, il convient de tenir compte du potentiel militaire important, et stratégique, qu’un tel appareil apporterait aux forces aériennes américaines et alliées dans le contexte sécuritaire en développement.

Quoi qu’il en soit, il est désormais nécessaire aux européens de répondre à l’initiative américaine, tant du point de vue militaire que pour le marché de l’aviation de transport civil, de sorte à ne pas conférer aux avionneurs US un atout susceptible de profondément bouleverser ces marchés, et de perdre la position dominante acquise de hautes luttes ces dernières années.

Varsovie a-t-elle visé trop haut concernant les forces armées polonaises ?

La Pologne fait office de lièvre en Europe en matière d’effort de défense et de modernisation des forces armées polonaises ces dernières années, et plus particulièrement depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine. Avant même l’attaque contre Kyiv, Varsovie était déjà parmi les excellents élèves de l’OTAN dans ce domaine, avec un effort de defense à 2,5 %, ne cédant qu’aux Etats-Unis et à la Grèce dans ce domaine.

Depuis, les autorités polonaises ont fait de la construction de l’outil militaire du pays, un objectif stratégique majeur, en visant rapidement un effort de défense au-delà de 3,5 % de son PIB, et en multipliant les annonces et les contrats d’acquisition.

Un effort sans précédent pour les forces armées polonaises

Il faut dire que ces annonces peuvent impressionner, avec l’ambition de passer de 4 à 6 divisions mécanisées d’ici à 2035, l’acquisition de 1350 chars de combat M1 Abrams et K2, de 1400 véhicules de combat d’infanterie Borsuk, de 96 hélicoptères antichars Apache ou encore de presque 700 canons automoteurs de 155 mm K9 et Krab, et autant de systèmes lance-roquettes HIMARS et K239.

Dans le domaine aérien, outre l’acquisition de 34 F-35A annoncée en 2019, la Pologne a fait l’acquisition de 50 chasseurs légers FA-50 sud-coréens, et lorgne de manière insistante sur le KF-21 Boramae du même constructeur, avec un calendrier annoncé pour 2026. Dans le domaine naval, la construction de la première frégate du programme Miecznick a débuté cette semaine, alors que le programme de sous-marins ORKA a été relancé.

Les premiers FA-50 polonais sont entrés en service il y a quelques jours
Les premiers FA-50 polonais sont entrés en service il y a quelques jours

Même le domaine spatial est investi par Varsovie, avec la commande, en décembre dernier, de deux satellites d’observation militaire auprès du français Airbus DS. De fait, tout porte à croire que les armées polonaises vont devenir un formidable outil militaire dans les années à venir, susceptible de contenir presque à lui seul la menace russe qui ne manquera pas de réémerger une foi le conflit en ukrainien terminé.

On peut d’ailleurs penser que les récents renoncements des européens de l’ouest au sujet de la densification des capacités haute intensité de leurs armées, sont en partie liés à la certitude que Varsovie constituera un glacis infranchissable aux armées russes dans les années à venir.

Des tensions en matière de ressources humaines

Cependant, à l’instar de leurs homologues occidentales, les armées polonaises semblent, elles aussi, rencontrer d’importantes difficultés dans le domaine des ressources humaines, venant potentiellement menacer l’outil hors du commun conçu par le gouvernement.

Selon un article publié par le site d’information défense polonais Defense24.pl, les armées polonaises feraient, en effet, face à d’importantes tensions dans ce domaine, liées non pas à des difficultés de recrutement comme en Europe occidentale ou aux Etats-Unis, mais à la fidélisation de ses cadres.

Les forces armées polonaises, elles aussi, rencontrent des difficultés en matière de ressources humaines
Les forces armées polonaises, elles aussi, rencontrent des difficultés en matière de ressources humaines

Ainsi, selon l’article, nombre de cadres majeurs, officiers, mais également sous-officiers, constituant aujourd’hui l’ossature de la chaine d’encadrement des armées, précipitent leur départ en retraite, venant menacer la pyramide des âges et des grades consubstantielles d’une armée efficace.

Les raisons évoquées pour ces départs anticipés reposent sur la pression opérationnelle excessive liée aux tensions avec la Biélorussie et la guerre en Ukraine, des conditions de travail de plus en plus difficiles ainsi que l’attractivité croissante du secteur civil, en demande de ce type de profil.

Or, ce phénomène semble destiné à durer dans le temps, les cadres d’aujourd’hui ayant été formé lorsque les armées polonaises étaient dans leur format le plus réduit. Finalement, cette crise, presque impossible à résoudre rapidement sans dégrader les moyens d’encadrement et de formation des armées.

Quelles conséquences pour les armées polonaises ?

Bien évidemment, si ces tensions RH viennent menacer l’encadrement des armées polonaises dans leur format actuel, elles menacent encore davantage les ambitions affichées par Varsovie, visant une augmentation sensible des moyens pour atteindre une force armée à 200.000 hommes, autant que l’Allemagne deux fois plus peuplée.

K2 pour les armées polonaises
Au-delà des 180 K2 déjà commandés, la Pologne prévoit de construire localement 600 exemplaires pour atteindre un parc total de 1000 unités.

En conséquence, si la trajectoire RH ne peut être respectée, il est probable que les ambitions en termes d’équipement seront, elles aussi, revues à la baisse, d’autant que nombre de contrats ne sont pas encore signés, ou n’ont fait l’objet que d’une commande partielle.

Les élections législatives polonaises en perspectives

Pour autant, on peut s’attendre à ce que ces difficultés ne donnent pas lieu à des arbitrages majeurs avant l’échéance des élections législatives du 15 octobres. Les derniers sondages montrent que la coalition de droite au gouvernement, autour du parti Droit et Justice, n’attendra pas la majorité absolue comme en 2019. Elle pourrait même perdre les élections en cas de coalition étendue entre le centre-droit, les verts et la gauche polonaise.

Comme ce fut le cas en Turquie il y a quelques mois, les questions de défense et les ambitions affichées par le parti gouvernemental, jouent un rôle central dans le discours politique du parti Droit et Justice. À l’inverse, l’opposition polonaise, dans sa majorité, s’inquiète des dépenses excessives engendrées par les récents programmes d’acquisition, et par leurs effets sur la fiscalité à venir.

parlement polonais
Les prochaines élections législatives du 15 octobre risquent de mettre en difficulté le parti Droit et Justice

Au-delà de la Pologne, une éventuelle réduction des ambitions affichées par Varsovie dans le domaine militaire, viendra mettre à mal la plupart des trajectoires définies par les pays d’Europe de l’Ouest ayant négligé la reconstruction de forces destinées à la Haute intensité pour faire face à la menace russe.

Une chose est certaine, désormais. Les autorités polonaises souhaitaient faire de leurs investissements de defense et de leurs armées un outil central dans les relations et rapport de force parfois houleux entre Varsovie et l’Union européenne, et ainsi être au centre du débat. D’une manière ou d’une autre, il est probable que la Pologne le sera effectivement dans les mois à venir.

L’ingénierie de Formule 1 pour guider la conception des avions de combat modernes ?

Face au dynamisme technologique chinois, la conception des avions de combat américains profiterait de s’inspirer des méthodes employées par les équipes de Formule 1, selon Will Roper, ancien directeur des acquisitions de l’US Air Force.

Alors qu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force de 2019 à 2021, le docteur Will Roper a profondément marqué les esprits de l’ingénierie aéronautique par ses idées innovantes et ses positions audacieuses en matière d’ingénierie aéronautique et de direction des programmes militaires.

Le docteur Roper préconisait notamment un emploi massif et coordonné des modèles numériques et de la technologie des jumeaux numériques pour concevoir rapidement de nouveaux appareils, plus spécialisés, économiques et destinés à rester opérationnels sur une période de temps plus courte, de sorte à raccourcir le tempo technologique et ainsi relever le défi posé par la Chine.

Le Secrétaire américain à l’Air Force de l’administration Biden, Franck Kendall Jr, n’a toutefois pas poursuivi dans cette voie, bien au contraire. Non seulement a-t-il mis fin aux programmes lancés par Roper, mais il met en œuvre une doctrine industrielle beaucoup plus traditionnelle, basée sur des grandes séries d’appareils polyvalents onéreux, comme le programme F-35 ou le futur programme NGAD.

En outre, face aux difficultés rencontrées dans le développement du programme d’avion d’entrainement T-7A Red Hawk qui doit remplacer les T-38 Talons encore employés pour former les pilotes de chasse américains, M Kendall a pris une certaine distance avec les bénéfices et surtout la maturité de l’utilisation des modèles numériques appliqués à l’aéronautique militaire.

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Les performances des modèles numériques de conception de Formule 1 pourraient être supérieures à celles des modèles aéronautiques aujourd’hui, selon Will Roper

C’est précisément ce qui a fait réagir le docteur Roper à l’occasion d’une interview donnée au site américain breakingDefense.com. Bien que discret depuis son retour à la vie civile, l’ancien Tzar des acquisitions de l’Us Air Force a tenu à défendre à nouveau les positions qu’il avait prises lorsqu’il présidait aux acquisitions de l’US Air Force.

Ainsi, selon lui, la conception aéronautique militaire, mais également les programmes gouvernementaux qui les encadrent, profiteraient grandement de s’inspirer de la manière dont travaillent les équipes de Formule 1, elles aussi faisant un usage massif de la technologie des jumeaux numériques.

En effet, à l’instar des avions de combat, les Formule 1 doivent répondre à des contraintes aérodynamiques très complexes pour gagner les dixièmes de seconde et s’imposer lors des courses.

Pour cela, les ingénieurs ont amélioré l’efficacité et la pertinence de leurs modèles au fil des saisons, de sorte qu’aujourd’hui, ces modèles, initialement imparfaits, s’avèrent beaucoup plus efficaces, et permettent effectivement d’obtenir des résultats sans commune mesure en termes de délais et de couts, avec la conception traditionnelle.

Ce n’est pas tant les modèles employés par la Formule 1 que le docteur Roper mit en avant dans cette interview, que la démarche mise en œuvre, répétée avec des courtes échéances, permettant d’améliorer rapidement la performance des modèles mathématiques.

La conception des avions de combat doit être modernisée selon Will Roper
Le docteur Roper a marqué de son empreinte les acquisitions de l’US Air Force

À l’inverse, en ne convenant que 2 ou 3 avions de combat tous les 20 ou 30 ans, il est impossible que les industriels américains puissent, eux aussi, faire progresser leurs modèles pour briser le plafond de verre auxquels ils se heurtent aujourd’hui, notamment dans le programme T-7A.

Selon Will Roper, le risque, désormais, serait que la Chine, ou dans une moindre mesure la Russie, parvienne à faire progresser la qualité de leurs propres modèles du fait d’un dynamisme plus important et d’un dogmatisme moins pressant en matière de conception aéronautique.

Rappelons en effet que ces dix dernières années, les forces aériennes chinoises ont admis au service 3 nouveaux chasseurs, le J-15 (2013), J-16 (2015) et J-20(2017), un quatrième appareil, le J-35, étant proche de le faire, ainsi qu’un avion d’entrainement avancé, le JL-10/15 entré en service en 2013.

Sur la même durée de temps, l’industrie aéronautique américain n’aura admis au service qu’un unique appareil, le F-35 en 2015, alors que le T-7A n’entrera pas en service avant 2025 et le NGAD avant 2030, et aucun sur la décennie précédente.

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Le chasseur embarqué J-35 est le 5ᵉ appareil de combat chinois qui entrera en service en 10 ans

De fait, en multipliant les programmes, les ingénieurs chinois accumulent, selon Roper, des données leur permettant d’améliorer rapidement leurs modèles, leur permettant de s’approcher du point de pivot au-delà duquel ils seront en mesure de produire rapidement de nouveaux appareils de manière entièrement numérique, même s’ils sont imparfaits au début, et ainsi prendre un avantage considérable sur l’industrie et les armées américaines dans ce domaine.

Le fait est, rien ne permet aujourd’hui d’attester d’une avance notable des bureaux d’étude chinois en matière de conception et de jumeaux numériques. Pour autant, les arguments avancés par le docteur Roper, et la comparaison faite avec les équipes de Formule 1, ne sont pas négligeables, d’autant qu’ils permettraient, le cas échéant, à la Chine de venir neutraliser l’avantage technologique occidental sur lequel toute la stratégie US est basée pour contenir al domination chinoise dans les années à venir.

En tout état de cause, les conséquences potentielles étant ce qu’elles sont, il semble désormais indispensable de se pencher sérieusement sur les hypothèses et modèles avancés par l’ancien directeur des acquisitions de l’US Air Force, aux Etats-Unis, mais également en Europe, quitte à devoir revenir sur les paradigmes valant dogmes dans ce domaine depuis plusieurs décennies.

Le Japon s’oppose à l’arrivée de l’Arabie Saoudite dans le programme GCAP d’avion de combat de 6ᵉ génération

Le Japon refuse que l’Arabie Saoudite rejoigne le programme GCAP d’avion de combat de 6ᵉ génération, frappant d’un nouveau coup dur les relations entre la Londres et Riyad dans ce domaine, après le refus allemand de livrer 48 Eurofighter Typhoon supplémentaires aux forces aériennes du pays.

Alors que les couts de développement des avions de combat et de leurs systèmes ne cessent de croitre, la tentation est grande, pour les pays européens disposant des compétences technologiques, mais pas des ressources budgétaires pour les faire, de se tourner vers des partenaires internationaux, pour en assurer le financement.

C’est al raison pour laquelle les deux programmes européens d’avions de combat de 6ᵉ génération aujourd’hui, le SCAF piloté par la France d’une part, et le GCAP britannique de l’autre, sont conçus sous la forme de partenariats, respectivement avec l’Allemagne et l’Espagne pour le SCAF, l’Italie et le Japon de l’autre.

Toutefois, la coopération internationale technologique s’accompagne de nombreuses difficultés en matière de partage industriel, au point de parfois venir menacer la pérennité du programme.

Dans ce contexte, l’intégration de pays disposant de moyens financiers considérables, mais d’une industrie de défense réduite, peut apparaitre comme une opportunité rare. C’est sans le moindre doute ce que se sont dit Britanniques et Italiens lorsque le Prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, a fait savoir au premier ministre japonais Fumio Kishida qu’il était prêt à rejoindre le programme GCAP, à l’occasion d’une visite de ce dernier à Djeddah il y a quelques jours.

Malheureusement pour Londres, par la voix de son ministre de la Défense Yasukazu Hamada, Tokyo a douché les espoirs britanniques et italiens. En effet, le Japon n’entend pas accueillir l’Arabie Saoudite dans le programme GCAP en dépit des bonnes relations entretenues avec Riyad, et ce, pour plusieurs raisons.

Le programme GCAP d'avion de combat de 6ᵉ génération intéresse l'Arabie saoudite
L’Arabie Saoudite souhaite rejoindre le programme GCAP d’avion de combat de 6ᵉ génération

En premier lieu, les autorités nippones craignent que l’arrivée d’un nouveau partenaire vienne ralentir le programme, et faire glisser de quelques années le calendrier prévisionnel très ambitieux fixé il y a quelques mois, et visant à une entrée en service du nouveau chasseur à partir de 2035.

En effet, une règle empirique veut que les couts et délais d’un programme de dépense en coopération augmentent selon le carré du nombre de partenaires. Or, si à 3 partenaires, le programme GCAP est conçu pour entrer en service en 2035, il devrait, selon cette règle, glisser jusqu’en 2038.

Or, ces 3 années supplémentaires sont considérées comme critiques par les autorités nippones, pour remplacer ses F-15J et F-2 à cette échéance, alors que dans le même temps, la modernisation des forces aériennes chinoises battra son plein avec des appareils de 5ᵉ génération comme le J-20, le J-35 et peut-être un troisième appareil, successeur du chasseur bombardier JF-7, et l’arrivée d’appareils de 6ᵉ génération également prévue pour 2035.

La compétition avec Pékin est aussi au cœur du second argument avancé par Tokyo pour justifier son refus d’accueillir Riyad dans le programme GCAP. En effet, face aux tensions qui se sont multipliées entre le Royaume et les Etats-Unis ces dernières années, et notamment au refus de Washington de vendre des F-35A à Riyad, l’Arabie Saoudite, comme par ailleurs d’autres pays du golfe comme les Émirats arabes unis, s’est rapprochée de Pékin, y compris dans le domaine militaire, avec l’acquisition de drones, de missiles balistiques, de systèmes d’artillerie et de defenses sol-air.

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Entre les F-15 et Tornado, les forces aériennes royales saoudiennes vont devoir remplacer près de 200 avions de combat dans les années à venir.

Cette proximité sino-saoudienne inquiète profondément Tokyo, qui n’entend pas que l’avantage technologique, militaire et peut-être commercial que lui confère sa participation au programme GCAP lui confère, puisse être compromis par des interférences plus ou moins directes liées aux relations entre Riyad et Pékin.

Bien que ce ne soit pas expressément évoqué, on peut enfin penser que Tokyo se satisfait très bien d’être aujourd’hui le partenaire financier clé du programme GCAP dans ses discussions avec Londres et Rome, alors que l’arrivée de l’Arabie Saoudite dans le programme pourrait mettre à mal ce rapport de force confortable.

Le refus de Tokyo ne va certainement pas faire les affaires de Londres. En effet, les relations historiques entre l’Arabie Saoudite et la Grande-Bretagne ont déjà été mises à mal par les refus répétés depuis 2018 de Berlin pour la vente de 48 Eurofighter Typhoon supplémentaires aux forces aériennes royales saoudiennes, au point que Riyad cherche, dans ses acquisitions à venir, à éviter les matériels intégrant des composants allemands.

À l’instar du refus américain de livrer des F-35 à certains pays comme les EAU ou plus récemment la Thaïlande, le refus nippon d’intégrer Riyad au programme GCAP pourrait ainsi lourdement compromettre les chances pour Londres de vendre l’appareil aux forces saoudiennes, clientes traditionnelles de l’industrie aéronautique britannique depuis l’indépendance du pays.

De fait, cette décision pourrait ouvrir des opportunités pour d’autres appareils visant le juteux marché saoudien, notamment le Rafale français que l’on sait être considéré par Riyad comme une alternative au Typhoon pour le remplacement de ses Tornado et d’une partie de ses F-15, mais également des appareils chinois et russes.

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Certains échos font état d’un intérêt de Riyad pour le Rafale français comme alternative à l’Eurofighter Typhoon

Toutefois, comme pour le programme GCAP, il est hautement improbable que l’Arabie Saoudite puisse rejoindre le programme SCAF, d’autant que l’Allemagne s’oppose aujourd’hui à la vente de Typhoon à son encontre.

Dans ce contexte, il pourrait s’avérer pertinent, pour la France, de developper un second programme d’avion de 6ᵉ génération ou de 5ᵉ génération +, complémentaire du SCAF, mais ouvert à d’autres partenaires comme l’Arabie saoudite, mais également les Émirats arabes unis, l’Égypte, voire l’Inde. Il garantirait les chances du Rafale dans le pays, de faire obstacle aux offres sino-russes, tout en complétant la gamme des développements technologiques pour son industrie de défense, que l’on sait partiellement amputer par le partage industriel du programme SCAF.

Bien qu’audacieuse, une telle approche permettrait à la France et son industrie aéronautique de prendre une position dominante au Moyen-Orient, tout en étendant son offre d’avions de combat sur la scène internationale, et en ouvrant des opportunités de simplifier le cahier des charges du SCAF lui-même (avion de combat embarqué ?).

Une chose est certaine, aujourd’hui, la France a probablement une opportunité unique pour s’implanter durablement au sein des forces aériennes saoudiennes, et avec elles, dans l’ensemble du golfe Persique. Reste à voir si Paris saura faire preuve de la flexibilité nécessaire pour se positionner efficacement, et par là même, faire barrage à l’implantation plus que problématique des industries de défense chinoises et russes dans les armées de ces pays.

Zeitenwende : L’Allemagne fait marche arrière sur ses ambitions de défense

Le gouvernement allemand dénature les ambitions du fonds spécial de la Bundeswehr et du Zeitenwende dans la nouvelle loi budgétaire 2024, venant menacer la reconstruction effective des armées allemandes.

S’exprimant face au Bundestag le 27 février 2022, trois jours après le début de l’offensive russe contre l’Ukraine, le chancelier Olaf Scholz présenta une ambitieuse initiative censée permettre à la Bundeswehr de combler ses défaillances capacitaires à court terme. Baptisée par la suite Zeitenwende-Rede (Discours sur un changement d’époque), celui-ci reposait sur deux mesures clés.

Ainsi, une enveloppe budgétaire de 100 Md€ à libération immédiate devait permettre aux armées allemandes d’engager sur l’année 2022 un ensemble de programmes pour combler les défaillances les plus critiques à court terme, consécutives de 20 années de sous-investissements critiques dans l’effort de défense allemand.

La seconde mesure, souvent ignorée, mais tout aussi critique, prévoyait d’amener rapidement le budget de la Bundeswehr « au-delà de 2  %» du PIB allemand, conformément aux engagements pris par les autorités allemandes en 2014 lors du sommet de l’OTAN de Cardiff.

Le discours du Zeitenwende d'Olaf Scholz au Bundestag le 27 février 2022
Olaf Scholz lors du discours du 27 février 2022 face au Bundestag

L’action conjuguée de ces deux mesures devait permettre de rapidement et durablement transformer une Bundeswehr exsangue, incapable à ce moment de déployer à 30 jours plus d’un bataillon motorisé, quelques avions de combat et une poignée de frégates et corvettes, pour répondre à une menace russe par exemple, comme l’avait fait très justement remarquer le chef d’état-major de la Bundeswehr au lendemain de l’agression russe contre l’Ukraine, au grand dam de l’opinion publique allemande, et d’une grande partie de sa classe politique.

Depuis, malheureusement, les choses ont bien changé, et ce qui devait constituer le pilier de la remonter en puissance des armées allemandes en Europe face à la menace russe, s’est petit à petit transformé en un immense imbroglio politico-budgétaire bien loin des ambitions initialement affichées.

Un Zeitenwende (changement d’époque) de plus en plus difficile à percevoir

Durant les années 2010, et plus particulièrement après avoir pris l’engagement en 2014, comme tous les pays de l’OTAN, de consacrer 2% de son PIB à sa défense, la caractéristique première des autorités allemandes dans ce domaine était de savoir donner des excuses pour justifier de son non-respect.

Il est vrai qu’à ce moment, Berlin était loin d’être la seule capitale à faire montre de contorsionnisme pour prendre ses distances avec cet engagement, alors qu’en 2020, seuls 5 pays européens dépensaient effectivement plus de 2% de leur PIB pour leur defense, et que nombre de chancelleries européennes avaient déjà fait savoir qu’elles n’entendaient pas respecter cet objectif pour 2025.

C’est malheureusement précisément ce à quoi l’on a assisté ces derniers jours concernant l’effort de defense allemand dans le cadre du projet de loi budgétaire 2024, celui-ci ayant largement amendé le projet de loi initial datant de 2022 dans ce domaine.

Ainsi, là où la loi initiale prévoyait d’atteindre dès 2022 un effort de defense allemand d’une hauteur de 2% du PIB, la nouvelle loi exclut les années 2022 et 2023 de ces objectifs, privant au passage la Bundeswehr de 20 Md€ de crédits qui auraient dû lui être attribués rétroactivement.

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Près de 50% du fonds spécial de la Bundeswehr est à destination d’entreprises américaines ou israéliennes

Pour atteindre cet objectif en 2024, les investissements issus de l’enveloppe de 100 Md€ sont désormais directement intégrés à l’effort de défense allemand, en contradiction directe avec les objectifs initiaux, ce d’autant que ce mécanisme sera employé jusqu’à épuisement de cette ligne de crédits.

Une fois cette échéance atteinte, soit en 2027, la nouvelle loi budgétaire prévoit que l’effort de defense allemand sera maintenu à un niveau de 2% du PIB, en augmentant le budget de la Bundeswehr, sans toutefois donner les modalités de financement pour l’augmentation massive qui sera nécessaire pour atteindre cet objectif en 2028, sachant qu’il est très peu probable que la coalition au pouvoir perdure jusqu’à cette date.

Enfin, là où l’enveloppe de 100 Md€ devait spécifiquement être fléchée vers des programmes d’acquisition budgétairement encadrés de manière individuelle, celle-ci voit, dans le nouveau texte de loi, son périmètre considérablement élargi, alors que l’obligation faite de gérer individuellement les programmes d’acquisition dans une enveloppe fixe, a quant à elle disparue.

Dit autrement, les deux mesures clé du Zeitenwende-Rede du 27 février 2022, ont été fusionnées dans une unique initiative par ailleurs devenue opaque, qui sera employée bien au-delà du périmètre initialement prévu, alors que les déficits budgétaires structuraux de la Bundeswehr venant gravement handicaper ses capacités opérationnelles, ont été habillement masqués pour quelques années, sans qu’aucune solution n’ait effectivement été apportée.

La reconstruction de la Bundeswehr menacée

Les premières victimes de cette ingénierie budgétaire mise en œuvre par le gouvernement allemand, ne sont autres que les armées allemandes. Celles-ci ne pourront pas disposer de l’intégralité du fonds spécial pour combler ses lacunes, celui-ci étant employé de manière élargie, notamment pour soutenir des ambitions politico-industrielles, comme c’est le cas concernant l’acquisition des systèmes antibalistiques israéliens Arrow 3 pour soutenir l’initiative European Sky Shield, alors qu’ils sont spécialisés pour répondre à une menace inexistante en Russie.

En outre, l’augmentation du budget annuel des armées ayant intégré le fonds spécial, elles ne disposent pas des moyens nécessaires pour palier ses handicaps structuraux, particulièrement pour ce qui concerne l’organisation et le financement de ses stocks de pièces de rechange et de munitions.

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Les graves problèmes de disponibilité et de maintenance des équipements des armées allemandes risquent fort de ne pas trouver de solution à court terme

Dès lors, il est probable que les nombreuses difficultés rencontrées par la Bundeswehr ces dernières années, surtout en termes de disponibilité des équipements et des moyens militaires, perdureront à l’avenir, et viendront gravement handicaper son efficacité opérationnelle.

Ainsi, si l’initiative Zeitenwende reste politiquement d’actualité pour donner le change vis-à-vis de l’opinion publique, mais aussi des partenaires européens de l’Allemagne, celle-ci a été vidée de toute sa substance, mais par-dessus tout de toute son efficacité, par les amendements successifs apportés par le gouvernement ces derniers mois.

L’opposition allemande au Bundestag en embuscade

Reste que la manœuvre budgétaire, bien que discrète, menée par le gouvernement de centre gauche allemand, est loin de satisfaire les parlementaires du Bundestag, et notamment les membres de l’opposition qui avaient pourtant voter le texte de loi initial en 2022.

Pour Ingo Gädechens, rapporteur du groupe CDU/CSU de la commission parlementaire du budget, les modifications apportées par le gouvernement constituent une trahison du gouvernement fédéral vis-à-vis des engagements pris autour du fonds spécial de la Bundeswehr.

bundestag allemand Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
La grogne monte au Bundestag dans l’opposition allemande concernant les changements apportés au fonds spécial de la Bundeswehr

Par ailleurs, il semblerait que la ventilation des budgets au sein de ce fonds spécial soit devenue, au fil du temps, de plus en plus opaque, même pour les parlementaires allemands, ceci ajoutant à la grogne ambiante

Le sujet est d’autant plus sensible que les sondages actuels concernant les élections à venir, européennes en 2024 et législatives en 2025, donnent un très net avantage à la CDU-CSU avec 26 à 28% des intentions de votes, alors que le SPD d’Olaf Scholz est descendu sous la barre des 20%, et les Verts allemands sous les 14%, laissant supposer d’un probable changement de majorité dans les deux années à venir outre-Rhin.

De fait, les mesures actuellement prises par le gouvernement d’Olaf Scholz, ont peu de chances d’aller à leur terme, même si dans ce domaine, l’alternance démocratique allemande se montre souvent bien moins violente dans ses prises de décision, qu’elle ne peut l’être dans d’autres pays européens, comme en France ou en Italie.

Conclusion

Une chose est certaine, cependant. Là où l’annonce initiale du 27 février 2022, concernant le fonds spécial de la Bundeswehr et la hausse des crédits militaires, s’appuyait avant tout sur la crainte de voir la menace russe s’étendre au-delà de l’Ukraine, les atermoiements budgétaires auxquels nous assistons aujourd’hui, sont révélateurs de la dissipation sensible de cette crainte.

Qu’il s’agisse du manque de performances des armées russes face aux combattants ukrainiens, de la mobilisation européenne ou du soutien réaffirmé des Etats-Unis en faveur de la défense européennes, Berlin semble aujourd’hui convaincu que la réalité de la menace militaire russe, ainsi que son caractère d’urgence, se sont dissipés.

Pour autant, tout indique, aujourd’hui, que cette menace demeure, et qu’elle sera très probablement appelée à rapidement croitre dans un avenir relativement proche, surtout si, d’une manière ou d’une autre, le conflit en Ukraine venait à s’arrêter ou s’estomper.

Prise au dépourvu il y a deux ans par l’agression russe contre un pays européen, l’Allemagne parait retomber dans ses vieux démons, en laissant à nouveaux s’installer les conditions d’une nouvelle surprise stratégique à venir, sauf à s’en remettre aux forces armées d’Europe de l’Est et au soutien des Etats-Unis pour la contenir. Force est de constater, malheureusement, qu’elle n’est pas la seule en Europe de l’Ouest dans cette situation

Le sénat américain suspend la livraison de F-16V à la Turquie, menaçant l’adhésion de la Suède à l’OTAN

À l’encontre de l’avis de la Maison-Blanche, le sénat américain a suspendu la livraison de nouveaux chasseurs F-16V à la Turquie, quitte à venir menacer l’adhésion suédoise à l’OTAN.

L’annonce d’un accord entre la Turquie et la Suède au sujet de l’adhésion de cette dernière à l’OTAN, en marge du sommet de Vilnius, avait été accueillie très positivement par l’ensemble des chancelleries occidentales. Toutefois, les observateurs attentifs de ce dossier savaient que de nombreuses entraves pouvaient encore émerger avant que Stockholm puisse rejoindre l’Alliance Atlantique.

L’enthousiasme ambiant fut rapidement douché par l’annonce, quelques heures à peine après la précédente, par le président RT Erdogan, selon laquelle la demande d’adhésion ne serait transmise au parlement turc qu’à la reprise parlementaire, soit en octobre.

Ce calendrier laisse pleinement le temps aux autorités du pays de négocier les compensations attendues pour ce changement de posture, que ce soit vis-à-vis des États-Unis, et des européens, et surtout de revenir sur l’engagement pris si les exigences d’Ankara n’étaient pas satisfaites.

En effet, bien qu’ayant précisé que les deux sujets n’étaient nullement liés, l’administration Biden avait annoncé, pour sa part, qu’elle soutiendrait la vente de 40 avions de combat F-16V ainsi que de 80 kits permettant l’évolution d’autant d’appareils vers ce standard, aux forces aériennes turques, pour un montant estimé autour de 20 Md$, munitions et pièces détachées comprises.

Le F-16V Block 70/72 est la version la plus moderne du chasseur monomoteur de Lockheed-Martin. Il emporte notamment un radar AESA AN/APG-83 Scalable Agile Beam Radar (SABR)
Le F-16V Block 70/72 est la version la plus moderne du chasseur monomoteur de Lockheed-Martin. Il emporte notamment un radar AESA AN/APG83 Scalable Agile Beam Radar (SABR)

Le fait est, outre Atlantique, c’est le Congrès, et plus particulièrement le sénat qui a le dernier mot pour ce qui concerne les autorisations d’exportation d’équipements militaires, et non l’exécutif comme en France. Et plusieurs membres du sénat américain se sont montrés, par le passé, plus que circonspects quant à l’intérêt pour Washington de livrer ces appareils à Ankara.

Depuis l’éviction de la Turquie du programme F-35, et l’annulation de la commande de 100 appareils passée par les autorités du pays, les forces aériennes turques peinent à se moderniser, d’autant que du fait des actions des armées en Syrie, mais également en Mer Égée, en Libye et dans le Caucase, d’autres sanctions plus étendues ont été mises en place par le sénat ces dernières années.

Ces derniers mois, entre la campagne électorale d’une part, les conséquences du séisme de février 2023, et les importantes difficultés économiques rencontrées par le pays, Ankara a été sensiblement moins virulente qu’elle ne l’avait été ces dernières années sur le plan géopolitique. Ainsi, les provocations et menaces contre la Grèce, en Mer Égée et autour de Chypre, ont été beaucoup moins nombreuses que précédemment, tout comme les interventions en Syrie et en Irak contre les forces Kurdes.

R.T Erdogan, Jens Stoltenberg et Ulf Kristersson au sommet de Vilnius en juillet 2023
Le succès des négociations entre Ankara et Stockholm autour de l’adhésion de la Suède à l’OTAN en marge du sommet de l’OTAN de Vilnius pourrait bien tourner court

C’est d’ailleurs sur la base de ce fléchissement de posture que l’administration Biden a autorisé la vente de F-16, réclamé depuis trois ans maintenant par la Turquie pour, officiellement, sécuriser le front sud de l’OTAN. C’est toutefois loin d’être suffisant pour convaincre le sénateur démocrate du New-Jersey et président du Comité des affaires étrangère de la chambre haute, Bob Melendez.

Celui-ci a en effet annoncé qu’il avait employé les prérogatives de son poste, pour suspendre la vente des avions de combat et des kits de modernisation à la Turquie, jugeant, d’une part, qu’il était hors de question d’en faire un élément de négociation au sujet de l’adhésion de la Suède à l’OTAN, et d’autre part que le changement de posture d’Ankara était beaucoup trop récent et court pour être considéré comme crédible. Notons au passage que le sénat s’était déjà ouvertement prononcé contre la vente de F-16V pour obtenir l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN en début d’année.

Même si le sénateur n’a pas la possibilité de s’opposer ad-vitam à cette vente, son opposition temporaire pourrait bien obliger Ankara à réagir, et de fait à mettre en évidence le caractère transactionnel de ce dossier, ce qui risque fort d’engendrer des oppositions plus fortes de la part des parlementaires démocrates face à l’image donnée à leurs électeurs, tout en donnant du grain à moudre à leurs opposants républicains, à l’origine des sanctions contre la Turquie, dans un contexte tendu de campagne électorale présidentielle.

F16 turkey Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
La Turquie aligne aujourd’hui la plus importante flotte de F-16 de la planète en dehors de l’US Air Force

Notons également que depuis l’annonce de l’administration Biden concernant la vente de F-16 à la Turquie, les diasporas grecques et arméniennes aux États-Unis, et leurs conséquents relais d’influence au Congrès, se sont mobilisées pour rappeler la menace que représenterait la plus grande flotte mondiale de F-16V pour leurs pays d’origine respectifs.

Il est donc plus que probable que dans les jours et semaines à venir, le dossier concernant la vente de ces avions de combat à Ankara, et par conséquent de l’adhésion de la Suède à l’OTAN, soit appelé à revenir sur le devant de la scène, sachant que le président Erdogan ne peut, en aucun cas, apparaitre faible face à son électorat traditionnel en acceptant d’avaliser cette adhésion sans pouvoir montrer de sérieuses compensations de la part des membres de l’alliance, qu’ils soient américains ou européens.

Le sénat américain anticipe un possible retrait de l’OTAN suite aux élections présidentielles à venir

Face aux probabilités de voir Donald Trump ou Ron De Santis remporter la présidentielle 2024, le sénat américain a encadré strictement une éventuelle décision présidentielle de quitter l’OTAN.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les élections présidentielles de 2024 aux États-Unis promettent d’être serrées, ce quel que soit le scénario étudié. En effet, la plupart des sondages ces derniers mois à ce sujet présentent des scores très proches entre le parti démocrate et républicain, qu’il s’agisse d’une opposition entre Joe Biden et Donald Trump, ou que ce dernier soit remplacé par le gouverneur de Floride, Ron de Santis.

Toutefois, si les scores sont serrés, les conséquences sur la scène internationale selon que le candidat Républicain ou Démocrate sort vainqueur, sont radicalement différentes, pour ne pas dire opposés.

En effet, qu’il s’agisse de Donald Trump ou de Ron de Santis, les leaders républicains se caractérisent par une volonté forte d’un retour vers une sorte d’isolationnisme américain comme ce fut le cas avant la seconde guerre mondiale, allant même jusqu’à un retrait possible de l’OTAN, hypothèse plusieurs fois avancée par Donald Trump.

C’est précisément pour encadrer de telles dérives que le sénateur démocrate de Virginie Tim Kaine et son homologue républicain de Floride, le sénateur Marco Rubio, ont fait adopter, dans le cadre de la loi de finance du Pentagone 2024, un amendement obligeant la (future) administration américaine à obtenir une majorité des deux tiers par un vote du sénat pour permettre un retrait des États-Unis de l’OTAN.

le sénat américain craint de devoir à nouveau encadrer les excès de Donald Trump si ce dernier devait remporter les présidentielle de 2024
L’hypothèse de revoir Donald Trump, comme son dauphin Ron de Santis, au pupitre du sénat américain à partir de 2025, comme ici en 2018, inquiète bien au-delà des rangs des démocrates américains

Fait intéressant, 18 sénateurs républicains ont voté l’amendement proposé aux côtés des 47 sénateurs démocrates présents, alors que 28 républicains ont voté contre. Ce rapport de force au sein du parti républicain montre que même au sein du Great Old Party, l’hypothèse d’une victoire de Donald Trump ou de Ron de Santis l’année prochaine, inquiète.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle initiative est prise par le séant américain. Déjà, en 2019, celui-ci avait mis en place des garde-fous pour encadrer d’éventuelles décisions du président Donald Trump d’un éventuel retrait de l’OTAN. En 2021, bien que moins imminente, la menace à moyen terme était jugée suffisante pressante pour que le sénateur Marco Rubio, encore lui, fasse voter un amendement à la loi de finance 2022 dans ce domaine.

Le fait est, nombre de parlementaires et personnalités politiques outre-atlantique, redoutent les conséquences potentielles d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2024, ou de celle de son challenger, Ron de Santis, ce dernier n’étant pas moins excessif dans ses positions sur les questions internationales.

Le sujet est d’autant plus pressant qu’aujourd’hui, les États-Unis demeurent le premier soutien international de Kyiv sur le plan militaire dans son combat face à Moscou, avec un volume d’aide supérieur de plus de 50% à l’ensemble des aides produites par les pays européens pour leur voisin.

Dans certains domaines, comme dans celui des munitions d’artillerie, le soutien américain représente même plus des 3/4 de l’ensemble de l’aide occidentale, sachant que souvent, dans ces domaines, leurs européens n’ont ni les stocks, ni les infrastructures industrielles pour répondre à la demande ukrainienne.

bomb factory Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les États-Unis sont le principal pourvoyeur d’obus d’artillerie pour les forces ukrainiennes. Un retrait des États-Unis de la coalition soutenant l’Ukraine marquerait très probablement un effondrement à relativement court terme des armées de Kyiv, les européens n’ayant pas les capacités industrielles pour s’y substituer

Ainsi, si l’hypothèse d’une victoire républicaine lors des élections présidentielles en 2024 aux États-Unis, est désormais prise très au sérieux et même anticipée par une majorité de la classe politique outre-atlantique, les européens, pour leur part, semblent vouloir en ignorer les conséquences, alors que les programmations militaires, qu’elles soient françaises, allemandes, italiennes, britanniques ou même polonaises, semblent viser une échéance opérationnelle autour de 2030, sans anticiper les effets d’un possible retrait de l’aide américaine à l’Ukraine dès 2025.

Reste que cette absence de réaction européenne, cumulée aux risques évident d’une victoire républicaine en 2024, fait aujourd’hui le jeu du Kremlin, qui y voit une bonne raison de continuer à soutenir les effroyables pertes et destructions enregistrées en Ukraine, sachant qu’au-delà, les chances de voir la résistance ukrainienne s’effondrer une fois le respirateur américain retiré, sont plus que significatives.

En d’autres termes, en dépit des annonces et des déclarations faites à Bruxelles et des grandes capitales du vieux continent, l’absence de réaction des européens constitue aujourd’hui, sans le moindre doute, la plus grande menace qui pèse sur le devenir de l’Ukraine, et au-delà, de la sécurité de l’ensemble de l’Europe orientale.

La guerre aérienne en Ukraine va-t-elle sauver le Su-75 Checkmate russe ?

On le croyait disparu après le retentissant échec de son lancement commercial. Pourtant, le nouveau chasseur monomoteur de 5ᵉ génération Su-75 Checkmate présenté par le groupe Rostec à l’occasion du salon Army 2021, a fait l’objet de plusieurs dépôts de brevets ces dernières semaines en Russie, laissant supposer qu’il puisse être encore actif.

Rappelons que tel qu’il fut présenté, le Su-75 Checkmate est un chasseur monomoteur supersonique de nouvelle génération destiné à prendre le relais du Mig-29, mais également des F-16 et autres MIG-21 encore en service. Il avait, par ailleurs, de quoi séduire, avec une vitesse de Mach 1,8, une confortable capacité d’emport de 7 tonnes, et une autonomie donnée pour atteindre 3000 km.

En outre, l’appareil devait avoir une signature radar et infrarouge réduite, et emporter une avionique parfaitement moderne. Son prix de vente, des plus attractif, était annoncé alors autour de 30 m$, et ses couts de possession l’étaient encore davantage, à 6 000 $ l’heure de vol.

Toutefois, en dépit de ces promesses alléchantes, et d’une impressionnante campagne de communication visant directement l’Inde, les Émirats arabes unis ou encore l’Argentine, le Checkmate n’a pas convaincu.

Présenté au salon army 2021 de Moscou pour la première fois, le Su-75 Checkmate de Rostec se voulait un pari audacieux de l'industrie aéronautique russe pour retrouver sa place sur le marché des chasseurs monomoteurs à hautes performances
Présenté au salon army 2021 de Moscou pour la première fois, le Su-75 Checkmate de Rostec se voulait un pari audacieux de l’industrie aéronautique russe pour retrouver sa place sur le marché des chasseurs monomoteurs à hautes performances

L’échec du lancement du Su-75 Checkmate

Faute de partenaires internationaux pour en financer le développement, et en l’absence du soutien du ministère des Armées russe, focalisé alors sur la production de su-35s et Su-34, ainsi que sur le développement du binôme Su-57, S-70 Okthonik-B, l’enthousiasme retomba rapidement autour de cet appareil prometteur, susceptible d’apporter potentiellement une réponse à de nombreuses forces aériennes incapables de se doter des appareils récents hors de leurs moyens budgétaires.

Qui plus est, avec le début de l’Opération Militaire Spéciale en Ukraine, qui a rapidement tourné au désastre militaire, nécessitant la pleine mobilisation des moyens russes, la question quant au développement et à l’exportation du Su-75 Checkmate semblait ne plus se poser, ni pour l’État russe, ni pour ses armées, et pas davantage pour Rostec, son promoteur.

Alors, le Checkmate était-il échec et mat ? C’est beaucoup trop tôt pour être affirmatif sur le sujet. En effet, lors derniers jours, selon l’agence Tass, Rostec aurait déposé 3 demandes de brevet pour des appareils apparentés au Su-75 : une version monomoteur monoplace légèrement révisitée pour en accroitre la furtivité d’une part, une version biplace de l’autre, ainsi qu’une version dronisée dépourvue d’équipage, laissant penser les observateurs russes qu’il pourrait s’agir d’une alternative, voire de la forme définitive du programme S-70 Okhotnik-b.

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Le drone de combat S-70 Okhontik-B pourrait avoir une allure définitive très différente de celles des prototypes observés

Un nouveau besoin pour les forces aériennes russes ?

Surtout, il est désormais possible que l’état-major des forces aériennes russes, jusque-là exclusivement tourné vers des chasseurs lourds comme le Su-35s et le Su-57 pour sa modernisation, ait été contraint à réviser ses plans face aux enseignements de la guerre en Ukraine.

En effet, les appareils plus compacts et légers, comme le Su-25 et le Mig-29 continuent d’apporter une grande plus-value, notamment pour les missions de soutien aérien rapproché. Dans le même temps, les chasseurs bombardiers plus lourds, comme le Su-34, se sont montrés à ce point vulnérables aux défenses anti-aériennes adverses qu’ils n’évoluent à présent plus en territoire ukrainien.

Dans ce contexte, l’hypothèse pour les armées russes de se tourner vers un chasseur léger moderne, susceptibles à la fois d’exécuter des missions pilotées et, sur la même plateforme de sorte à en simplifier la maintenance, des missions drossées au profit d’appareils plus lourds comme le Su-57, aurait évidemment un grand intérêt.

Le Su-75 Checkmate peut-il sauver l’industrie aéronautique de défense russe ?

Force est de constater que les exportations d’avions de combat russes sont aujourd’hui au point mort. Ainsi, le Su-35s comme le Su-34, qui n’ont toujours pas trouvé de client à l’international. Les Su-30 et MIG-29 ont, quant à eux, vu leur attractivité considérablement se réduire ces derniers mois, y compris auprès de clients traditionnels de l’industrie aéronautique russe comme l’Algérie ou l’Inde. Cette dernière a, à ce titre, récemment préféré le Rafale M français au Mig-29 KUB pour armer son nouveau porte-avions.

Mig29Kub Indian navy Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
L’Inde n’a pas même considéré le MIG-29 KUB comme une alternative pour armer son nouveau porte-avions INS Vikrant

Or, de nouveaux acteurs arrivent sur le marché, comme la Corée du Sud avec le FA-50 et surtout le très prometteur KF-21 Boramae, le Pakistan avec le JF-17, l’Inde avec le Tejas. La plus grande menace vient incontestablement de la Chine avec le J-10C ainsi qu’une gamme qui s’enrichit rapidement, notamment concernant les chasseurs lourds avec le J-16 et le J-20.

Quant aux occidentaux, américain, français et européens, ils font mains basses sur la plupart des compétitions qui leur sont ouvertes. Il est donc désormais indispensable à l’industrie russe de se repositionner rapidement, faute de quoi, elle pourrait perdre d’immenses parts de marchés qui lui seraient impossibles de retrouver à l’avenir.

Dans le même temps, les recettes dégagées par les exportations d’équipements militaires russes, et particulièrement de ses avions et hélicoptères militaires, contribuaient considérablement aux efforts d’équipement des armées russes.

Elles leur permettaient surtout d’acquérir leurs propres appareils à des tarifs très inférieurs à ceux pratiqués à l’exportation, comme le chasseur de 5ᵉ génération Su-57, dont un exemplaire coute moins de 35 m$ aux forces aériennes russes.

Conclusion

On le comprend, la résurrection potentielle du Su-75 Checkmate, pourrait bien représenter une nécessité tant pour les forces aériennes russes. Elles pourraient ainsi remplacer leurs Su-25 dorénavant obsolètes et trop vulnérables, mais également pour représenter une alternative efficace et économique au S-70 Okhotnik-B dans sa version drone lourd.

C’est aussi le cas de l’industrie aéronautique de défense russe aujourd’hui en mal de solutions attractives sur la scène internationale. Il faudra cependant probablement renoncer, pour cela, à certaines ambitions anté bellum.

J10C Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
La Chine propose désormais ses appareils évolués à l’exportation, comme le chasseur monomoteur J-10C acquis par le Pakistan

Reste que, pour l’heure, l’attractivité du Su-75 Checkmate, qu’elle soit opérationnelle ou commerciale, existe uniquement dans les présentations ostentatoires de Rostec. En outre, rien ne permet à ce jour de confirmer les performances ni même le prix annoncé en 2021. Une chose est certaine, en revanche. Il faudra rapidement que l’ensemble des acteurs militaires, industriels et politiques, ainsi que la filière aéronautique défense russe, se mobilisent pour éviter que le trou d’air dans lequel ils se trouvent, ne se transforme en décrochage mortel.

Les 2 programmes AMCA et TEDBF indiens bientôt propulsés par le français Safran

La visite officielle du premier ministre indien Narendra Modi en France, à l’occasion des célébrations du 14 juillet, aura été l’occasion d’annoncer de nombreuses initiatives visant à renforcer le partenariat stratégique franco-indien, tant au sujet des questions de défense que d’autres domaines, dont le nucléaire civil.

Au-delà de la commande à venir pour 26 avions de combat embarqués Rafale M et de 3 sous-marins Scorpene, plusieurs collaborations ont été annoncées dans la conception commune d’un nouveau système de combat aérien, sans que l’on sache s’il s’agissait de l’AMCA ou du TEDBF. Toutefois, les informations issues du communiqué commun étaient jusque-là plutôt floues, même la question d’une collaboration dans le domaine des turboréacteurs était évoquée.

On en sait désormais plus à ce sujet, grâce à un nouvel article du site irdw.org, qui jusqu’ici ne s’est guère trompé dans ces anticipations. En effet, selon lui, le lancement du programme visant à concevoir l’avion de combat qui remplacera le Su-30MKI au sein des forces aériennes indiennes, ne serait plus qu’à une étape de son lancement officiel.

Safran développera le turboréacteur de l’AMCA et du TEDBF

Surtout, ce programme serait développé avec le soutien de l’industrie aéronautique française, notamment le nouveau turboréacteur qui propulsera l’appareil, qui sera développé avec le français Safran.

le motoriste français Safran va probablement developper le turboréacteur du programme AMCA indien
l’avion de combat AMCA sera propulsé par un réacteur co-développé par le français Safran

Selon les informations recueillies par le site, le développement du programme Avanced Medium Combat Aircraft, pourra débuter dès lors que le Cabinet Committee on Security, ou CSS, aura donné son accord, et libéré les 15.000 crores, soit 1,7 Md€, pour entamer les travaux et développer les prototypes.

Si la première version de l’appareil sera propulsée par le turboréacteur F414 de l’américain General Electric, la version de série MK2, sera quant à elle équipée de deux turboréacteurs de nouvelle génération codéveloppés avec le français Safran, réacteurs qui équiperont également le nouveau chasseur embarqué de l’Indian Navy, le Twin Engined Deck-Based Fighter, ou TEDBF program.

5 escadrons à équiper pour 400 turboréacteurs

Selon le site, les investissements attendus pour le développement du nouveau moteur atteindront 5 md$, alors qu’au moins 400 unités seront commandées afin d’équiper les 5 escadrons de l’Indian Air Force qui recevront les chasseurs Mk2, contre 2 escadrons équipés du MK1, ainsi que les chasseurs TEDBF qui remplaceront les MIG29 de l’Indian Navy et évolueront aux côtés des 26 Rafale M qui seront commandés.

Twin Engine Deck Based Fighter TEDBF Concept Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le TEDBF qui remplacera les Mig-29 à bord des porte-avions indiens sera, lui aussi, équipé du futur turboréacteur franco-indien

La propriété intellectuelle concernant le nouveau turboréacteur sera, quant à elle, codétenue par Safran et son partenaire indien (non identifié à ce jour). Au total, l’Indian Air Force et l’Indian Navy pourrait acquérir jusqu’à 1500 turboréacteurs pour équiper leurs avions de combat et drones sur les 30 années à venir.

Il s’agit donc, sans le moindre doute, d’une coopération majeure et stratégique pour les deux pays, permettant notamment à Safran de développer le turboréacteur qui fait défaut aujourd’hui à son catalogue pour se positionner face au F414 américain, et à l’Inde de faire jeu égal avec la Chine qui est parvenue à fiabiliser ses propres turboréacteurs WS-10 et WS-15, ouvrant la porte à la production de masse de nouveaux chasseurs J-10, J-15, J-16, J-20 et J-35.

Reste à voir, désormais, si la participation française aux programmes AMCA et TEBDF se limitera à Safran, ou si d’autres acteurs, comme Dassault Aviation, Thales ou MBDA, seront eux aussi invités à y participer ? Il faudra encore patienter un peu pour avoir le fin mot de cette très ambitieuse coopération stratégique qui s’est engagée entre New Delhi et Paris.

L’acquisition du char Leopard 2A8 par l’Italie va-t-elle être sa porte d’entrée au programme MGCS ?

Depuis sa présentation en avril 2023, le nouveau char Leopard 2A8 de l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, enregistre les nouvelles intentions de commande avec une régularité de métronome suisse. Ainsi, outre l’annonce initiale de l’Armée allemande presque concomitante à sa présentation, la République Tchèque s’est déclarée en faveur de l’acquisition de 70 unités en mai, suivie en juin par la Norvège pour remplacer ses Leopard 2A4.

C’est désormais au tour de l’Italie de se prononcer officiellement en faveur de l’acquisition d’au moins 125 Leopard 2A8 auprès de l’Allemagne, parallèlement à la modernisation d’un nombre équivalent de chars C1 Ariete de conception locale, pour porter son parc global de chars lourds au-delà de 250 unités.

L’Italie confirme l’acquisition prochaine du char leopard 2a8

C’est en substance ce qu’a expliqué la sous-secrétaire d’État au ministère italien de la Défense, Isabella Rauti, à la commission de la défense du Parlement italien, dans le cadre des auditions parlementaires au sujet de la modernisation des forces armées italiennes.

La sous-secrétaire italienne a par ailleurs précisé, lors de cette même audition, que ces acquisitions à venir ne remettaient pas en question la possible adhésion de Rome au programme de char de nouvelle génération franco-allemand Main Ground Combat System, ou MGCS.

Le char Leopard 2A8 est une évolution du Leopard 2A7HU
Avec une vétronique moderne, un système hard-kill trophy et un blindage renforcé, le char Leopard 2A8 est taillé pour assurer l’interim jusqu’à l’arrivée (éventuelle) du programme MGCS

Bien que toujours lourdement handicapé par les tensions opposant la co-entreprise KNDS rassemblant l’allemand KMW et le français Nexter, d’une part, et le groupe allemand Rheinmetall intégré aux forceps au programme par le Bundestag en 2019, l’Allemagne n’a jamais caché son ambition d’ouvrir le programme MGCS à d’autres partenaires européens, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Norvège et donc, l’Italie, ayant fait connaitre leur intérêt à ce sujet.

Rome toujours intéressée pour rejoindre le programme MGCS

Alors que Rome envisage une construction locale des 125+ Leopard 2A8 qu’elle entend acquérir, ce qui suppose une coopération approfondie avec l’industrie de défense terrestre allemande, on peut s’attendre à ce que Berlin se montre particulièrement bienveillant concernant l’intégration de l’Italie, et de ses capacités industrielles et technologiques partiellement formatées aux procédures et équipements allemands, au programme MGCS.

Plus généralement, l’acquisition du nouveau char de Krauss-Maffei pourrait fort bien devenir la porte d’entrée pour rejoindre, à moyen terme, ce programme franco-allemand.

Rappelons à ce titre que Berlin s’est montré dès le début du programme plus que bienveillant quant aux ambitions britanniques pour également intégrer MGCS, alors que l’évolution Challenger 3 de son char de combat qui assurera l’intérim, sera en grande partie assurée par Rheinmetall, qui par ailleurs y intégrera de nombreux équipements dont le canon Rh-120 L/55A1 de 120mm à âme lisse équipant déjà le Leopard 2 depuis la version A6, en lieu et place du L30A1 rayé de 120mm qui équipe le Challenger 2 aujourd’hui.

challenger 3 Recherche et Développements Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le Challenger 3 sera le plus allemand des chars britanniques

Il est toutefois probable que l’hypothèse de voir d’autres nations rejoindre le programme MGCS sera très mollement accueillie par la France, et plus spécifiquement par la Base Industrielle et technologique défense (BITD) terrestre du pays, déjà sous tension depuis l’arrivée de Rheinmetall.

Pour autant, Paris aura assurément bien du mal à se faire entendre de Berlin dans ce domaine. En effet, en 2018, lors de la compétition pour le remplacement des F-16 des forces aériennes belges, la France avait ouvertement attaché à sa proposition autour du chasseur Rafale, la possibilité pour Bruxelles de rejoindre le programme SCAF.

Les contours flous et les contradictions du programme MGCS

Reste que, pour l’heure, et au-delà de la possible arrivée de nouvelles BITD, rien ne semble cohérent quant aux informations diffusées autour du programme MGCS. D’un côté, les ministères français et allemands restent sur une échéance à 2035, de l’autre l’état-major français estime que les technologies de robotisation nécessaires à sa réalisation ne seront disponibles qu’en 2045.

La Bundeswehr, pour sa part, considère que les retards pris ces dernières années, empêchent désormais de viser l’échéance 2035. Quant aux industriels allemands, ils militent pour un report au-delà de 2040/2045 du programme, pour éviter un chevauchement commercial avec les nouvelles versions du Leopard 2 qui rencontrent un réel succès aujourd’hui.

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Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

Du point de vue industriel, la répartition des piliers du programme, phase pourtant essentielle pour entamer les travaux communs, n’a pour l’heure pas été arrêtée, sur fond de dispute entre Nexter et Rheinmetall, notamment au sujet du nouveau canon qui équipera le char de combat du programme. Une broutille donc…

Enfin, si coté allemand, la Bundeswehr a la possibilité de se tourner vers les versions A8 et AX du Leopard 2 pour assurer un intérim partiel face aux ambitions de montée en puissance présentée par le chef d’état-major de a composante terrestre, le général Mais, il y a quelques jours, la Loi de Programmation Militaire française pour la période 2024-2030, ne prévoit que la modernisation partielle de son parc de 200 chars Leclerc, alors que dans le même temps, le Ministère a annoncé son ambition de créer des régiments formés de réservistes pour renforcer la résilience et la masse de l’Armée de Terre.

Conclusion

Dans ce contexte, on voit mal comment Berlin peut espérer venir encore complexifier l’équation déjà sans solution du partage industriel, alors même que les deux pays à l’initiative, leurs armées et industries respectives, ne parviennent pas à s’entendre pour résoudre leurs différends afin de remettre le programme sur ses rails, et ainsi définir une bonne fois pour toutes tant le calendrier que les capacités attendues, de sorte à évaluer si oui, ou non, des espaces peuvent se libérer au profit d’autres partenaires.

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Le char français modernisé Leclerc XLR aura beaucoup de mal à tenir la ligne si le programme MGCS devait voir son calendrier glissé au delà de 2035

Reste que le temps passant, la position de la France dans ce dossier ne peut aller que s’affaiblissant, part l’action conjuguée des pressions qui s’exerceront sur les armées françaises qui risquent de décrochage capacitaire avec des Leclerc xlr trop peu nombreux, trop usés et modernisés à l’économie, et la position dominante de l’industrie allemande dans ce domaine, confortée par les succès commerciaux du Leopard 2A8.

Face à ce qui se dessine, la vraie question est de savoir s’il est raisonnable, pour la France, de lier le devenir de sa BITD terrestre à moyen et long terme, et les capacités de l’Armée de terre en matière d’engagement de haute intensité, à cet unique programme MGCS aux contours fluctuants ?

Il est probable que non, et que Paris aurait tout intérêt à s’engager, concomitamment, dans d’autres programmes lui permettant de préserver ses compétences industrielles tout comme militaires, par exemple en développant un char de génération intermédiaire avec d’autres partenaires.