mardi, décembre 2, 2025
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Il manque à l’US Navy plus de 80 navires majeurs pour répondre à ses objectifs opérationnels d’ici à 2045

Avec 299 navires et un tonnage de près de 4,5 millions de tonnes, l’US Navy demeure la plus puissante force navale mondiale, loin devant les forces navales chinoises de l’Armée Populaire de Libération qui, si elles alignent désormais plus de 450 unités navales majeures, restent toutefois sous la barre des 2,5 millions de tonnes.

Pour autant, face à la montée en puissance de la flotte chinoise, dont l’industrie navale produit 3 à 5 fois plus de destroyers et frégates par an que son homologue US, et qui dispose d’une formidable réserve productive au besoin, l’État-major de l’US Navy a revu à la hausse ses besoins pour les 20 années à venir, visant désormais une flotte composée de 381 navires en 2045, épaulés par 150 unités robotisées de surface et sous-marines, contre 373 il y a tout juste un an.

Après avoir traversé une décennie de chaos en matière de planification et de programmation à moyen terme, l’US Navy a mis en place, à la demande du Congrès américain, en 2022, un rapport annuel classifié présentant l’évaluation de ses besoins, notamment en termes de format, pour répondre au contrat opérationnel défini par l’exécutif.

L’objectif de ce document est de permettre une communication directe et sans fard, entre le Pentagone et le Congrès, de sorte à donner aux sénateurs et représentants une vue précise, argumentée et suivie dans le temps, des forces et moyens dont elle estime avoir besoin face à l’évolution de la menace et/ou de son contrat opérationnel.

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Pour révéler le défi chinois, l’US Navy estime devoir accroitre son format de 27% d’ici à 2045

Outre les 150 navires robotisés, l’US Navy entend en effet à la fois étendre et harmoniser sa flotte dans les 20 années à venir, avec 12 porte-avions (+1), 12 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (+0), 66 sous-marins nucléaires d’attaque (+16), 96 destroyers et croiseurs (+3), 56 frégates (+32), 31 grandes unités amphibies (-1) ou encore 82 unités logistiques (+20).

Certaines catégories de navire sont appelées à disparaître, comme les sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière (quatre unités) et les chasseurs de mines (huit unités). À l’inverse, une nouvelle catégorie fera son apparition, avec 18 navires amphibies légers destinés à soutenir la mobilité de l’US Marines Corps.

En dépit de ce format plus que conséquent, et d’unités navales réputées aussi performantes qu’onéreuses, l’US Navy n’aura probablement rien de trop si elle parvient à atteindre cet objectif en 2045. En effet, les projections actuelles montrent que la flotte chinoise progressera en format comme un tonnage pour venir assurément tangenter la marine américaine à partir de 2040.

Il faudra donc s’attendre, dans les années à venir, à ce que ce format soit encore revu à la hausse, si tant est que l’US Navy parvienne effectivement à résoudre la très difficile équation des effectifs concomitante à l’augmentation de sa flotte, que le Congrès et les finances publiques américaines parviennent/acceptent de produire les efforts budgétaires nécessaires pour y parvenir, et que les industriels US parviennent à accroitre leurs productions, ce qui est aujourd’hui, loin d’être acquis, pour ces trois sujets.

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Reste que, même à ce format, l’US Navy ne parviendra, au mieux, qu’à contenir la puissance navale chinoise dans le Pacifique et l’Océan Indien, si tant est qu’elle y consacre la presque totalité de ses moyens.

La seule alternative pour y parvenir, repose donc sur une forme de transfert de compétences défense de la part de l’US Navy, donc de la Maison-Blanche, vers ses alliés comme l’OTAN pour l’Atlantique, la Méditerranée et le Moyen-Orient, et l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et encore la Nouvelle-Zélande, afin de renforcer ses capacités dans le Pacifique et l’Océan Indien, comme évoqué par le chef d’état-major de la Marine nationale, l’Amiral Vandier, il y a peu.

Cela supposerait évidemment un changement radical de posture de la part des États-Unis, accompagné sans le moindre doute d’une perte d’influence et de juteux marchés d’armement vis-à-vis de ces pays. Cependant, rien n’indique à ce jour que cette trajectoire, pourtant sans autre possibilité efficace et de plus en plus soutenue par certains think tank outre-atlantique, soit celle suivie par l’administration américaine.

La Chine accroit sa pression navale en déployant 16 navires de guerre autour de Taïwan

Depuis 2018, les démonstrations de puissance des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération n’ont cessé de croitre en intensité comme en régularité, au point que désormais, les franchissements de la ligne de séparation du détroit de Taïwan par des avions de combat chinois sont presque quotidiennes. Récemment, ceux-ci se sont même approchés à la limite de la zone contigüe, soit 24 nautiques, des côtes de l’ile.

Les démonstrations de force navales chinoises étaient, en revanche, relativement peu nombreuses et limitées jusqu’il y a quelques mois, lorsque les forces navales entreprirent d’intensifier, concomitamment aux forces aériennes, les déploiements à proximité des cotes de Taïwan.

Celles-ci ont franchi un nouveau plafond vendredi 14 juillet, lorsque pas moins de 16 navires des forces navales de l’Armée Populaire de Libération, ont mené simultanément une mission d’enveloppement de l’ile autonome, épaulés par une quinzaine d’avions de combat chinois.

Pour Pékin, ces déploiements ont de multiples justifications. Il s’agit d’une part de répondre aux déploiements d’appareils et de navires occidentaux en Mer de Chine du Sud et dans le détroit de Taïwan, assimilées unilatéralement par la Chine et considérées depuis comme des eaux nationales.

les avions et navires chinois franchissent désormais quotidiennement la ligne de démarcation du détroit de Taïwan
Les J-16 chinois sont désormais déployés presque quotidiennement à proximité de l’ile de Taïwan, notamment pour escorter les bombardiers à long rayon d’action H-6

Ils servent aussi à accroitre la pression sur les autorités de l’ile autonome, tout en répondant désormais de manière systématique de cette manière à la moindre annonce faite de la part des États-Unis ou de certains de ses alliés, au sujet d’un éventuel soutien militaire, technologique ou politique à Taipei.

Surtout, navires et avions chinois accumulent, lors de ces missions, de précieuses informations quant aux dispositifs défensifs taïwanais, notamment dans le spectre électromagnétique, tout en mettant sous pression les armées du pays en les obligeant à multiplier les postures défensives sur un rythme soutenue, usant hommes et équipements.

Alors que les forces navales chinoises admettent au service une dizaine de nouveaux destroyers et nouvelles frégates chaque année, mais également des grands navires aéronavals et d’assaut, ainsi que des unités logistiques de plus en plus nombreuses, il est à prévoir que ces exercices navals chinois autour de Taïwan seront appelés, à l’avenir, à se multiplier et s’intensifier, comme ce fut le cas pour les forces aériennes.

La question est désormais de savoir à quel moment Pékin jugera-t-il que sa flotte et ses forces aériennes sont suffisamment dimensionnées et entrainées pour qu’à l’occasion d’un de ces exercices tendant à endormir la vigilance taïwanaise comme occidentale, les unités déployées mettant en place un blocus naval et aérien de l’ile, interdisant notamment le transfert de nouveaux équipements de défense aux forces armées taïwanaises ?

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Les forces navales chinoises manquent encore de grands navires amphibies comme le Type 055 et de porte-avions comme le Fujian pour mener une opération aéro-amphibie contre Taïwan avant 2035. En revanche, un blocus naval est possible dès 2027

Pour qu’un tel dispositif soit efficace et suffisamment dissuasif, il est probable qu’une flotte de 3 porte-avions, ainsi qu’une vingtaine de frégates et destroyers et une dizaine de grands navires logistiques, soit nécessaire, ainsi qu’une force aérienne conséquente épaulée d’une non-moins conséquente flotte d’avions ravitailleurs.

Sur la base de la production navale et aérienne chinoise, et des efforts de formation et d’entrainements produits, l’hypothèse de 2027, précédemment évoquée par l’US Navy, semble en effet raisonnable pour une telle mission, si celle-ci ne devait s’étaler sur plus d’un mois.

Toutefois, à ce sujet, d’autres facteurs de décisions peuvent venir altérer cette échéance, par exemple l’émergence d’un conflit ou d’une zone de tension majeure nécessitant d’importants déploiements américains venant affaiblir le dispositif sur le théâtre Pacifique, mais également les pressions politiques chinoises, notamment celles de Xi Jinping, 70 ans, qui a fait de la reprise de Taïwan un marqueur stratégique de son action politique et de son héritage historique.

La Bundeswehr veut avoir la division de l’OTAN la mieux équipée en Europe en 2025

Il est des déclarations qui, à elles seules, suffisent à montrer l’ampleur du décrochage stratégique qui frappe aujourd’hui l’Europe de l’Ouest. Celle faite le 17 juillet par le Chef d’état-major de la Heer, l’armée de Terre de la Bundeswehr, le général Alfons Mais, à l’agence Reuters, en fait très certainement partie. En effet, selon l’officier, l’Allemagne disposera, en 2025, de « la division de l’OTAN la mieux équipée en Europe » …

Comme pour les contrats d’assurance, les points importants se trouvent souvent au-delà des titres accrocheurs. Ainsi, le chef d’état-major allemand reconnait, dans le même temps, que la Bundeswehr, la force armée de la première puissance économique et démographique d’Europe, ne dispose pas, aujourd’hui, d’une division mécanisée fonctionnelle.

D’autre part, cette nouvelle division, ne sera effectivement dotée en 2025 qu’à 80%, peut-être 90%, alors que la Bundeswehr ne fournira que deux brigades mécanisées et une brigade motorisée, la 4ᵉ brigade, quant à elle, étant néerlandaise. Une seconde division mécanisée allemande pourrait, quant à elle, être rendue opérationnelle en 2027, selon le général Maïs.

Surtout, cette déclaration, qui se veut pourtant rassurante, met en lumière les moyens plus que limité en termes de masse dont disposent les pays d’Europe de l’Ouest, alors que dans le même temps, des centaines de milliers d’hommes, armés de dizaines de milliers de véhicules blindés et de milliers de systèmes d’artillerie, se font face en Ukraine.

La Bundeswehr n'aura qu'une unique division mécanisée opérationnelle en 2025
La Bundeswehr n’aura qu’une unique division mécanisée opérationnelle en 2025

En d’autres termes, s’enorgueillir d’espérer dispose, en 2025, d’une unique division opérationnelle, pour un pays de 83 millions d’habitants avec un PIB de 4,300 Md$, serait pathétique si les conséquences n’étaient pas à ce point critiques pour la sécurité du vieux continent.

Rappelons en effet que dans le même temps, la Russie, avec ses 143 millions d’habitants et son PIB de 1800 Md$, vise pour 2025 une force armée de 2 millions d’hommes, formant plusieurs dizaines de divisions mécanisées, chacune armée d’une centaine de chars lourds, de deux cents pièces d’artillerie et de 250 à 400 véhicules blindés (les divisions russes ne font que 10.000 hommes en moyennes, et non 20.000 comme au sein de l’OTAN).

La Pologne, quant à elle, avec 38 millions d’habitants et un PIB inférieur à 700 Md$, veut aligner pour 2035 non plus 4 divisions mécanisées comme aujourd’hui, mais 6, soit une force armée de 100.000 hommes fortes de 1200 chars, 2500 véhicules de combat d’infanterie, plus de 700 systèmes d’artillerie mobile de 155 mm ainsi que 500 à 700 lance-roquettes à longue portée, soit 3 fois la puissance militaire conventionnelle allemande planifiée.

Même l’Estonie, 1,3 million d’habitants et un PIB inférieur à 40 Md$, 105 fois inférieur à celui de l’Allemagne, aligne aujourd’hui deux brigades d’infanterie pour un total de 5000 hommes en temps de paix, avec une centaine de VCI modernes et une vingtaine de canons automoteurs de 155 mm K9 Thunder, et peut mobiliser jusqu’à 200.000 hommes en cas de conflit.

Bien que 8 fois plus faible que la Bundeswehr, l’Armée de terre estonienne mobilise toutefois 25 fois plus de moyens, rapportés à la population et au PIB, que son homologue allemande.

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Deux fois moins peuplée et 5 fois moins riche que l’Allemagne, la Pologne alignera 3 fois plus de moyens terrestres d’ici 2035

De fait, loin de montrer la détermination allemande à assumer sa position dans le dispositif défensif européen, les déclarations du général Mais pointent surtout l’extraordinaire dédain allemand, et avec lui de l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest, vis-à-vis de la menace russe sur les pays d’Europe de l’Est, qu’ils soient ou non membres de l’OTAN, et d’une certaine manière, l’hypocrisie flagrante de ces mêmes européens de l’ouest, qui jouent aux leaders sans en assumer les responsabilités.

Et il ne faut guère s’étonner, dans ces circonstances, que Polonais, Baltes, tchèques ou slovaques, se défient de cette Europe forte en annonce, mais faible en fait, et privilégient la protection américaine et les partenariats sud-coréens, aux leçons données Berlin ou Paris dans ce domaine.

Le programme ORKA de sous-marins polonais se dévoile et s’ouvre à la concurrence au-delà de l’Europe

Après plusieurs années de discussions et de coups d’arrêt, le programme ORKA pour redonner à la Marine polonaise une capacité sous-marine a été relancé à la fin du mois de mai 2023. Lundi 17 juillet, l’omniprésent ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, a annoncé le début des consultations à ce sujet et présenté les grandes lignes du cahier des charges auquel devront répondre les industriels retenus.

Ainsi, les nouveaux navires de la marine polonaise devront avoir une autonomie à la mer de 30 jours, une capacité de plongée sous la barre des 200 mètres, et des performances en termes de vitesse compatibles avec un usage océanique. Ils devront être dotés, outre les traditionnelles torpilles et mines navales, de missiles anti-navires à changement de milieux, ainsi que de missiles de croisière de frappe vers la terre, eux aussi pouvant être lancés en immersion.

Pour leur autodéfense, les sous-marins devront pouvoir mettre en œuvre des munitions surface-air capables d’éliminer un avion, un drone ou un hélicoptère évoluant basse altitude, ainsi que des systèmes anti-torpilles hard-kill et soft-kill. Enfin, les bâtiments devront pouvoir mettre en œuvre des forces spéciales, notamment par l’intermédiaire de véhicules sous-marins couplés, et contrôler des drones pour en étendre les capacités et performances de détection, qui seront acquis conjointement aux submersibles.

La capacité à mettre en oeuvre des missiles antinavires et de croisière à changement de milieux est une des exigences clés de Varsovie pour le programme ORKA
La capacité à mettre en œuvre des missiles antinavires et de croisière à changement de milieux est une des exigences clés de Varsovie pour le programme ORKA

Si le mode de propulsion n’est pas défini par le cahier des charges, l’ensemble des experts polonais s’entend pour écarter la possibilité que Varsovie puisse se tourner vers des sous-marins nucléaires d’attaque pour le programme ORKA, une capacité jugée à la fois bien trop onéreuse et complexe, et surtout inadaptée pour être employée en Mer baltique, dans laquelle il est vrai les SNA américains, britanniques, français et même russes, évitent de s’aventurer tant elle limiterait leurs atouts propres.

Si les annonces faites par M. Błaszczak sont avant tout destinées à donner du grain à moudre à la presse spécialisée, en flattant l’imaginaire opérationnel attendu, les exigences dimensionnantes, elles, sont très limitées, ce qui devraient permettre à de nombreux industriels de s’engager dans la compétition, bien au-delà des 3 groupes navals européens Kockums, Naval Group et TKMS, qui travaillent sur le sujet depuis 2016.

Pour autant, sur la base de ce cahier des charges, mais également des déclarations récentes du ministre polonais de la Défense à ce sujet, il semble que Varsovie ambitionne désormais de se tourner non plus vers un modèle compact et économique optimisé pour opérer en Mer baltique comme l’étaient les A26, Type 214 et Scorpène proposés initialement, mais vers des navires plus imposants et disposants de capacités océaniques d’engagement.

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les sous-marins sud-coréens de la classe Dosan Anh Changho sont les seuls bâtiments à propulsion conventionnelle de ce type équipés d’un système de lancement vertical de missiles VLS

On peut donc s’attendre à ce que l’espagnol Navantia et le S-80, mais aussi le sud-coréen DSME avec les Dosan Aah Changho, s’invitent dans la compétition, avec des navires pouvant effectivement répondre aux attentes polonaises, notamment pour ce qui concerne la Corée du Sud dont le modèle est le seul à être doté d’un système de lancement vertical pour missiles de croisière et balistique.

Dans cette gamme des sous-marins conventionnels océaniques, les européens sont loin d’être dépourvus, avec le Type 212CD allemand et surtout le sous-marin Marlin du Français Naval Group. Dérivé du sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda et de la classe Suffren, le Marlin dispose d’une grande autonomie à la mer de 80 jours et 18.000 nautiques, de performances nautiques et acoustiques supérieures à celles des autres modèles, et d’une grande capacité d’emport de munitions.

A ce titre, et contrairement aux autres modèles européens, les missiles anti-navires à changement de milieux SM39 Exocet et des missiles de croisière MdCN proches des Scalp-EG/Storm Shadow qui démontrent leur efficacité en Ukraine, qui équipent les SNA classe Suffren et potentiellement, les Marlin, sont de conception et fabrication nationale, et non importés, avec les risques et difficultés que cela engendre.

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Sous-marin océanique par excellence, le Shortfin Barracuda ou Marlin de Naval Group, a de sérieux arguments à faire valoir dans la compétition polonaise.

En outre, le navire pourra bénéficier, par sa proximité technologique, des avancées réalisées dans le domaine des déploiements de forces spéciales, mais également des drones sous-marins, réalisés pour le compte de la Marine Nationale et de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et d’attaque.

Reste à voir si les performances et atouts du Marlin, du Type 212CD ou du S-80, sauront convaincre Varsovie qui, jusqu’ici, a souvent préféré se tourner vers des solutions non européennes pour développer ses capacités militaires, qu’elles soient américaines, britanniques, turques ou sud-coréennes.

Dassault Aviation et Tata pourraient se rapprocher pour préparer les futures coopérations franco-indiennes

Si l’échec du programme MRCA en 2014 fut en grande partie lié à l’obligation faite à Dassault Aviation de collaborer avec l’avionneur d’état HAL pour la fabrication de 96 des 114 Rafale B/C devant rejoindre l’Indian Air Force, la décision du groupe aéronautique français de se tourner vers le groupe industriel indien Reliance pour créer la joint-venture industrielle afin d’exécuter les offsets liés à l’acquisition des 36 appareils commandés par New Delhi en 2016, fut vertement critiquée par la presse et l’opposition indienne, et au cœur des soupçons de corruption ayant été portés contre l’avionneur français.

Bien que lavé de ces accusations à forte connotation électoraliste depuis plusieurs années maintenant, le choix par Dassault de Reliance comme partenaire pour son implantation industrielle indienne, demeure aujourd’hui un handicap pour lui permettre d’aller de l’avant.

Alors qu’Emmanuel Macron et Narendra Modi ont annoncé, à l’occasion de la visite de ce dernier à Paris pour les festivités du 14 juillet et en marge d’une prochaine commande de 26 Rafale M et trois sous-marins scorpene pour la Marine indienne, l’intensification des coopérations franco-indiennes, avec notamment la conception future d’un mystérieux « système de combat aérien », il était donc nécessaire pour Dassault de résoudre ce problème.

Ce sera bientôt chose faite, semble-t-il. En effet, selon le site idrw.org, souvent bien informé et exempt des fréquents excès de la presse indienne, Dassault Aviation aurait mis fin à la coentreprise avec Reliance, et pourrait se rapprocher, en substitution, du groupe industriel indien Tata, de sorte à présenter une surface beaucoup plus lisse aux critiques éventuelles de l’opposition indienne, tout en évitant que ne se reproduise l’épisode HAL.

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Le Système de combat aérien évoqué par les dirigeants français et indiens pourrait porter sur le programme AMCA qui doit permettre à l’Indian Air Force de remplacer ses Su-30MKI lors de la prochaine décennie

Il s’agira, dans un premier temps, de reprendre l’activité industrielle actuellement basée en Inde, qui produit des composants pour avions Falcon et Rafale dans la zone économique spéciale Mihan à Nagpur, dans l’état de Maharashtra.

Surtout, cette Joint-ventre en devenir permettra à Dassault de structurer les coopérations à venir, qu’il s’agisse du futur système de combat aérien évoqué par les deux dirigeants il y a quelques jours, et qui pourrait faire référence soit au programme AMCA de l’Indian Air Force, soit au TEDBF de l’Indian Navy, mais également de renforcer la proposition française autour du Rafale F4/F5 concernant le programme MMRCA 2.

Paradoxalement, Tata est déjà engagé dans cette compétition avec Lockheed-martin qui propose le F-21, une version du F-16 Block 70 adaptée aux besoins initiaux de l’Indian Air Force et renommée pour ne pas être entravée par les accords pré-existants de coproduction concernant le F-16 signés avec la Grèce et les Pays-Bas.

Le fait que Dassault Aviation et Tata viennent à collaborer, laisse de fait supposer que le Rafale pourrait désormais faire office de favoris dans cette compétition, alors que le F-21 comme le Gripen E/F, plus légers et monomoteurs, seraient désormais hors courses et que, face à la réduction sensible du nombre de ses escadrons, l’Indian Air Force privilégie désormais les appareils plus lourds, disposant d’une allonge et d’une capacité d’emport supérieures.

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Dassault Reliance Aerospace est au cœur de la stratégie de l’avionneur français en Inde

Qu’il s’agisse ou non d’anticiper sur le programme MMRCA 2, le rapprochement de Dassault Aviation et de Tata marque, quoi qu’il en soit, une première étape dans la réorganisation de la présence industrielle défense française en Inde, et démontre que les engagements pris par Emmanuel Macron et Narendra Modi le 14 juillet, auront des applications à relativement courts termes.

Il s’agit, de fait, d’un profond bouleversement à l’œuvre en matière de doctrine industrielle de défense pour la France qui, pour la première fois, semble s’engager auprès d’un acteur non européen dans ce domaine, comme pour l’Inde qui privilégiait jusqu’ici l’industrie de défense russe pour ce type de coopération stratégique à moyen et long terme.

On peut, à ce titre, s’interroger sur la possibilité, pour New Delhi, d’envisager un glissement vers la France plutôt que vers les États-Unis, de sorte à palier les défaillances russes constatées ces derniers mois dans de nombreux domaines industriels de défense, mais également pour préserver un positionnement neutre en limitant la dépendance aux États-Unis, sans toutefois se tourner vers la Chine avec qui les sujets de tension sont nombreux.

Le Royaume-Uni sacrifie-t-il la modernisation de ses armées aux programmes GCAP et SSN-AUKUS ?

Ces derniers mois au Royaume-Uni, le Ministère de la Défense a multiplié les annonces visant à consolider deux de ses programmes d’équipements en cours, d’une part le Global Combat Air Program hériter du FCAS pour co-produire avec l’Italie et le Japon un système de combat aérien de 6ᵉ génération à horizon 2035, d’autre part le programme SSN-AUKUS aux côtés des Etats-Unis et de l’Australie, pour concevoir et fabriquer le futur sous-marin nucléaire d’attaque ou SSN selon l’acronyme anglophone, qui équipera en partie la Royal Australian Navy et permettra à la Royal Navy de remplacer ses SNA de la classe Astute à partir de 2040.

Cette détermination affichée, ainsi que le plus important budget de défense européen, masquent cependant les immenses difficultés rencontrées par la presque totalité des autres programmes majeurs actuellement en développement, et qui se trouvent, pour la plupart, dans des situations des plus tendues en matière de calendrier, de budget et de format.

C’est en substance ce qu’il ressort d’un rapport au vitriol diligenté par le Comité de la défense du parlement britannique. Dirigé par le membre du parlement Mark François, représentant conservateur des comptés des Rayleigh et Wickford depuis 2011 et président du sous-comité en charge de ce rapport, celui-ci dresse en effet un tableau des plus inquiétants quant à l’état des armées du Royaume-Uni, mais aussi, et surtout, au sujet du pilotage déplorable des programmes industriels de défense ces dernières années, venant sévèrement handicaper leurs capacités opérationnelles présentes et à venir.

Le Royaume-Uni déploie d'importants efforts politiques et budgétaires dans le cadre du programme SSN-AUKUS avec les Etats-Unis et l'Australie
Le volontarisme affiché par Londres autour des programmes SSN-Aukus et GCAP masquent d’immenses difficultés et défaut de pilotage pour la plupart des autres programmes industriels de défense en cours.

Plusieurs exemples de programmes menés en dépit du bon sens industriel, capacitaire et budgétaire, ont été ainsi étudiés par les rédacteurs du rapport, notamment les frégates Type 26 de la Royal Navy, le véhicule de combat blindé Ajax de la British Army, et l’avion de veille aérienne E-7 Wedgetail de la Royal Air Force.

Ce dernier est particulièrement mis en avant par le rapport pour démontrer la « folie absolue » de la conduite des programmes de défense britanniques ces dernières années.

Ainsi, alors que la Royal Air Force devait initialement acquérir 5 appareils auprès de Boeing pour 2,1 Md£, elle s’est finalement tournée vers une commande de seulement 3 appareils sur un calendrier allongé pour en accroitre la soutenabilité budgétaire.

Malheureusement, entre les effets de la crise inflationniste et l’impossibilité pour Londres de se désengager de la commande des 5 radars MESA devant équiper les appareils initiaux, le cout final s’élève à 1,89 Md£, soit 90% du montant initial, pour seulement 60% des capacités attendues, privant au passage la RAF de la capacité de maintenir une permanence de surveillance aérienne au-delà de quelques jours avec une flotte aussi réduite.

Cet épisode n’est pas sans rappeler les conséquences d’arbitrages similaires menés en France autour du programme de frégates FREMM, qui devait initialement permettre à la Marine Nationale d’acquérir 17 frégates produites à un rythme d’un navire tous les 7 mois sur 10 ans pour une enveloppe totale de 8 Md€.

Il fut au final ramené à une flotte de seulement 8 frégates produites sur 12 ans, pour une enveloppe finale de 8 Md€ identique à la précédente, ce sans compter les 4 Md€ supplémentaires investis pour acquérir 5 frégates FDI plus légères, moins bien armées mais plus modernes, et surtout produites sur 10 ans de plus, indispensables pour atteindre le format de 15 frégates de premier rang exigé par le Livre Blanc de 2017.

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Londres va finalement acquérir 3 E7 Wedgetail pour 90% du prix de l’offre initiale portant sur 5 appareils …

Là aussi, il s’agissait d’arbitrages politiques menés à la va-vite pour réaliser des économies budgétaires à très court terme, pour au final venir entraver sévèrement les capacités des armées.

Si la France est, d’une certaine manière, parvenue à sortir de ce pilotage de l’effort de la défense à court terme, pour s’engager dans une planification à moyen terme au travers de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025 pour une fois respectée, la Grande-Bretagne, pour sa part, semble toujours empêtrée dans ce modèle court-termite contre-productif, venant sévèrement handicaper son propre effort de défense.

Toutefois, le rapport parlementaire britannique ne pointe pas uniquement le manque de substance du pilotage politique dans la présente situation. En effet, et comme l’avait également déclaré il y a peu le chef d’état-major de la British Army, les armées elles-mêmes auraient une grande responsabilité dans les échecs récents, avec une gestion excessivement lourde et administrative des programmes, des querelles de clochés entre les services et l’absence de responsabilisation des décideurs militaires.

Le rapport fait ainsi référence, de manière indirecte, aux nombreuses difficultés rencontrées par le programme Ajax, plusieurs fois abordées sur ce site, jugeant qu’il eut été probablement nécessaire de l’annuler depuis longtemps pour se tourner vers une autre solution, plutôt que d’insister en dépensant l’argent du contribuable et en affaiblissant les armées en demande d’une alternative opérationnelle à court terme.

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En dépit des innombrables difficultés, défauts et reports enregistrés par le programme Ajax, celui-ci n’a toujours pas été abandonné par la British Army

Il apparait, à la lecture du rapport parlementaire britannique, que Londres et le Ministère de la Défense pêchent aujourd’hui avant tout par l’absence d’une réelle planification structurée à moyen terme, à l’image par exemple des LPM françaises, de sorte à donner à l’ensemble des programmes le même niveau d’engagement politique et technique sur la durée dont ne bénéficient aujourd’hui que les programmes AUKUS-SSN et GCAP, dont la dimension politique en font les seuls à profiter effectivement d’une réelle planification pluriannuelle solide et respectée, comme ce fut le cas auparavant des deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth, eux aussi portant une dimension politique majeure.

Toutefois, se pose également la question de la captation budgétaire que ces deux programmes critiques, auxquels s’ajoute un troisième programme portant sur les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Dreadnought, exercent chaque année sur les autres programmes majeurs des armées britanniques, ceci amenant régulièrement à des réductions de format très handicapantes, comme ce fut le cas il y a quelques jours au sujet d’une réduction de volume de la flotte d’hélicoptères moyens de la RAF.

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A l’instar des FREMM françaises, les frégates Type 26 ont dû leur nombre de 18 navires à seulement 8, obligeant la Royal navy à lancer un second programme Type 31 moins bien armé et équipé, puis un troisième, Type 32, mieux armés que les cinq navires précédant surtout dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, tout en entrainant d’immenses surcouts et délais supplémentaires.

De toute évidence, comme le monte ce rapport, mais également les observations de ces dernières années, le pilotage de l’effort de défense britannique est aujourd’hui défaillant, et vient directement handicaper les performances des armées et de l’industrie de défense du pays.

Reste à voir si le successeur de l’emblématique Secrétaire à la défense Ben Wallace, qui a annoncé son retrait dans les semaines à venir, saura répondre à ce défi aussi complexe qu’urgent, alors que les tensions mondiales ne cessent de croitre, de sorte à aligner les discours et ambitions affichés par Londres, et la réalité des moyens militaires dont dispose le pays.

On peut en douter, puisque qu’avant celui-ci, d’autres rapports tout aussi sévères à ce sujet sont restés lettres mortes…

Selon les prévisions de Krauss-Maffei, le Leopard 2 ne viendra pas entamer le marché du MGCS

Ces derniers mois, de nombreux échos industriels et militaires, venus d’outre-Rhin, donnaient corps à une possible opposition entre la reprise constatée du marché européen du char du combat, en lien avec le conflit en Ukraine, et le calendrier prévu initialement pour le programme franco-allemand MGCS. Ce dernier doit remplacer, à partir de 2035, les chers Leclerc français et Leopard 2 allemands.

La présentation, il y a quelques semaines, de la nouvelle version Leopard 2A8 du char de Krauss-Maffei Wegmann, vint accroitre cette pression sur le programme MGCS. En outre, en moins de huit semaines, le nouveau char allemand est parvenu à séduire la Bundeswehr, la Norvège, la République tchèque et l’Italie, alors que les Pays-Bas semblent également se diriger vers une acquisition prochaine.

De fait, il n’y avait rien de surprenant à ce que les industriels allemands voyaient avec inquiétude le chevauchement probable des deux offres, pouvant potentiellement nuire tant à la vente immédiate de Leopard 2A8, que réduire le marché adressable du MGCS lors de son entrée en service, comme le fit la CEO de l’industriel RENK, Suzanne Weigand, en avril dernier, en appelant à un décalage du programme franco-allemand vers 2040 ou au-delà.

S’il y a quelques jours, les ministres français et allemand Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, maintinrent le calendrier initial à 2035 à la suite d’une rencontre à Berlin, tout indiquait jusque-là que, pour les industriels allemands, celui-ci demeurait contre-productif, même si le principal intéressé, Krauss-Maffei Wegmann produisant le Leopard 2 et partenaire du Français Nexter au sein de la coentreprise KNDS, restait étonnement discret sur le sujet.

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Sebastien Lecornu et Boris Pistorius à Berlin pour discuter du programme MGCS en juillet 2023

La raison de cette discrétion pourrait avoir été dévoilée par le site Stuttgart-Zeitung le 15 juillet. L’article en question annonce en effet être entré en possession de documents internes de KMW concernant la production planifiée de chars Leopard 2 d’ici à 2032, une information évidement cruciale (bien que sans le moindre doute confidentielle), pour évaluer la réalité du chevauchement industriel évoqué depuis plusieurs mois maintenant.

Or, selon ce document, l’industriel allemand ne prévoit de livrer sur les 10 années à venir, entre aujourd’hui et fin 2032, seulement que 648 Leopard 2 à ses futurs clients européens, soit un volume très inférieur à ce qu’il serait nécessaire d’atteindre pour venir éroder significativement le marché adressable du programme MGCS à son lancement en 2035.

Dit autrement, déduction faite des chars allemands, norvégiens, tchèques, italiens et néerlandais déjà évoqués, représentant entre 300 et 350 blindés, l’industriel allemand ne prévoit de livrer que 300 exemplaires supplémentaires aux armées européennes, un nombre très inférieur aux quelque 1850 Leopard 2A4, A5 et A6 actuellement en service sur le vieux continent, et qui devront être remplacés à horizon 2035.

De fait, le marché européen adressable par le programme MGCS à partir de 2035, demeurerait des plus significatifs, entre 1500 et 2000 exemplaires pour un remplacement 1 à 1 (il est vrai très peu probable), ce d’autant que la France, la Grande-Bretagne et l’Italie devront, eux aussi, remplacer leurs Leclerc, Challenger III et Ariette C1, pour un marché s’établissant entre 500 et 800 blindés.

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Le programme MGCS prévoit de concevoir non seulement un char de combat, mais plusieurs véhicules blindés lourds dédiés à la très haute intensité

Dans ce contexte, la réserve exprimée par plusieurs industriels allemands comme RENK mais également Rheinmetall, appelant à viser 2040 voire 2045 plutôt que 2035, précisément pour libérer des espaces aux modèles actuels Leopard 2A8 et KF-51 Panther, n’est guère convaincante, et rien ne s’oppose, objectivement parlant, à un respect strict du calendrier initial, pour peu que les actions de retardement, à dessein ou fortuites, qui entravent ce programme depuis son lancement, prennent effectivement fins à très court terme.

Car d’une manière ou d’une autre, il est désormais absolument indispensable que Paris et Berlin s’entendent à très court terme sur un calendrier, un cahier des charges et une répartition industrielle stricte ne laissant plus place à l’interprétation ou la révision, faute de quoi, marché ou pas, le programme glissera au plus grand désavantage des armées européennes.

En effet, il convient de garder à l’esprit que si KMW prévoit de produire 648 Leopard 2 d’ici à 2032, auxquels on peut ajouter les 1000 K2 et Abrams polonais, l’industrie russe est, pour sa part, aujourd’hui dimensionnée pour produire entre 450 et 600 chars T-90M, T-80BVM ou T-72B3M par an, soit 3 à 4 fois plus de chars que n’en produiront les industries européennes sur les 10 prochaines années.

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La production de l’usine russe uralvagonzavod est désormais pleinement consacrée aux chars de combat modernes T-90M, T-80BVM et T-72B3M, avec une production annuelle estimée entre 450 et 600 blindés.

Il sera alors indispensable aux armées européennes, d’aligner des systèmes disposant d’une plus-value opérationnelle et technologique à ce point significative qu’elle permettra de compenser un rapport de force aussi défavorable, ce que ni le Leopard 2A8, ni le Challenger 3, pas même le K2PL ne pourront apporter.

De fait, arbitrer à court terme, que ce soit en faveur du MGCS mais de manière stricte, ou pour y mettre fin et se diriger vers des solutions alternatives, est désormais un impératif sécuritaire bien davantage qu’industriel pour les ministres français et allemands de la défense.

Pourquoi les Européens ont-ils perdu le gout de l’effort de défense ?

Au fil des décennies, les européens ont sensiblement réduit leur effort de défense, sur les acquis des bénéfices de la paix. Mais alors que les tensions émergent à nouveau, ils peinent à revenir au niveau d’investissements qu’ils avaient durant la guerre froide.

S’exprimant dans le cadre de la Conférence des chefs d’État-majors des armées de l’Air et de l’Espace à Londres il y a quelques jours, le général américain James Hecker, commandant l’US Air Force en Europe et en Afrique, a dressé un tableau des plus inquiétants quant aux moyens et stocks de munition effectivement disponibles en Europe, pour éventuellement faire face à un conflit majeur.

Selon lui, les membres de l’OTAN, européens comme américains, ont négligé des questions critiques comme le format des forces, et le volume des stocks de munitions et de pièces détachées nécessaires pour s’engager un tel conflit. Cette situation serait d’autant plus inquiétante que, contrairement à la Guerre Froide, la menace aujourd’hui est beaucoup plus étendue et polymorphe, et présente un risque évident de voir plusieurs points chauds émerger simultanément dans le monde.

Le fait est, en quelques décennies, les puissantes armées européennes de l’OTAN ont perdu l’essentiel de leurs capacités dans le domaine de l’engagement majeur conventionnel. Pire encore, si les dirigeants européens ont tous annoncé des efforts pour augmenter les dotations budgétaires de leurs armées, ceux-ci visent à atteindre le plancher fixé par l’OTAN, alors que les formats, quant à eux, semblent destinés à stagner, loin de ce qu’ils étaient au plus fort de la Guerre Froide.

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Si les européens ont entrepris d’accroitre leurs efforts de défense suite à l’agression russe contre l’Ukraine, rien n’indique qu’ils aient effectivement pris la mesure des évolutions géostratégiques en cours depuis 2 décennies maintenant.

Cette situation ne semble toutefois alarmer ni les dirigeants européens, en dehors de quelques pays comme la Pologne ou les Pays-Baltes, et encore moins leurs opinions publiques qui, après quelques mois de stupéfaction et d’inquiétudes suivant le début de l’agression russe contre l’Ukraine, ont à nouveau pris leurs distances avec les questions de défense pour revenir à des questions beaucoup plus pressantes, comme le choix de la prochaine destination de vacances.

Dès lors, on peut se demander pourquoi les Européens, qui étaient pourtant fermement engagés et mobilisés dans le bras de fer avec l’Union Soviétique et le Pacte de Varsovie, il n’y a de cela que 35 ans, ont-ils aujourd’hui perdu à ce point de « gout de l’effort » de défense ?

La puissance militaire européenne en 1985

Loin des 30 pays membres aujourd’hui, l’OTAN n’avait que 16 membres en 1985, dont 13 étaient Européens : Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République Fédérale d’Allemagne, Royaume-Uni. À cette époque, les pays européens ne représentaient que la moitié du PIB des États-Unis (2100 Md$ vs 4,300 Md$), mais avec 350 millions d’habitants, elle surclassait de plus de 40% les 260 millions d’Américains.

En matière de défense, les armées européennes représentaient alors 60% des moyens conventionnels de l’OTAN, avec plus de 5000 chars de combat et 4000 avions de chasse, ainsi que plus de 3 millions de soldats, pour l’essentiel issus de la conscription.

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La Bundeswehr a vu son parc de chars lourd divisé par six depuis la fin de la guerre froide.

Outre le nombre, celles-ci disposaient de matériels performants, notamment face à leurs équivalents soviétiques, que ce soit dans le domaine des blindés avec les chars Cheftain et Challenger britanniques ou Leopard 2 allemands, des avions de combat avec les Mirage F1 et 2000 français, le Tornado européen et un grand nombre de F-16 américains, et dans le domaine naval, avec 7 porte-avions et porte-aéronefs britanniques, français, italiens et espagnols, une soixantaine de destroyers et frégates équipés de missiles et d’une grande expérience dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, ou encore presque 80 sous-marins, dont une dizaine de sous-marins nucléaires d’attaque des classes Rubis (France) ainsi que Swiftsure et Trafalgar britanniques.

Il est vrai qu’à l’époque, les pays européens dépensaient en moyenne 3% de leur PIB pour leurs armées chaque année, alors que la plupart des dirigeants avaient vécu l’expérience de la Seconde Guerre Mondiale ou des guerres coloniales ayant suivi. De même, une majorité de la population masculine européenne avait eu un contact plus ou moins prolongé avec les armées au travers de la conscription, ceci ayant largement contribué à les sensibiliser aux enjeux de défense.

De fait, en 1985, une année par ailleurs marquée par la crise des Euromissiles, les européens dans leur ensemble, et la classe politique européenne plus particulièrement, avaient une conscience accrue concernant les questions de défense, et la nécessité de conserver une posture suffisamment dissuasive pour empêcher qu’un nouvel embrasement ne vienne toucher le vieux continent.

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En 1985, l’Armée de l’Air française alignait 700 chasseurs, contre moins de 200 aujourd’hui

Et s’ils s’en remettaient, à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne, aux États-Unis pour ce qui concernait le parapluie nucléaire, ils assumaient pleinement leur propre défense et avaient alors bâti un puissant outil militaire répondant aux besoins du moment, et susceptible de soutenir un engagement majeur de très haute intensité dans la durée face aux 160 divisions blindées et mécanisées, aux 50.000 chars et aux 20.000 avions de combat du Pacte de Varsovie, même si dans ce domaine également, la puissance militaire américaine jouait un rôle déterminant.

30 années de chute vertigineuse

Avec l’effondrement du Pacte de Varsovie d’abord, puis du bloc soviétique, disparut au début des années 90 la menace existentielle qui pesait sur les pays européens, qu’ils appartiennent à l’OTAN comme au Pacte de Varsovie. Les 10 années qui suivirent furent marquées par la descente aux enfers de la Russie qui, au début des années 2000, n’était plus que l’ombre d’elle-même sur le plan militaire, mais également par l’émergence de conflits distants pour lesquels les armées européennes n’étaient pas conçues.

Rapidement, la posture des dirigeants européens évolua vers la doctrine des « Bénéfices de la Paix », avec une réduction massive des formats des armées européennes associée à une professionnalisation progressive de sorte à pouvoir à répondre aux exigences de ces nouveaux conflits.

Dans le même temps, la classe politique européenne évolua, elle aussi,, tout comme l’opinion publique, en prenant une distance de plus en plus marquée avec les enjeux de défense, donnant naissance à certains biais d’analyse dans de nombreux pays voulant se convaincre que les conflits majeurs entre grandes puissances appartenaient désormais au passé, en particulier en Europe, mais également de la toute puissance du Soft Power pour répondre aux tensions internationales.

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La British Army est sortie considérablement érodée de ses engagements en Irak et en Afghanistan

De fait, en 30 ans, le format des armées européennes à périmètre constat fut divisé par 3, parfois bien davantage pour ce qui concerne certaines capacités comme dans le domaine des chars lourds, peu adaptés, il est vrai, pour intervenir en Afghanistan ou être projetés au Mali.

La fin de la conscription, adossée à la dissipation de la menace perçue par l’opinion publique, entrainèrent un éloignement rapide des dirigeants des questions de défense, comme ce fut le cas par exemple d’Angela Merkel en Allemagne, de Nicolas Sarkozy en France, Tony Blair en Grande-Bretagne ou de Silvio Berlusconi en Italie, privilégiant les questions économiques et sociales à des enjeux qu’ils connaissaient mal, et qui n’avaient plus d’influence auprès de leurs électeurs.

Au fil des années, la perception même de l’évolution de la menace fut altérée par cette distance qui s’était établie entre les dirigeants politiques et l’opinion publique européenne d’une part, et leurs armées de l’autre, mise en évidence par exemple par le fameux « Plan Z » présenté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2013, prévoyant de réduire les armées françaises à leur composante de dissuasion et à un corps expéditionnaire de 60.000 hommes de sorte à libérer des crédits, alors même que de nombreux facteurs indiquaient déjà la rapide dégradation à venir de la situation sécuritaire mondiale et européenne au travers, par exemple, des importants efforts produits par Moscou et Pékin dans ce domaine.

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Les interventions dans les guerres anti-terroristes ou dans le conflit yougoslave ont été perçues comme distantes et sans grands enjeux sécuritaires par les opinions publiques européennes.

Loin de ne toucher que la France, ces biais d’analyse s’étaient alors répandus dans toutes les capitales d’Europe occidentale, basés qu’ils étaient sur la certitude de l’absence de menaces significatives à moyen terme, la toute puissance de la dissuasion nucléaire et de la protection américaine.

Au final, il fallut attendre l’électrochoc de l’attaque directe des armées russes contre l’Ukraine, d’abord en 2014, mais surtout en 2022, pour sortir les dirigeants de cette torpeur et de nombres de leurs certitudes issues d’une évolution progressive et rapide de la place de la défense dans les sociétés européennes.

Quelles sont les conséquences de cette faiblesse européenne aujourd’hui

Comme à la sortie d’une nuit d’ivresse bien trop arrosée, les Européens se sont réveillés au matin du 24 février 2022 avec une terrible veisalgie (mot du jour pour désigner une gueule de bois), prenant soudainement conscience que leur outil militaire, négligé depuis 30 ans, n’était plus en mesure de répondre aux enjeux de défense et à la menace que représentait à nouveau la Russie.

Cette soudaine prise de conscience amena les dirigeants européens à annoncer, en urgence, des plans pour augmenter leurs investissements de défense et respecter l’objectif de 2% de leur PIB fixé en 2014 au Sommet de Cardiff, et même, dans le cas de l’Allemagne, a l’annonce de la libération d’une enveloppe budgétaire de 100 Md€ pour traiter les obsolescences les plus critiques à court terme.

Depuis, les annonces se sont multipliées, notamment en termes de programmes d’acquisition censés apporter une réponse rapide aux angoisses d’une opinion publique prise au dépourvu. Pour autant, tout indique que la mutation nécessaire pour revenir à une posture efficace, comparable à celle qu’était celle des européens en 1985, est encore très lointaine.

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A l’automne 2022, Berlin a attendu que Washington s’engage dans le livraison de chars Abrams et de Vci Bradley à l’Ukraine, avant d’annoncer la livraison de Leopard 2 et de Marder

Ainsi, le premier réflexe d’une majorité de dirigeants européens, qu’il s’agisse de la menace russe ou du soutien militaire à l’Ukraine, a été de se blottir sous l’aile protectrice de Washington, allant jusqu’à attendre que Washington ne livre certains types de matériel à Kyiv avant que les européens n’acceptent de faire de même.

Dans le même temps, les européens se sont précipités à nouveau vers les équipements américains, ci des batteries Patriot, là des F-35 ou systèmes HIMARS, au point que sur les 100 Md$ qui seront dépensés en urgence par l’Allemagne, près de la moitié seront dépensés aux États-Unis en avions F-35, hélicoptères Chinook et autres batteries Patriot PAC-3.

Surtout, en dépit de leur réaction à l’agression russe contre l’Ukraine, et aux menaces répétées, y compris dans le domaine nucléaire, de Moscou contre le vieux continent, les initiatives européennes dénotent un manque évident de perspectives à moyen et long terme, en particulier pour ce qui concerne les formats des armées ou l’effort de défense.

Plus précisément, si une majorité des états d’Europe de l’Ouest s’est désormais inscrite dans une trajectoire budgétaire pour atteindre l’objectif de 2% fixé par l’OTAN en 2014, aucun d’eux n’a entrepris de réévaluer ce planché alors qu’il fut défini a minima dans un contexte de menaces géopolitiques radicalement différent d’aujourd’hui.

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Les Européens ont longtemps estimé que la dissuasion nucléaire représentait la parade absolue contre les menaces directes sur le vieux continent

De même, aucune transformation radicale des armées n’a été annoncée ni par Berlin, ni par Londres ou Rome, afin de répondre aux enjeux concernant le format des forces, pas davantage pour prendre en considération le désormais nécessaire désengagement américain à moyen terme des forces américaines en Europe pour venir contenir la montée en puissance chinoise.

À ce sujet, bien qu’ayant été durement exposés aux conséquences de la dépendance construite vis-à-vis du gaz et du pétrole russes en début de conflit, rien n’indique que les Européens aient entrepris de prendre des mesures conservatoires pour anticiper une situation similaire au sujet de leur dépendance à la production manufacturière et à la production de certains matériaux clés venus de Chine, dans l’hypothèse de plus en plus probable d’une intervention de l’APL contre Taïwan.

Conclusion

En d’autres termes, si de manière superficielle, les changements de posture et d’engagement annoncés par les capitales européennes ces 18 derniers mois semblent indiquer une évolution de la prise de conscience politique et sociale concernant les nécessités entourant l’effort de défense, il apparait à l’analyse que le socle sur lequel la trajectoire défense européenne est désormais construite, repose toujours sur des fondations plus que friables.

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En dépit des nombreux signes évidents concernant l’effort entrepris par Moscou pour reconstituer un outil militaire conventionnel et nucléaire offensif, ce depuis 2008, les Européens ont refusé de voir la menace que représentait cette trajectoire, comme ile refuse de considérer celle que représente la montée en puissance de l’Armée Populaire de Libération en Chine.

Surtout, les fondements ayant amené au délitement des armées européennes ces 30 dernières années, et notamment la distance qui sépare décision politique et perception de l’opinion publique d’une part, et les enjeux de défense et les armées de l’autre, apparaissent toujours bien vivaces, même si les annonces récentes laissent penser le contraire.

Dès lors, aujourd’hui, le problème qui handicape la réflexion stratégique et donc l’effort de défense en Europe, ne trouvera pas de solution dans les armées ou dans d’exceptionnelles enveloppes budgétaires, mais dans un important travail de fond devant être rapidement entrepris pour renouer les canaux de communication francs et ouverts entre les deux, de sorte à redonner aux européens, le gout de l’effort de Défense, comme c’était le cas en 1985.

Le Rafale et le Scorpene s’affirment comme d’incroyables réussites avec les commandes indiennes à venir

Voilà. Ça, c’est fait ! Alors que le Premier Ministre indien Narendra Modi Arrivait à Paris pour une visite officielle de 2 jours dans le cadre des festivités du 14 juillet dont il est l’invité d’honneur, le Ministère de la Défense indien a publié un communiqué confirmant l’arbitrage de New Delhi en faveur de l’acquisition de 26 avions de combat embarqués Rafale M auprès de Dassault Aviation pour renforcer la chasse embarquée du pays, ainsi que de trois sous-marins Scorpène auprès de Naval group.

Cette annonce met fin à un suspens de plusieurs jours, alors que la presse indienne multipliait les articles annonçant la probable prochaine commande de ces deux équipements de premier plan à l’occasion de cette visite officielle.

Toutefois, comme précisé dans le communiqué de presse, il reste encore à négocier les aspects budgétaires et le calendrier de ces deux commandes, avant de pouvoir les signer officiellement, ce qui devrait donc intervenir d’ici à quelques semaines ou quelques mois.

Cette future commande indienne marque le renouvellement de la confiance de New Delhi envers Paris, et dans le partenariat stratégique signé entre les deux pays il y a de cela 25 ans.

Elle démontre également la qualité des équipements produits par les industriels français, puisque les armées indiennes exploitent déjà de manière opérationnelle et intensive le chasseur en Rafale dont 36 appareils œuvrent au sein de l’Indian Air Force et assurent notamment une partie de la posture de dissuasion du pays, comme le sous-marin Scorpène, dont cinq unités sur les six appartenant au programme P75 et construits en Inde, naviguent déjà sous le pavillon indien.

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L’Inde, comme le Qatar et l’Égypte avant elle, va commander un nouveau lot de chasseurs Rafale, cette fois dans la version navale embarquée pour armer son nouveau porte-avions INS Vikrant

On notera, au passage, que les 3 pays ayant initialement commandé le chasseur français en 2015 (Égypte et Qatar) et 2016, tous ont désormais commandé des appareils supplémentaires, 12 pour le Qatar, 30 pour l’Égypte et désormais 26 pour l’Inde, sachant que le Rafale pourrait à nouveau être commandé à l’avenir par les forces aériennes égyptiennes et indiennes. Dans tous les cas, cela en dit long sur les qualités effectives du chasseur.

Il s’agit également d’une commande historique, marquant d’une pierre blanche tant la construction aéronautique que navale française. En effet, avec les 26 Rafale M bientôt commandés par New Delhi, le Carnet de commande export du Rafale atteint désormais 310 appareils, dépassant de fait les 286 Mirage 2000 exportés, alors qu’il était considéré par beaucoup au début des années 2010 comme invendable, et ce, en dépit de la rude compétition du F-35, du Typhoon, du Gripen ou encore des chasseurs russes.

Le Rafale confirme également sa place de leader pour ce qui concerne les exportations d’avions de combat de sa génération, loin devant le Typhoon (151 appareils), le Gripen (102 chasseurs), le Super Hornet (48 appareils) et le Su-35 (entre 24 et 48 appareils).

Cette dynamique pourrait encore perdurer, puisque l’appareil est pressenti comme favori dans plusieurs compétitions en cours en Serbie, en Colombie ou encore en Irak, et que d’autres négociations sont en cours avec la Grèce, l’Inde, l’Égypte et, semble-t-il, avec l’Arabie Saoudite, ce qui pourrait même lui permettre de dépasser les 510 Mirage F1 exportés, dans un contexte commercial et technologie pourtant radicalement différent.

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Le Scorpène dépasse désormais le record d’exportation établi par la Daphné dans les années 60, avec 17 navires commandés par 4 Marines. D’autres commandes pourraient intervenir à l’avenir. Selon le communiqué indien, les nouveaux navires embarqueront davantage de technologies indiennes, ce qui laisse supposer qu’ils seront directement équipés du système anaérobie indien développé par la DRDO.

La commande de 3 Sous-marins Scorpene supplémentaires, en plus des 6 du programme P75, revêt également un caractère exceptionnel et historique, en établissant un nouveau record d’exportation à 17 exemplaires contre 15 navires précédemment avec la classe Daphnée, et en faisant la plus importante flotte de sous-marins de conception française mise en œuvre par une marine alliée, avec neuf bâtiments.

Là encore, l’histoire du Scorpene et de son succès commercial pourrait bien continuer à s’écrire dans les mois à venir, alors que plusieurs compétitions désignent aujourd’hui le sous-marin de Naval Group comme le coureur de tête, en Roumanie, aux Philippines, en Indonésie ou encore en Argentine, amenant le sous-marin français à venir défier l’hégémonie russe et allemande héritée de la fin des années de guerre froide et de la décennie ayant suivi.

Rappelons à ce sujet qu’après l’annonce de l’annulation du contrat australien pour la construction de 12 sous-marins océaniques, plusieurs voix, notamment outre Rhin, avaient jugé le moment opportun pour permettre à TKMS, le concurrent allemand de Naval Group dans ce domaine, d’absorber son concurrent français. La commande des trois sous-marins indiens est, en quelque sorte, une réponse parfaitement audible à ces considérations pour le moins erronées.

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Les 3 nouveaux Scorpène permettront aux chantiers navals Mazagon de Goa de maintenir activité et savoir-faire jusqu’à l’entame du programme P75i et peut-être du programme de SNA indien

Reste que si l’annonce du Ministère de la Défense indien est incontestablement une excellente nouvelle pour les exportations françaises et les relations franco-indiennes, d’autres, probablement plus confidentielles, mais considérablement plus significatives, pourraient intervenir dans les jours ou mois à venir, au sujet de la participation de Naval Group au premier programme de sous-marins nucléaires d’attaque indien, et de Safran et de Dassault Aviation au développement du futur chasseur embarqué de l’Indian Navy TEDBF.

Si, au-delà des Rafale M et Scorpène, ces deux rumeurs issues de la presse indienne venaient, elles aussi, à se confirmer, l’Inde et la France s’engageraient alors dans un partenariat stratégique et technologique d’un tout autre niveau, ouvrant des opportunités exceptionnelles tant pour New Delhi que Paris, leurs armées et industrie de défense respectives.

Peut-être que Narendra Modi, qui s’est vu voler la vedette par le communiqué du MoD au sujet des commandes, souhaitera marquer sa visite à Paris avec une annonce ou la signature d’une lettre d’intention aussi exceptionnelle qu’historique sur ces sujets ? Nous serons vite fixés…

R.T Erdogan temporise de plusieurs mois au sujet de l’adhésion de la Suède dans l’OTAN

A la surprise générale, à l’entame du sommet de l’OTAN de Vilnius, le président turc récemment réélu R.T Erdogan a donné son accord concernant l’adhésion de la Suède à l’OTAN, au terme d’une rencontre avec son homologue suédois Ulf Kristersson sous l’égide du secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg.

Au grand soulagement des alliés, le leader nationaliste turc a en effet déclaré qu’il ne s’opposait plus à celle-ci, comme il le faisait depuis plus d’un an désormais, et qu’il transmettrait à son parlement la demande d’adhésion pour obtenir la ratification de l’adhésion, qui requiert l’accord unanime de l’ensemble des membres de l’OTAN pour être avalisée.

Sur la scène publique, ce changement de posture du président turc n’est liée qu’à un accord direct avec Stockholm, les autorités suédoises s’engageant à soutenir le processus de rapprochement et d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Exit donc les questions bloquantes jusque là concernant les dirigeants kurdes réfugiés dans le pays, dont Ankara réclamait l’extradition pour donner son blanc-seing.

En coulisse, cependant, il semble bien que les exigences de R.T Erdogan entourant cette autorisation ont été bien plus importantes qu’affiché. Ainsi, bien qu’assurant que les deux sujets ne sont en rien liés, Joe Biden et l’administration US ont annoncé, quelques heures à peine après l’annonce turco-suédoise dans le cadre du sommet de Vilnius, qu’ils appuieraient la demande turque concernant l’acquisition de nouveaux chasseurs F-16V et de kits pour transformer une partie de ses F-16 Block 50/52 vers ce standard.

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Ankara veut acquérir 40 F-16V ainsi que 80 kits d’évolution pour porter une partie de sa flotte vers ce standard.

D’autres échos, à plus bas bruits, font référence à certaines assurances données par les nations européens et l’UE au sujet d’une normalisation des relations avec Ankara, alors même que l’économie turque est aujourd’hui exsangue avec une inflation galopante proche de 40% sur un an en juin 2023, et un chômage restant élevé, notamment chez les jeunes.

Mais de toute évidence, la confiance ne règne pas de part et d’autres quant aux engagements pris, ouvertement ou officieusement. Il est vrai que concernant plusieurs d’entre eux, la parole du chef de l’Etat n’engage que lui, et ne vaut que si confirmée par un vote du Législatif.

C’est notamment le cas de la vente des F-16V aux forces aériennes turques, attendue de longue date par Ankara, mais bloquée depuis plusieurs années non par la Maison Blanche, plutôt favorable au sujet, mais par le Congrès américain, bien plus vindicatif vis-à-vis des autorités turques.

De fait, même si Joe Biden a donné son accord officiel pour cette vente, rien ne garantit Ankara qu’elle soit effectivement avalisée par la Chambre des Représentants et surtout par le Sénat américain, qui supervise les exportations d’armes outre-Atlantique et dont la majorité, en particulier sur ce dossier, est loin d’être assurée à quelques encablures du début de la course à la présidence.

En tant que politicien expérimenté, cette situation n’avait certainement pas échappé à R.T Erdogan. Mais lui aussi dispose d’une arme à deux coups, à savoir le vote de son parlement, qui peut parfaitement refuser l’accord, certes sur ordre de l’exécutif, ce qui ramènerait le processus d’adhésion de la Suède à l’OTAN à son point initial. Et tout indique qu’Erdogan attendra de voir les effets des promesses officielles et officieuses autour de ce dossier, avant d’amener, ou pas, le parlement turc à s’exprimer.

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l’accord donné par Washington au sujet des F-16V s’étendra certainement à d’autres domaines, comme celui des turbines d’hélicoptères qui aujourd’hui handicapent la production et l’exportation du T-129 Atak turc

En effet, le président turc a indiqué à la sortie du sommet de l’OTAN, que cette question serait soumise au parlement dès que celui-ci rentrera en session, c’est à dire en Octobre, tout en précisant qu’au besoin, c’est à dire selon sa propre appréciation, il était en mesure d’amener les parlementaires à se réunir avant cette échéance.

En d’autres termes, R.T Erdogan a indiqué à ses interlocuteurs qu’il contrôlait encore l’intégralité du processus, et ce sans même devoir se dédire, et que si les engagements pris n’étaient pas rapidement suivis d’effets, le vote du parlement serait lui aussi reporté, voire serait négatif.

Reste que l’ensemble de ce dossier démontre l’immense défiance qui existe, aujourd’hui, entre la Turquie d’une part, et le reste du camps occidental de l’autre. Il est vrai que depuis plusieurs années, Ankara et R.T Erdogan jouent leur propre partition, bien loin de l’action concertée de ses alliés de l’OTAN, que ce soit en Afrique et notamment en Libye, en Mer Egée face à la Grèce et Chypre, au Moyen-Orient en Syrie, dans le Caucase en Arménie ainsi que dans ses relations avec la Russie, la Chine et même l’Iran.

Putin et Erdogan Su47 MAKS 2019 Tensions Etats-Unis vs Chine | Constructions Navales militaires | Drones navals
Le président Erdogan entretient des relations personnelles avec V.Poutine, mais également avec les dirigeants chinois et iraniens

Ces trajectoires parfois adossées à des revendications territoriales, parfois à la volonté de donner à la Turquie un poids international plus important ou sur la nostalgie de l’empire Ottoman, et le plus souvent sur un subtil mélange des 3, sont régulièrement venues se heurter directement à celles des européens et même des Etats-unis, ceci ayant amené les uns comme les autres à mettre leur propre allié sous sanctions, notamment concernant la livraison de systèmes d’armes.

Dans ce contexte, les négociations en cours sont loins d’ouvrir la voie à une possible normalisation des relations, et démontrent surtout une immense défiance réciproque entre les deux camps, ce qui semble parfaitement antinomique avec la notion d’alliance sur laquelle l’OTAN a été bâtie.