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Le refus allemand de livrer des Eurofighter Typhoon à l’Arabie Saoudite va-t-il ouvrir des opportunités pour le Rafale ?

La 6 juillet, nous évoquions l’opposition des Verts allemands, à la reprise des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite par l’Allemagne, alors que Riyad entendait exécuter l’option pour 48 avions de combat Eurofighter Typhoon supplémentaires pour remplacer en partie sa flotte de Tornado vieillissante.

Il semble que le Chancelier Olaf Scholz ait préféré, sans grande surprise d’ailleurs, préserver sa coalition de gouvernement à des perspectives d’exportation de l’avion de combat européen, puisque ce dernier a annoncé que le refus allemand de livrer des armes létales à Riyad demeurait d’actualité, tant que la guerre au Yémen n’aura pas pris fin.

Si, fin mai, un accord de cessez-le-feu depuis respecté a été signé entre les autorités yéménites, leurs alliés saoudiens et émirati, d’une part, et les rebelles Houthis soutenus par Téhéran, de l’autre, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un accord marquant la fin de ce conflit, selon Berlin.

De manière intéressante, le SPD d’Olaf Scholz et ses alliés des Verts, se sont entendus pour autoriser la vente de six avions de transport A400M aux Émirats Arabes Unis. Il s’agissait probablement pour Berlin d’apaiser les inquiétudes de Paris et Madrid suite à l’arbitrage autour du Typhoon, alors que les trois pays collaborent sur le programme SCAF, mais également sur l’A400M (assemblé en Espagne), tout en s’appuyant sur le fait que s’agissant d’un avion de transport, il ne constitue pas à proprement parler d’un système d’arme offensif, contrairement au Typhoon.

Eurofighter Typhoon des forces royales aériennes saoudiennes
La perspective de vendre 48 nouveaux Eurofighter Typhoon supplémentaires à l’Arabie Saoudite s’éloigne de plusieurs années du fait de l’opposition du SPD et des Verts allemands

Rappelons, à toutes fins utiles, que l’Allemagne ne fait ici preuve en aucun cas d’un comportement spécifique en refusant de livrer des armes, même coproduites, à un pays pour des raisons qui lui sont propres. Ainsi, il convient de rappeler, par exemple, que la France s’est récemment opposée à la participation du consortium franco-italien Eurosam au programme turc pour développer un système anti-aérien à moyenne portée, tout comme à la vente de missiles Aster à Ankara, ce en dépit de l’insistance de Rome à ce sujet.

Mais la subtilité d’arbitrage d’Olaf Scholz permettant de livrer les A400M à Abu Dhabi, tout en interdisant la vente de Typhoon à Riyad, pourrait largement faire les affaires de Paris, qui tente depuis quelques mois de revenir dans les bonnes grâces des autorités saoudiennes en matière de coopération de Défense.

En effet, plusieurs échos indirects font états de discussions entreprises entre les deux pays, autour de la possibilité, pour les forces aériennes royales saoudiennes, d’acquérir une flotte de Rafale dans le cadre de son effort de modernisation.

Ces mêmes échos font référence à une éventuelle commande d’une centaine de chasseurs français, soit un nombre suffisant pour entreprendre une production locale associée à un important transfert de technologies, comme c’était le cas avec l’Inde dans le cadre du programme MRCA finalement avorté autour de désaccords avec l’industriel sélectionné par New Delhi.

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Les capacités du Rafale F5 dévoilée par le Ministre des Armées Sébastien Lecornu dans le cadre de la LPM 2024-2030 rendent l’appareil français très attractif, y compris pour l’Arabie Saoudite

Or, en voyant l’option Typhoon se fermer « au moins jusqu’à la fin de la présente mandature » selon Olaf Scholz, soit 2025, les autorités saoudiennes pourraient effectivement trouver de l’attrait auprès de l’alternative française, d’autant qu’une réelle dynamique est entreprise à ce sujet à Paris, sachant que Riyad cherche désormais à s’équiper d’appareils dépourvus de technologies (et donc de veto) américaines (ITAR Free) et allemandes, le Rafale est aujourd’hui le seul chasseur polyvalent étant le seul à proposer cela en occident.

Les ambitions affichées dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire au sujet du Rafale F5, comme le développement d’un drone de combat dérivé du Neuron, tout en laissant la porte ouverte à certaines collaborations technologiques et industrielles de la part des opérateurs du chasseur français, pourraient également jouer en faveur du chasseur de Dassault dans ce dossier.

En outre, les deux pays pourront désormais mieux s’entendre sur un sujet aussi complexe (et onéreux) que la construction locale d’une centaine de Rafale et des transferts de technologie accompagnant un tel dossier, maintenant qu’ils ont déjà signé, à l’occasion du salon du Bourget 2023, un important accord pour la construction dans le pays d’hélicoptères H175 d’Airbus Hélicoptères à partir de 2030.

D’un montant initial de 25 Milliards de Rials, soit 6 Md€, celui-ci prévoit en effet la construction d’un site de production de cet hélicoptère moyen de la classe 8 tonnes, capable de transporter jusqu’à 18 passagers à 270 km/h sur près de 1000 km, et fournira un emploi à 8500 personnes sur place.

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L’Arabie Saoudite et la France ont signé un accord de 6 Md€ minimum pour la production locale d’hélicoptères moyens H175 d’Airbus Hélicoptères

La conjonction de ces deux événements, alors que les options à la fois efficaces du point de vue opérationnel et respectant les attentes de Riyad en matière de technologies embarquées sont très réduites, laisse penser que désormais, les chances du Rafale de s’imposer en Arabie Saoudite sont bien réelles, en dépit des relations difficiles entre le président Macron et Mohammad ben Salman, le prince héritier qui dirige dans les faits le pays.

Enfin, sans être déterminant, il convient de rappeler que le principal allié régional de Riyad, les Émirats Arabes Unis, a également fait le choix du Rafale pour moderniser ses forces aériennes, constituant incontestablement un atout dans les mains des négociateurs français, qui pourront mettre en avant une importante interopérabilité entre les deux flottes de chasse.

Reste à voir désormais à quel point ces spéculations et échos à bas bruits sont fondées, et si effectivement, le contexte, aujourd’hui favorable au choix du Rafale par Riyad, sera suffisant pour passer au-dessus des sérieuses difficultés qu’ont rencontrées les deux pays dans leurs relations récentes.

L’US Navy s’alarme d’une industrie navale chinoise 200 fois plus importante que celle des États-Unis

Ces dernières années, les L’US Navy s’alarme des capacités de l’industrie navale chinoise, qui seraient 200 fois plus importantes que celles des États-Unis, et qui lancé, toute production confondue, en moyenne, 23 millions de tonnes de navires civils et militaires chaque année, là où leurs homologues américains ont lancé 100.000 tonnes de navires par an, principalement militaires, à destination de l’US Navy et de l’US Coast Guard.

Cet extraordinaire rapport de force inquiète bien évidemment l’US Navy, ou plutôt l’US Naval Intelligence, les services de renseignement navals américains, qui alertent depuis plusieurs années le Pentagone et les décideurs politiques de l’exécutif et du Congrès à ce sujet.

Il faut dire que quelle que soit la perspective employée, la situation qui résulte de cette observation est pour le moins défavorable aux États-Unis dans le bras de fer militaire et naval qui s’annonce avec Pékin dans les années à venir.

Les capacités militaires et civiles de l’industrie navale chinoise

Ainsi, le plus important chantier naval chinois, situé à Dalian, qui produit notamment les destroyers lourds Type 055 et les destroyers anti-aériens Type 052D, ainsi qu’un grand nombre de navires civils comme des Méthaniers très demandés en ce moment, a une capacité de production supérieure à celle de l’ensemble des chantiers navals américains.

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La Chine dispose de plus de 50 cales sèches susceptibles d’accueillir de grands navires de surface comme des porte-avions ou des porte-hélicoptères d’assaut.

Concernant la construction de grandes unités de surface, comme les porte-avions, les porte-hélicoptères d’assaut ou encore les navires logistiques, Pékin peut s’appuyer sur plus de 50 cales sèches capables de recevoir de tels bâtiments longs de plus de 200 mètres, et d’un tonnage de plusieurs dizaines de milliers de tonnes.

S’il était nécessaire d’accroitre encore les inquiétudes du Pentagone, l’ensemble de ces chantiers navals, le plus souvent entièrement ou majoritairement contrôles par l’État chinois lui-même, ne rencontre semble-t-il aucune difficulté en matière de ressources humaines, ceci expliquant leur croissance ces dernières années.

L’US Navy dépassée par la production navale chinoise pour l’APL

Les projections actuellement employées en termes de nombre de navires en service au sein de l’US Navy et des forces navales de l’Armée Populaire de Libération semblent ne pas être aussi dramatiques que ne le laisse supposer un tel écart de capacités de production.

Ainsi, en 2025, l’US Navy devrait aligner 287 unités navales de combat, contre 396 pour l’APL. En 2035, ce rapport devrait s’établir autour de 290 contre 435, pour atteindre 310 unités américaines contre 475 navires de combat chinois en 2045.

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L’outil industriel naval américain est en grande partie atrophié et se concentre sur la production de navires militaires

Toutefois, en termes de tonnage, le tableau est très différent, puisqu’en 2025, le tonnage total de la flotte américaine dépassera les 5,5 millions de tonnes, contre 2,5 pour l’APL, et qu’en 2045, l’US Navy conservera encore un léger ascendant dans ce domaine sur son compétiteur chinois.

De fait, en tenant compte d’un éventuel avantage opérationnel américain basé sur un meilleur entrainement et des technologies plus performantes, ainsi que sur la montée en puissance des flottes alliées japonaises, sud-coréennes ou encore australiennes, les projections de rapport de force semblent se rejoindre, et même donner un léger avantage à l’US Navy et ses alliés. Cependant, de nombreux facteurs viennent détériorer cette conclusion.

D’abord, comme évoqué précédemment sur ce site, l’APL concentre l’ensemble de ses moyens sur le théâtre indo-Pacifique, là où l’US Navy se doit de conserver des moyens importants en Atlantique, en Méditerranée et au Moyen-Orient.

En même temps, ces données ne révèlent qu’une partie de la puissance navale chinoise, faisant abstraction, par exemple, de l’importante flotte des gardes cotes qui dispose de navires imposants et surtout considérablement mieux armés que les unités navales de leurs homologues occidentales. Certains de ces navires chinois disposent même, parfois, de missiles anti-navires et anti-aériens, ainsi que de capacités anti-sous-marines.

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Les Gardes Côtes chinois ont récemment perdu 20 corvettes Type 056 initialement en service au sein de l’APL, leur conférant des capacités militaires exceptionnelles pour ce type d’organisation.

Il convient également de prendre en compte la montée en puissance prévue de l’US Navy, pour atteindre 310 unités en 2045, suppose une remobilisation des capacités industrielles navales américaines loin d’être garantie à ce jour, avec notamment une importante augmentation des capacités de production, ne serait-ce que pour assurer le remplacement des unités vieillissantes.

Toutefois, le risque le plus notable, n’est autre que celui que représente aujourd’hui l’extraordinaire outil productif naval de Pékin. En effet, si un conflit devait intervenir, ou plus probablement si une nouvelle course aux armements ouverte, comparable à celle qui marqua les années 50 à 80, venait à se déclencher, la Chine disposerait d’importants moyens pour rapidement surpasser la flotte américaine et alliée, sur un intervalle de temps très court.

Dit autrement, en concentrant à peine 25 % de ses capacités navales industrielles à la production de navires et sous-marins à destination de l’Armée Populaire de Libération, celle-ci pourrait voir son tonnage croitre de plusieurs millions de tonnes par an, sans que les États-Unis puissent réagir avant plusieurs années, le temps de redéployer une capacité de production comparable.

Les capacités industrielles navales chinoises 200 fois plus importantes que celles des États-Unis
Les chantiers navals chinois, ici à Jiangnan, produisent 45 % de la production navale mondiale.

Surtout, même si Washington devait faire un tel effort, tout indique aujourd’hui que les nouveaux chantiers navals américains feraient face à d’importantes difficultés pour recruter le personnel nécessaire ayant les compétences requises.

Il existe pourtant une réponse potentielle envisageable par le Pentagone pour contenir une course aux armements navals dans le Pacifique entre la Chine d’une part, et les États-Unis et leurs alliés de l’autre.

En effet, si la Chine est incontestablement le leader mondial de la construction navale aujourd’hui, elle représente seulement 45 % de la production mondiale totale. Derrière elle se positionnent la Corée du Sud avec 11 millions de tonnes (mt) par an et 32 % du marché (en valeur), suivie du Japon avec 9 mt et 18 % du marché. L’Europe, les Philippines et l’Inde ferment la marche, mais avec des productions très inférieures.

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La Corée du Sud et le Japon disposent tous deux de capacités industrielles navales très importantes, et même supérieures, prises conjointement à celles de la Chine

En d’autres termes, au besoin, Washington pourrait s’appuyer sur les capacités industrielles de ses deux plus importants alliés de ce théâtre, afin de répondre dans les délais requis à un emballement de la production chinoise navale militaire, ce d’autant que Japonais et sud-coréens ont l’expérience de la construction de bâtiments proches des navires américains, et intégrant un grand nombre de systèmes d’origine américaine.

Reste que si la seule alternative de la puissance navale américaine pour soutenir le défi potentiel chinois, repose sur des capacités industrielles coréennes ou nippones, cela révèle un évident déclassement en devenir de la puissance militaire et industrielle américaine, qui ne parvient pas à répondre au tempo imposé par Pékin, et suppose une certaine évolution, pour ne pas dire une évolution certaine, de la posture de Washington vis-à-vis de ses alliés.

La rencontre des ministres français et allemand pour relancer le programme MGCS suscite une certaine inquiétude

Annoncé en septembre 2017 par Emmanuel Macron et Angela Merkel, le programme Main Ground Combat System ou MGCS devait permettre à la France et à la l’Allemagne de concevoir conjointement le successeur des chars de combat Leclerc et Leopard 2 à échéance 2035.

Depuis cette annonce, ce programme a connu de nombreux soubresauts, avec notamment l’arrivée imposée par le Bundestag de Rheinmetall venant sensiblement déstabiliser les équilibres industriels initialement conçus entre le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) rassemblés dans la co-entreprise KNDS depuis 2015.

L’arrivée de Rheinmetall, qui par ailleurs développait de son coté le char de génération intermédiaire KF-51 Panther comme une alternative au Leopard 2 à court terme, et donc comme une alternative au MGCS à moyen et long terme, a sévèrement handicapé le déroulement de la phase d’étude SADS Part 1 lancée en 2020, notamment en réclamant certains piliers technologiques initialement attribués à Nexter, comme dans le domaine de l’armement principal et du blindage.

De fait, depuis plusieurs années, le programme MGCS navigue entre des avancées limitées et des phases de franche hésitation, 4 des 12 piliers technologiques identifiés à ce jour, n’ayant pas pour l’heure été strictement confiés à un industriel spécifique, comme la collaboration le prévoyait initialement.

Pour relancer MGCS, les ministres de la Défense français et allemands se sont rencontrés à Berlin
Sebastien Lecornu et Boris Pistorius à Berlin pour discuter du programme MGCS en juillet 2023

Dans le même temps, suite à la montée des tensions avec la Russie, exacerbée depuis février 2022 par l’intervention des armées russes en Ukraine, le marché des chars lourds a considérablement évolué, avec une reprise très sensible de la demande, ayant amené KMW à developper une nouvelle version du Leopard 2 désignée A8, déjà retenue par la Bundeswehr, la Norvège et la République Tchèque, et fortement pressentie pour l’Italie et les Pays-bas, 2 mois seulement après sa présentation.

De fait, pour les industriels allemands, et plus particulièrement pour ceux engagés dans la fabrication du Leopard 2A8 comme KMW mais également MTU et RENK, il n’y a plus aucun intérêt à viser une échéance à 2035 pour le programme MGCS, ce qui engendrerait un chevauchement très peu efficace entre les nouvelles versions du Leopard 2 et des premières versions du MGCS, bénéfiques ni à l’un, ni à l’autre, et surtout pas aux industriels allemands.

Depuis plusieurs mois, ces mêmes industriels, soutenus par la Bundeswehr, tentent de faire glisser le calendrier du programme franco-allemand, au delà de 2040 et même de 2045, de sorte à libérer les espaces nécessaires à la dynamique actuelle autour du Leopard 2, ce qui n’est pas du tout du gout de la France qui, pour plusieurs raisons déjà évoquées dans de procédants articles, verrait d’un très mauvais oeil un tel glissement.

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Un calendrier visant une entrée en service du MGCS à échéance 2035, viendra handicaper le potentiel commercial qui s’ouvre aujourd’hui devant le Leopard 2 A8/X

C’est dans ce contexte que le ministre des armées français Sebastien Lecornu et son homologue allemand, Boris Pistorius, se sont rencontrés le 10 juillet à Berlin, avec probablement pour objectif de relancer la dynamique du programme comme ce fut fait précédemment avec le programme SCAF, au besoin en tapant du point sur la table des industriels pour les amener à trouver des compromis pour débloquer la situation, et enfin entamer la phase suivante permettant de concevoir les démonstrateurs technologiques.

Malheureusement, même si les ministres ont annoncé un engagement commun pour relancer le programme d’ici quelques mois afin précisément d’entamer la conception des démonstrateurs, et s’ils se sont entendus pour un calendrier visant toujours 2035, les annonces faites ont de quoi interroger sur sa réelle pérennité.

Ainsi, les deux ministres ont donné l’été aux Etats-majors des deux armées devant mettre en oeuvre le blindé, pour définir conjointement une expression de besoins permettant aux industriels de concevoir par la suite le cahier des charges et de mener les arbitrages nécessaires pour poursuivre le programme.

Le fait que ce cahier des charges capacitaire conjoint n’ait pas déjà été réalisé, après 6 ans de programme, a de quoi interpeller quant à l’implication réelle des états-majors pour lui donner corps, mais également, et surtout, sur les difficultés rencontrées par l’Armée de terre et la Bundeswehr afin d’harmoniser effectivement leurs attentes, sachant que ces deux armées ont des doctrines relativement différentes.

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La France n’a aujourd’hui pas de solution satisfaisante pour répondre à un glissement du calendrier du programme MGCS au delà de 2035.

En second lieu, la communication commune des ministres sur la base d’un calendrier visant une entrée en service en 2035, ne sera certainement pas du gout des industriels allemands, qui y verront une menace concernant le marché qui s’ouvre devant eux pour le Leopard 2A8/X dans les années à venir.

Cette absence de compromis pour répondre aux exigences industrielles allemandes, tend à modérer la confiance que l’on peut avoir sur les engagements annoncés, qui semble relever davantage de la stratégie d’évitement que d’une réelle réponse à ces attentes, sachant par ailleurs que contrairement à la France, les industriels allemands disposent effectivement d’une réelle influence politique outre-Rhin, notamment au travers du Bundestag très à l’écoute de leurs positions et attentes.

Il convient, à ce titre, de garder à l’esprit que si le mot clé, en France, concernant l’industrie de défense, est le terme « défense », c’est incontestablement le terme « industrie » qui prédomine dans les décisions des parlementaires et dirigeants politiques allemands.

Reste à voir, désormais, quels seront les actions qui seront effectivement menées en coulisse par les politiques, les industriels et les états-majors, pour sortir le programme MGCS dans l’ornière dans laquelle il se trouve depuis plusieurs années maintenant.

En s’engageant à se rencontrer à nouveau d’ici la fin d’année, les deux ministres ont, à ce titre, posé une échéance à l’ensemble des acteurs de ce programme pour trouver les solutions afin d’effectivement le relancer sur des bases partagées, soit pour acter de positions trop divergentes pour pouvoir être conciliées.

Rheinmetall veut construire une usine produisant 400 chars par an en Ukraine d’ici à 12 semaines

Lorsque le CEO de l’industriel allemand spécialiste des blindés Rheinmetall, Armin Papperger, annonça, il y a quelques mois, qu’il entendait construire une usine de production de chars et de blindés lourds en Ukraine pour soutenir l’effort de guerre de Kyiv, nombre de spécialistes de la question se sont montrés plus que sceptiques.

En effet, une telle usine, qui coutera plus de 200 millions d’Euros à construire, représenterait une cible de choix pour les frappes de missiles et de drones russes, laissant craindre que celle-ci serait détruite à peine commencerait-elle à produire.

Pour autant, cela n’a pas dissuadé le bouillonnant industriel allemand, qui par ailleurs voie ses espoirs de placer son nouveau char KF-51 Panther en Allemagne et en Europe se réduire comme peau de chagrin depuis l’arrivée du Leopard 2A8 qui s’impose sur tous les marchés ces dernières semaines.

De fait, Rheinmetall vient de confirmer, dans une interview donnée à CNN, qu’il construirait avec l’ukrainien Ukroboronprom, une usine en Ukraine capable de produire 400 chars et blindés lourds par an. Plus exceptionnel encore, cette usine devrait sortir de terre, et entrer en production en seulement 12 semaines, c’est-à-dire d’ici à la fin du mois de septembre, une réelle prouesse pour les deux industriels s’ils y parviennent.

Rheinmetall pourra s'appuyer sur l'expérience acquise dans le déploiement de la chaine d'assemblage hongroise du KF41 Lynx pour construire en 3 mois l'usine ukrainienne
Rheinmetall pourra s’appuyer sur l’expérience acquise dans le déploiement de la chaine d’assemblage hongroise du KF41 Lynx pour construire en 3 mois l’usine ukrainienne

Il faut dire qu’aujourd’hui, l’Ukraine fait face à une situation des plus inquiétantes à moyen terme. Comme nous l’avions traité précédemment, la Russie a en effet transformé ces derniers mois son propre outil industriel, de sorte à produire plusieurs centaines de chars modernes T-72B3M, T-80BVM et T-90M chaque année, au point de venir probablement compenser, à terme, les pertes enregistrées sur le front dans ce domaine.

À l’opposé, l’Ukraine, qui dépend dans ce domaine des matériels transférés par ses alliés occidentaux, va bientôt faire face à l’épuisement des stocks transférables, notamment en Europe, alors que la presque totalité des matériels hérités du Pacte de Varsovie a déjà été livrée, et que les nouveaux matériels, comme les chars Leopard 2, arrivent quant à eux au compte-goutte, insuffisamment pour compenser l’évolution du rapport de force.

Face à l’absence de réaction des européens, dont aucun n’a pris la mesure de cette évolution en se dotant d’outils industriels susceptibles de compenser les pertes et rétablir le rapport de force en faveur de Kyiv, les autorités ukrainiennes n’ont aujourd’hui d’autres choix que de renforcer leur propre industrie de défense et capacités de production industrielle, particulièrement dans le domaine des blindés lourds.

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Le T-84 Oplot est le char le plus puissant de l’arsenal ukrainien

De son côté, Rheinmetall y voit sans le moindre doute une opportunité unique de s’implanter dans le pays, et de devenir le partenaire industriel de référence de Kyiv dans ce domaine, notamment pour compenser le faible succès, jusqu’ici, de ses nouveaux blindés KF-41 Lynx et KF-51 Panther.

Pour autant, on ignore, à ce jour, quels blindés seront effectivement produits par cette usine. En matière de chars, deux hypothèses peuvent être envisagées, le KF-51 Panther allemand d’une part, un char très moderne et potentiellement capable de surclasser ses homologues russes les plus modernes, mais également très onéreux et complexe, ainsi que le T-84 Oplot, un char moderne conçu par Ukroboronprom principalement pour l’exportation, moins évolué que le Panther, mais également sensiblement plus économique et capable de faire au moins jeu égal avec les chars russes.

Reste naturellement la question de la vulnérabilité des infrastructures à des frappes massives russes. Dans ce domaine, les performances enregistrées ces derniers mois par les systèmes occidentaux Patriot PAC-3, SAMP/T Mamba, Iris-T SLM et Nasams, semblent avoir été suffisantes pour rassurer les occidentaux quant à la viabilité du transfert d’avions de combat F-16 dans le pays. On peut donc supposer que le même raisonnement a été appliqué concernant cette usine.

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Les systèmes anti-aériens occidentaux, comme l’IRIS-T SLM, se sont montrés efficaces pour contenir la menace des missiles et drones russes

Quoi qu’il en soit, il s’agira, pour les autorités ukrainiennes, Ukroboronprom et surtout pour Rheinmetall, d’un pari aussi risqué que prometteur, car susceptible d’avoir une influence sensible sur le déroulement du conflit en cas de succès, notamment en privant Moscou de ses perspectives à moyen terme.

En bien des aspects, le CEO de Rheinmetall, Armin Papperger, a de quoi irriter, voire agacer, particulièrement du fait de son action trouble au sein du programme MGCS. Pour autant, dans ce dossier, il s’avère peut-être l’homme de la situation pour effectivement amener à l’Ukraine une solution que l’ensemble des alliés de Kyiv se refuse à lui donner depuis le début du conflit.

Comme Safran, Dassault pourrait rejoindre le développement du nouveau chasseur embarqué indien TEDBF

Depuis l’annonce, hier, de l’autorisation donnée par le Defense Procurement Board (DPB) indien pour l’acquisition par New Delhi de 26 chasseurs embarqués Dassault Rafale M et 3 sous-marins conventionnels Scorpene supplémentaires, la presse, tant en France qu’en Inde, multiplie les publications à ce sujet, attendant de toute évidence l’officialisation, ou tout au moins l’annonce de ces commandes à venir à l’occasion de la visite de Narendra Modi en France pour le 14 juillet.

Toutefois, les enjeux de la coopération militaire et industrielle entre New Delhi et Paris semblent devoir aller bien au-delà de ces annonces spectaculaires et médiatiques.

Ainsi, comme évoqué dans de précédents articles, tout porte à croire qu’en marge de l’acquisition des 3 Scorpene supplémentaires, Naval Group et la BITD navale française accompagnera activement le développement du premier programme de sous-marins nucléaires d’attaque indien, avec à la clé d’importants transferts de technologie pour rendre ces navires aussi performants que discrets.

Une seconde hypothèse de plus en plus abordée concerne la possible future collaboration du motoriste Safran dans le programme Twin Engine Deck Based Fighter, ou TEDBF, le futur chasseur embarqué bimoteur en développement par la DRDO, l’agence d’innovation de défense indienne, afin de developper un nouveau turboréacteur développant 12 tonnes de poussée pour un appareil donné à 26 tonnes.

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Naval Group pourrait participer au programme de SNA indien, avec d’importants transferts de technologies à la clé

Devant entrer en service en 2035, le TEBDF remplacera les MIG-29 aujourd’hui mis en oeuvre à bord du porte-avions INS Vikramaditaya, un porte-avions de 45.000 tonnes acquis auprès de la Russie puis reconstruit par les chantiers navals indiens pour entrer en service en 2014. Il devrait également armer un éventuel troisième porte-avions annoncé il y a quelques mois.

Mais Safran pourrait bien ne pas être le seul industriel français à participer au programme TEBDF. En effet, selon le site indien idrw.org, citant des sources concordantes, il semblerait que Dassault Aviation puisse également accompagner l’industrie aéronautique indienne dans le développement de cet appareil, à l’instar de ce que pourrait faire Naval Group concernant le programme de SNA indien.

Bien évidemment, il convient d’être des plus prudents quant à ces allégations, sachant la propension de la presse indienne à s’enflammer sur la base de simples rumeurs. Toutefois, une collaboration avec Dassault adossée à l’acquisition des 26 Rafale M, eux aussi destinés à opérer à bord des porte-avions indiens, serait évidemment une décision rationnelle tant pour l’Inde que pour l’avionneur français.

Pour la Marine Indienne, il sera en effet indispensable d’effectivement remplacer les Mig-29 du Vikramaditaya à l’échéance de 2035, ce qui suppose que le programme TEBDF soit développé tambours battants et ne rencontre aucun problème programmatique ou technologique.

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Le Tejas est le premier chasseur développé par l’Inde. Si l’appareil a des performances raisonnables, il aura fallu plusieurs décennies pour lui permettre d’entrer en service en 2015. L’expérience d’un avionneur comme Dassault permettrait de garantir le respect du calendrier du programme TEBDF

Dans ce contexte, et sachant les difficultés rencontrées par l’industrie aéronautique indienne dans le développement du programme Tejas, être accompagné d’un avionneur et d’un motoriste très expérimentés dans ce domaine, serait incontestablement une immense plus-value et la garantie du respect du calendrier et des performances attendues.

Pour les industriels français, cette participation permettrait, au delà des transferts de technologies, de créer un puissant lien industriel et technologique entre les deux pays, et accroitre la présence industrielle dans le pays.

En procédant ainsi, Dassault Aviation et Safran se mettraient dans une position privilégiée pour multiplier les coopérations avec l’écosystème industriel indien, tant pour répondre aux besoins immédiats (on pense au programme MMRCA 2), que pour participer à d’autres programmes futurs, comme le chasseur AMCA qui devra remplacer les Su-30MKI de l’Indian Air Force.

Rappelons que ces deux industriels avaient déjà de grandes ambitions en Inde au début des années 2010, dans le cadre du programme MRCA finalement abandonné au profit d’une commande de 36 chasseurs Rafale pour l’Indian Air Force.

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Philippe Stroppa / Safran

Surtout, en embarquant simultanément dans le programme de sous-marins nucléaires d’attaque et de chasseur embarqué TEBDF, les industriels français s’engageraient dans deux des programmes les plus stratégiques et déterminants en cours pour l’effort de défense indien, faisant de la France un partenaire de premier plan pour New Delhi et vice-versa, peut-être même une alternative à la position qu’avait la Russie jusqu’à aujourd’hui.

Reste à voir, désormais, quelle forme prendra effectivement cette coopération, et quel sera son périmètre. Quoiqu’il en soit, tout indique que celle-ci ait désormais pris une trajectoire prometteuse et mutuellement bénéfique pour les deux pays, leurs industries de défense et leurs armées.

Le bureau des acquisitions indien avalise la commande de 26 Rafale M et de 3 Scorpene supplémentaires auprès de la France

Selon le toujours très bien informé Michel Cabirol du site d’information économique LaTribune.fr, la visite officielle du premier ministre indien, Narendra Modi, en France à l’occasion des célébrations du 14 Juillet auxquelles participeront des éléments des armées indiennes, ne sera probablement pas l’occasion pour l’Inde et la France de signer de nouveaux contrats d’armement.

Toutefois, tout indique désormais que Paris et New Delhi s’apprêtent à s’engager dans une coopération industrielle et technologique de défense très étendue dans les mois à venir. En effet, ces dernières semaines, la presse indienne multiplie les publications tant pour annoncer de prochains contrats d’armement et de développements technologiques majeurs entre les deux pays, mais également pour mettre en avant la qualité du partenariat stratégique qui lie les deux pays depuis 25 ans maintenant.

Si les révélations de la presse indienne concernant ces prochains programmes de défense étaient jusqu’à présent relativement indirectes, elles viennent de prendre une dimension des plus officielles. En effet, le Bureau des acquisitions de défense indien, ou DPB pour l’acronyme anglophone, vient d’autoriser l’acquisition par New Delhi de 26 Rafale M, ainsi que de 3 sous-marins Scorpene supplémentaires, dernière étape pour permettre à Narendra Modi d’engager le pays au travers de la signature d’une commande officielle.

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Les Rafale M indien armeront le nouveau porte-avions de 40.000 tonnes INS Vikrant entré en service il y a tout juste un an

La commande des 26 Rafale Marine pour armer le nouveau porte-avions INS Vikrant, est attendue de longue date, même si l’expérience suisse a appris aux français à faire preuve de prudence tant que les annonces officielles n’ont pas été faites. En effet, la Marine Indienne avait déjà signifié sa préférence vis-à-vis du Rafale M suite aux essais de l’appareil face au Super Hornet américain, notamment en employant le ski jump d’essais de la base aéronavale de Goa.

En outre, comme nous nous en étions fait l’écho, le passage d’une commande initiale de 57 à seulement 26 avions de combat navals, favorisait sensiblement le Rafale face à l’appareil américain, puisqu’il pouvait s’appuyer sur l’ensemble des travaux entrepris précédemment pour doter les 36 Rafale B/C de l’Indian Air Force des caractéristiques attendues par l’Inde, alors que les synergies sont évidentes entre l’IAF et l’Indian Navy en matière de maintenance et de formation en employant le même appareil.

La commande potentielle de 3 sous-marins Scorpene supplémentaires n’est, quant à elle, apparue que beaucoup plus récemment. Rappelons que la Marine indienne avait déjà confié à Naval Group la construction de 6 sous-marins de ce type formant la classe Kalvari dans le cadre du programme P75 lancé en 2005, la dernière unité de la classe, l’INS Vagsheer, devant rejoindre le service l’année prochaine.

Jusqu’il y a peu, en effet, les perspectives de Naval Group semblaient limitées en Inde, puisque l’industriel français n’avait pas pu participer au programme P75i, succédant au programme P75, mais portant sur des sous-marins équipés d’un système de propulsion anaérobie AIP.

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le dernier des 6 sous-marins de la classe Kalvari a été lancé en Avril 2022, et doit rejoindre le service en début d’année prochaine

En effet, le cahier des charges indien imposait que la solution de propulsion AIP (Air Indépendant propulsion) proposée par les industriels participant à la compétition, soit d’ores et déjà en service. Même si Naval group avait des solutions efficaces à proposer dans ce domaine, celles-ci n’étaient pas en service, l’excluant de fait de cette compétition qui semble tourner en faveur de l’allemand TKMS et de son type 214.

En décembre 2022, cependant, l’hypothèse d’une nouvelle commande de Scorpène par l’Inde émergea, alors que Naval group et les autorités indiennes négociaient une possible collaboration autour du futur programme de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire de l’Indian Navy. Il semblait alors que Naval Group était prêt à de nombreux transferts de technologie pour peu que New Delhi commandait de nouveaux Scorpene.

Alors que le DPB a donné l’autorisation pour acquérir 3 Scorpene supplémentaires, il est donc très probable que conjointement à l’exécution de cette commande, Naval group embarque à bord du programme de SNA indien, dans une collaboration comparable à celle entreprise avec le Brésil depuis quelques années.

Notons également qu’une commande de 3 Scorpene supplémentaires permettra probablement aux chantiers navals indiens Mazagon ayant déjà construit les 6 premiers exemplaires, de s’assurer d’une activité maintenue dans ce domaine jusqu’au lancement de la construction des 6 sous-marins du programme P75i, ou, le cas échéant, des futurs SNA de l’Indian Navy.

Un quatrième programme de collaboration potentielle a émergé il y a peu dans la presse indienne, concernant la conception commune d’un nouveau turboréacteur développant 11 ou 12 tonnes de poussée (contre 7,5 t pour le M88 du Rafale), destiné à équiper le futur chasseur embarqué bimoteur de l’Indian Navy.

Twin Engine Deck Based Fighter TEDBF Concept Exportations d'armes | Allemagne | Arabie saoudite
L’Inde et la France pourraient collaborer pour concevoir conjointement le futur réacteur du nouveau chasseur Twin engine Deck Based Fighter ou TEDBF qui remplacera les MIG 29 de la marine indienne

Pour l’heure, ni Safran ni les autorités indiennes n’ont effectivement corroboré les allégations de la presse indienne dans ce domaine, mais dans la mesure ou les autres affirmations semblent devoir se confirmer, il est possible de se montrer optimiste à ce sujet également.

Si, sans le moindre doute, les informations de la Tribune sont sourcées et solides, le fait que l’autorisation donnée par le DPB soit intervenue à quelques jours de la visite de Narendra Modi a Paris, laisse toutefois planer le doute quant à une possible annonce en ce sens à cette occasion, au travers par exemple de la signature d’une lettre d’intention, même si la signature des engagements définitifs pourrait n’intervenir que plus tard, à l’occasion du 18ème sommet du G20 qui se tiendra à New Delhi les 9 et 10 septembre 2023, selon le site d’information.

Reste à voir, désormais, si cette coopération stratégique industrielle et technologique qui s’engagera bientôt entre New Delhi et Paris, portera sur ces 3 ou 4 programmes, ou si d’autres coopérations sont également en cours de discussion, comme par exemple dans le domaine des chars de combat, de l’artillerie ou des avions ravitailleurs. Il faudra se montrer encore un peu patient pour en avoir le fin mot.

Face à la Chine, le Pentagone ne peut désormais plus que parier sur la technologie et la mobilisation de ses alliés

Surclassé par les capacités industrielles chinoises, le Pentagone sait désormais qu’il ne peut plus compter que sur un éventuel avantage technologique, mais surtout sur le soutien de ses alliés pour relever le défini sino-russe.

Chaque année, l’industrie navale chinoise lance une dizaine de destroyers et frégates, 8 destroyers anti-aériens Type 052DL de 7500 tonnes et 2 nouvelles frégates anti-sous-marines Type 054B pour l’année 2023. Dans le même temps, les États-Unis ne lanceront, cette même année, que deux destroyers Arleigh Burke, l’USS Lenah Sutcliffe Higbee (DDG-123) de type Flight IIa, et l’USS Jack H. Lucas (DDG-125), première unité de la nouvelle version Flight III.

Aujourd’hui, du fait de son antériorité avec 84 destroyers et croiseurs, ainsi que 11 porte-avions, 48 sous-marins nucléaires d’attaque et 30 grands navires de débarquement, l’US Navy conserve l’ascendant numérique sur la flotte chinoise, qui n’aligne que 45 destroyers modernes, 32 frégates ASM Type 054A, 3 porte-avions une fois le Fujian en service, 50 sous-marins d’attaque dont seulement 6 SNA de la classe Sang, et d’uniquement onze grands navires amphibies.

Pour autant, la trajectoire industrielle chinoise lui permettra, d’ici à 2030, de dépasser l’US Navy dans le domaine des grandes unités de surface combattantes, avec une centaine de destroyers Type 055 et Type 052D/L, et une soixantaine de frégates ASM Type 054A/B, contre 80 Arleigh Burke et entre 8 et 10 frégates de la classe Constellation coté américain, le point de bascule se situant entre 2026 et 2027.

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Les chantiers navals américains ne produisent aujourd’hui qu’un cinquième de la production chinoise en matière de grandes unités de surface combattantes (Destroyers et Frégates). Entre 2026 et 2027, la Marine chinoise surpassera en nombre l’US Navy dans ce domaine.

Si l’US Navy disposera toujours de l’ascendant dans le domaine des porte-avions (11 contre 5), des grandes unités amphibies (30 contre 16 à 18), et surtout dans celui des sous-marins, avec plus de 50 sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire américains contre 8 à 10 chinois, mais épaulés par une cinquantaine de submersibles à propulsion conventionnelle.

En revanche, une fois ramené au seul théâtre Pacifique, le rapport de force est très différent, puisqu’il concentre la presque totalité de la flotte chinoise, pour 50 à 60% de la flotte US qui doit également marquer sa présence dans l’Atlantique, en Méditerranée ou encore dans le Golfe Persique et dans l’Océan Indien.

Cette dynamique défavorable est désormais largement exploitée par Pékin, qui multiplie ces derniers mois les démonstrations de force navales, par exemple en traversant la ligne médiane du détroit de Taïwan de manière presque quotidienne, de sorte à user les moyens et la vigilance des forces taïwanaises, mais également en venant défier les navires et aéronefs américains et alliés ne respectant pas les annexions de fait maritimes et territoriales chinoises en Mer de Chine ou autour de Taïwan.

À ce titre, si la déclaration en 2021 de l’amiral Davidson, alors commandant des forces américaines en indo-pacifique, selon laquelle il était probable que la Chine entreprendrait la reprise de Taïwan d’ici à 2027, avait alors fait grand bruit et soulevé beaucoup d’interrogations, cette échéance est désormais partagée par un nombre croissant de spécialistes du sujet, sur la base de la bascule du rapport de force d’une part, et des contraintes politiques et économiques entourant le mandat du président Xi Jinping de l’autre.

Conscient des conséquences qu’un tel déséquilibre des forces ne manquerait pas d’engendrer, notamment au sujet de Taïwan, le Pentagone s’attache, depuis plusieurs années maintenant, à trouver d’autres moyens pour tenter de rééquilibrer ce rapport de force, et ainsi préserver le statu quo.

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La marine chinoise aligne autant de sous-marins que l’US Navy, mais cette flotte est aujourd’hui majoritairement composée de navires à propulsion conventionnelle comme le Type 039. Toutefois, dans l’hypothèse d’une posture purement défensive derrière le premier rideau d’iles de la mer de Chine, ces bâtiments s’avèreraient des adversaires redoutables contre les SNA américains, d’autant que l’APL aligne une importante flottille de corvettes ASM Type 056A pour les épauler.

Toutefois, les opportunités sont peu nombreuses pour les stratèges américains, qui savent ne pouvoir s’appuyer sur une hausse massive des budgets, d’une part, et qui, de l’autre, sont conscients des limites auxquelles se heurtent les capacités industrielles américaines, notamment dans le domaine naval.

De fait, c’est sans grande surprise que le Pentagone s’attache désormais à accroitre le plus rapidement possible son ascendant technologique face à la Chine, en multipliant non seulement les investissements et les programmes en ce sens, mais également en accélérant la mise en service de ces équipements et capacités innovantes, souvent liées à la nouvelle doctrine Joint All-Domain Command and Control, ou JADCC.

Pivot de la transformation globale des forces US, la doctrine JADCC est censée précisément convertir les capacités supérieures des forces américaines en matière de technologies, de communication et d’entraînement des forces, en avantages opérationnels suffisamment perceptibles pour rétablir le rapport de force en leur faveur, et donc de s’avérer suffisamment dissuasif pour Pékin pour ne pas entreprendre d’action offensive contre Taïwan.

C’est ainsi que, ces dernières années, certains programmes de rupture dans le domaine des armes hypersoniques, des armes à énergie dirigée ou des drones, ainsi que d’autres particulièrement démonstratifs, comme les deux programmes Next génération Air Dominance de l’US Air Force pour remplacer les F-22, et de l’US Navy pour le remplacement des F/A-18 E/F Super Hornet, ont été menés avec sérieux, réalisme et célérité par les armées américaines, à l’opposé de la façon dont de nombreux programmes ont été menés de manière souvent catastrophique dans les années 2000 et 2010.

La seconde alternative mise en œuvre par les États-Unis repose sur le renforcement des liens politiques, mais surtout militaires avec ses alliés traditionnels de ce théâtre d’opération, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, Singapour ou les Philippines, ainsi que d’importants efforts pour tenter de se rapprocher d’acteurs clés du théâtre indo-pacifique comme l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie ou la Thaïlande, qui font l’objet de toutes les attentions du Département d’État comme du Pentagone depuis plusieurs années.

Le Pentagone ne peut désormais plus que parier sur la technologie et la mobilisation de ses alliés
Rencontre entre Lloyd Austin et Lee Jong-Sup, 31 janvier 2023 -Copyright Jeon Heon-Kyun / AFP

Au-delà des pays de la zone Pacifique, Washington entend également s’attacher le soutien de ses alliés européens par la montée en puissance et capacités des armées européennes pour contenir la menace russe d’une part, de sorte à permettre un désengagement progressif des forces américaines du théâtre européen au profit du théâtre indo-pacifique; et de l’autre en sollicitant l’intervention des puissances européennes dans ce bras de fer avec Pékin, notamment auprès des puissances navales disposant des capacités de projection suffisantes pour cela.

C’est notamment cette stratégie qui a été au cœur de la création de l’alliance Aukus rassemblant l’Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis autour d’un programme de sous-marins nucléaires d’attaque à destination des marines britanniques et australiennes, mais également des sollicitations de Washington ayant amené plusieurs marines européennes, notamment la France, à déployer des moyens supplémentaires dans le Pacifique.

Toutefois, il convient de remarquer que ces alternatives, mises en œuvre par le Pentagone, la Maison-Blanche et le Département d’État, démontrent dans leur application une certaine fébrilité de la part des autorités militaires et civiles américaines, ainsi qu’une évidente précipitation.

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L’Alliance Aukus s’inscrit dans l’effort américain pour constituer un bloc mobilisable suffisamment dissuasif face à la Chine

De toute évidence, la montée en puissance simultanée des moyens industriels, militaires et technologiques des armées chinoises, adossée à une posture de plus en plus revendicative et parfois belliqueuse de la part de Pékin, ont pris par surprise l’ensemble de la planification militaire et politique américaine, et plus globalement occidentale.

De fait, aujourd’hui, en l’absence d’une anticipation suffisante, les États-Unis et leurs alliés ne peuvent que réagir pour tenter de contenir les initiatives chinoises, sans aucune perspective à court ou moyen terme, pour éventuellement reprendre l’initiative stratégique sur ce théâtre, alors que le bellicisme russe, nord-coréen ou encore iranien, tend à limiter les possibilités de réponse du camp occidental.

Cette perspective peu encourageante est d’autant plus pressante que tout semble démontrer qu’à l’instar de leur dépendance aux hydrocarbures russes en amont du conflit en Ukraine, les occidentaux, européens en têtes, apparaissent déterminés à ne pas anticiper les conséquences économiques et géopolitiques d’un affrontement entre les États-Unis, leurs alliés et la Chine autour de Taïwan, se mettant de fait dans une position de faiblesse significative venant amoindrir d’une certaine manière, les efforts pour préserver le statu quo.

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La Marine Nationale française participe, aux côtés des États-Unis, aux missions visant à signifier à Pékin l’unité occidentale et sa détermination à préserver le statu quo autour de la question taïwanaise

Reste à voir, désormais, si le parie du Pentagone, en déployant suffisamment de nouvelles technologies et de nouveaux moyens, tout en durcissant le bloc d’alliés présents sur le théâtre indo-pacifique, sera suffisant pour entraver les ambitions de Pékin et la volonté de Xi Jinping d’entrer dans l’histoire chinoise au même titre que Mao ou de Qin Shi Huang, en faisant du pays la première puissance mondiale en s’emparant de Taïwan, militairement ou pas.

Le fait est, l’association de puissances militaires en développement rapide, de revendications territoriales et de leaders ayant la certitude d’avoir une destinée historique, n’a jamais auguré rien de bon pour la paix mondiale. Bien au contraire…

L’Armée néerlandaise pourrait récupérer son bataillon de chars de combat perdu en 2011

En 2011, considérant que la menace était désormais insignifiante, La Haye retirait de l’inventaire de l’Armée néerlandaise, ses derniers chars de combat Leopard 2 afin de réduire ses dépenses de défense, pour ne mettre en œuvre, en matière de capacités blindées, qu’un peu moins de 200 véhicules de combat d’infanterie CV9035NL armés d’un canon de 35 mm, épaulés plus tard de 200 Boxer 8×8.

Après l’annexion de la Crimée, puis l’intervention russe dans le Donbass, et le traumatisme du vol MH17, l’Armée Néerlandaise entreprit de se doter à nouveau d’une compétence de ce type, en louant 18 chars Leopard 2A6 auprès de l’Allemagne, pour les mettre en œuvre au sein du 414ᵉ bataillon de char constitué de 300 militaires allemands et d’une centaine de militaires néerlandais, opérant au sein 43ᵉ brigade mécanisée néerlandaise.

Il semble qu’eu égard des tensions avec la Russie, et d’un changement évident de doctrine de la part de La Haye dans le domaine de la défense, les armées néerlandaises soient proches de retrouver une pleine capacité dans ce domaine dans les années à venir.

L armée néerlandaise met en œuvre le véhicule de combat d'infanterie CV9035NL
Le véhicule de combat d’infanterie CV9035NL est aujourd’hui le blindé le plus lourd en service au sein de l’armée néerlandaise

En effet, le parlement néerlandais vient d’adopter une motion présentée par le représentant du parti de droite VVD et ancien porte-parole du ministère des Armées, Peter Valstar, afin de créer un nouveau bataillon de chars entièrement mis en œuvre par l’armée néerlandaise.

La présentation, et l’adoption de cette motion, n’est pas, en soi, une surprise, celle-ci étant régulièrement abordée par la classe politique du pays depuis plusieurs mois, alors que La Haye multiplie les annonces pour moderniser ses armées et d’accroitre leurs moyens opérationnels grâce aux subsides liés à l’augmentation massive de l’effort de défense du pays.

Il est très probable qu’à l’instar de l’Allemagne, de la République Tchèque, la Norvège et probablement l’Italie, les Pays-Bas se tourneront, eux aussi, vers le Leopard 2A8, ce qui ferait incontestablement de ce nouveau char développé sur la base du Leopard 2A7HU acquis par la Hongrie, un immense succès commercial seulement quelques mois après que Krauss-Maffei Wegmann a révélé son existence et qu’il soit immédiatement acquis par la Bundeswehr.

bien que limitée en format, l'armée néerlandaise est réputée bien entrainée
Il sera probablement beaucoup plus difficile de recruter les effectifs supplémentaires que d’acquérir les chars nécessaires à la création d’un nouveau bataillon de chars néerlandais

Reste que la création d’un nouveau bataillon ne sera pas une mince affaire pour l’Armée de terre néerlandaise, qui n’aligne à ce jour que de 12 bataillons d’active pour un effectif de 16.000 hommes et femmes, alors que comme toutes les armées occidentales, elle rencontre des difficultés pour recruter et fidéliser ses effectifs.

De fait, si la commande de 54 chars Leopard 2A8 sera relativement aisée alors que le budget des armées néerlandaises est appelé à croitre, dans les quelques années à venir, de 3 Md€ par an pour atteindre un effort de défense de 2%, il sera beaucoup plus délicat d’augmenter les effectifs de l’armée de terre des 800 à 1000 soldats, sous-officiers et officiers, soit une hausse de 6 à 8% des effectifs, pour donner naissance à ce nouveau bataillon, tout au moins sans venir puiser dans les autres unités d’active.

L’Armée de Terre va créer de nouveaux régiments de réserve comme le 24ᵉ Régiment d’Infanterie

L’Armée de Terre va créer de nouveaux régiments composés exclusivement de réservistes, à l’instar du 24ᵉ RI, dans le cadre de l’augmentation massive de la réserve opérationnelle de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030.

En l’absence d’un nouveau Livre Blanc, et après une Revue Stratégique en certains aspects bâclée, la nouvelle Loi de Programmation Militaire 2024-2030 qui encadrera la trajectoire des armées françaises pour les 7 ans à venir, pouvait apparaitre terne et sans ambition.

Force est de constater que les choses ont considérablement évolué au cours du processus parlementaire, tant du fait des députés et sénateurs, que d’un ministère remarquablement proactif pour s’emparer des sujets et amener des éclaircissements.

C’est ainsi qu’au-delà des aspects budgétaires qui doivent encore faire l’objet d’une dernière négociation en début de semaine prochaine lors de la commission paritaire mixte entre le Sénat et l’Assemblée Nationale, de nombreux objectifs des plus stratégiques pour l’avenir des armées et de l’industrie de défense ont été clairement tracés.

C’est notamment le cas dans le domaine des drones et de la lutte anti-drones, de la pérennisation pleine et entière du porte-avions de nouvelle génération, ou encore au sujet du très ambitieux programme Rafale F5 et de son drone de combat dérivé du programme Neuron, pour ne citer que les plus médiatisés.

La trajectoire en matière de ressources humaines pour les années à venir était, quant à elle, tracée dans les grandes lignes dès la première mouture du projet de loi. Ainsi, les effectifs des armées n’évolueront que peu dans les années à venir, si ce n’est dans certains domaines comme le renseignement ou le cyber.

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Jamais, dans l’histoire récente, le processus parlementaire n’aura été aussi significatif dans l’amendement et l’adoption d’une Loi de Programmation Militaire en France

Pour faire face à la montée des tensions et des risques de conflit, le Ministère des Armées va en effet concentrer ses efforts d’ici à 2030 autour de deux objectifs. D’une part, il s’agira de consolider les effectifs professionnels des armées, notamment pour faire face aux nombreuses difficultés que rencontrent toutes les armées occidentales dans le domaine des ressources humaines, de sorte à éviter la déflation des effectifs.

Dans le même temps, la montée en puissance sera assurée par le recrutement de plus de 40.000 réservistes opérationnels supplémentaires, soit le doublement de la réserve opérationnelle comme aujourd’hui, au travers d’une vaste de campagne déjà débutée pour amener les Français à s’investir dans la Défense et la Sécurité nationale, que ce soit au travers de la Réserve Opérationnelle ou de la Réserve Citoyenne, selon les profils.

Jusqu’à présent, on ignorait comment ces nouveaux effectifs allaient être ventilés, et l’on pouvait craindre qu’à l’instar de ce qui se pratique aujourd’hui, l’essentiel des nouveaux réservistes viendraient renforcer la résilience des unités professionnelles existantes, au travers d’une ou plusieurs compagnies formées de réservistes évoluant au contact de leurs homologues professionnelles.

Si cette solution répondait bien aux besoins il y a quelques années, en conférant aux régiments des moyens humains supplémentaires mobilisables au besoin pour absorber une certaine attrition (de fatigue ou de combat), elle ne permet cependant pas d’accroitre la masse des armées à proprement parler, et donc leur caractère dissuasif.

Héritier d'un régiment créé en 1776 sous Louis XVI, le 24ème régiment d'Infanterie d'Ile de France est le seul régiment de l'Armée de Terre composé exclusivement de réservistes en France
Héritier d’un régiment créé en 1776 sous Louis XVI, le 24ᵉ régiment d’Infanterie d’Île-de-France est le seul régiment de l’armée de Terre composé exclusivement de réservistes en France

Aujourd’hui, il n’existe qu’un unique régiment entièrement constitué de réservistes, le 24ᵉ régiment d’infanterie basé à Vincennes et Versailles en région parisienne. Celui-ci fut recréé en 2013, précisément pour expérimenter la possibilité de mettre en œuvre des unités de la taille et de la fonction d’un régiment, en tout constituées de réservistes, et pour en évaluer les performances et la capacité à s’intégrer dans un dispositif composé d’unités professionnelles.

Si dans ses premières années, le 24ᵉ RI fut cantonné à des missions intérieures, il commença à participer à des opérations extérieures à partir de 2020, au travers de déploiements de courtes durées, conformément à la nature de ses effectifs. Il participa également activement à la mission résilience en Île-de-France lors de la crise Covid.

De toute évidence, l’expérience du 24ᵉ RI s’est montrée satisfaisante, puisque le Ministère des Armées a annoncé que d’autres régiments de ce type allaient être créés lors de la LPM 2024-2030, sans toutefois en préciser le nombre ou la localisation.

Cependant, par leurs besoins importants en matière d’effectifs, on peut supposer que chacun d’eux sera déployé à proximité d’une grande agglomération comme Marseille, Lyon, Nantes, Lille, Toulouse, Bordeaux et Strasbourg.

Reste que, pour l’heure, l’expérience du 24ᵉ RI n’est pas aboutie à ce jour. En effet, si celui-ci dispose des effectifs, et d’une certaine manière de l’entrainement requis, il est particulièrement faiblement équipé, n’ayant ni armement lourd ni véhicules blindés, loin de l’inventaire des régiments d’infanterie professionnels.

De fait, pour aller au bout du raisonnement en matière de masse, il sera nécessaire que ces nouveaux régiments soient équipés à l’instar des régiments professionnels, de sorte à pouvoir être projetés totalement ou partiellement à l’identique de ‘n’importe quelle unité de même arme.

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Pour représenter une réelle alternative à la masse, les nouveaux régiments de réserve devront être équipés à l’identique des régiments professionnels selon leur arme

En outre, il serait probablement souhaitable que ces nouveaux régiments couvrent l’ensemble des besoins, plus spécifiquement en matière d’engagement de haute intensité, et donc disposer des équipements et de l’entrainement nécessaire pour cela. Jusqu’à présent, certaines réticences au sein même de l’État-major entravaient cette approche.

On peut espérer que la démonstration de force réalisée par les armées ukrainiennes, presque entièrement constituées de conscrits et de réservistes, aura permis de faire évoluer les opinions à ce sujet, et qu’effectivement, ces nouveaux régiments composés de réservistes seront les répliques des régiments professionnels en tous points, comme c’est notamment le cas des bataillons de la garde nationale américaine.

Reste que la plus grande difficulté qui devra être surmontée par le Ministère des Armées dans ce dossier, sera incontestablement de parvenir à convaincre et fidéliser 40.000 réservistes opérationnels supplémentaires, de sorte à donner corps à cette ambition.

L’industrie de défense russe pourrait bientôt produire plus de chars qu’elle n’en perd en Ukraine

Il y a quelques jours, le renseignement britannique estimait, dans un de ses rapports quotidiens, que la Russie perdait chaque mois 10 fois plus de chars en Ukraine que l’industrie de défense russe ne pouvait en produire aujourd’hui.

Il est vrai que les sanctions occidentales imposées suite à l’agression contre l’Ukraine, permirent un temps de handicaper sévèrement l’industrie de défense russe. Toutefois, ces derniers mois, et au-delà des déclarations des autorités russes, que l’on sait peu fiables, des constatations objectives tendent à fortement modérer l’enthousiasme des services de renseignement de sa Majesté.

La production de l’usine Uralvagonzavod de Nijni Taguil

Rappelons qu’en mars dernier, la plus importante usine d’assemblage de chars russes, l’usine Uralvagonzavod de Nijni Taguil annonça qu’elle était parvenue à réorganiser sa chaine de sous-traitance et à trouver des alternatives aux composants occidentaux employés dans ses productions, pour produire, chaque mois, une cinquantaine de blindés chenillés.

Il s’agirait de chars T-90M, T-80BVM et T-72B3M, ainsi que les véhicules de combat d’infanterie BMP-3M et BMD-4, alors qu’elle continuerait à moderniser certains blindés pour les envoyer vers les unités de combat.

industrie de défense russe s'est transformée depuis le début du conflit en Ukraine
Il semble que les cadences de production de chars lourds annoncées par Uralvagonzavod se soient confirmées par l’observation des pertes documentées relatives de ces blindés sur le front en Ukraine.

Au-delà des déclarations de l’Agence Tass, et de Dimitri Medvedev assurant que l’industrie russe restait désormais en capacité de produire 1000 à 1600 chars par an, très peu de données permettaient d’attester ou de contester ces allégations.

Depuis, les choses ont relativement évolué, et ne vont pas dans le sens des déclarations britanniques. En effet, l’observation des pertes documentées de chars lourds russes ces 2 derniers mois, tend à confirmer la production mensuelle d’une trentaine de chars par mois entre novembre 2022 et juin 2023.

T-90M, T-80BVM, T-72B3M : Les pertes documentées confirment le rebond de l’industrie de défense russe

En effet, en mai et juin 2023, le site Oryx a référencé la destruction ou l’abandon d’environ 120 chars par les armées russes. Si la majorité d’entre eux étaient des modèles anciens, allant du T-72B3 au T-90A, en passant par le T-62M, 27 ont spécifiquement été identifiés comme des T-62M, T-72B/B3M, T-80BVM dans une version « obr-2022 », c’est-à-dire produits ces derniers mois, ainsi que de T-90M pour plus de la moitié d’entre eux, également produits exclusivement par Uralvagonzavod.

De fait, les pertes de chars modernes produits récemment représenteraient 25 % des pertes enregistrées en mai et juin. Or, si l’on admet que les armées russes disposent encore d’un millier de chars lourds produits avant le déclenchement du conflit, sur les 3000 initialement en stock et déduction faite de 2000 référencés perdus, la production de 30 chars T-72B3M, T-80BVM et T-90M par mois à partir de novembre par Uralvagonzavod, et d’une vingtaine de chars T-62M par les autres sites comme avancé, représenterait donc autour de 350 chars supplémentaires.

T-62M
Outre les chars lourds T-72,80 et 90, l’industrie russe a aussi entrepris de produire le char moyen T-62M, certes ancien, mais doté d’une bonne puissance de feu, et suffisamment protégé pour les actions défensives et l’exploitation éventuelle de percées.

Déduction faite des chars en transit n’ayant pas encore atteint le front, cette valeur représente donc, effectivement, 25 % du parc russe, sachant que cette évaluation est à fin juin, et devrait être pondérée d’une progression linéaire tendant à en consolider la représentativité.

Vers une inversion de la dynamique d’érosion des armées russes ?

De fait, tout porte à croire que les annonces faites en mars, selon laquelle Uralvagonzavod produisait 50 blindés, dont 30 chars chaque mois, ainsi que la montée en puissance des sites de production de T-62M, semblent être corroborées par les observations de destruction sur le front.

Ce constat met à mal les affirmations britanniques, puisque de manière documentée, la Russie a perdu 120 chars en mai/juin 2023 en Ukraine, alors que 80 à 90 chars T-62M, T-72B3M, T-80BVM et T-90M en version obr.2022, auraient été produits, loin du rapport de 1 à 10 avancé.

Les choses risquent, en outre, de se détériorer encore davantage dans les semaines et mois à venir. En effet, selon de nouvelles déclarations russes, la réorganisation de l’outil productif militaire ayant atteint ses objectifs, le site d’Uralvagonzavod produit désormais exclusivement des chars lourds modernes T-72, T-80 et surtout T-90, les autres blindés comme le BMP-3M et le BMD-4, ainsi que la modernisation de chars sortis de stock, étant désormais du ressort d’autres sites.

Msta-S artillerie 152 mm Russie
La production de chars lourds modernes n’est pas le seul axe d’effort de l’industrie de défense russe, qui semble également avoir augmenté la production de systèmes d’artillerie comme le Msta-s ou le Tos

En conséquence, on peut s’attendre à ce que la production de chars dépassent dorénavant les 30 unités mensuelles, pour venir tangenter les 50 exemplaires chaque mois, auxquels viendront s’ajouter les 20 à 30 T-62M produits sur d’autres sites.

De fait, il est raisonnable de penser que dans les mois à venir, la production de chars russes permettra d’équilibrer les pertes et donc de mettre fin à l’hémorragie capacitaire qui a très sévèrement handicapé son potentiel militaire depuis 18 mois, tout du moins tant que les armées russes resteront en posture défensive.

Plus inquiétant encore, apparemment, le surplus de production des usines russes permettra de reconstituer une capacité offensive au fil des mois, offrant à l’état-major russe une plus grande souplesse et des options au besoin, notamment pour mener des contre-attaques ciblées.

L’inertie des européens

Ce constat doit être mis en perspective de l’essoufflement du soutien européen et occidental à l’Ukraine en matière de chars lourds, de véhicules de combat d’infanterie et de systèmes d’artillerie mobile.

Industrie européenne de défense
À ce jour, rien n’indique que l’industrie européenne a entrepris de se dimensionner dans l’hypothèse d’un conflit long en Ukraine, de sorte à soutenir en flux tendu Kyiv et ses armées.

En effet, les stocks mobilisables et transférables, surtout en Europe, concernant ces types de matériel, sont désormais réduits, obligeant les européens à envoyer en Ukraine des chars comme le Leopard 1 allemand ou le char léger français AMX-10RC, insuffisamment protégé pour mener des actions offensives de première ligne face à des versions modernisées des chars lourds russes.

Or, rien n’indique, à ce jour, que les européens aient entrepris de structurer leur outil productif industriel pour relever le défi russe, particulièrement dans le domaine de la production de chars lourds. Pire, plusieurs pays européens semblent à ce point persuadés que la guerre prendra bientôt fin, et avec elle le besoin de soutenir Kyiv militairement, qu’ils arbitrent en faveur de matériel dont on sait qu’ils ne pourront être transférés à l’Ukraine au besoin.

De fait, aujourd’hui, tout indique que le temps joue clairement en faveur de Moscou. Cela explique qu’en dépit des très lourdes pertes subies, le Kremlin reste déterminé à prolonger le conflit et à ne pas abandonner les territoires saisis.

Ce d’autant que le soutien américain risque fort d’être réduit au-delà de la prochaine échéance électorale outre-atlantique, et que les blindés lourds occidentaux transférés à Kyiv pour la contre-offensive de printemps annoncée, ne paraissent pas en mesure d’apporter de plus-value opérationnelle suffisamment déterminante pour compenser un déficit de masse, surtout en posture offensive.