Dรจs lors que lโon dรฉsigne la Russie comme un adversaire potentiel de la France, cela dรฉclenche systรฉmatiquement un volet de bois verts de la part de personnes indignรฉes que lโon considรจre ainsi ce pays. Et de fait, une part significative de la classe politique franรงaise est trรจs ouvertement favorable ร une rapprochement avec la Russie, nโhรฉsitant pas ร aller rencontrer son prรฉsident, les membres de la Douma, ou ร sโรฉpancher devant une carte des immensitรฉs russes.
Or, dรฉs lors que lโon rentre dans une analyse plus technique, plus objective des relations entre la France et la Russie, et des intรฉrรชts des deux pays, on ne peut manquer dโy voir dโimportantes divergences et des tensions trรจs nettes.
Doit-on, dans ce cas, considรฉrer la Russie comme une menace potentielle vis-ร -vis de la France ?
Pour cela, nous รฉtudierons les deux aspects de la question : la Russie a-t-elle le potentiel de menacer la France, et doit-on considรฉrer ce potentiel comme une menace?
Depuis sa prise de pouvoir, le prรฉsident Putin sโest donnรฉ pour mission de redonner ร la Russie un rang international suffisant pour รชtre acteur des grandes dรฉcisions de ce monde. Pour cela, il a entrepris de reconstruire les forces armรฉes russes, en totale dรฉliquescence par 10 annรฉes de prรฉsidence Ieltsine. En 15 ans, la Russie reconstituera une force militaire de premier plan, et en fera la dรฉmonstration lors de son intervention en Syrie. Aujourdโhui, les forces russes disposent de prรฉs de 2800 chars de combat modernisรฉs, 1300 avions de chasse, et une soixantaine de sous-marins dโattaque, pour ne citer que les รฉquipements les plus marquants. En moyenne, les forces russes disposent de 2 fois plus dโรฉquipements que la somme des รฉquipements disponibles en Europe. A sa puissance conventionnelle dรฉjร marquรฉe, sโajoute une puissance nuclรฉaire trรจs largement supรฉrieure ร celles des deux puissances nuclรฉaires europรฉennes, la France et la Grande-Bretagne.
Du point de vu des objectifs, la puissance militaire russe reprรฉsente donc bel et bien une menace potentielle pour lโEurope occidentale, dont la France fait รฉvidemment partie.
Dโautre part, la Russie a dรฉjร montrรฉ, rรฉcemment, quโelle nโhรฉsitait pas ร user de cette force militaire pour parvenir ร ses objectifs politiques et gรฉopolitiques. Outre les exemples Ukrainiens et gรฉorgiens, les forces russes nโont pas hรฉsitรฉ ร dรฉfier les forces occidentales lors de lโintervention en Syrie pour protรฉger le rรฉgime de Bashar Al Assad. De mรชme, lorsque la France et la Grande-Bretagne participรจrent aux frappes contre les installations chimiques Syriennes, les unitรฉs navales russes ont volontairement tentรฉ dโentraver le bon dรฉroulement de la mission, au risque dโun incident aux consรฉquences importantes. De mรชme, dans les Pays Baltes, comme en mer noire les appareils occidentaux ont rรฉguliรจrement ร faire avec des appareils russes au comportement volontairement dangereux.
Dans des domaines moins ยซ visibles ยป, les confrontations entre forces russes et franรงaises en matiรจre de guerre sous-marine, de renseignement, de spatialet de Cyber, sont frรฉquentes, au point de rappeler les tensions lors de la guerre froide.
Par ailleurs, les forces russes consacrent une grande partie de leur entrainement ร des scรฉnarii envisageant une confrontation avec les forces de lโOTAN, qui inclut, rappelons le, la France. A ce titre, la conception mรชme des รฉquipements de Dรฉfense russes est optimisรฉe pour prendre lโavantage sur lโOTAN, et sur lโOTAN uniquement.
Ainsi, alors que la Russie partage 2300 km de frontiรจres communes avec la Chine, soit 3 fois plus quโavec lโOTAN, elle nโa conรงu aucun รฉquipement pour contrer spรฉcifiquement les forces chinoises, alors mรชme que la moitiรฉ des territoires russes sibรฉriens รฉtaient encore chinois jusquโau milieu du 18eme siรจcle.
Enfin, la Russie a une structure politique trรจs centralisรฉe, et les contre-pouvoirs y sont particuliรจrement affaiblis, rendant le pays plus disposรฉ ร des actions unilatรฉrales dangereuses.
Alors, la Russie, menaรงante ou incomprise ?
Objectivement, la rรฉponse doit-รชtre ยซ ni lโune ni lโautre ยป. Si les frictions entre les forces russes et les forces occidentales, dont franรงaises, ne sont pas rares, il nโy a aucun signe prรฉfigurant une dรฉtรฉrioration prochaine de la situation actuelle. En outre, les relations commerciales et industrielles entre les deux pays restent importantes, la France รฉtant le premier investisseur privรฉ en Russie.
En revanche, il serait irresponsable dโignorer le renforcement militaire russe, qui aujourdโhui dispose dโun gradient de puissance largement positif en Europe. La Russie reprรฉsente aujourdโhui la plus puissante menace potentielle pour la France, mรชme si elle nโest pas la plus probable.
Dโun point de vue militaire, cโest donc bel et bien vis-ร -vis de la menace Russe, la plus importante force militaire potentiellement menaรงante, quโil est nรฉcessaire de dimensionner lโoutil de Dรฉfense. Ce nโest ni de la russophobie, ni la rรฉsultante dโune soumission aux Etats-Unis, mais la consรฉquence des รฉlรฉments factuels du moment.
Paradoxalement, il est probable que le renforcement de la puissance militaire europรฉenne serait de nature ร apaiser les tensions entre les capitales europรฉennes et Moscou, car ce faisant, lรฉ dรฉpendance ร la puissance militaire amรฉricaine serait moindre, ne justifiant plus la prรฉsence de troupe US sur le sol Europรฉen.
A mรฉditer โฆ