samedi, septembre 6, 2025

Les régions comme pivots de l’écosystème Défense

Quiconque a interagi avec l’écosystème Défense français sait à quel point celui-ci est centralisé, et que l’immense majorité de ses acteurs sont situés à Paris et dans sa banlieue proche. Héritée d’une histoire et d’une administration elle-même très centralisée, l’organisation de l’écosystème Défense n’a pas, contrairement à d’autres, su évoluer vers une forme de décentralisation.

Dans cet article, nous étudierons comment la Région peut prendre en charge une partie des besoins de la BITD française et de l’ensemble de l’écosystème Défense, et apporter des réponses et des expertises pour soutenir la performance des industries de Défense comme celui des armées, tout en intensifiant son lien avec la société.

Pourquoi décentraliser le pilotage de l’écosystème Défense ?

La décentralisation n’est pas une fin en soit ; elle doit servir des objectifs identifiés et quantifiés, et apporter une plus-value déterminante dans l’action politique et dans l’organisation industrielle.

En matière de Défense, l’absence de représentations structurées et coordonnées au niveau local nuit aux performances de l’industrie de Défense, à l’émergence de l’innovation, et à l’intégration entre cette politique de Défense et la société civile, créant incompréhensions et parfois hostilité.

Des initiatives locales, comme le CID de Bourges, ont montré qu’apporter cette réponse locale aux préoccupations des industriels et des militaires pouvait favoriser le dynamisme de l’industrie locale, et augmenter les interactions entre civils et militaires. Toutefois, ces initiatives gagneraient en efficacité si elles évoluaient dans un cadre global et structuré, fédérant l’ensemble des initiatives, pour apporter une réponse conforme et cohérente sur tout le territoire. En cela, l’échelle régionale apporte un équilibre entre représentativité locale, format et structure de couts maitrisée.

Ainsi, une structure régionale standardisée serait en mesure d’apporter un niveau de services jusque là inaccessible, reposant sur 6 pôles d’activités : administratif, financier, formation, études, opérationnel et international.

Le Guichet Unique Défense

Le premier rôle indispensable à une telle structure est un guichet unique permettant à l’ensemble des acteurs de l’écosystème Défense d’effectuer leurs démarches en étant accompagné par des experts locaux. Pour de nombreuses entreprises, de la PME/PMI à l’ETI, l’écosystème Défense apparaît comme complexe et impénétrable. Via ce guichet unique, elles pourront être accompagnées dans leurs démarches, sans besoin de multiplier les déplacements. Elles pourront également prendre contact avec les représentations interprofessionnelles, comme le GICAT, le GICAN et le GIFAS. Enfin, le guichet unique permettrait d’accroitre la réactivité de l’écosystème Défense local pour l’organisation d’évènements, de déplacements groupés, d’actions de représentation et d’informations.

Le Pole de financements

Pour de nombreuses entreprises évoluant dans l’écosystème Défense, l’accès aux financements est un sujet plus que problématique. A l’échelon régional, il existe pourtant des acteurs financiers, banques, assurances, credit-scorer, susceptibles de répondre à ces sollicitations, sans passer par des arbitrages nationaux défavorables. L’organisation du pole de financements, jouant de rôle de forum et d’organisateur des offres, favorisera et dynamisera largement la BITD nationale.

Le Pole Formations

En charge de la formation professionnelle, et jouant un rôle important dans l’éducation secondaire, la Région est l’interlocuteur de référence pour aborder les questions de formations, et apporter une réponse aux besoins spécifiques des industries de Défense, mais également des armées. Le Pole Formations serait ainsi en charge d’anticiper les besoins de formation dans une vision à moyen terme, et d’organiser une offre globale en synchronisant les capacités de formation répertoriées par l’ensemble des pôles régionaux. 

A ce titre, l’ensemble des structures régionales devra collaborer de sorte à ne pas multiplier les réponses pouvant être mutualisées, et apporter une approche la plus performante possible.

Le Pole Etudes

L’accès à une information pertinente et performante est déterminant pour l’efficacité industrielle. Ca l’est encore d’avantages dans le domaine de la Défense, dont le marché est conditionné par les évolutions technologiques, économiques, politiques et géopolitiques. Le pole Etude serait en charge d’organiser les travaux de recherche, tant à l’échelle régionale que nationale et internationale, ainsi que d’accompagner les rédacteurs et chercheurs dans leurs démarches administratives, d’accès aux crédits de recherche, et d’accès aux informations nécessaires.

Il permettrait également d’encadrer ces travaux en matière de confidentialité, de protection des données, et plus largement de sécurité.

Enfin, chaque structure gagnerait à disposer en permanence d’une connaissance intime de son écosystème Défense, comme de ses capacités d’évolution optimisée du point de vu de l’aménagement du territoire, de sorte à pouvoir répondre dans les délais appropriés à des sollicitations d’implantation, tant en matière d’infrastructure industrielles que militaires. Une méthodologie standardisée d’analyse des performances de l’écosystème défense, comme celle proposée par la Défense à valorisation positive, permettrait également de faciliter les négociations entre pouvoirs publics, partenaires financiers, et industriels, dans l’optique de faire évoluer leurs infrastructures, ou d’en implanter de nouvelles, comme aux militaires pour leurs propres infrastructures.

Le Pole Forces Opérationnelles

Les forces armées bénéficieraient elles aussi d’un appui régional. Au delà des capacités de formations et d’études déjà abordés, une structure régionale pourrait être en charge de soutenir la politique RH des forces, que nous savons en difficulté. Pour cela, elle peut prendre en charge la promotion de la Garde nationale, au niveau des lycées à sa charge, comme par l’organisation d’évènements destinés à accroitre les interactions entre les unités déployées sur son territoire, et la jeunesse.

Elle peut également, de manière coordonnée, mettre en œuvre une stratégie digitale visant à renforcer et améliorer l’image des forces armées, comme des industries de Défense, sur son propre périmètre.

Enfin, la région pourrait être l’acteur central d’une politique de bourses d’étude liée à un engagement limité, à l’image de ce qui se pratique dans les lycées militaires, dont les modalités de financement resterait à définir.

Le Pole Europe et internationale

Enfin, la structure serait en mesure de lier des partenariats fructueux avec ses homologues européens et internationaux, permettant aux entreprises de la BITD française d’accéder à de nouveaux marchés, ou de trouver de nouveaux partenaires.

Dans ce domaine également, le CID de Bourges a ouvert la voie, en nouant des partenariats avec le district de Victoria en Australie, et la province de Québec au Canada. Comme en France, les régions ont souvent une spécialisation industrielle en matière de Défense : la région Centre pour les équipements terrestres, les régions du grand-ouest pour l’aéronautique, Paca pour les nouvelles technologies etc..

Ainsi, elles seraient en mesure de nouer des liens solides avec leurs homologues miroir, et étendre ainsi les opportunités d’action, de communication, et de collaboration.

Conclusion

La mise en œuvre d’une structure régionale pour piloter et coordonner l’écosystème Défense français présente, nous l’avons vu, de très nombreuses opportunités. En outre, ses besoins, tant en terme de personnels que de budgets, seraient très limités, et largement compensés par les bénéfices qu’elles apporteraient tant à la BITD qu’aux forces déployées sur le territoire.

Comme souvent, le plus difficile sera de convaincre les acteurs de la décision Défense de la pertinence d’un changement de paradigme. Mais l’innovation ne doit, ni ne peut, se limiter au volet technologique, et il sera nécessaire à l’écosystème Défense d’accepter de penser autrement pour répondre aux enjeux du 21eme siècle.

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