A l’heure actuelle, les États-Unis restent la première puissance dans la course à la maîtrise de l’IA grâce à leur hégémonie numérique. Mais de nombreuses inquiétudes internes face à la progression de la Chine dans la technologie de l’IA tendent à révéler de nombreuses fragilités américaines en la matière.
I- L’hégémonie américaine dans la couche physique du cyberespace
Les États-Unis ont historiquement créé un fossé numérique avec les autres puissances par leur influence omniprésente dans le cyberespace depuis sa création. Il faut rappeler que les États-Unis peuvent être considérés comme le Heartland du milieu physique du cyberespace par leur rôle historique dans le développement de ce milieu, notamment le programme ARPANET. Actuellement, environ 99 % du trafic des données du cyberespace passent par les câbles de fibre optique sous-marins. Ils peuvent être considérés comme des constructions vitales au niveau mondial. En effet, leur indisponibilité aurait des impacts négatifs considérables dans tous les domaines touchant ainsi la sécurité nationale et la vie économique de tous les États. Ceux détenant des câbles sur leur territoire disposent d’un avantage considérable pour des fins d’espionnages. Or, la majeure partie de ces câbles possède un point d’ancrage sur le territoire américain. Dès lors, cela implique que les États-Unis constituent un point névralgique du cyberespace. D’ailleurs, le pouvoir politique américain en a bien saisi toute l’ampleur. En effet, il s’agit du seul État ayant créé un organisme national, la Federal Communication Commission, afin de s’assurer de l’intégrité des câbles (câbles américains ou câbles étrangers) ayant un point d’accroche sur son territoire. Dès lors, ils disposent de nombreux data centers abritant de nombreuses données. Ces dernières étant vitaux pour la croissance de l’IA, les États-Unis en tirent bénéfice.
Le territoire américain abrite ainsi de nombreux data centers servant au cloud mondial. De cette manière, les États-Unis ont développé un arsenal législatif leur permettant de capter les données transitant sur ces serveurs. En 2013, les autorités américaines ont réclamé à Microsoft les données d’un utilisateur américain stockées en Irlande sous le fondement de la loi américaine Stored Communication Act. Afin de préserver sa réputation auprès de ses clients, l’entreprise américaine avait contesté la demande des autorités américaines. .
Le Président américain Trump a promulgué, grâce à l’appui du Congrès, le Clarifying Lawful Overseas Use Of Data Act (Cloud act) le 23 mars 2018, avant la décision de la Cour Suprême, et à la surprise générale des autres États. Ce texte dispose explicitement d’une application internationale. Chaque société américaine et leurs filiales ayant une part d’activité dans le cloud doivent transmettre les données réclamées par les autorités américaines en cas de « serious crime », quels que soient la nationalité ou l’emplacement du data center de la société américaine. Ainsi, chaque personne connectée, chaque entreprise ayant recours aux services cloud de prestataires américains,est potentiellement susceptible de voir ses données examinées par les institutions américaines.
Ainsi, les États-Unis sont une véritable cyberpuissance par le nombre d’infrastructures majeures du cyberespace installées sur leur territoire et le lawfare numérique exercé. Cette hégémonie, appuyée par les GAFAM, permet de disposer d’avantages considérables dans le développement de l’IA.
II- Les GAFAM : piliers de l’avancée américaine en matière d’IA
L’atout majeur sur lequel repose la puissance américaine en termes d’IA est le poids considérable des GAFAM en la matière. Les GAFAM disposent de toutes les infrastructures et technologies nécessaires aux travaux de recherche sur cette technologie d’avenir. En outre, le territoire américain accueille plus de 1 400 start-up spécialisées en IA. Ce vivier explique l’attrait considérable que ce lieu représente pour tous les chercheurs et innovateurs en la matière. Pour l’Union européenne, il s’agit d’une perte de 240 000 européens préférant y travailler pour l’année 2017. Pire encore, ces multinationales captent les esprits étrangers en s’implantant sur les territoires tiers. En proposant des salaires élevés et des conditions de travail idéales, les plate-formes numériques américaines parviennent à attirer les professionnels les plus prometteurs en leur sein. Les GAFAM vont jusqu’à financer les formations de haute technologie des États étrangers comme Google finançant la chaire intelligence artificielle de l’école Polytechnique en France. La volonté de l’entreprise de recruter ses futurs talents au sein de cette institution est explicite. Les étudiants les plus doués sont ainsi captés par ces dernières. Ainsi, les États dotent ces individus de compétences vitales par des formations publiques mais ne sont pas en mesure de retenir ces cerveaux.
In fine, les GAFAM souhaitent conserver leur puissance numérique sur le long terme en investissant massivement dans l’IA. Ces entreprises se constituent progressivement en véritable oligarchie de l’IA. A titre d’illustration, le budget recherche et développement (R&D) d’Amazon est estimé à plus de 22 milliards de dollars pour l’année 2018. Certes, ce budget n’est pas exclusif au développement de l’IA mais reste représentatif des moyens pouvant être mis à disposition d’une telle entité afin de poursuivre la course à l’armement technologique. De son côté, Microsoft a annoncé investir 1 milliard de dollars dans la société OpenAI afin d’établir une IA forte. Il ne s’agit que d’une infime partie des investissements en la matière. L’exemple le plus marquant a été le rachat de la start up DeepMind, dont est issu AlphaGo, par Google. Cette IA a montré des avancées considérables par ses victoires sur l’Homme sur le jeu de Go ou les jeux vidéos multijoueurs. Ces succès semblent anodins mais prouvent la capacité d’adaptation et de prise de risque de cette IA face aux réactions humaines
Pire encore, les services régaliens de nombreux Etats étrangers dépendent des outils américains tel que le système d’exploitation Windows de Microsoft, les rendant donc vulnérables.
Malgré des frictions avec les GAFAM, le gouvernement américain s’appuie sur ces entreprises pour dominer la course à l’IA. Microsoft a ainsi été retenu pour le contrat JEDI (Joint Enterprise Defense Infrastructure), d’une valeur de 10 milliards de dollars, du Pentagone afin de moderniser les systèmes informatiques de l’armée américaine en s’appuyant sur le Cloud Azure. L’autre rival était Amazon. De même, Microsoft fournit également les futurs casques Hololens, permettant aux soldats américains de bénéficier d’une meilleure vision nocturne tout en leur fournissant diverses données comme la mesure des signes vitaux, et l’IVAS (le système d’assistance visuelle augmentée). Toutefois, les salariés des GAFAM ne sont pas des fonctionnaires. Les intérêts de l’entreprise et ceux de l’État fédéral peuvent être opposés. Les employés de Google se sont déjà rebellés contre les décisions de leurs dirigeants en se déclarant contre et pour l’annulation du projet MAVEN. Ils ont eu gain de cause. Ce programme devait approfondir les technologies de reconnaissance par drone de l’armée américaine.
III- Une maîtrise américaine de l’IA à consolider
La maîtrise de l’IA est une priorité pour la Maison-Blanche.L’image d’une nouvelle course à la conquête spatiale.A cette fin, plusieurs plans ont été annoncés depuis la présidence Obama face à la montée en puissance chinoise.
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