Il y a tout juste un an, une nouvelle confrontation militaire limitée opposait l’Inde et le Pakistan dans la région du Kashmir. Le 27 février 209, des échanges de tirs ont alors lieu entre les chasseurs bombardiers des deux pays. Le Pakistan annonce alors que ses F-16 et quelques chasseurs légers JF-17 ont engagé et détruit deux chasseurs indiens, tandis que New Delhi confirme uniquement la perte d’un de ses antiques MiG-21 et la destruction en retour d’un F-16 pakistanais.
Si les détails réels de cet engagement restent encore flous pour le grand public, il en ressort néanmoins que l’Indian Air Force (IAF) comme la Pakistan Air Force (PAF) se reposent encore en grande partie sur des chasseurs légers et anciens pour leurs opérations d’interception et d’attaque au sol. Or, le remplacement des MiG-21 Bison en Inde et Mirage III/5 au Pakistan par des chasseurs maniables et économiques devient de plus en plus critique au fil des années.
Enjeux et contexte de la modernisation de l’IAF et de la PAF
Depuis la fin des années 1980, Pakistan et Inde se sont engagés chacun de leur côté pour le renouvellement de leurs MiG-21, J-7 et autres Mirage III obsolètes. Si le JF-17 sino-pakistanais est aujourd’hui pleinement opérationnel, le LCA Tejas indien a encore du mal à prendre son envol, ce qui a conduit l’IAF à évaluer d’autres options dont une variante du F-16 américain dénommée localement F-21.
L’origine du JF-17 remonte au conflit afghan des années 1980, quand le Pakistan était le principal allié régional des USA face à l’interventionnisme soviétique en Afghanistan. L’avionneur américain Grumman collabore alors avec le Chinois CAC (Chengdu Aircraft Corporation) et la PAF pour le développement d’une variante modernisée du J-7, version chinoise du MiG-21. Les évènements de Tienanmen en 1989 entraînent le retrait de Grumman, tandis que la fin de l’URSS permet à CAC de se retourner à nouveau vers la Russie pour se procurer le moteur du nouveau chasseur léger. Le prototype du JF-17, cofinancé à parts égales par la Chine et le Pakistan, vole alors pour la première fois en 2003. La PAF prévoit alors de s’équiper d’environ 200 appareils, qui viendront remplacer ses appareils légers Q-5, J-7 et Mirage III, tandis que de nouveaux F-16C/D américains sont alors attendus des États-Unis pour moderniser le volet haut de sa force aérienne (une vente ensuite annulée en 2016).
Le contexte indien est, lui, plus complexe. Outre le LCA Tejas en développement depuis le début des années 1980, l’IAF prévoit suite au conflit indo-pakistanais de 1999 d’acquérir 126 chasseurs français Mirage 2000-5, équivalents aux F-16C de la PAF. Au fil des atermoiements de l’administration indienne, cet achat sur étagère se transforme en appel d’offre MMRCA, qui voit le Rafale gagner en 2012 avant d’être annulé et converti en 2015 en un achat de 36 Rafale produits en France. Par la suite, les autorités du pays, cherchant à diversifier leurs approvisionnements, tentent d’acquérir une centaine d’avions monoréacteurs, une exigence technique qui ne repose sur aucune justification opérationnelle, mais qui permet d’éliminer les fournisseurs français et russes habituels et de n’évaluer que les seuls Gripen suédois et F-16 américain. Par la suite, l’appel d’offre est à nouveau élargi aux bimoteurs, signant le retour du Rafale mais aussi du Super Hornet de Boeing même si, dans le même temps, les sempiternels déboires du LCA Tejas et les difficultés financières de la défense indiennes remettent sur le tapis l’idée d’un appareil monomoteur, soi-disant plus économique à l’usage.
JF-17 Block III : le vrai fils spirituel du MiG-21 ?
Lorsque le JF-17 est conçu en Chine, sous la désignation CAC de FC-1, la question des coûts d’acquisition est primordiale. La Chine développant son propre monoréacteur médian, le J-10, elle cherche avant tout avec le JF-17 à produire un petit avion économique capable de plaire à l’exportation sur le marché de remplacement des antiques MiG-21. L’idée convient alors parfaitement aux ingénieurs pakistanais du Pakistan Aeronautical Complex (PAK), qui co-conçoivent et co-produisent l’appareil avec la CAC.
Techniquement, le JF-17 reprend quasiment les mêmes dimensions générales que le F-16 (15m de long, 9,5m d’envergure) mais est beaucoup plus fin et léger, avec une masse à vide de 6,5t (8,5t pour le F-16) et une masse maximale au décollage de moins de 13t (contre environ 19t pour le F-16). Il est propulsé par un réacteur russe Klimov R-93 dérivé de celui du MiG-29, et délivrant 8,5t de poussée maximale. Ses entrées d’air sont équipées d’un dispositif DSI sans pièces mobiles, permettant le vol supersonique avec des coûts d’entretien réduits.

Dans ses version Block I et Block II, il embarque le radar chinois KLJ-10 qui lui confère des capacités BVR (combat à longue portée) particulièrement intéressante pour un appareil de sa classe, sans atteindre encore celles du F-16C pakistanais équipé de missiles américains AIM-120 AMRAAM. Sa capacité d’emport en charges externes est limité à 3,5t environ, ce qui ne l’empêche pas d’être présenté avec des configurations intéressante grâce à des pylônes d’emport doubles. Il peut ainsi embarquer, en plus de ses réservoirs externes, jusqu’à six missiles air-air (dont 4 missiles BVR PL-12), des bombes à guidage laser ou des missiles anti-navires, ce dernier armement lui conférant une capacité jusqu’alors hors de portée des F-16A/C pakistanais.
Cependant, c’est vraiment avec la version Block III en cours de développement que le JF-17 va pouvoir montrer toutes ses dents et permettre à ses pilotes d’égaler leurs confrères équipés de F-16C. Le Block III va ainsi être doté d’un radar AESA à antenne électronique active, deux modèles chinois (LKF601E et KLJ-7A) ayant été testés en vol. Ce radar permettra à l’appareil d’emporter le missile PL-15, dont la portée dépasse 180km contre environ 100km pour la variante de l’AMRAAM équipant les F-16 de la PAF. Le JF-17 devrait également être doté d’une suite de guerre électronique améliorée. Si Pékin a proposé au Pakistan de doter le Block III d’un réacteur chinois WS-13 plus puissant, devant permettre d’augmenter la vitesse maximale de l’appareil de Mach 1,6 à Mach 2, la PAF a préféré conserver le RD-93 russe plus fiable et moins coûteux à l’entretien.
Afin de remplacer les derniers Mirage III modernisés, l’armement s’étoffera avec l’emport de missiles de croisière, mais aussi de missiles anti-navires supersoniques voire, à l’avenir, hypersoniques. Une des particularités du JF-17 est d’avoir été conçu autour de bus de données permettant à la fois l’intégration d’armements d’origine russe, chinoise ou occidentale, bien qu’il semble que l’arsenal actuel et futur de l’appareil s’articule avant tout autour de productions chinoises et, de plus en plus, d’armements conçus au Pakistan. On soulignera toutefois que, initialement, les versions évoluées du JF-17 auraient dû inclure une avionique européenne. La France, en particulier, aurait pu fournir le radar RC-400 (RDY-3) et des missiles air-air MICA, mais l’affaire n’aurait jamais été conclue suite à des risques de fuite industrielle vers la Chine, aux relations diplomatiques dégradées entre Paris et Islamabad et à la signature de plusieurs contrats majeurs avec l’Inde.
Sur le plan des performances, le JF-17 s’avère particulièrement bien adapté aux besoins pakistanais. Avec une profondeur stratégique bien plus faible que l’Inde, le Pakistan peut plus facilement faire reposer sa défense aérienne sur des chasseurs légers dont la faible autonomie est compensée par une bonne maniabilité et, à partir du Block III, une avionique digne d’un chasseur moyen. A moins de 15 millions $ l’unité, le JF-17 est ainsi un chasseur-bombardier capable d’engagement BVR à très longue distance vendu pour le prix d’un avion d’entrainement avancé subsonique. Une réussite en soi lorsque l’on est une force aérienne opposée à la gigantesque IAF. Ce bas prix, couplé à des performances très honnêtes, a déjà permis au JF-17 d’être exporté au Myanmar et au Nigéria, tout en intéressant sérieusement l’Azerbaïdjan et la Malaisie ainsi que le Sri Lanka, l’Argentine ou encore la Bolivie. Ironiquement, à terme, le principal concurrent du JF-17 à l’exportation pourrait ainsi être le J-10E, que Pékin commence à proposer à ses clients sans participation pakistanaise, cette fois-ci.
F-21 : le F-16 relooké a-t-il une chance en Inde ?
Difficile, pour l’heure, de voir clair dans le jeu de New Delhi concernant le renouvellement de sa flotte de chasse, pourtant considéré comme urgent depuis plus de vingt ans. D’un point de vue rationnel, tant l’IAF que l’industrie locale auraient intérêt à prolonger leurs partenariats avec Dassault et Sukhoï pour la production locale d’appareils supplémentaires. Mais rien n’est jamais vraiment rationnel dans les appels d’offre indiens, et l’idée d’un achat auprès d’un troisième fournisseur pour 110 chasseurs reste très présente dans certaines arènes politiques. Le Gripen E/F du Suédois Saab n’aurait, semble-t-il, pas vraiment convaincu à l’époque où l’IAF s’intéressait uniquement à un appareil monoréacteur. L’offre de Boeing, de son côté, semble bien confuse entre un Super Hornet présenté comme la meilleure solution à la fois pour l’armée de l’air et la marine indienne d’une part, et un F-15EX bien plus lourd que ses concurrents venant brouillés les cartes d’autre part. Reste alors à étudier le cas du F-21 de Lockheed Martin, longtemps favoris face au Gripen, et qui va devoir à nouveau se confronter commercialement à un Rafale bien installé dans le paysage industriel et opérationnel indien.
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