Quelle aide militaire la France peut-elle objectivement apporter à l’Ukraine ?
Depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, la France a soutenu Kyiv tant dans le domaine politique, qu’économique et militaire. Toutefois, depuis plusieurs mois, cette aide militaire est régulièrement contestée, que ce soit en France mais également en Europe, étant jugée par ses détracteurs comme insuffisante, notamment vis-à-vis de l’aide accordée par d’autres pays européens. Il est vrai que Paris est resté discret sur l’aide accordée, et dans plusieurs domaines, largement en retrait face à d’autres nations européennes, y compris des pays beaucoup moins riches que ne peut l’être la France. A plusieurs reprises, des tribunes furent publiées dans les grands quotidiens nationaux, ci pour appeler à livrer des chars Leclerc, là pour augmenter l’aide militaire à 4 Md€, s’appuyant précisément sur cette faiblesse apparente de l’assistance française à l’Ukraine. Au delà de ces appels essentiellement construits sur une réponse émotionnelle à la détresse ukrainienne, il convient de définir à la fois les objectifs visés par ce soutien, mais également les contraintes qui s’y appliquent, de sorte à faire émerger une doctrine pouvant encadrer objectivement cette aide militaire de manière optimisée.
Pourquoi la France doit-elle aider militairement l’Ukraine ?
Si de prime abord, le soutien français à l’Ukraine semble conditionné par des considérations humanitaires et de droit international, il s’avère que la France, comme ses voisins, a de nombreuses raisons parfaitement objectives pour activement soutenir militairement Kyiv, et ce afin de permettre une victoire ukrainienne contre les armées russes.
En premier lieu, même si ce n’est que rarement abordé, il s’agit d’entamer le plus possible l’outil militaire de Moscou, et ainsi réduire dans la durée ses capacités de nuisance en Europe mais également au Moyen-Orient, dans le Caucase et en Afrique, c’est à dire l’ensemble des théâtres de friction avec les forces régulières ou non au service du Kremlin. Cet objectif n’est apparu qu’à partir du moment ou il devint évident que les armées ukrainiennes étaient effectivement capables de résister au rouleau compresseur militaire russe, mais également de lui infliger de sévères pertes. Et de fait, il semble bien que les armées russes aient subi une terrible attrition depuis le début du conflit, avec entre 30.000 et 60.000 tués, au moins autant de blessés, et la perte d’un très grand nombre de materiels, dont 1200 chars documentés, soit la moitié du parc russe en amont de cette guerre. De fait, soutenir militairement l’Ukraine permet de manière directe et pondérable d’éroder sévèrement l’outil militaire russe, et selon la dynamique actuelle, il est plus que probable que les armées et l’industrie de défense du pays devront faire de très importants efforts pendant 10 à 15 ans, ne serait-ce que pour espérer revenir aux niveaux qui étaient les leurs avant l’entame du conflit, période durant laquelle la menace russe sera considérablement amoindrie, alors même que l’ensemble des pays européens développeront leurs armées et leurs capacités de resilience.
D’autre part, les succès militaires ukrainiens face à l’une des plus puissantes armées de la planète, s’ils s’appuient avant tout sur le courage, la determination et l’intelligence des soldats ukrainiens, n’auront été possibles qu’avec l’aide des occidentaux, et des materiels fournis. De fait, ce soutien occidental porte deux messages parfaitement audibles sur la scène internationale, et dont l’influence sera cruciale dans l’évolution de la géopolitique mondiale : la determination et l’unité des capitales occidentales, y compris face à des effets induits des plus désagréables notamment du point de vue economique, ainsi que l’efficacité des materiels miltaires occidentaux. Car si les héros de cette guerre sont les miltaires ukrainiens, les symboles, quant à eux, ont souvent été des armements transmis à l’Ukraine, comme ce fut le cas des missiles antichars Javelin et MLAW et du drone TB2 Bayraktar lors de l’offensive sur Kyiv et Kharkiv, des systèmes d’artillerie Caesar, Himars et Pzh2000 lors de la contre-offensive d’automne, et des systèmes anti-aériens comme l’IRIS-T SLM et le NASAMS face au blitz.
A chaque fois, l’arrivée de ces équipements livrés par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et bien d’autres, a joué un rôle décisif sur le terrain. Cette démonstration de force occidentale, tant par la solidité du bloc politique, que par les performances de ses systèmes d’armes, va incontestablement jouer un rôle modérateur face aux ambitions de nombreux potentats par le monde dans les années à venir, y compris pour ceux qui pourraient être tentés par un aventurisme nucléaire. Ce changement d’image du bloc occidental, et donc de la France, est d’autant plus critique que celle-ci avait largement souffert du fait de l’aventure américaine et britannique en Irak, mais également des pitoyables gestions des crises syriennes et libyennes, et du désastreux retrait d’Afghanistan.
Quelles sont les contraintes qui s’appliquent à l’aide militaire française vers l’Ukraine ?
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[…] contraintes par le maintenir de capacités minimales d’entrainement et d’intervention. Comme nous l’avions établi dans cet article, avec justesse considérant les équipements envoyés ou promis par la France à l’Ukraine, […]
[…] de la polémique qui enfle au sujet de la livraison de chars Leclerc, voire de Mirage 2000 à Kyiv. Comme nous l’avions abordé il y a quelques mois, l’envoi de chars Leclerc français en Ukraine serait une décision très dommageable, […]
[…] 3 novembre 2022 […]
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