New Delhi veut accroitre le format de la Marine indienne de 30 % d’ici à 2030 pour faire face à la Chine

La Marine indienne a entrepris, depuis une vingtaine d’années, un vaste effort pour se moderniser et étendre son format. Plusieurs programmes emblématiques ont ainsi été lancés durant cette période, comme P75 pour 6 sous-marins conventionnels de la classe Kalvari dérivés du Scorpène de Naval Group, le porte-avions de 45.000 tonnes INS Vikrant ou encore les destroyers du projet 15A de la classe Kolkata.

Si les efforts et les budgets ont été incontestablement croissants, l’Indian Navy souffre toutefois de deux handicaps importants. Le premier est lié à la difficulté dans le pays pour faire avancer rapidement des programmes majeurs, mobilisant d’importants crédits.

Les obstacles qui freinent la progression de la Marine indienne

De nombreux obstacles, qu’ils soient politiques ou industriels, viennent, en effet, souvent retarder, voire faire dérailler, des programmes de defense pourtant critiques. C’est ainsi que le programme P-75i, censé permettre la construction de six nouveaux sous-marins à propulsion anaérobie, n’a toujours pas sélectionné son prestataire principal, alors qu’il a été lancé il y a quatre ans.

Le second des handicaps n’est autre que la croissance fulgurante, et pour le coup maitrisé, de la flotte chinoise, bien plus rapidement qu’elle ne peut, elle-même, progresser. Cela crée un évident effet de loupe sur ses propres difficultés, et tend à accroitre les tensions politiques qui entourent ces enjeux de sécurité.

INS Kalvari sent to the dock for setting afloat to Naval Dockyard Mumbai e1634215958315 Constructions Navales militaires | Archives | Contrats et Appels d'offre Défense
Lancement de l’INS Kalvari, premier sous-marin de la classe éponyme construit par les chantiers navals Mazagon en coopération avec Naval Group.

En effet, bien que fréquemment présentée comme alignée sur la Chine au sein des BRICS, New Delhi est surtout directement menacée par la montée en puissance de l’Armée Populaire de Libération, que ce soit sur les haut-plateaux Himalayens, lieux de tensions récurrentes entre les deux pays, qu’au sujet du soutien militaire intensif de Pékin à Islamabad, l’ennemie juré de l’Inde depuis sa création.

Le défi des marines chinoises et pakistanaises

La Marine indienne, elle, se voit directement menacé par une Marine chinoise dont le format évolue aussi rapidement que sa modernisation, et qui par ailleurs fait activement profiter son allié pakistanais de ses propres avancées.

C’est ainsi que, ces dernières années, la Marine Pakistanaise a commandé, outre les quatre corvettes de la classe Barbur dérivées des Ada Turques, huit sous-marins AIP Type 039A formant la classe Hangor, ainsi que quatre frégates anti-sous-marines Type 054 AP formant la classe Tughril.

De fait, les navires de combat formant aujourd’hui la Marine indienne, sont bien insuffisants pour répondre aux enjeux sécuritaires dans le golfe du Bengale face à la Chine et en Mer d’Oman face au Pakistan.

Porte-avions Liaoning et son escorte
La Marine chinoise est passée en deux décennies d’une flotte de défense côtière à la rivale directe de l’US Navy sur les océans de la planète.

C’est ainsi que le format actuel de 127 navires, doit être porté d’ici à 2030 à 160 navires, soit une augmentation du 25 % planifiée pour les sept années à venir, et d’atteindre 175 unités navales, voire 200, en 2035.

68 navires militaires en commande à ce jour

Pour y parvenir, les chantiers navals indiens peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un carnet de commande particulièrement bien rempli, avec 68 unités navales officiellement en commande à ce jour.

Il va du destroyer de 7.400 tonnes de la classe Visakhapatnam (2 unités livrées, 2 en construction) aux corvettes anti-sous-marines du programme AntiSubmarine Warfare Shallow Water Craft (ASW-SWC) de 700 tonnes (16 unités), en passant par les 7 frégates furtives de 6.500 tonnes de la classe Nilgiri, et les 5 grands navires de soutien de 44.000 tonnes pour l’heure désignés sous le nom de classe HSL.

Pour autant, la plupart de ces navires ne permettront que de remplacer les unités déjà en service et ayant atteint leurs limites, comme les destroyers de la classe Raiput ou les 7 corvettes lance-missiles de la classe Veer, entrés en service dans les années 80.

destroyer INS Visakhapatnam
Construction du premier destroyer de la classe Visakhapatnam – 2 navires ont déjà été livrés, deux autres le seront dans les années à venir.

Il est donc aujourd’hui indispensable, pour l’Indian Navy, de lancer rapidement certains programmes critiques, comme le programme de sous-marins AIP P75i, mais aussi les programmes de destroyers, frégates, corvettes et OPV devant prendre la suite des classes actuellement commandées.

Sous-marins classe Kalvari et porte-avions classe Vikrant supplémentaires

Cet écart entre nécessité opérationnelle et réalité programmatique, est à ce titre au cœur de la future commande 3 sous-marins Scorpene supplémentaires annoncée par Narendra Modi à l’occasion de sa visite officielle en France pour les célébrations du 14 juillet.

C’est cette pression qui, en partie, pèse aujourd’hui sur l’avenir du nouveau porte-avions indien, l’amirauté préférant construire un nouveau navire de la classe de l’INS Vikrant de 45.000 tonnes, plutôt qu’un nouveau, donc long et onéreux, porte-avions de 65.000 tonnes équipés de catapultes, comme précédemment évoqué.

C’est aussi la raison qui pousse l’Indian Navy à privilégier, parmi l’ensemble des programmes à venir, la construction d’une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque, domaine dans lequel l’aide de la France a été sollicité semble-t-il, ceci ayant pesé dans la commande des 3 Scorpene supplémentaires à venir.

Marine indienne INS Vikrant
La Marine indienne privilégie la construction d’un second porte-avions de la classe Vikrant de 45.000 tonnes, à celle d’un nouveau porte-avions de 65.000 tonnes équipés de catapultes.

Quoi qu’il en soit, si la Marine Indienne veut effectivement relever le défi chinois, et sa flotte de plus de 360 navires aujourd’hui, de plus de 500 en 2035, elle devra trouver les moyens de lever toutes les difficultés, notamment politique et industrielle, qui entravent considérablement son développement.

On notera, à ce titre, que ces mêmes difficultés touchent aussi les forces aériennes et terrestres indiennes, l’ensemble des armées étant engagées dans une course contre-la-montre pour ne pas se laisser distancer face à Pékin et Islamabad qui, eux, avancent à marche forcée.

Article du 18 septembre en version intégrale jusqu’au 18 novembre

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