vendredi, novembre 28, 2025

L’OTAN peut-elle être attaquée par la Russie en 2030 ?

Depuis quelques jours, plusieurs responsables politiques de l’OTAN, mais aussi en Finlande, en Allemagne et en Pologne, portent un discours bien inquiétant. Selon eux, les risques sont désormais sensibles, que la Russie décide d’attaquer un des pays de l’OTAN, d’ici à cinq ans, soit autour de 2030.

Depuis, les avis se multiplient sur le sujet, dans la presse comme sur internet, et sur les chaines d’information. Certains voient, dans les déclarations de Boris Pistorius, une manœuvre politique à visée intérieure. D’autres y voient un catastrophisme sans lien avec la réalité, en particulier de la puissance militaire russe. Les derniers, enfin, soutiennent la réalité de ce discours.

Pour répondre à cette question, il convient de poser clairement les données du problème, soit la réalité de ce que pourra être le rapport de force en Europe à cette échéance, mais aussi d’en analyser l’ensemble des facteurs d’attrition, et les ressorts politiques qui les sous-tendent. Et comme nous le verrons dans cet article, pour paraphraser un statut bien connu sur Facebook, c’est compliqué !

Quel sera le potentiel militaire russe en 2030 ?

La première des questions, pour évaluer les risques de guerre en Europe à horizon 2030, est de pouvoir évaluer le potentiel militaire dont disposera effectivement Moscou à cette échéance.

T-72 russe détruit en Ukraine
Le niveau exact des pertes russes en Ukraine demeure sujet à débat entre les spécialistes du sujet.

Pour y parvenir, il est indispensable de disposer d’excellentes sources, souvent hors de portée des commentateurs, si pas nécessairement des services de renseignement, mais aussi d’une bonne dose de pouvoirs de divination. En effet, ce potentiel à venir repose sur quatre facteurs, tous aussi incertains les uns que les autres.

Un point d’origine et un calendrier très incertains

Le premier n’est autre que son point d’origine, c’est-à-dire quelles sont les forces militaires dont dispose effectivement l’état-major russe, aujourd’hui. Cette seule question est, à elle seule, un défi. Les informations concernant les pertes russes, en hommes comme en matériels, sont le plus souvent très variables selon les sources, et établir avec fiabilité la réalité du dispositif opérationnel de Moscou, l’est encore davantage.

Si la nature du point d’origine est incertaine, son calendrier l’est tout autant. En effet, personne n’est, aujourd’hui, en mesure de prédire quand la guerre en Ukraine prendra fin, ni les paramètres de cette éventuelle paix.

Évidemment, entre une Russie victorieuse d’une part, une Ukraine parvenue à libérer l’ensemble de son territoire, de l’autre, et l’hypothèse probable d’une coréanisation du théâtre ukrainien, les conséquences sur le potentiel militaire des armées russes peuvent être radicalement différentes.

Ainsi, une défaite russe entrainerait, probablement, d’importants bouleversements politiques intérieurs dans le pays, avec son lot de difficultés pour reconstruire un outil militaire efficace.

Une victoire de Moscou, au contraire, conférerait au Kremlin un pouvoir affermi sur un territoire et une population qui se seront sensiblement étendus, et renforcerait la confiance des autorités dans la puissance militaire.

T-55 russe en route vers l'Ukraine
Si l’industrie de défense russe a produit des nouveaux chars de manière indéniables en 2023, les forces russes engagées en Ukraine ont également reçu des modèles très anciens, comme des T-55 et T-64.

Enfin, une coréanisation du conflit, si elle peut s’apparenter, d’une certaine manière, à une victoire russe face à l’Ukraine en termes de posture intérieure, entrainerait aussi l’immobilisation de très importants moyens militaires le long de la ligne de séparation, privant les armées russes d’une grande partie de leur potentiel, pour mener d’autres actions.

Volume et soutenabilité de l’effort de défense russe jusqu’en 2030

Le troisième paramètre à considérer, pour évaluer le potentiel militaire de Moscou en 2030, repose sur la réalité de l’effort de défense russe, et de sa capacité à, effectivement, régénérer et étendre les armées russes et leur potentiel opérationnel.

Il semblerait, à en croire les déclarations du Kremlin, mais également les observations objectives des forces engagées, en particulier pour ce qui concerne les pertes, que l’industrie de défense russe soit parvenue à augmenter sensiblement ses livraisons d’équipements de défense, y compris en matière de blindés et de systèmes d’artillerie, pour soutenir l’engagement des armées en Ukraine et compenser leurs pertes.

Toutefois, si le ministre de la Défense annonce que 1 500 chars ont été livrés en 2023 à ses armées, la plupart des analyses s’accordent pour considérer que le nombre d’équipements neufs ne constitue, ici, qu’une portion de ces chars, comme de l’ensemble des équipements perçus. La majorité d’entre eux, en revanche, est composée de systèmes anciens préalablement stockés, remis en condition opérationnelle et modernisés par les usines russes.

Or, ces stocks sont loin d’être inépuisables. Ainsi, il n’y avait que 800 chars T-64M stockés avant-guerre, et 400 T-90, la plupart d’entre eux ayant déjà été modernisés et livrés depuis. De fait, l’extraordinaire productivité des usines russes, comme Uralvagonzavod, pourrait bien n’être que temporaire. Lorsque les stocks seront épuisés, celles-ci pourraient bien revenir à des rythmes bien moins impressionnants.

industrie de défense russe Uralvagonzavod
Les capacités de l’industrie russe à maintenir l’effort de production observé aujourd’hui est très difficile à évaluer.

À l’inverse, le ministère de la Défense a annoncé que de nouvelles usines avaient été construites ou adaptées à la production d’équipements militaires, sans que l’on puisse en évaluer ni la matérialité, ni la nature et les volumes des productions. De fait, il est très difficile d’évaluer, aujourd’hui, ce que pourrait être la production industrielle défense russe dans les années à venir, que le conflit ukrainien perdure, ou pas.

À cette incertitude industrielle, s’ajoute une incertitude politique et budgétaire. La Russie consacre, en effet, aujourd’hui, 40 % de son budget fédéral à ses armées, pour atteindre un budget défense, en 2024, supérieur à 100 Md$, plus de deux fois celui de l’Allemagne, un pays pourtant presque deux fois et demi plus riche que la Russie.

En outre, si le ministère de la Défense a annoncé qu’il étendait amener les effectifs des armées russes au-delà de 1,5 million d’hommes, un tel format viendra prélever une quantité très importante de main d’œuvre à l’économie du pays, ce qui viendrait, en conséquence, handicaper la soutenabilité de cette trajectoire dans les années à venir.

La puissance militaire de l’OTAN en 2030, un trompe-l’œil mal perçu

On le voit, déterminer la puissance militaire russe en 2030 est, aujourd’hui, un exercice presque impossible à réaliser, avec un taux d’incertitude suffisamment fiable, pour être efficace. La programmation militaire des pays de l’OTAN étant beaucoup plus ouverte et publique, on peut espérer qu’il soit possible de déterminer celle de l’alliance à la même échéance. Et pourtant …

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5 Commentaires

  1. Bref si vis pacem para bellum reste la base. C’est du bon sens, mais au vu des variation politiques diverses dans les différents pays européens serons nous capables d’unifier une stratégie et de procéder à la mise en place d’un politique opérationnelle, rien n’est moins sur. Cela nous force à développer une stratégie contre aléatoire couteuse mais plus sûre avec les quelques pays qui accepteront de le faire. Envahir les pays de l’Otan normalement pas mais tenter un coup vers un des pays Baltes, on ne peut pas se permettre de l’exclure. D’autant que le résultat du conflit en cours n’est pas acté et que si (il ne faut pas le souhaiter) l’Ukraine s’écroulait, la donne géostratégique ne serait pas la même. En ce moment que ce soit en Russie ou aux Usa on est dans une phase de pré-élections donc autant dire que les paroles du moment ne seront pas celles qu’on entendra à la fin de l’année ou le réalisme primera. En tout cas merci à Méta Défense pour tout ce travail (un nouvel abonné).

  2. bonjour,
    pour ma part je pense que notre sécurité, c’est à nous de la faire et ne pas toujours compter sur les americains ! je n’aime pas trump mais je suis d’accord avec lui, ce n’est pas aus américains de payer pour les européens.
    sortons de notre confort à toujours nous plaindre et à nous disputer comme dans une cour d’école.
    notre défense nous appartient et n’oubliez pas que notre armée c’est comme une assurance, cela coute toujours trop cher quand on ne s’en sert pas.
    bonne réflexion et bonne soirée

    • Trump est une escroquerie intellectuelle. La defence européenne via l’OTAN rapporte chaque année des milliards aux USA en fonctionnement industriel.
      C’est bien simple, a part la France et quelques pans au en UK et Allemagne, tout est américain.
      Trump nee fait qu’exiter les bas du front pour exister ( bla bla étranger danger etc )

  3. Les pays de l’UE c’est environ 450 millions d’habitants quand la Russie n’en compte que 140.

    Le rapport de force démographique rend une attaque de l’OTAN par la Russie complètement suicidaire.

    Et puis qui peut croire que la Russie va envahir les pays de l’OTAN alors qu’elle est incapable de prendre le contrôle total de l’Ukraine ?

    On sent le poids de lobbies de l’industrie d’armement qui en agitant la menace Russe aimeraient bien qu’ont leur passe des commandes massives pour leurs plus grand bénéfices.

    • À supposer que les Européens parviennent à mobiliser aussi bien que les russes, à supposer que les pays européens s’engagent tous, à supposer que les pays européens décident d’envoyer l’ensemble de leurs moyens, à supposer… Cet indicateur ne peut être ignoré, mais il est très loin d’être efficace à lui seul. Israël a battu l’Égypte et ses alliés, 15 fois plus peuplés, par deux fois en sept ans, et on prit l’ensemble du Sinaï à l’Égypte, et le Golan à la Syrie. Au début de la Seconde Guerre mondiale, la France, la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas étaient deux fois plus peuplés que l’Allemagne. La Russie était cinq fois plus peuplée que l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale.

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