L’US Navy a-t-elle oublié comment construire des frégates ?

Ces dernières décennies, les programmes de l’US Navy visant à concevoir de nouveaux navires de combat de surface, ont pour le moins connu des parcours chaotiques. Au-delà des évolutions des destroyers de la classe Arleigh Burke, un navire conçu au cours des années 80, tous ces nouveaux programmes ont rencontré de telles difficultés en matière de conception, qu’ils ont entrainé l’entame d’un déclassement capacitaire sensible de la Marine américaine.

Pour palier cela, le Pentagone entreprit, à la fin des années 2010, de lancer un nouveau programme de frégates. Baptisée classe Constellation, ce programme s’appuyait sur un modèle déjà éprouvé, en l’occurrence, la FREMM italienne de la classe Bergamini, précisément pour éviter les dérives constatées dans les programmes précédents, ayant entrainé des retards considérables et des surcouts massifs.

Il y a quelques semaines, un rapport ordonné par le Secrétaire à la Navy, Carlos del Toro, révéla de nombreux dysfonctionnements dans les programmes en cours de l’US Navy. Le programme des frégates de la classe Constellation, n’y dérogeait pas. En effet, en quatre ans seulement depuis son lancement, le programme a déjà pris trois ans de retard, et ne devrait entrer en service qu’en 2027.

Un nouveau rapport, cette fois du Government Audit Office, ou GAO, publié récemment, enfonce encore davantage le clou. En effet, pour synthétiser ses conclusions, l’US Navy aurait bel et bien oublié la manière de conduire efficacement des programmes industriels majeurs comme la construction d’une nouvelle frégate, avec une méthodologie défaillante mise en évidence par le programme Constellation.

Le rapport tranché du GAO concernant la conduite du programme de frégate de la classe Constellation par l’US Navy

Il faut dire que les révélations faites par le GAO, autour de ce programme, ont de quoi surprendre, lorsqu’il s’agit de la plus imposante et puissante marine de la planète. Non seulement le programme a-t-il pris presque autant de retard que de durée d’existence, mais il a, pour ainsi dire, abandonné la plupart des paradigmes qui lui ont donné naissance.

Frégate FREMM classe Bergamini
Au final, les frégates Constellation et les FREMM de classe Bergamini, n’auront que 15 % de composants communs. Sont-ce les mêmes 15 % que ceux que les fremm françaises et italiennes partagent ?

Ainsi, les frégates de la classe Constellation devaient être rapides à concevoir, et encore davantage à produire, de sorte à disposer d’un levier aisément activable, pour renforcer la flotte de surface américaine, si le besoin se faisait sentir, même si le programme, lui, ne portait que sur 20 navires.

Pour cela, l’US Navy accepta de se tourner vers un modèle exogène, la FREMM italienne de la classe Bergamini ayant été retenue, tant par ses qualités incontestables, que du fait que Fincantieri disposait de son propre chantier naval outre-Atlantique, Marinette Shipbuilding, qui produit notamment les LCS de la classe Independance dans le Wisconsin.

Rapidement, toutefois, la FREMM italienne commença à être transformée par les différents services de l’US Navy, prenant au passage plusieurs centaines de tonnes et une nouvelle tranche, notamment pour renforcer sa résistance aux frappes adverses.

Au fil des mois, les deux navires divergèrent encore davantage, au point qu’aujourd’hui, il ne resterait que 15 % de la FREMM initiale, dans la classe Constellation. Tout, de la propulsion à l’armement, en passant par les senseurs et même la coque, ont été modifiés ou changés, de sorte que le GAO qualifie, dans son rapport, les deux navires de « cousins éloignés », et non plus de parents proches.

Bien évidemment, ce faisant, le programme éroda presque intégralement les bénéfices attendus le concernant. Ainsi, la conception initiale de ces frégates est passée de 3 à 6 ans. Pire encore, la construction des premières unités a débuté alors que l’architecture finale des navires n’avait pas été arrêtée et validée.

Un problème de Méthodologie pointé par le GAO concernant la conduite des programmes industriels de l’US Navy

Ces dérives et travers ont de nombreuses conséquences, que ce soit sur le prix du programme, ainsi que son efficacité industrielle. Ainsi, le prix des quatre premières unités commandées par l’US Navy à Marinette Shipbuilding, a augmenté de 310 m$ depuis qu’elles ont été commandées, sans que cela concerne un changement de périmètre.

Lancement LCS N°7 USS Detroit Marinette Shipyard
Lancement de l’USS Détroit, 7ème LCS et quatrième navire de la classe Freedom, aux chantiers navals de Marinette, Wi, qui contruisent également les frégates de la classe Constellation

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1 COMMENTAIRE

  1. Mettez des financiers à la place des ingénieurs, payez ces comptables comme des princes et demandez leur de conduire le projet. Ah bon, ça ne marche pas?
    La chute du niveau américain est plus liée à une vision « wallstreatienne » du monde, à la recherche de la combine facile, du PowerPoint qui résous tous et de l’Excel magic qu’à une baisse de niveau des ingénieurs. En dévalorisant les compétences dures au profit de comptables, ces aberrations budgétaires et programmatiques sont appelées à se répéter.

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