Lockheed et Rheinmetall tentent de torpiller le PULS israélien en Allemagne

Depuis deux ans, l’industrie de défense israélienne a effectué d’importantes percées commerciales dans plusieurs domaines, en particulier en matière d’artillerie mobile. Qu’il s’agisse du lance-roquette multiple PULS ou du canon porté ATMOS 2000, les systèmes israéliens se sont imposés lors de plusieurs compétitions, au détriment de matériels américains (HIMARS) ou européens (Caesar, Archer), y compris en Europe.

Si les européens n’ont pas d’autres moyens, pour contrer l’avancée du canon ATMOS 2000, que de se montrer plus performants et plus compétitifs, avec l’arrivée de l’Archer 2, du Caesar Mk2 et du RCH-155, Lockheed Martin, pour sa part, dispose d’un argument massue pour tenir à distance la lance-roquettes multiple israélien de son HIMARS.

En effet, contrairement à ce qui est annoncé depuis plusieurs mois par Elbit Systems, Lockheed, épaulé pour l’occasion par Rheinmetall, n’a nullement l’intention de lui permettre de mettre en œuvre les roquettes GMLRS qui équipent aujourd’hui les LRM/LRU M270 au sein de plusieurs armées européennes, spécialement celles qui se sont tournées vers le PULS ces derniers mois en Europe.

Le PULS de ELBIT, un lance-roquettes multiple doté d’une grande polyvalence et d’un petit prix

Ces deux dernières années, le PULS s’est imposé dans de nombreuses compétitions, en particulier en Europe. En janvier 2023, le Danemark annonçait se tourner vers ce système, pour 8 exemplaires, mais aussi vers le canon porté ATMOS 2000, pour moderniser son artillerie, après avoir décidé de transférer l’ensemble de ses 19 Caesar 8×8 flambant neufs à l’Ukraine.

atmos 2000 elbit
Le canon porté ATMOS 2000 a été préféré au CAESAR français au Danemark. Depuis, cette decision fait l’objet de nombreuses critiques et d’accusation de favoritisme de la part du ministère danois de la défense.

Deux mois plus tard, ce furent les armées néerlandaises qui confirmaient l’acquisition de 20 systèmes, pour un peu plus de 300 m$. Ces deux armées employées, auparavant, le M270, retirés du service depuis plusieurs années. Dans les deux cas, le LRM israélien s’était imposé face au HIMARS de LM.

Depuis, l’Espagne a annoncé se tourner vers le système israélien, avec l’acquisition de 16 PULS et de 474 rockets Accular, EXTRA et Predator Hawk, pour 577 m$. Mais c’est probablement la décision de l’Allemagne d’acquérir 5 systèmes israéliens, en se greffant sur le programme néerlandais, pour remplacer les 5 MARS II, une évolution du M270, envoyés en Ukraine, qui finit de mettre le feu aux poudres pour Rheinmetall et Lockheed.

Lockheed Martin et Rheinmetall partenaires pour construire un EuroHimars

En effet, il y a un peu plus d’un an, anticipant les besoins croissants en matière de renouvellement du parc de lance-roquettes multiples en Europe, les deux entreprises s’associèrent pour proposer une version européanisée du M142 HIMARS, qui serait directement assemblé en Allemagne. Dans le même temps, KNDS Deutschland faisait de même, mais cette fois, avec l’israélien Elbit, pour une version européenne de son LRM.

Lockheed M142 HIMARS
Le HIMARS s’est révélé être l’un des systèmes les plus efficaces envoyés par l’occident en Ukraine.

Cette approche est assez commune outre-Rhin, l’industrie de défense allemande étant particulièrement friande de ce type de partenariat OEM, permettant d’européaniser, dans le nom plus que dans les faits, des équipements performants à fort potentiel commercial.

C’est ainsi que Diehl et Rheinmetall s’associèrent avec Rafael pour proposer le missile antichar SPIKE aux armées européennes, se taillant rapidement d’immenses parts de marché en Europe, sur l’inertie d’Euromissile et de MBDA dans ce domaine. Plus récemment, des modèles similaires ont été articulés autour du système APS Trophy, ou du système antibalistique Arrow 3, toujours israéliens, et toujours avec la particule « Euro ».

Toutefois, si LM peut admettre de voir Copenhague, La Haye et même Madrid, se tourner vers le PULS, l’hypothèse de laisser la Bundeswehr se tourner vers Elbit pour un système aussi crucial que les lance-roquettes multiples, l’a convaincu de sortir les griffes, et de tout tenter pour faire dérailler ce rapprochement.

LM et Rheinmetall refusent la possibilité de lancer les roquettes GMLRS au système PULS israélien

Pour cela, les deux entreprises ont taillé en brèche l’une des promesses faites par Elbit, concernant la possibilité, pour son système, de mettre en œuvre les roquettes GMLRS, qui arment aujourd’hui les M270, MARS II et autres LRU.

Proposition Lockheed Rheinmetall GMARS
Vue d’artiste du GMARS, une version du HIMARS européanisée par les soins de Rheinmetall

À l’occasion du salon Eurosatory, le vice-président de la stratégie et du développement des affaires pour les forces terrestres de Lockheed Martin, Howard Bromberg, a été particulièrement direct à ce sujet.  » La famille de munitions MLRS (de Lockheed Martin) ne peut pas être intégrée au système PULS « , a-t-il ainsi déclaré.

Et d’ajouter, plus précisément encore, au micro des journalistes de Defensenews.com  » Si l’Allemagne devait opter pour PULS, elle ne pourrait pas accéder à nos missiles« . Il s’agit, bien évidemment, d’un argument massue, en particulier pour Berlin.

En effet, non seulement la Bundeswehr ne pourrait pas, dans une telle hypothèse, s’appuyer sur son stock de roquette GMLRS, pour ses PULS, fussent-ils de transition, mais elle ne pourrait pas se tourner vers l’industrie de défense US pour recompléter ses stocks, en cas de besoin.

Or, comme le montrent les interdictions de réexportations des missiles SPIKE vers l’Ukraine imposées par Jérusalem, dépendre d’un pays aussi particulier dans son positionnement géopolitique qu’Israël, pour une capacité stratégique comme l’artillerie à longue portée, représenterait certainement une prise de risque excessive pour Berlin.

roquette GMLRS Lockheed M270
La roquette GMLRS est la principale munition des systèmes M270 toujours en service

Berlin ayant l’ambition de faire de la Bundeswehr, le pivot central de la défense européenne, en particulier dans ses relations avec les États-Unis au sein de l’OTAN, il est probable que les arguments avancés par Lockheed feront mouche. D’autant que Rheinmetall, aussi, y est allé de sa petite phrase assassine, par l’intermédiaire d’Armin Papperger.

« D’autres parlent de la possibilité de tirer une sorte de missiles étant universel, une affirmation la plupart du temps même pas vraie, favorisant la fragmentation des fonds de développement et les égoïsmes nationaux, tout en n’étant pas du tout utilisé sur le champ de bataille ukrainien » a ainsi déclaré son PdG, appuyant précisément là où cela fait mal, c’est-à-dire l’interdiction de Jérusalem de transférer des équipements de conception israélienne vers les armées ukrainiennes.

Conclusion

On le voit, Rheinmetall, comme LM, ont décidé de frapper là où cela fait mal, pour faire dérailler les négociations entre Berlin et Jérusalem, au sujet de l’acquisition du système PULS.

Les deux entreprises ont lancé l’offensive au meilleur moment, puisqu’il y a peu, la Bundeswehr avait reconnu des difficultés dans les discussions avec Elbit, et un possible report de la livraison des 5 systèmes, toujours pas officiellement commandés, pour la fin de l’année 2024.

Reste que les arguments avancés par les deux industriels américains et allemands, s’ils sont avant tout destinés à appuyer leurs propos, mettent également en évidence les dangers d’un sourcing inconsidéré des équipements majeurs de défense.

K239 Chunmoo
Les réserves et intedictions avancées par LM et RM au sujet des roquettes GMLRS, sétendent certainement aussi au M239 Chunmoo sud-coréen, acquis notamment par la Pologne;

En effet, qu’il s’agisse d’Israël, comme de la Corée du Sud, avec le Chunmoo II, aussi visé par les propos de A. Papperger, si ces pays peuvent se montrer attractifs en termes de prix ou de délais de livraison, ils n’en sont pas moins sur des théâtres d’opération et des agendas géopolitiques radicalement différents de leurs clients européens.

Que se passera-t-il, alors, lorsque La Haye voudra commander de nouvelles roquettes à Elbit, face à la Russie, lorsque la diaspora russe en Israël s’y opposera ? Et que se passera-t-il, dans une même hypothèse, si Séoul est déjà engagé face à Pyongyang ? Sera-t-il simplement possible de protéger les navires qui transporteraient ces systèmes, en cas de conflit étendu ?

Se pose, donc, la question de la pertinence, en Europe, de se tourner vers des industriels hors OTAN, alors que la situation est très détériorée sur le vieux continent comme dans le monde, pour économiser quelques dizaines de millions d’euros face aux équipements européens ou américains ?

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