Il y a quelques mois, alors que l’Armée de l’air colombienne s’était exprimée en faveur du Rafale français, pour remplacer ses Kfir israéliens, le président Gustavo Petro prit l’initiative de négocier avec Stockholm et Saab, pour que la chasse colombienne s’équipe de chasseurs JAS 39 Gripen.
Les choses semblaient bien se dérouler pour le chasseur monomoteur suédois, jusqu’il y a quelques semaines, lorsque la nouvelle administration américaine de Donald Trump, refusa d’accorder à Stockholm la licence de réexportation du turboréacteur F414 de General Électrique, qui propulse le chasseur suédois, alors que Washington déploie à présent des trésors de pressions et contraintes, pour amener Bogota à se tourner vers le F-16V.
L’épisode colombien doit-il être interprété comme un épiphénomène, ou comme la première étape d’une stratégie américaine visant à reprendre le contrôle du marché occidental des chasseurs légers et moyens ? Quels sont les appareils potentiellement concernés par ce revirement américain ? Et comment cette stratégie va-t-elle redessiner la réalité du marché aéronautique militaire mondial ?
Sommaire
L’administration Trump refuse la vente des turboréacteurs GE F414 pour les Gripen pour les forces aériennes colombiennes
Dépendre de technologies américaines, peut s’avérer un handicap très lourd, en particulier lorsqu’il s’agit de technologies militaires. C’est l’amère expérience que viennent de faire les dirigeants du groupe suédois Saab, en Colombie.

En effet, aux termes d’une campagne commerciale et d’influence particulièrement bien menée, Saab était parvenue à prendre l’ascendant sur le Rafale français et le Typhoon européen, tous deux étant considérés comme les favoris, jusqu’il y a quelques mois, pour le remplacement des Kfir colombiens.
Les enjeux étaient à la taille des efforts déployés, pour Saab comme pour Stockholm. En effet, depuis 2015 et le contrat brésilien pour la vente de 36 Gripen E/F, l’avionneur suédois n’a plus signé de nouvelles commandes à l’exportation, en dehors de 4 Gripen C/D supplémentaires pour la Hongrie, étant systématiquement écarté face au F-35A, au Rafale et au F-16V.
Or, Saab avait obtenu le soutien financier de Stockholm, pour developper le Gripen E/F, bien plus évolué que le modèle C/D précédent, précisément en s’appuyant sur la promesse d’un marché export en forte demande, et de 100 à 200 cellules pouvant être exportées. On comprend, dans ce contexte, l’importance stratégique que représentait le contrat potentiel avec la Colombie pour 16 à 18 appareils.
La douche froide est venue, il y a quelques semaines, de la nouvelle administration américaine. Celle-ci a, en effet, refusé à la Suède, l’autorisation d’acquérir les turboréacteurs F414 qui propulsent le Gripen E/F, pour les réexporter vers la Colombie. Dans le même temps, Washington multiplie les pressions diplomatiques et économiques sur Bogota, pour amener les forces aériennes colombiennes à se tourner vers le F-16V américain, concurrent direct, en performances comme en configuration, du Gripen Suédois.
La technologie des turboréacteurs est la plus discriminante dans l’aéronautique militaire
Or, si Saab est privé de l’autorisation d’acquérir le F414, pour équiper ses Gripen sur la scène internationale, l’avionneur suédois devra faire une croix définitive sur les espoirs d’exportation de son chasseur de génération intermédiaire. Et le risque que le refus de Washington, à ce sujet, se systématise, sont très importants.

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Ceci dit, je ne vois pas trop qui aurait en Europe à part Orban, envie d’acheter Américain. Au risque de ne pas pouvoir utiliser ses équipements contre la Russie. Le soucis c’est que sur certaines gamme d’équipement on a pas d’équivalent, Patriot (protection aérienne longue portée, au delà des 150 kms), ATACMS (idem problème de portée sur un autre point). etc…
Question, les scalps possèdent des composants américains, peut-on s’en passer et le(s) remplacer par de(s) composant(s) européens ?
Bonjour Fabrice, merci pour cet article très intéressant et instructif comme toujours. Excusez ma probable ignorance, mais pouvez vous m’expliquer comment le prix d’un turboréacteur peut représenter 100% du prix d’un avion comme le F16V ou un F35, contre seulement 7% dans le cas du Gripen ? Je n’ai vraiment pas compris ce passage. Merci d’avance !
Les 100% concernent le % de revenus fléchés vers la BITD US, dans le cas du F-35 ou du F-15EX, pas uniquement ceux des moteurs. je reconnais que j’aurai pu trouver une formule moins alambiquée
La décision d’enterrer les sanctions CATSAA contre la Russie parait encore plus incompréhensible à la lecture de cette article.
Ne risque t-elle pas d’annuler en grande partie les gains attendus par les interdictions de réexportation, en poussant les acheteurs dans les bras d’UAC ?
Si on regarde les marchés pré-2022, ils ont pratiquement tous été en mode avions US contre euro-canards: Brésil, Canada, Belgique, Suisse, Qatar, Finlande, Corée du Sud … Les seules exceptions auxquelles je pense: le Pakistan, l’Indonésie, l’Inde, sont des marchés où les Etats-Unis avaient de beaucoup moins bonnes chances (sans parler des problèmes de solvabilité de certains clients). Donc, en fait, le retour dans ce jeu des russes permet aux Etats-Unis d’augmenter la concurrence contre les Européens sur des marchés où ils ne candidateraient pas ou ils n’auraient aucune chance. Résultat: moins d’argent pour la concurrence, et plus d’énergie à dépenser pour eux.
Suis assez d’accord avec cette idée suggérée par Morlai, d’inventaire des composants et surtout sur un plan plus journalistique, des matériels américains utilisés par la BITD. Les effets pourraient être potentiellement dévastateurs si les américains décidaient de ne plus fournir à la France certains services ou matériels : je pense à la maintenance des catapultes du Charles de Gaulle, à celle des Hawkeye pour la surveillance, ou à la future livraison des catapultes électromagnétiques du Pa-NG…. des porte-avions sans catapultes ça craint. Mais il y en a sans doute quelques autres.
question et le M53 du mirage 2000, il à une poussée de 9.5 en PC, il pourrait convenir peut être, si ses dimensions correspondent et s’il est toujours fabriqué. ce serait bien de faire la nique à trump !
il n’est plus fabriqué, et est d’une génération anterieure
encore un éclairage interressant et qui devrait alerter berçy sur la vente de l’industriel français aéronautique que le fond américain veut acquérir. il est urgent d’empécher cette vente au titre de la sécurité nationale et je pense que nous avons intérêt à rapidement faire un état des lieux des composants utilisés en france par la bitd car il va y avoir des retours de baton sinon. cette personne n’a aucun alliés et il va finir par se mettre tout le monde à dos et se retrouver isolé sur la scène mondiale. il s’imagine que parce qu’il est important qu’il est incontournable et que tout le monde va se prosterner devant lui. je pense qu’il tombera de haut le jour ou ses alliés vont le lacher les uns après les autres.
Il serait intéressant de savoir si le T-REX ou une évolution de l’EJ200 de RR pourrait convenir au JAS-39.
Probablement, mais cela demanderait de profondément revoir l’appareil (dimensions, masse, centrage, circuits de carburant, production életrique etc…)
Les délais de développement seraient intenables.
Surtout en ces temps trouble où l’on va demander aux industriels de passer la seconde.
D’où l’idée d’intégrer SAAB au Scaf pour la partie chasseur léger. Je crois que cela avait été abordé dans vos colonnnes.
Dans ce contexte, un rachat de Saab par Dassault aurait il un sens / intérêt ?
Un rapprochement aurait du sens, mais un rachat, je doute que les suédois soient dans cette perspective, surtout après l’épisode Kockums / TKMS.