vendredi, novembre 28, 2025

L’industrie aéronautique européenne est la cible d’un assaut tous-azimut de Washington

Depuis plus de quinze ans, Dassault Aviation répétait que le F-35 américain, avait été conçu pour détruire l’industrie aéronautique européenne. Les faits lui donnèrent en partie raison, alors que plus des deux tiers des aviations de chasse en Europe, ont fait le choix du chasseur de Lockheed Martin, à ce jour, privant les trois avions de combat européens, d’un marché déterminant pour le maintien des capacités industrielles et technologiques.

Toutefois, si les Rafale, Gripen et Eurofighter Typhoon ne parvinrent pas à se positionner face au F-35 au sein des forces aériennes européennes, n’étant acquis que par leurs pays d’origine ou par des forces aériennes n’ayant pas capacités à acquérir l’avion américain, ces appareils parvinrent à convaincre sur la scène internationale, avec la vente, de 2015 à 2025, de plus de 450 avions de combat européens, dans le monde, soit dix fois plus que la Russie, sur la même période.

C’est ainsi que l’industrie aéronautique militaire européenne, et en particulier sa composante avions de chasse, a survécu à la déferlante F-35 en Europe, lui permettant, notamment, de s’engager dans le développement de deux avions de combat de 6ᵉ génération, le Tempest du programme GCAP, et le NGF du programme SCAF.

Ce marché international extra-européen est, à présent, dans le collimateur de la Maison-Blanche, avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, alors que son administration a multiplié les annonces, discrètes, mais ô combien dangereuses, pour la pérennité de cette industrie européenne, l’un des derniers bastions de souveraineté aux mains des européens.

L’interdiction de réexportation des moteurs aéronautiques américains pour neutraliser le JAS 39 Gripen et une partie de l’industrie aéronautique européenne

La stratégie américaine contre l’industrie aéronautique européenne de défense, a débuté, il y a quelques semaines, par une annonce restée, pour l’essentielle, inaperçue, quant à ses implications.

industrie aéronautique européenne Saab JAS 39 Gripen C Flygvapnet
Saab JAS 39 Gripen C des forces aériennes suédoises

En effet, au début du mois de mars 2025, Washington a rendu public son refus d’accorder une licence de réexportation concernant le turboréacteur F414, par la Suède, vers la Colombie. Après une compétition quelque peu rocambolesque, avec l’implication du président Gustavo Petro, il semblait que le Suédois Saab était parvenu à prendre l’ascendant sur Dassault et Airbus, dans ce pays, pour proposer son JAS 39 Gripen E/F afin de remplacer les IAI Kfir israéliens, en fin de vie, des forces aériennes colombiennes.

Les États-Unis, de leurs côtés, avaient joué des coudes à Bogota, pour tenter de garder active leur proposition concernant le F-16V de Lockheed Martin, composée de F-16C/D d’occasion prélevés sur la flotte de l’US Air Force, modernisés pour l’occasion vers le standard Block 70. Cette proposition américaine n’avait pas du tout les faveurs des armées colombiennes.

Comme ce fut le cas pour les exportations de Gripen vers la Hongrie, la République tchèque, l’Afrique du Sud et la Thaïlande, ainsi que vers le Brésil, plus récemment, Stockholm a fait une demande de réexportation des turboréacteurs américains, utilisé par l’avion suédois, vers leur client potentiel colombien, en vue de transmettre une offre ferme et définitive à ce sujet.

C’est précisément là que Washington a refusé à Saab cette autorisation, alors que, dans le même temps, les États-Unis ont envoyé une nouvelle contre-offre à Bogota, pour tenter d’imposer leur F-16V en Colombie.

F-16V
F-16V de Lockheed Martin

Ce n’est pas la première fois que Washington utilise une stratégie de ce type, pour faire dérailler les négociations d’un partenaire européen, afin de s’imposer en retour. Ainsi, en 2019, Donald Trump, encore lui, avait fait ajouter à la liste ITAR, un composant de navigation satellite employé par le missile SCALP-EG de MBDA, pour faire dérailler la vente de Rafale supplémentaires au Caire, ce qui entrainé trois ans de retard, pour ce contrat franco-égyptien de plusieurs milliards d’euros, pour quelques dizaines de composants ne valant pas plus de dix dollars l’unité.

Cette décision américaine fait supposer que, dans les années à venir, tous les avions de combat construits autour de turboréacteurs américains, comme le Gripen, mais aussi le Boramae et le T-50 sud-coréen, le M-346 italien ou encore le Kaan turc, verront leurs options d’exportations extrêmement réduites, pour ne pas dire, entièrement neutralisées. Si les forces aériennes de leur pays d’origine, pourront bien acquérir ces appareils, leur exportation, en revanche, semble très compromise.

Non seulement cela prive Saab de ses ambitions d’exportations en Colombie, mais il est probable qu’il en sera exactement de même en Thaïlande et aux Philippines, les deux contrats les plus actifs pour l’avionneur suédois, alors que le F-16V est là aussi proposé face au Gripen, tant à Bangkok qu’à Manille.

Il en ira certainement de même pour tous les équipements embarquant des moteurs américains, comme c’est le cas de nombreux hélicoptères et de drones, en Europe et en Asie, surtout si, dans le même temps, l’industrie de défense américaine propose des solutions alternatives.

Inde, EAU, Arabie Saoudite, Turquie : l’extension du marché du F-35 pour éreinter le marché export du Typhoon et du Rafale européens

Le second volet de cette stratégie tous-azimut, mise en œuvre par Donald Trump, contre l’industrie aéronautique militaire européenne, repose sur l’élargissement des autorisations d’exportations concernant le F-35 de Lockheed Martin.

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10 Commentaires

  1. Bonjour Homonyme, petite proposition de correction orthographique :
    « Au temps » dans le paragraphe suivant devrait, je crois, se lire « Autant »

    Mi-février, c’est en Inde que le nouveau président proposa, une nouvelle fois, le F-35, une première pour un pays aussi proche de l’industrie de défense russe, et qui met en œuvre, notamment, une large flotte de Su-30, et 6 batteries S-400. Au temps pour la protection des informations radars critiques du précieux appareil de Lockheed Martin.

    Cdlt.

  2. pour ma part je ne sais quelle est la dependance reelle aux composants US, mais j’ose esperer que dassault et MBDA ont fait le necessaire depuis 2019 et leeur mesaventure en egypte. autrement je pense que nous ne sortirons jamais de nos dependences et resteront toujours de simples vassaux.

  3. Il va vraiment falloir que les Européens investissent fortement dans l’industrie électronique, ce qui est un comble alors que le meilleur équipementier de gravure de puce est néerlandais.

    De même nos industries historiques ont soit été rachetés à vil prix par les Américains ou les Chinois soit on les laisse végéter comme le dernier fondeur Européen (STMicroelectronic) faire de la puce bas de gamme pour équiper le peu d’électroménager encore fabriqué en Europe ou pour équiper nos voitures de ce qui n’est pas compliqué.
    Alors l’entreprise est rentable, certes, mais n’a aucune ambition technologique (Finesse de gravure, processeurs à haute capacité de traitement, IA, etc..) ce qui l’affaiblis avec la chute du marché automobile entre-autres et manque d’investissements vers les marchés porteurs.
    La montée en puissance des puces ARM ou encore mieux RISC-V sont l’avenir du marché des processeurs, mais ils sont restés sur des puces d’anciennes générations 32 bits.

    L’ITAR Free passe aussi par ce genre d’investissement.

  4. Les industriel europeens vont devoir durcir leur position vis a vis d ITAR! Quant à l ‘Eurodrone , la France doit exiger une version avec le moteur Safran, pareil pour le projet Scaf pas de composants américains quoique diront les Allemands. Mais la nouvelle position américaine peut aussi gêner fortement nos OPEX,comme ca aurait pu etre le cas en 2005 sur le Charles de Gaulle avec la suspension des livraisons de pieces détachées des catapultes, concernant le Pang , Trump ne sera plus aux commandes depuis longtemps quand il sera livré à la marine.

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