La montée en puissance de la Réserve opérationnelle des armées françaises a été l’une des mesures phares de la nouvelle Loi de Programmation Militaire 2024-2030. Sur cette période de 7 ans, l’objectif, très ambitieux, affiché par cette LPM, est de passer des 40,000 réservistes opérationnels en 2023, à 80,000 hommes et femmes, en 2030.
Depuis quelques mois, avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, et l’intensification des tensions entre l’Europe et la Russie, cette réserve opérationnelle voit affluer les volontaires, plus de 12,000 sur les seuls premiers mois de l’année 2025, autant que sur toute l’année 2024.
Cet afflux de volontaires trace, à présent, un potentiel jusqu’ici inexploité par la planification française, à savoir la création et la mise en œuvre d’une véritable Garde Nationale, selon un modèle, et une doctrine d’emploi, beaucoup plus performants pour la puissance militaire et dissuasive des armées françaises, mais aussi très éloignés de la trajectoire actuelle visée par la Réserve Opérationnelle dans le cadre de la LPM 2024-2030.
Quels sont les objectifs visés par la Réserve Opérationnelle aujourd’hui ? Pourquoi l’afflux de volontaires plaide-t-il pour un basculement de modèle vers la Garde Nationale ? Et quels sont les atouts et plus-values, ainsi que les difficultés et défis à relever, pour passer d’une Réserve Opérationnelle, à une véritable Garde Nationale ?
Sommaire
La réserve opérationnelle française aujourd’hui, un puissant réservoir humain et de compétences pour les unités d’active
La réserve opérationnelle française se compose, aujourd’hui, de deux catégories de personnels. Il s’agit, d’abord, des militaires d’active ayant terminé leur contrat, et qui demeurent rattachés à la réserve opérationnelle pour une durée de 10 ans, de manière contractuelle.
Cette Réserve Opérationnelle, forte de 55,000 à 60,000 anciens militaires d’active, ne réclame aucune participation annuelle à des périodes d’entrainement ou de rappel, et n’est activé qu’à la demande des états-majors, pour répondre à certaines urgences capacitaires.
La seconde Réserve opérationnelle est, elle, composée de volontaires issus du civil, qui souscrivent un contrat de militaire réserviste, pour une durée allant de 1 à 6 ans. À l’instar des militaires d’active, ces réservistes sont considérés comme des militaires professionnels sous contrat, et peuvent donc être employés par les armées, soit lors des périodes de réserve allant de 10 à 60 jours par an, soit, à la demande des unités de rattachement, pour une période de rappel pouvant atteindre 120 jours par an.
Cette Réserve se compose, aujourd’hui, de 45,000 hommes et femmes, dans leur immense majorité, rattachés directement à des unités d’active, soit pour apporter des compétences propres, comme dans le cas des unités médicales, logistiques ou cyber, soit pour renforcer les effectifs des unités d’active. Ainsi, de nombreux régiments combattants français, dispose d’une compagnie de combat composée exclusivement de réservistes.
Il n’existe, en revanche, qu’une seule unité organique, en France, composée exclusivement de réservistes, en l’occurrence le 24ᵉ régiment d’infanterie, basé à Versailles. En revanche, s’il dispose d’effectifs proches de ceux d’un régiment d’infanterie d’active, avec autour de 800 hommes et femmes, il ne dispose d’aucun équipement lourd, comme les véhicules de combat d’infanterie VBCI, ou les transports de troupe blindés VAB, Griffon ou Serval.
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Bonjour, la Garde Nationale est une piste très intéressante à la fois pour la masse et pour le coût. Ce serait à la portée de nos finances si on raisonne sur 10-20 ans. Je rajouterai la dimension cohésion sociale, sentiment d’appartenance à la nation, service et devoirs, etc.. En revanche je ne comprends pas trop les réserves exprimées sur l’emploi de ces réservistes dans un conflit de haute intensité. Je pense que ce n’est pas un sujet pour les raisons suivantes : 1/ Cela ne peut pas être la vocation de ce type d’unités, pas l’entrainement pas les moyens. 2/Si on en vient à mobiliser la GN dans un combat de haute intensité cela voudra dire que l’ennemi est en masse à notre frontière. Peut-être qu’à ce stade nous devrons plutôt utiliser la dissuasion nucléaire ou faire une mobilisation générale. Ceci étant dit, imaginons que nous soyons dans une telle posture désespérée, les divisions Russo-Sino-Nord Coréenne sont face à Strasbourg et notre président a perdu les codes de la mallette. Dans une posture défensive l’écart avec un soldat d’active se réduit. Il faut 3-5 assaillants pour 1 défenseur je crois en Ukraine. Donc avec un entrainement adapté et ciblé, ces Gardes Nationaux pourraient tenir des zones défensives sur le front et infliger de lourdes pertes à l’ennemi dans des combats de retardement ou de fixation. D’autant que nos Gardes seront des territoriaux, il défendront leur maison, leur village, l’école de leurs gosses. Au bout de quelques jours – et malheureusement peut-être avec des pertes significatives – Tout comme leurs aînés avant eux ou comme les ukrainiens en 2022, ils auront appris et ils seront devenus des combattants aguerris et redoutables. La GN peut donc contribuer à la dissuasion. Dans un scénario moins holywoodien, la GN devrait plutôt avoir une vocation territoriale et assurer des missions de contrôle et de sécurisation de zones à l’arrière (sites sensibles, noeuds routiers, voies de communication). Elle pourra également intervenir dans des missions de logistique, de génie, déminage des zones libérées en appui ou à la place d’unités professionnelles ou de la réserve opérationnelle. Et contribuer à maintenir l’ordre à l’arrière et à protéger la population civile et nos infrastructures stratégiques contre des actions hybrides et terroristes. Bref je vote pour et je pense même qu’il faudra l’ouvrir à une tranche d’âge très large pourquoi pas au-delà de 65 ans et largementnt aux femmes bien entendu.
Il est vrai qu’il faut certainement clarifier les attentes (investissement, entraînement, valeur ajoutée) vis à vis des différents types d’unités de réserve :
– brigades de combat (probablement pas plus de 2) constituées d’anciens militaires et avec une bonne part d’encadrement d’active, qui peuvent après une phase intense de préparation de quelques mois relever des unités d’active.
– brigades motorisées (4?) , qui peuvent à tour de rôle renforcer notre modeste corps de bataille (probablement pas plus de 3 brigades françaises de combat, éventuellement renforcées par quelques unités européennes) en assurant des missions défensives et de contrôle de zone, et constituer pour celles non déployées une réserve sur le territoire
– brigades d’infanterie légères (4?)facilement déployables pour les tâches de sécurisation du territoire ou de l’outre-mer, avec des objectifs de compétences beaucoup plus limités mais représentant un vivier formé en cas de conflit prolongé.
– escadrons de gendarmerie mobile pour sécurisation du territoire et le maintien de l’ordre (qui n’est pas un travail de militaire)
– unités de pilotes de drones entraînées sur des logiciels de simulation
– unités du génie, logistiques….
En l’absence de réelle perspective d’invasion je ne suis pas convaincu par l’idée d’allouer des ressources à une garde territoriale sensée défendre son coin de France (sachant qu’une bonne part de la population vit dans des métropoles). Les moyens sont limités, il faut les dépenser pour une reelle plus-value opérationnelle et si la réserve doit être bien répartie sur le territoire, les unités doivent pouvoir être mobilisées là où nous en aurons besoin sur le territoire où à l’extérieur.
il est illusoire de penser créer et entrainer des unités de réservistes qui seraient autonomes, et qui auraient le niveau d’engagement d’une unité de personnels de métier. on peut toujours rêver, mais si c’était le cas, je ne vois pas l’intérêt d’entrainer des gars à longeur d’année pour qu’ils aient des réflexes automatiques lors d’une projection. je comprend tout à fait la réserve de l’encadrement , de l’armée de terre surtout, à ce sujet. pour ma part je vois la possibilité, la plus fiable, d’ajouter, comme du temps de la conscription, une compagnie ou batterie de réserve qui se formerai au contact des engagés. penser que l’on peut, même sur 60 jours /an amener des réservistes à un niveau opérationnel, qui leur permettrait, de remplacer des unités de premiere ligne, ce serait les envoyer au casse pipe assuré. pour former un soldat dans l’armée de terre, et l’amener au niveau d’engagement suffisant , pour ne pas le mettre en péril, il faut minimum 2 ans. pour un commando il faut entre 3 à 5 ans pour être pleinement opérationnel. en deça de ces niveau d’aguerissement vous vous mettez, en risque de perdre le personnel dans les premiers engagements. ce n’est pas le but recherché, croyez moi. pour créer une garde nationale il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’argent et beaucoup de patience, mais on peut essayer. par contre , à mon avis cela restera des unités de seconde ligne, pas de remplacement. à ma connaissance d’ailleur la garde nationale américaine n’intervient pas en première ligne, mais en renforcement. maintenant si on ne fait rien, on n’aura rien !
Je pense que vous devriez voir comment fonctionne Tsahal et l’US National Guard. Cela modulerait probablement vos certitudes.
bonjour mr wolf, ne comparons pas tsahal ou les réservistes font aujourdhui 3 ans de service militaire et une réserve comme vous la présentez dans votre article. des personnes ayant été formé pendant 3 ans sont pour ainsi dire des soldats de métiers. ils reviennent ensuite en réserve quand on les appellent. pour revenir à notre sujet mon propos n’est pas de balayer votre analyse, mais de la moduler. le métier de soldat est comme les autres métiers, il s’aprend au fur et à mesure des mois et des années. il y en a qui aprennent vite et qui seront meilleurs et d’autre pour qui ce sera plus compliqué. dans tous les cas pour faire un bon soldat, il faut une discipline, des automatismes, et une vraie envie chevillée au corps. si cela n’est pas acquis parfaitement vous n’aurez pas de cohésion et ne pourrez pas tirer le meilleur de vos troupes. donc et ce n’est qu’un avis éclairé, la réserve telle que vous la présentez, avec des personnels qui viennent 60 jours/an, ne pourra pas faire partie des unités de combat de 1ere ligne. par contre elle peut apporter de la profondeur et de la masse en arriere et garder le pays en cas de projection de la majorité de nos forces sur un théatre majeur.
Soit. Et que dire de l’armée ukrainienne alors ? Ce sont les réservistes ukrainiens qui ont taillé en pièces les régiments professionnels russes, y compris les surentraînées troupes aéroportées.
Avoir des forces pro à ses avantages, en matière de projection de puissance notamment : ce sont des forces très réactives, efficaces et très entraînées.
Par contre, dès que l’on cherche de la masse, le format pro n’est tout simplement pas tenable : soit cela coûterait beaucoup trop cher, soit atteindre la masse critique serait tout simplement impossible, faute de volontaires.
vous comparez un pays en guerre totale sur son territoire avec un pays qui enverrait des troupes défendre une frontière à 2000 kms. vous pensez réellement que la france, ou autre , accepterai des pertes de plusieurs centaines de soldats par semaine, même pour des soldats de métiers, alors que ce n’est pas le territoire national qui est envahit. j’aimerai connaitre la réaction de la représentation nationale à ce sujet. je ne nie pas la nécessite de la reserve, dejà par la formation initiale donnée, ceal ferait gagner du temps au cas ou ? je salue aussi ceux et celles qui s’investissent au jour le jour dans ce long chemin, semé d’embuches, mais je continue à penser que cela restera une force d’apoint. je peux me tromper, mais je me range à l’avis des officiers génraux à ce sujet. de même , si vous prenez la marine nationale, qui me tient à coeur, les unités de réservistes pourraient être déployées sur les patrouilleurs et ainsi soulager les equipages pour les missions plus critiques, mais pensez vous que l’on incorporerai , par exemple, des réservistes sur des sna ou encore pire sur des snle ? apres si vous entrez en guerre (déclarée) avec un pays ces considérations n’ont plus d’objet et on rentre dans un autre shéma, mais après 80 années de paix il n’y a pas beaucoup de personnes prêtes à ce shéma, pour le moment.
D’autant que les objectifs seraient limités, en dehors de peut-être 2 brigades d’anciens militaires avec un niveau d’entraînement élevé, les autres unités auraient certainement des compétences raisonnables : contrôle de zone arrière, escorte de convois, gestion des prisonniers, preparer et tenir une position défensive en utilisant efficacement des drones, se replier en bon ordre. Mais cela répond aussi à un besoin et cela forme une base solide pour une montée en compétence en cas de conflit. J’ajouterai qu’il ne serait pas inutile de constituer des brigades de dronistes avec leur encadrement.
cela permet aussi d’avoir une réserve de matériels, ce que nous n’avons pas aujourd’hui.
effectivement, une fois les brigades d’active sérieusement entamées ( comme celles de l’adversaire) nous serons heureux de disposer d’une bonne masse de matériels pour assurer la relève… Le griffon est idéal pour cela : bon équilibre entre valeur ajoutée opérationnelle, prix d’acquisition et coût de MCO…
Notons qu’il s’agit de 12 000 inscrits, mais il faudra combien irons jusqu’au bout du processus. Notamment du fait des lenteurs administratives. Je me suis personnellement engagé dans la réserve juste « avant que ça devienne à la mode », et il m’a fallu un an (de février 2024 à février 2025) entre l’ouverture de mon dossier et le début de mon contrat.
Et c’était donc avant cet afflux massif.
Combien seront dégoûtés par la paperasse ? On le saura dans un an
Merci pour ce témoignage !
La réserve avec unités constituées semble être la seule approche réaliste pour disposer d’un format d’armée raisonnable. Les brigades et régiments d’active pourraient chacun parrainer une unité de réserve.
On peut imaginer 2 brigades blindées de réserve autonomes de classe 48t avec leur matériel positionné sur 2 camps de manœuvre (donc coachées par le régiment de formation), où les réservistes pourront se rendre pour s’entrainer, tout comme les unités d’active.
En imaginant 4 brigades moyennes d’active sur un format VBCI 32t + quelques éléments lourds, chacune pourrait parrainer une brigade motorisée de réserve sur Griffon/engins légers.
Enfin en imaginant 4 petites brigades de projection de classe 16-18 tonnes (renforcées par les régiments para/montagne) chacune pourrait parrainer une brigade légère sur Serval facilement deployables sur le territoire.
Chaque régiment d’active pourrait aussi disposer de sa compagnie de réserve et encadrer une compagnie de service militaire qui suivrait un rythme formation individuelle, formation collective, prépositionnement Dom-tom, Sentinelle.
C’est tout de même un enorme chantier. Mais son potentiel militaire, économique et en termes d’aménagement du territoire, serait exceptionnel.