En l’espace de quelques années, Berlin a engagé une transformation de la Bundeswehr d’une ampleur inédite depuis la fin des années 1950. Ce qui, au départ, relevait d’un rattrapage capacitaire après des décennies de sous-investissement, s’est progressivement mué en un projet cohérent, structuré et assumé : faire de la montée en puissance des armées allemandes le socle d’une ambition de leadership industrielle et européen.
En effet, l’Allemagne n’entend plus seulement combler ses propres lacunes. En dimensionnant ses programmes et son industrie pour répondre aux besoins de l’ensemble des armées européennes, elle place sa base industrielle et technologique au centre de la chaîne logistique et opérationnelle du continent. Ce positionnement repose sur des investissements massifs, une anticipation fine des évolutions de marché et une capacité à nouer les partenariats nécessaires dans les domaines où elle était encore en retard.
Ainsi, l’ambition nationale se double désormais d’une stratégie européenne explicite : devenir le pivot opérationnel de la défense du continent et le leader technologique de son industrie d’armement. La logique est simple mais implacable : répondre rapidement et massivement aux besoins exprimés par les alliés, imposer ses standards, et garantir sur plusieurs décennies la disponibilité, l’interopérabilité et la compétitivité des armements « made in Germany » au sein des armées européennes.
Cet article propose d’examiner comment Berlin, en combinant vision stratégique, puissance industrielle et opportunités géopolitiques, est en train de s’imposer comme l’architecte de la future défense européenne.
Sommaire
Un basculement budgétaire historique en faveur de la Bundeswehr
Depuis 2020, l’évolution des budgets de défense en Europe a marqué un tournant spectaculaire, au point de redessiner l’équilibre stratégique du continent. En effet, alors que la France affichait encore un budget supérieur à celui de l’Allemagne en 2020 – 37,5 Md€ contre 33,2 Md€ –, Berlin a, en moins de cinq ans, non seulement comblé l’écart, mais largement dépassé Paris. En 2025, le budget allemand atteint 95 Md€, soit près du double de celui de la France, qui plafonne à 50,5 Md€ (OvertDefense).

Cette dynamique résulte directement du tournant stratégique annoncé par Olaf Scholz en février 2022, connu sous le nom de Zeitenwende, confirmant une augmentation massive et durable des crédits militaires (Meta-Défense). À présent, sous l’influence des pressions américaines et du nouveau chancelier Merz, l’Allemagne prévoit d’atteindre 108,2 Md€ en 2026, puis 161,8 Md€ en 2029, soit une hausse de plus de 70 % par rapport à 2025, et de 387% par rapport à 2020. Ce chiffre place Berlin sur une trajectoire de réarmement sans précédent depuis son réarmement au debut des années 1950.
Par comparaison, la France, malgré sa Loi de Programmation Militaire 2024-2030 ambitieuse, passerait de 57,2 Md€ en 2026 à 72 Md€ en 2029 (Meta-Défense). L’écart relatif entre les deux pays à l’horizon 2029 serait similaire à celui séparant aujourd’hui la France des Pays-Bas. Comme le souligne l’analyste Christian Mölling de la DGAP, « ce n’est pas seulement une différence de moyens, c’est un changement de catégorie stratégique pour l’Allemagne » (DGAP).
En conséquence, Berlin se positionnera non seulement comme première puissance militaire européenne en termes de budget, mais aussi comme troisième puissance mondiale derrière les États-Unis et la Chine, devançant nettement la Russie, l’Inde, l’Arabie Saoudite et le Royaume-Uni. Une telle progression rebat les cartes de la hiérarchie internationale et confère à l’Allemagne un poids politique accru au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.
Or, cette montée en puissance ne résulte pas d’une simple conjoncture, mais bien d’un choix stratégique assumé. En allouant une part croissante de son PIB à la défense – en s’alignant sur l’effort de défense de 3,5% PIB fixé lors du sommet de l’OTAN de La Haye – Berlin répond à la fois à la menace russe à l’Est et au désengagement progressif des États-Unis du théâtre européen. Comme l’a affirmé le ministre de la Défense Boris Pistorius, « l’Allemagne doit redevenir capable de défendre non seulement son territoire, mais aussi ses alliés » (DefenseNews).
Par ailleurs, la structure de cette hausse budgétaire diffère de celle observée dans d’autres pays européens. Alors que la France ou la Grande-Bretagne concentrent encore une large part de leurs crédits sur le maintien en condition opérationnelle et les dépenses de personnel, l’Allemagne a planifié une proportion croissante d’investissements directs dans les équipements et infrastructures. Cette orientation traduit une volonté explicite de moderniser rapidement la Bundeswehr et d’augmenter son interopérabilité avec les forces alliées.
Ainsi, l’écart budgétaire croissant ne se limite pas à un indicateur financier : il préfigure un basculement du leadership militaire européen vers Berlin laissé par l’inexorable retrait américain. Et, compte tenu de la tendance, il sera d’autant plus difficile pour les autres grandes nations européennes de combler ce retard que l’Allemagne bénéficie désormais d’une dynamique industrielle et politique cohérente avec ses ambitions.
Une Bundeswehr réarmée mais sans explosion des effectifs
Si le budget de la Bundeswehr va plus que quadrupler entre 2020 et 2029, cette montée en puissance ne se traduira pas par une augmentation proportionnelle des effectifs. En effet, selon les projections officielles et les scénarios actuellement à l’étude, les forces armées allemandes ne devraient croître que de 30 % dans l’hypothèse d’une simple extension des forces actives et de la réserve, et au maximum de 80 % en cas de réintroduction d’une conscription « choisie » (Meta-Défense).

Il reste 75 % de cet article à lire, Abonnez-vous pour y accéder !

Les abonnements Classiques donnent accès aux
articles dans leur version intégrale, et sans publicité,
à partir de 1,99 €. Les abonnements Premium permettent d’accéder également aux archives (articles de plus de deux ans)
ABONNÉS : Si vous voyez ce panneau, malgré votre abonnement, videz le cache de votre navigateur pour régler le problème.
Bonjour,
Il me semble qu’il existe quelques angle mort dans le modèle de défense allemand pour 2030.
Il serait intéressant de les analyser, ça peut donner des pistes de réflexions pour d’autres Européen recherche d’un nouvel équilibre.
Si l’Allemagne allait vers le developpement de la dissuasion nuclaire, il serait interessant de voir le cout de ce programme qui a mon avis devorerait une partie non négligeable du budget miltaire pour arriver a un resultat, sachant que coté vecteurs porteurs les sous-marins actuels devraient aussi évoluer vers le nucleaire, ainsi que des vecteurs strategiques, resterait des bombes qui ne pourraient etre portées que par l’Eurofighter, ou le Scaf si il continuait. Dans le plan allemand , il y a une interrogation sur la parti aerienne , car le scaf est a l’arret , le F35 est un developpement americain, il y a aussi une interrogation cote spatial, car l’UE depend beaucoup des USA.On revient donc a une vision continentale de l’armée allemande
je vous trouve varaiment incisif , avec nos Amis allemands, en cette rentrée estivale ! cette petite permission d’été vous aurait elle jeter un regard différent sur le leader ship allemand qui ne s’embarrasse pas de principes, mais veut toujours reigner sur l’europe. ouvrons enfin les yeux et soyons clairs nos coopérations avec eux ne sont la que parce qu’ils ont à piller dans des secteurs ou ils ne savent pas faire (scaf). pour le gcs, c’est plier depuis longtemps et ils laissent l’illusion pour essayer de faire plier dassault par l’entremise de macron qui est un naif. bon la dessus ils n’ont pas tout compris, trappier à annoncé la couleur, c’est lui le chef, à ses conditions, ou il se retire. pour ma part je pense qu’avant la fin de l’année ce sera plié et que l’on pourra repartir sur des bases saines. de toutes façons c’est eux qui devaient concevoir le drone lourd d’accompagnement, et la ils annoncent qu’ils vont les codévellopper avec les ricains. on croit rêver ?
À vrai dire, je suis plus admiratif qu’incisif. c’est plutot envers notre propre classe politique et notre opinion que je serai incisif…
ho vous savez l’on a les hommes politiques que l’on mérite. quand on reste accroché à son caillou comme un bernique sur son rocher et que l’on est incapable de sortir de son petit confort personnel , on peut s’attendre à des lendemains qui déchantent. l’automne risque d’être révélateur de l’abime de connerie dans lequel nous nous complaisons depuis des années.
c’est bien pour cela que je met la classe politique et l’opinion dans le meme panier. la France est engagée dans un déclassement historique qui va nous amener au niveau d’influence des pays bas, mais nous, on met 2,5 m de signatures et des dizaines d’heures d’antennes sur la loi duplomb…. a un moment, il ne faut pas chercher. comme vous dites, on a ce qu’on mérite collectivement.
oui apres quand on a pas les C….. pour prendre les décisions difficiles Mais , nécessaires, à un sursaut national, on noie le poisson sous des speudos loi, ou il faut le dire certains ne manquent pas d’air. on interdit , à nos paysans d’utiliser un produit au motif qu’il est dangereux pour la santé, soit. dans ce cas on interdit toutes les mixtures à base de noisettes importées et traitées avec ce même produit, ou alors on est vraiment dans le ridicule. mais bon j’arrête la parce que cela me fout le boullit comme on dit dans le sud. on est rentré dans une société qui ne veut plus vraiment travailler, qui vit en perfusion d’aides, et qui ne veut rien lacher. à coté de cela on reste dans le grand pays qui accueille les bras ouverts tous les réfugiés de la terre et qui les perfusent aussi à toutes ces aides en leur disant qu’ils ont des droits, mais pas de devoirs ? je dois dire que j’en perds mon latin, pour le peu qu’il m’en reste, vu que depuis le collège je n’ai rencontré personne pour me prefectionner. moi pour ma part je suis d’accord que les retraités doivent contribuer à l’effort, peut être en minimisant sur les vraiment petites retraites et plus sur les plus importantes, mais je dois parler dans le désert. tout le mode s’en fout, à quand la prise de conscience du pays ? on va quand même pas rappeler le grand Charles au secours du pays comme en 1958 ? laissons le en paix. y aura t’il enfin quelqu’un de vraiment courageux pour faire comprendre à la nation qu’il va falloir faire des choix courageux et TOUT LE MONDE!
Je trouve ça assez bizarre de s’en prendre a l’opinion, surtout que c’est hors du sujet (la loi duplomb…).
C’est au contraire plutôt une bonne nouvelle qu’elle s’exprime plutôt que se résigner à accepter la situation que nous dépeignent notre classe politique.
Les journalistes sont bien plus responsables de l’opinion publique par ailleurs à mon avis puisque ce sont eux qui sont responsable d’abreuver tout le monde « d’informations » et de laisser (ou pas) la classe politique nous raconter du bullshit en toute impunité en permanence.
C’est sûr que pour faire plus mauvais que nous en ce moment c’est compliqué. Les anglais peut-être avec le Brexit et leur deficit sensiblement identique au notre ? On ne sait pas couper dans nos dépenses, eux ils ne savent pas augmenter les impôts…
Ceci dit je pense qu’il faut rester prudent dans l’admiration des allemands : leur situation économique a été bâtie notamment sur une dépendance quasi complète à l’énergie russe, on ne peut pas dire qu’ils ont fait preuve de génie là dessus ; leurs productions d’armes sont construites sur la dépendances vis à vis de tiers (USA, Israël), l’avenir dira si c’est une bonne idée ; le modèle d’exportation d’arme ne remplacera que partiellement les exportations civiles en volumes (268 Mds en 2023 rien que pour les voitures…) qui vont décroitre avec la double dégelée US/chine ; la gestion de leur parc énergétique pourrait aussi leur réserver quelques surprises…
Mon propos se limitait aux questions de défense : la stratégie de Berlin dans ce domaine est ambitieuse mais réaliste, et surtout globale : elle devient un véritable projet national alliant sécurité, économie et puissance politique.
Après, au sujet la dépendance à l’énergie russe, c’est évidemment exact. Comme il est exact que l’Allemagne pourrait se payer 15 parcs nucléaires neufs équivalent à celui de la France, avant que son taux d’endettement atteigne celui de la Frange.
Si seulement on pouvait prendre ce qu’il y a de meilleur dans nos deux pays, plutôt que d’en synthétiser ce qu’il y a de pire dans l’UE .. bref, je déborde 😉
ho je suis d’accord avec vous fabrice, du pognon ils en ont à revendre. par contre avant qu’ils reviennent au nucléaire avec la bande de KMERS VERT qu’ils trainent, c’est pas demain la veille !