Depuis le début de l’offensive russe contre l’Ukraine, la presse occidentale a régulièrement fait ses gros titres des performances « extraordinaires » des équipements américains et européens livrés à Kyiv. Ici, ce furent les batteries Patriot, célébrées pour avoir intercepté des missiles Kinzhal russes dits « hypersoniques » au-dessus de la capitale ; là, ce furent les lance-roquettes HIMARS, présentés comme l’arme miracle décimant les colonnes mécanisées de l’envahisseur pris au dépourvu.
Dans le même registre, le désormais célèbre canon CAESAR est devenu une véritable star médiatique, au point d’être qualifié de « cauchemar des artilleurs russes » — un qualificatif qui valut à l’article correspondant de Meta-Défense d’être le plus lu de son histoire.
Rares furent, en revanche, les fois où les contre-performances de ces mêmes équipements ont été mises en avant. Et même lorsque cela se produisait, la tentation restait grande d’en attribuer la responsabilité au manque de formation ou de rigueur tactique des forces ukrainiennes, plutôt qu’aux limites intrinsèques de matériels pourtant présentés comme les plus avancés au monde. Kyiv elle-même a longtemps préféré taire ces difficultés, soucieuse de préserver les flux vitaux d’armes, de munitions et de crédits venus de Washington et des capitales européennes : mieux vaut un système qui sous-performe qu’une absence totale de système.
Or, depuis quelques mois, cette construction métaphorique commence à se fissurer. Les rapports dithyrambiques sur les prétendues capacités révolutionnaires des systèmes occidentaux, largement relayés en 2022 et 2023, cèdent progressivement la place à d’autres analyses, beaucoup plus confidentielles et, surtout, sensiblement plus préoccupantes.
En effet, face à une guerre qui se transforme en permanence, et deux adversaires — Moscou et Kyiv — qui ont parfaitement compris que leur survie dépendait de leur adaptabilité, les équipements occidentaux montrent leurs failles. Trop sophistiqués, trop lents à évoluer, ils peinent à conserver l’avantage opérationnel. Parfois même, la technologie dont on attendait tant se révèle être un handicap sévère sur la ligne de front.
Sommaire
Les contre-performances des armements US en Ukraine
Dès 2023–2024, plusieurs évaluations internes ukrainiennes et rapports ouverts ont documenté une dégradation notable des performances d’un ensemble d’armements occidentaux face à l’adaptation russe — au premier rang desquelles la guerre électronique (EW) et la saturation par salves.

En effet, l’aviation comme l’artillerie ukrainiennes ont rapporté une chute brutale des taux d’efficacité de plusieurs munitions guidées par GNSS : JDAM-ER, Excalibur et roquettes GMLRS tirées par HIMARS. Selon des documents et des responsables ukrainiens cités par le Washington Post, « de nombreux armements américains guidés par satellite n’ont pas résisté au brouillage russe, au point que Kyiv a cessé d’utiliser certains types de munitions après l’effondrement des taux de réussite » .
De même, des reprises presse (sur la base du même dossier) ont souligné que, localement, les HIMARS avaient été rendus « complètement inefficaces » dans des zones fortement brouillées.
Par ailleurs, l’artillerie guidée Excalibur a été l’un des cas emblématiques : initialement très performante en 2022, elle a ensuite vu sa précision s’effondrer dans des secteurs où la Russie a installé des bulles de brouillage GNSS ; plusieurs sources indiquent que Washington a ralenti, voire suspendu, certaines livraisons à la suite de ces retours d’expérience.
Ainsi, l’« avantage technologique » des munitions à guidage satellitaire a été largement érodé par l’adaptation russe (brouillage, spoofing, camouflage, déception), ce que confirment aussi des analyses de fond sur la campagne de frappes et la réponse des défenses ukrainiennes.
En outre, sur le segment terrestre lourd, les M1 Abrams ont, eux aussi, subi la mue du champ de bataille : la prolifération des drones FPV et des senseurs ISR russes a conduit Kyiv à retirer temporairement ses Abrams de la ligne de front, après des pertes et des dégradations jugées préoccupantes.
L’Associated Press a confirmé en avril 2024 que cinq des 31 chars livrés avaient déjà été détruits et que les Abrams étaient mis en retrait pour adapter doctrines et contre-mesures face à la menace drone . De facto, l’« emploi à l’ancienne » des chars de bataille se heurte à un environnement saturé de capteurs bon marché et de munitions rôdeuses — point que plusieurs responsables et analyses américaines reconnaissent désormais ouvertement, en insistant sur l’adaptation doctrinale nécessaire plutôt que sur « la fin du char ».

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