Depuis plusieurs mois, les déclarations hostiles se multiplient des deux côtés du Rhin, réduisant chaque jour un peu plus les chances de voir émerger une position commune acceptable par Paris, Berlin et Madrid sur le SCAF. Officiellement, le discours reste mesuré, mais dans les faits, les lignes de fracture sont devenues béantes : la France exige un leadership clair de Dassault sur le pilier NGF, tandis que l’Allemagne refuse de se contenter d’un rôle secondaire. Dans ce contexte, l’impasse paraît désormais consommée.
En France, l’hypothèse d’un SCAF conduit seul n’est plus taboue. Elle alimente les tribunes, les prises de position industrielles et les débats stratégiques, comme si chacun préparait déjà le terrain d’un plan B. Mais pour transformer cette hypothèse en projet viable, encore faut-il examiner les conditions nécessaires.
Car l’équation a changé : la France affronte une instabilité politique sans précédent, des marges de manœuvre budgétaires limitées, et un environnement international bouleversé par une accélération technologique fulgurante et par l’intensification de la concurrence sur le marché mondial des avions de combat.
Dès lors, une question centrale se pose : peut-on encore appliquer les recettes qui ont permis, depuis le Mirage III jusqu’au Rafale, de préserver une autonomie aéronautique nationale et d’imposer l’industrie française à l’export ? Ou faut-il repenser en profondeur les paradigmes industriels, technologiques et budgétaires liant l’État et la BITD, afin de conserver une position dominante dans les airs et sur le marché mondial des avions de combat au cours des décennies à venir ?
Sommaire
Nouvelles déclarations, tensions accrues : l’avenir du programme SCAF de plus en plus menacé
Il ne reste aujourd’hui que très peu de voix pour défendre réellement la perspective du SCAF — et du MGCS — des deux côtés du Rhin. Si le discours officiel demeure mesuré, les coulisses laissent transparaître un constat partagé : les chances de voir ces programmes aboutir dans leur forme actuelle sont désormais quasi nulles.

Sur la scène publique, seules quelques initiatives isolées, souvent marginales et à faible audience, continuent de plaider en faveur de ces coopérations. En réalité, la messe semble dite. Côté français, le PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, multiplie depuis plusieurs mois les interventions médiatiques pour torpiller l’initiative de 2017. Il affiche désormais sans ambiguïté une hostilité de principe au programme tel qu’il a été conçu, dans une posture de rejet assumé vis-à-vis d’un projet qui, à ses yeux, ne répond plus ni aux besoins français ni aux intérêts de l’industrie nationale.
En Allemagne, ce sont surtout des personnalités de second plan de la CDU et du ministère de la Défense qui occupent le terrain médiatique, en s’attaquant frontalement au partenariat franco-allemand. Volker Mayer-Lay, membre de la commission de la défense au Bundestag et rapporteur du groupe CDU/CSU pour la Luftwaffe, a ainsi affirmé publiquement qu’aucune évolution du SCAF ne saurait être acceptable sans un co-pilotage du NGF par l’Allemagne.
L’impasse est dès lors flagrante : Berlin refuse d’accorder à Dassault Aviation le leadership du pilier NGF, tandis que Paris a désormais prévenu qu’il n’était plus question de poursuivre le programme sans une reconnaissance explicite et définitive de ce leadership. Pour la France, il en va du respect du calendrier, qui prévoit la mise en service d’un premier escadron de frappe stratégique de l’Armée de l’Air et de l’Espace à l’horizon 2045.
Cette échéance, devenue le point de cristallisation du désaccord, illustre en réalité une rupture plus ancienne. Dès 2018, il apparaissait évident que les attentes opérationnelles et industrielles des deux pays divergeaient profondément. Aucun des gouvernements n’ayant voulu assumer ouvertement une rupture sur un programme aussi fortement chargé symboliquement, le SCAF a poursuivi sa route par inertie, sans qu’aucun des problèmes de fond ne soit réglé.
Aujourd’hui, chacun élabore son plan B. Dassault Aviation met en avant son expérience historique, partagée avec l’ensemble de la base industrielle et technologique de défense (BITD) aéronautique française, héritée des années 1950. Depuis le Mirage III jusqu’au Rafale, en passant par le Mirage IV, le F1, le Super-Étendard ou encore le Mirage 2000, la France a conçu et produit une succession d’appareils emblématiques, exportant sur cette période près de 2 500 avions de combat — soit en moyenne 15 appareils par an.

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