L’annonce est venue d’Allemagne : BAE Systems Hägglunds s’associe à Rheinmetall pour intégrer le canon de 120 mm L44A1 à faible recul sur un CV90120. Selon le site spécialisé allemand Hartpunkt, « le CV90120 disposerait de la puissance de feu d’un char moderne, combinée à la mobilité du CV90, pour une puissance directe à coût réduit ». Cette promesse réactive une vieille idée européenne : retrouver de la masse et de la manœuvre à un coût soutenable, sans attendre la prochaine génération lourde.
Or, la séquence ukrainienne montre que l’armure passive ne suffit plus, à présent, pour percer et tenir, tant la combinaison des missiles antichars, drones, munitions rôdeuses et guerre électronique bouscule l’emploi des blindés, en réduisant leur survivabilité à découvert à 0. D’où un retour aux prérequis de mobilité, de dispersion et de protection active, qui ont précisément fait la force des chars dits « moyens » au XXe siècle. Reste à savoir si un VCI armé d’un 120 mm répond à ce cahier des charges contemporain.
Le débat dépasse le cas d’école. Si le CV90120 (en illustration principale) propose une solution rapide à industrialiser, et économique à mettre en oeuvre, un char moyen « nouvelle génération » ne se définit plus par l’héritage, mais par de nouvelles fonctions : propulsion surpuissante, architecture numérisée, protection active périmétrique, effets antichars déportés. Entre ces critères et la voie choisie par BAE Systems et Rheinmetall, l’écart est réel. C’est à l’examiner que nous consacrons cette analyse.
Sommaire
Char moyen 40 tonnes : puissance hybride, équipage réduit et effets NLOS
En effet, la redécouverte du « moyen moderne » s’entend désormais bien davantage par fonctions que par calibre. La masse cible autour de 40 tonnes vise la mobilité stratégique, l’accès aux infrastructures et la dispersion, même sur terrain meuble. Corrélativement, la propulsion doit fournir un rapport puissance/poids très élevé, idéalement via une chaîne hybride qui autorise des pics d’énergie silencieux pour les capteurs et l’arme.

Dans ce cadre, l’équipage peut être réduit à deux membres – pilote et officier des systèmes d’armes comme a bord des avions de combat – devient pertinent grâce à l’automatisation, à la fusion de données mais aussi à l’emploi en formation, la sécurité du tout reposant sur un partage précis des taches et espaces de surveillance. La logique veut aussi privilégier le tir hors ligne de visée (NLOS) pour l’anti-char à longue portée, plutôt que de devoir s’exposer à un tir de riposte destructeur à relativement courte portée.
Cette bascule doctrinale ne relève pas de l’utopie. Comme l’explique le South China Morning Post à propos du Type 100, « les chars et leurs véhicules d’appui “révolutionneront totalement les batailles terrestres futures” ». La description insiste sur la motorisation hybride, la manœuvrabilité tout-terrain, l’intégration étroite de systèmes habités et non habités, ainsi que la numérisation bout-en-bout. Autrement dit, l’architecture prime sur le blindage : la survivabilité active, la lutte anti-drone et la guerre électronique (GE) font système avec la mobilité et la puissance de feu portée.
De ce point de vue, justement, l’arme principale n’a plus vocation à surdimensionner la plateforme. Sur la base des retours d’expérience au combat, le canon sert l’engagement de 500 à 1 000 mètres contre des chars lourds, au-delà contre des véhicules de combat d’infanterie et des transports de troupes ; l’anti-char à longue portée est confié à des missiles et à des drones NLOS. Cette séparation des rôles, classique en aérien, s’invite désormais au terrestre. Elle suppose des interfaces logicielles ouvertes, une gestion d’énergie robuste et des capteurs distribués, autant de choix qui déterminent la charge mentale et la taille de l’équipage.
Dès lors, la question de l’emport en munitions et de la stabilité au tir se traite par l’architecture, non par l’addition de masse. Une tourelle inhabitée avec alimentation séparée, des capteurs anti-top et un système de protection active (APS) à couverture périmétrique deviennent la base. Le « moyen NG » n’est donc pas un « VCI musclé », ni un « MBT à la diète » mais une réponse conçue pour l’ère drone-GE-engagement coopératif, qui accepte de déléguer l’anti-char lointain à des effecteurs déportés afin d’optimiser la mobilité et la survivabilité de la cellule. C’est ce cadre que nous utiliserons pour situer le CV90120.
Les RETEX venus d’Ukraine imposent APS et numérisation à la génération intermédiaire de MBT
La guerre de positions en Ukraine a figé des lignes de front protégées par mines, senseurs et feux en profondeur. Dans cet environnement, la valeur d’un blindé tient d’abord à sa capacité à survivre au repérage et au premier coup adverse. Selon le Royal United Services Institute, « la guerre en 2025 se caractérise par l’emploi de millions de drones FPV et de milliers de munitions à effet terminal ». Pour manœuvrer, il faut donc combiner brouillage, dispersion, coopération interarmes et APS efficace, sous peine de rester à l’arrêt sous le feu.
![[ANALYSE] Avec le CV90120, les européens ressuscitent le char moyen, mais loin du standard NG 2 Allemagne Leopard 2A8 KNDS](https://meta-defense.fr/wp-content/uploads/2025/01/leopard-2a8.webp)
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On constate que le bon sens commence à s’imposer. J’imagine que la France pourrait développer cet outil en quelques années avec des partenaires, et créer un produit complémentaire au KF41. J’ai juste un désaccord fondamental sur la possibilité d’un équipage de 2 personnes. Un avion de combat décolle pour mener une mission de quelques heures avant de rentrer à sa base. Les blindés sont sensés occuper le terrain et mener des opérations dans la durée. Un équipage de 4 semble largement plus sûr et efficace pour assurer la veille et le fonctionnement efficace du système sur le terrain : chauffeur, chef d’engin, tireur, opérateur systèmes/drones/armement secondaire. Ou alors il s’agit de systèmes de percée qui interviennent au maximum une journée avant d’être relevés. Pourquoi-pas quelques régiments « d’assaut » avec une version à 2 opérateurs dans une cellule de survie.
précisément, on voit que le role du char n’est plus de tenir, mais de manoeuvrer. il vient, il contourne, il déborde, il perce, puis c’est l’infanterie mecanisée et l’artillerie qui tiennent. les blindés, eux, sont trop exposés. Je ne vois pas de contradiction la dedans avec un équipage à deux. Cela impose juste un concept d’emploi adapté pour exploiter au mieux la réelle valeur ajouté de l’équipement.
Surtout, je ne vois pas en quoi un équipage à 3 changerait grand chose dans le domaine. OK, on aurait un chef de char, un osa/tireur et un pilote, mais fondamentalement, la fatigue individuelle serait la meme, qu’elle soit cognitive comme physique. il me semble préférable de disposer de 2 équipages par équipement, et de faire des rotations.
À la rigueur, on peut imaginer 2 versions de systèmes à canon de 120mm :
– un pour quelques régiments de rupture avec équipage de 2 personnes (opérationnels pour des missions de 6-8 heures, avec des engins blindés capables de leur amener les équipages de relève. La cellule de survie pour 2 permet de desinhiber les équipages dans l’offensive, car ils auront de fortes chances de survie en cas d’impacts)
– un pour les régiments mécanisés avec 4 membres d’équipage (1 escadron blindé pour 3 compagnies mécanisées et 1 compagnie de reconnaissance), qui doivent « vivre sur le terrain » et l’occuper… Mais franchement, 2 personnes au delà de quelques heures? il suffit qu’un des deux soit épuisé/indisposé/malade/blessé/en conflit avec son collègue, en train de dormir et on perd la capacité du système… Et il n’est pas sûr du tout qu’une relève puisse les rejoindre. Un peu de bon sens et de pragmatisme…
pourtant, c’est bien ce que font les chinois avec le Type 100, et ce que testent les israéliens… évidemment, il ne pourra pas être employé « comme » un MBT. Mais ce que montrent les RETEX, c’est aussi que le MBT ne peuvent plus être employés « comme des MBT » aujourd’hui, à cause des drones… Parfois, le « pragmatisme » n’est guère que du conservatisme. Idem pour le 120 mm d’ailleurs. Super, on peut percer à 4 km avec l’ascalon 140. Bon ok, les chances d’avoir une LOS de 4 km, et d’avoir le temps d’en faire usage, sont quasiment nulles. OK, en Ukraine, les distances d’engagements sont en générales de 500 à 1000 m max. D’accord, l’immense majorité des MBT détruits en Ukraine l’a été par des missiles, des drones et des roquettes, et très rarement par sur tir tendu antichar.. mais quand même, 4 km !
Je n’ai pas de religion entre le 105 haute pression et le 120 ascalon. C’est d’ailleurs un sujet que vous pourriez utilement creuser. Les calibres supérieurs me semblent disproportionnés et sans réelle valeur ajoutée. Je ne vois pas d’objection à mettre en ligne des engins avec équipage limité, mais ça ne correspond pas à tous les usages, ça me paraît assez évident. Aller relever ces équipages en faisant des aller-retour avec d’autres blindés fortement protégés à travers une zone infestée de drones ne me semble pas très réaliste. Ou alors les engins abandonnent le terrain et rentrent à la base après une demi-journée de combat? Les chinois (taille critique) et israéliens (théâtre d’opération prévisible limité, ils peuvent rayonner depuis leur territoire) n’ont pas forcément des moyens ou besoins comparables. Il ne faut pas céder systématiquement aux effets de mode.
Bonsoir,
En parlant d’APS, des nouvelles de notre « diamant » national ou c’est passé aux oubliettes encore une fois …