jeudi, décembre 11, 2025

[Analyse] Char Leclerc: options de transition, risques capacitaires et trajectoire industrielle française avant MGCS

La question de la succession du char Leclerc s’impose désormais comme un enjeu opérationnel et industriel immédiat. Conçu pour un format bien supérieur, le parc français a été ramené à un cœur réduit, alors que l’attrition des stocks de pièces détachées et la fragilisation du soutien du groupe motopropulseur menacent la disponibilité. Cette réalité place la France face à une fenêtre de vulnérabilité avant l’arrivée du Système principal de combat terrestre (MGCS – Main Ground Combat System), et ravive l’urgence d’un choix sur la « succession du Leclerc ».

Dans le même temps, l’horizon programmatique allonge les délais, tandis que l’environnement européen se recompose à vive allure. Les arbitrages à conduire ne sont donc pas seulement techniques. Ils engagent une doctrine, un format et une trajectoire industrielle. Entre solution nationale de transition, achat conjoint, ou réorientation doctrinale, le débat exige des repères factuels et un calendrier, pour éviter un basculement silencieux vers un creux capacitaire qu’aucune rustine ne comblera.

Char Leclerc : parc comprimé, soutien moteur à bout de souffle et urgence temporelle

Le format s’est contracté au point de serrer la manœuvre. La France a reçu 406 Leclerc, mais n’alignera plus que 200 exemplaires portés au standard XLR selon la Loi de programmation militaire 2024–2030. Comme le rapporte Opex360, les autres chars ont été cannibalisés pour maintenir la flotte, ce qui traduit une gestion de pénurie plus qu’une stratégie de durée. La « succession du Leclerc » ne peut donc s’appuyer sur des réserves dormantes, et l’étroitesse du parc réduit les marges d’entraînement, de régénération et de projection, au risque d’érosion accélérée par usage intensif.

La tension logistique se lit d’abord dans la mécanique. La réserve de pièces détachées est à bout de souffle, tandis que le soutien du groupe motopropulseur, combinant le moteur Diesel V8X‑1500 Hyperbar et la turbomachine TM‑307B, devient de plus en plus complexe. Le standard XLR n’y apporte pas de réponse, ce qui crée un point dur structurel. La conséquence opérationnelle est immédiate, puisque la moindre panne immobilise plus longtemps, et que le parc, déjà réduit, voit sa disponibilité fluctuante saper l’entraînement, la préparation opérationnelle et la densité de forces mobilisables.

char leclerc Armée de terre
En dépit de ses qualités, le Leclerc n’est plus au niveau des chars modernes de génération intermédiaire, même dans sa version XLR.

Des pistes existent, mais elles ont un coût. L’Institut français des relations internationales (IFRI) relève une estimation de 1,5 milliard d’euros pour remotoriser la flotte, afin de prolonger l’usage en limitant l’attrition. Dans sa note, l’IFRI rappelle également l’argument d’économie sur dix ans. Comme elle le précise, « Le coût de la remotorisation du char Leclerc serait estimé à 1,5 milliard d’euros. » Cette option n’équivaut pas à un saut capacitaire, mais elle peut décaler l’échéance critique, à condition d’être décidée à temps et financée sans siphonner d’autres priorités terrestres.

Le contexte industriel ne facilite pas une relance rapide. La chaîne de production du Leclerc est arrêtée depuis des années, et l’unique exportation vers les Émirats arabes unis, conclue à des conditions pénalisantes, n’a pas permis d’entretenir une capacité prête à repartir. Le site Opex360 souligne que ce passé pèse aujourd’hui sur l’agilité à réindustrialiser un standard lourd, alors que les délais de remise en route, de requalification et de montée en cadence seraient incompatibles avec l’urgence temporelle qui se dessine autour de la charnière 2030/2040. 

Leopard 2A8 et Leopard 3 entraînent l’écosystème allemand et redéfinissent le tempo vers MGCS

L’Allemagne a engagé une trajectoire de réarmement terrestre qui recompose l’équilibre européen. Ainsi, la perspective de passer de 62 000 à 150 000 soldats d’ici à 2035, la création de nouvelles brigades blindées et la densification de l’outil conventionnel donnent une profondeur que la France ne pourra pas répliquer « à l’identique ». En conséquence, la montée en puissance allemande agit comme un aimant industriel et commercial, et renforce l’attractivité des standards Leopard 2 actuels et futurs, notamment le « Leopard 3 Allemagne ».

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14 Commentaires

  1. @Fabrice Wolf
    Bien d’accord sur le diagnostic du temps qui passe, et des options qui se referment inéluctablement. L’indécision nous tue.

    S’agissant du « segment de décision » de notre Armée de Terre, aujourd’hui limité à 200 Leclerc obsolescents, quel serait selon vous le format idéal, compte tenu de nos contraintes et du contexte géopolitique ? Et quel serait le coût de ce format idéal (chars et leur environnement, coût humain…).

    Par ailleurs, concernant l’idée d’un char moyen déjà évoquée sur votre site, l’idée est séduisante sur le plan commercial (échapper à une concurrence frontale avec l’Allemagne en proposant un produit « décalé » mais performant). Mais tout miser sur la mobilité répond-il vraiment aux besoins opérationnels actuels et futurs, face au risque accru d’être confrontés à des chars lourds modernes dans un conflit de haute intensité ? Est-il raisonnable de nous reposer entièrement sur nos alliés pour ce qui concerne cette capacité structurante sur le plan terrestre ? Enfin, sur un plan strictement financier, un char moyen moderne sera-t-il réellement moins coûteux qu’un char lourd équivalent ?…

  2. Série d’articles sur la problématique du remplacement des chars Leclerc trés intéressants. Merci d’avoir mis les différents liens, les relire dans le fil de l’article permet d’avoir une vision d’ensemble de la problématique et des options possibles. Ma conclusion personnelle et qui n’engage que moi, c’est que la stratégie MGCS et le partenariat franco-Allemand étaient intelligeants. Mais l’arrivée de Reinhmetall et la guerre en Ukraine ont totalement rebattu les carte et pas à notre avantage français. L’Allemagne joue sa partition et son intérêt, et sa stratégie basée sur un A3 est logique. La France a donc différentes options que vous détaillez parfaitement dans votre série d’articles. Ma préférence va à celle du développement d’une nouvelle famille de blindés chenillés de moins de 37 tonnes. Pour toutes les raisons que vous détaillées fort bien : Avantages commerciaux, doctrine d’emploi basée sur l’agilité et la fulgurance, complémentarité plutôt qu’addition vs autres armées de l’OTAN, capacité de projection qui en ferait une force de disuasion sous le seuil nucléraire pour protéger nos outre-mers, logistique, coûts, potentiels partenariats avec d’autres pays hors UE, … Et cela nous permettrait d’aborder la décision de développer un MGCS lourd de nouvelle génération, sans pression et dans une position technique et commerciale plus confortable vis à vis de la BIT Allemande. Le problème est clairement posé, les options sont sur la table, nos politiques sauront-ils trancher et prendre une décision? Car la pire des solutions serait de ne rien faire.

  3. je vous recommande e podcast du collimateur sur le sujet « blindé l’avenir qui a peur du char de combat.
    et l’étude de Léo Péria-Peigné char de combat obsolescence ou renaissance disponible gratuitement sur le site de l’IFRI
    Je vous rassure ce n’est guère plus encourageant :):):)

  4. C’est un peu triste mais il me semble que l’on a épuisé le sujet et que les meme éléments d’information tournent en boucle. Le gouvernement français depuis 8 ans se montre irresponsable et incapable de définir un modèle d’armée cohérent adapté aux enjeux du 21eme siècle : objectifs et modalités d’integration europeennne, doctrine, volume, organisation, articulation active/reserve/service national, équipements et technologies (et nature des coopérations réalistes), le tout avec une approche budgétaire forcément ambitieuse mais qui doit rester soutenable.

    Après tout, ce qu’on observe dans la défense est identique à ce qui est observé dans les autres domaines : énergie, sécurité, immigration, école,… Avec notamment l’incapacité surprenante à reconnaître ses erreurs (SCAF, MGCS, programmes idéologiques déconnectés des réalités.). Ou alors à la marge et trop tard : doublement du nombre de silos de missiles sur les 3 dernières FDI. Mais pour être honnête j’ai aussi un doute sur les capacités de nos militaires à penser différemment et à proposer au politique un modèle flexible et efficace.

  5. La question du type de char a deja provoqué un sous-dimensionnement de notre arme blindée, le probleme n est plus de remplacer 200 chars dépassés mais de creer une arme blindée, le char moyen est un concept interessant mais une division blindée équipée de ces chars aura du mal sur un combat face une division de chars intermédiaires. Donc soit on considére qu une armée composée de différents pays de l’Otan ou UE pourra se passer de l’apport blindé de la France, soit on on s’équipe au minimum soit 400 unités. Mais la France n’a rien prévue sur ce point la avant le MGCS en 2040!

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