[Actu] Su-75 Checkmate, 2026 comme épreuve de vérité pour le chasseur furtif russe

L’annonce faite à Dubaï par le pilote d’essais en chef de Sukhoi situant le premier vol du Su-75 Checkmate au début 2026 replace le programme Checkmate au centre des interrogations, puisque dévoilé en 2021 avec des échéances agressives, l’appareil n’a toujours pas volé et deux prototypes dits « presque prêts » seraient finalisés en 2025 pour essais au sol avant des premiers vols en 2026.

L’enjeu consiste à confronter ce calendrier aux antécédents russes (Su-57, S-70), aux limites techniques évoquées par la filière, et aux contraintes commerciales et géopolitiques, entre ambition marketing, ressources mobilisées par la guerre en Ukraine et demande export incertaine. Au final, le jalon 2025–2026 devient l’étalon de crédibilité du Su-75 Checkmate et de sa promesse de chasseur furtif abordable.

Su-75 Checkmate vise un premier vol début 2026 qui devient le jalon pivot du programme

D’après Defence UA, le pilote d’essais en chef de JSC Sukhoi a indiqué au Dubai Airshow 2025 que le premier vol du Su-75 Checkmate interviendrait au début de 2026. Deux prototypes seraient « presque prêts », l’un dédié aux essais au sol, l’autre aux essais en vol, pour une finalisation annoncée en 2025. Ainsi, le jalon du « premier vol 2026 » s’impose désormais comme repère central d’évaluation, alors que le programme entendait initialement capitaliser sur une montée en puissance rapide. Le message est clair, puisque l’effort porte autant sur l’achèvement des cellules que sur la maîtrise des essais initiaux.

Le décalage est d’autant plus sensible que le programme affichait une trajectoire nettement plus ambitieuse lors de sa révélation. Le Su-75, présenté comme une alternative économique de 5e génération, « devait faire son premier vol en 2023 et entrer en production de série d’ici 2026 », ce qui soulignait la volonté de percuter rapidement le marché. Le glissement du calendrier vers un premier vol en 2026 rebat les cartes, puisque la démonstration de maturité technique, industrielle et financière devient le cœur du sujet. Les retards industriels russes s’invitent ici comme variable structurante de la crédibilité globale du programme.

Pour autant, un premier vol ne conditionne pas une production rapide. Comme l’a rappelé The War Zone, le Su-57 a réalisé son premier vol en 2010, et la production en série n’a officiellement débuté qu’en 2019, et à rythme de peu soutenu, tandis que la plateforme continue d’évoluer et qu’elle n’a toujours pas son moteur définitif. Aussi, même si le Su-75 franchit effectivement l’étape du vol d’ici début 2026, la question de la montée en cadence et de la stabilité de configuration demeurera entière. La trajectoire opérationnelle pourrait s’inscrire dans un temps long, surtout si les ressources continuent d’être arbitrées vers des priorités immédiates.

presentation checkmate Army 2021
Présentation hollywoodienne du Su-75 Checkmate lors du salon Army 2021 de Moscou

Par ailleurs, les annonces publiques ont souvent devancé des preuves tangibles de progression matérielle. À ce stade, aucune imagerie vérifiable d’un prototype en essais n’est connue, ce qui contraste avec d’autres programmes russes où des indices ont émergé progressivement, y compris pour des plateformes non encore opérationnelles. Dans ce contexte, la valeur du jalon « premier vol 2026 » dépendra de la capacité à montrer des prototypes aboutis, une instrumentation de test crédible et une campagne d’essais structurée. Sans cela, le discours marketing restera en avance sur le réel, au risque d’amplifier le doute sur la viabilité du calendrier. 

Les performances revendiquées du Su-75 Checkmate butent sur des incertitudes techniques clés

Les caractéristiques présentées situent le Su-75 Checkmate comme un chasseur monomoteur « léger » aux performances élevées, avec une masse maximale au décollage d’environ 18 tonnes, une capacité d’emport proche de 7,4 tonnes, une autonomie de 2 900 à 3 000 km, et une vitesse proche de Mach 1,8, le tout avec un radar à antenne active. Un tel profil, s’il est confirmé, placerait l’appareil à l’interface entre les segments léger et moyen, avec une promesse d’efficacité multi-rôle et de coûts maîtrisés. L’attrait technique ne vaut toutefois que s’il s’accompagne d’une démonstration de systèmes réellement intégrés et d’une endurance industrielle dans la durée.

Les analyses spécialisées insistent sur une furtivité principalement frontale, davantage centrée sur la réduction de la signature radar à l’azimut avant que sur une furtivité tous azimuts. Cette approche « low observable » partielle est cohérente avec une logique de compromis coût/efficacité, en particulier pour la pénétration initiale face à des radars adverses. Toutefois, elle impose de compenser par une gestion fine de la mission, des capteurs robustes, une guerre électronique crédible et une intégration armements discrète. Sans ces contreparties, le bénéfice opérationnel de la cellule serait mécaniquement réduit.

S’agissant de l’architecture, revenir à un monomoteur constitue une première pour la filière russe moderne, et cela renforce les exigences posées au propulseur, à la fiabilité et à la logistique. La cohérence entre performances revendiquées et maturité moteur sera déterminante, tout comme l’optimisation aérodynamique et structurelle de la cellule. La promesse d’un chasseur monomoteur combinant rayon d’action, emport et furtivité revendiqués appelle, de fait, une rigueur de développement accrue et des essais suffisamment longs pour fiabiliser l’ensemble des systèmes critiques.

Des variantes ont été évoquées et montrées, incluant une version sans pilote, une version biplace et une configuration optionnellement pilotée via cabine amovible. Cette diversification potentielle peut accroître l’attractivité commerciale, en particulier pour des forces aériennes à budgets contraints cherchant une base commune pour des missions pilotées et non pilotées. Toutefois, l’absence de prototypes visibles et d’essais publics rend la concrétisation de ces déclinaisons incertaine. L’équation demeure donc simple, puisque seule la matérialité des démonstrateurs et leur montée en essais feront foi. 

Les antécédents et les retards minent la crédibilité industrielle de faire Su-75 Checkmate un chasseur furtif abordable

Les capacités technologiques russes en matière de furtivité, de propulsion et de fusion de capteurs sont questionnées par la trajectoire du Su-57. Plusieurs analyses ont relevé que « les limites révélées sur le Su-57 en matière de technologies furtives, de moteurs et de fusion de données » fragilisent par ricochet la confiance accordée aux promesses techniques répétées autour du Su-75. La difficulté n’est pas tant l’architecture générale que la capacité à tenir simultanément les objectifs de discrétion, de performances et d’intégration des systèmes. Dans ce cadre, la crédibilité du programme dépendra directement de la qualité des prototypes et de la vitesse d’apprentissage démontrée en essais.

Su-57 su-75
[Actu] Su-75 Checkmate, 2026 comme épreuve de vérité pour le chasseur furtif russe 8

Dans le même temps, la guerre en Ukraine et les sanctions ont reconfiguré la hiérarchie des priorités industrielles, au profit des appareils éprouvés comme les Su-30SM, Su-34 et Su-35, tout en poursuivant à cadence limitée le Su-57. Le site américain rappelle que la mobilisation industrielle pour les besoins immédiats a logiquement restreint la marge de manœuvre pour un nouveau programme monomoteur. Les arbitrages à venir pèseront donc sur la capacité à financer un plan d’essais soutenu et à sécuriser la chaîne d’approvisionnements critiques, condition préalable à toute montée en puissance crédible.

Par ailleurs, la répétition d’annonces ambitieuses suivies de retards nourrit une défiance grandissante envers Rostec et UAC, en Russie comme à l’international. Le glissement d’un premier vol annoncé pour 2022, puis 2023, vers « premier vol 2026 » érode la confiance, d’autant que d’autres programmes furtifs, comme le S-70, ont connu des turbulences similaires et que les commandes fermes restent absentes. Dans une industrie où la preuve matérielle prime, la communication ne peut plus précéder trop longtemps le concret sans affecter la perception de fiabilité.

Enfin, le réalisme calendaire est rappelé par les responsables de la filière eux-mêmes. À Dubaï, Sergey Chemezov a situé l’effort dans le temps long, soulignant la durée intrinsèque de maturation d’un appareil nouveau. Comme il l’a déclaré, « Généralement, il faut environ 10 à 15 ans pour créer un avion correctement. » Cette échelle, cohérente avec d’autres trajectoires russes récentes, signifie que même un succès du jalon « premier vol 2026 » ne présumerait pas d’une industrialisation rapide, ni d’une stabilisation de configuration avant la prochaine décennie. 

Le marché export expose le Su-75 Checkmate à des risques commerciaux et géopolitiques

Le Su-75 Checkmate a été pensé et promu comme un chasseur d’export bon marché destiné aux marchés africains et asiatiques, mais l’intérêt concret demeure limité et aucun contrat confirmé n’a émergé. La proposition de valeur repose sur la combinaison « furtivité abordable, polyvalence, coûts d’usage contenus », attrayante sur le papier pour le marché export avions de combat. Toutefois, sans démonstration de performances et sans garanties de support, ce positionnement peine à se transformer en opportunités concrètes. Le jalon « premier vol 2026 » devient, de fait, un test commercial autant que technique.

Le prix d’appel présenté très tôt comme un atout majeur complète cette équation. Ainsi, « le prix de l’appareil devrait se situer entre 25 et 30 m$ », avec l’ambition affichée de concurrencer des appareils bien plus coûteux si les performances et les coûts réels étaient confirmés. L’argument tarifaire a du sens pour des forces aériennes contraintes, mais il suppose des volumes, une chaîne industrielle robuste et des coûts de possession réellement maîtrisés. Sans cela, le différentiel de prix initial pourrait s’éroder face aux aléas techniques et logistiques.

La dimension géopolitique pèse également sur l’attractivité. Les clients potentiels d’équipements russes s’exposent au risque de sanctions secondaires, tandis que la concurrence s’intensifie, notamment avec l’offre chinoise qui progresse sur le segment moyen et bas de gamme. Dans un tel environnement, même une plateforme techniquement convaincante doit rassurer sur la résilience d’approvisionnement, la disponibilité des pièces, la formation et le soutien, autant d’éléments qui conditionnent la décision d’achat au-delà du prix facial.

drone Su-75
Version drone du Su-75 Checkmate

Enfin, un créneau existe bel et bien au sein de nombreuses forces aériennes équipées d’appareils anciens, pour lesquelles un monomoteur furtif et économique constituerait une option crédible. La conversion de cet intérêt latent en commandes dépendra toutefois de preuves opérationnelles, d’une maturité industrielle démontrée et de garanties politiques sur la durée. En l’absence de ces trois piliers, le Su-75 Checkmate restera une promesse séduisante mais vulnérable face aux retards industriels russes et à la multiplication des alternatives. 

Conclusion

On le voit, l’annonce d’un premier vol du Su-75 au début de 2026 ne vaut que par la capacité à matérialiser des prototypes aboutis, une campagne d’essais solide et une trajectoire industrielle crédible. Par ailleurs, les performances revendiquées et la palette de variantes demeurent des promesses, qui appellent des validations rapides et publiques pour soutenir l’ambition export.

Dans le même temps, la pression des priorités opérationnelles et le risque de sanctions pèsent sur la disponibilité des ressources. En définitive, le jalon 2025–2026 constitue un filtre déterminant, puisque la démonstration technique et la consolidation industrielle conditionneront la crédibilité commerciale de Sukhoi et la place du Su-75 Checkmate sur un marché export exigeant.


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Mots clés :

– Su-75 Checkmate* – premier vol 2026 – Sukhoi – chasseur furtif abordable – marché export aviation de combat – retards industriels russes

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