Nous le savons, la presse grecque n’est pas avare de déclarations spectaculaires, qui parfois manquent de matérialité. Mais l’information publiée ce jour par le site pagenews.gr, si elle est tout aussi spectaculaire, a le mérite d’être en cohérence avec les évolutions géostratégiques en cours en Méditerranée orientale. Selon le site, le président français Emmanuel Macron et le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, auraient trouvé un accord pour que la France fournisse à Athènes 10 Rafale neufs dans le dernier standard F3R, ainsi que 8 Rafale d’un standard plus ancien (non spécifié, probablement F2 ou F3), ces derniers appareils étant prélevés sur les appareils actuellement en service dans les forces aériennes françaises pour être donnés, et non vendus, à la Grèce.
L’objectif de cette décision serait évidemment de fournir aux forces aériennes grecques une première capacité sur des délais courts basée sur le Rafale, capables notamment de mettre en oeuvre des armes stand-off comme le missile de croisière Scalp EG, tout en disposant d’un important rayon d’action, et d’une électronique très modernes, y compris le système d’auto protection SPECTRA. Il s’agirait également de marquer sans le moindre doute les positions de la France aux cotés de la Grèce dans la crise en cours en Méditerranée orientale, face à la Turquie. En outre, cela donnerait une excellente raison à Paris pour déployer en Grèce un nombre plus important d’avions Rafale et de moyens logistiques, et de mener des vols nombreux et répéter au dessus de la Mer Egée, puisqu’il s’agira de former les équipages grecs.

D’un point de vu économique, la décision aurait également beaucoup de sens. En effet, Les recettes budgétaires pour la France émanant de la commande de 10 appareils neufs permettront à Paris de financer le remplacement des 8 appareils prélevés sur le stock des forces aériennes françaises, d’autant que les appareils auraient du être modernisés prochainement, ce qui aurait entrainé une indisponibilité et un surcout sensible. En tout état de cause, si le Ministère des Armées augmente effectivement la commande en cours sur la LPM de 8 appareils, l’empreinte budgétaire mais également opérationnelle de l’opération serait plus que réduite, pour ne pas dire nulle.
Rappelons également que le prochain standard F4 sera divisé en 2 sous-standards, à savoir le standard F4.1 destiné aux appareils construits antérieurement, et le standard F4.2 destinés aux appareils construits postérieurement au standard, appareils qui seront susceptibles d’évoluer vers les standards « SCAF » à venir F5 et F6. De fait, placer des appareils d’occasions pour les remplacer par des appareils neufs au nouveau standard peut s’avérer une opération bénéfique pour les forces aériennes françaises, tout comme pour l’industrie aéronautique nationale, qui augmente la base d’appareils installés à maintenir en condition de vol et à faire évoluer.

Au delà du contrat Rafale, le geste de la France en faveur d’Athènes pourrait bien redonner des couleurs au programme portant sur l’acquisition de 2 frégates FDI, aujourd’hui dans l’impasse. Il est en effet probable que le président Macron, s’il s’est emparé du dossier Rafale, pourrait faire de même avec ce programme, stratégique aussi bien pour la Grèce que pour la Marine Nationale, qui pourrait recevoir des navires bien mieux armés s’il venait à être exécuté. Il suffirait, pour sortir de l’impasse, d’appliquer la même grille d’analyse économique employée ici pour proposer une offre bien plus en adéquation avec les capacités budgétaires d’Athènes, en déduisant de l’enveloppe une partie des recettes de l’Etat liées à l’exécution du contrat.
Si l’information était confirmée par Paris, cela indiquerait surtout un changement de paradigme profond de la France, aussi bien dans le domaine de sa posture politique sur sa scène internationale, que dans le domaine du soutien étatique aux exportations d’équipements de Défense, en se positionnant sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis, la Russie ou la Chine dans ce domaine. C’est enfin une profonde marque d’indépendance de Paris vis-à-vis de Berlin, qui reste très hostile aux démarches du président Macron pour soutenir Athènes et Nicosie face aux coups de boutoir du président Erdogan, mais également vis-à-vis de l’OTAN, affectée d’une atonie extraordinaire depuis quelques semaines. Il s’agirait, dès lors, d’un retour marqué et assumé vers une posture extrêmement Gaulliste de la France dans le domaine de la politique extérieure.

Reste à voir, désormais, et au delà de la confirmation éventuelle de l’information, les réactions des différents acteurs de cette crise. S’il est clair que la Turquie restera probablement sur ses postures alliants menaces et invectives, les réactions des capitales et des instances européennes, notamment de Berlin, risquent en effet d’être moins policées qu’à l’accoutumée. Quand à Washington, il semble de plus en plus clair que le sujet n’intéresse pas l’administration en place, pas davantage que l’opposition démocrate qui ne s’est guère davantage emparée du sujet. Selon toute vraisemblance, dans ce dossier, les Etats-Unis vont s’en remettre à leur sacro-sainte posture de neutralité et d’embargo réciproque en cas de conflit entre deux pays alliés.
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