Aujourd’hui, le seul appareil identifié comme de « 5eme génération » disponible sur le marché international est le F-35 de l’américain Lockheed. Si les Etats-Unis ne s’économisent guère pour promouvoir leur appareil auprès de leurs alliés, il agit également comme levier technologique dans les politiques régionales, selon qu’un pays dispose ou non de l’autorisation d’exportation pour acquérir l’appareil. C’est le cas, par exemple, de nombreux pays du Golfe, dont l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis qui, bien qu’alliés des Etats-Unis, ne peuvent s’équiper de F-35 pour respecter l’avantage technologique contractuel que les Etats-Unis confèrent à Israël.
Et c’est précisément conscient de cette opportunité que la Russie a annoncé, par la voix de Vicktor Kladov, le directeur de la coopération internationale et des politiques régionales du consortium Rostec, qu’une version du Su-57, l’appareil de 5eme génération de facture russe, sera prochainement proposé sur le marché de l’exportation, à l’occasion du Langkawi International Maritime and Air, ou LIMA, qui se déroule cette semaine en Malaisie. Parmi les clients potentiels de l’appareil, le groupe russe identifie justement la Malaisie, l’Inde, et plusieurs pays du Golfe. On pourra également ajouter l’Egypte à cette liste, qui ne manquera pas de s’intéresser au potentiel de l’appareil russe, ainsi qu’évidemment, la Turquie, si l’exclusion du programme F-35 venait à se confirmer.
Les informations sur les capacités et performances exactes du Su-57 sont parcellaires, et non recoupées, d’autant que l’appareil n’évolue pas encore dans son standard opérationnel définitif, notamment en terme de moteurs. Il semble admis que sa furtivité sera nettement moindre que celle du F-35, et serait plus proche de celle d’un Rafale en configuration lisse, de l’ordre de 0,1m2 en secteur frontal. Mais l’avion russe sera loin d’être démuni, notamment grâce à une couverture radar à 360°, des soutes à munition de très grandes dimensions, une capacité d’emport de carburant importante lui conférant un rayon d’action très importante, et la fiabilité que représente la configuration bimoteur. Les travaux sont également en cours pour lui permettre d’évoluer en coopération avec le drone de combat Okoshnik, à être capable de mettre en œuvre le missile hypersonique Kinjal, ou le missile air)air à très longue portée R-37, conçu pour éliminer les avions ravitailleurs et awacs à plus de 300 km.
Quoiqu’il en soit, l’arrivé du Su-57 sur le marché international va probablement accélérer la redéfinition de la carte géopolitique mondiale, exercice dans lequel l’Europe sera singulièrement absente. Il est également probable que cela amènera la Chine à elle-même accélérer ses programmes furtifs exports, comme le FC-31. Enfin, cela rendra encore plus difficile le positionnement d’appareils comme le Rafale, le Typhoon, le F-18 et même le Su-35, pour peu que l’appareil russe parvienne à convaincre en matière de fiabilité, et de support industriel, deux domaines critiques ces dernières décennies pour l’industrie aéronautique russe, mais qui semble rapidement s’améliorer ces dernières années.
Une fois encore, l’impasse faite par la France et les Européens sur la 5eme génération, comme sur les appareils de combat légers, s’avère être un pari très risqué pour continuer à exister comme acteur majeur de l’industrie aéronautique de Défense dans les décennies à venir à l’échelle mondiale ..