Les paradigmes du char de combat moderne sont-ils obsolètes ?
Depuis le début des années 30, la logique qui sous-tend l’évolution du char de combat reste la même, à savoir un blindage plus épais, un canon plus puissant, et un moteur plus performant pour maintenir la mobilité du blindé.
C’est ainsi que les chars de 30 tonnes comme le T34 ou le Panzer IV du début de la seconde guerre mondiale, se transformèrent peu à peu en des blindés de plus de 40 tonnes comme le Panther et le M26 Pershing 2, et même au-delà avec les Tigres allemands de 57 tonnes.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, deux écoles apparurent dans le monde : l’école soviétique, avec des chars compacts, plus légers, et plus économiques comme le T54, le T64 et le T72, et l’école occidentale, avec des chars plus lourds et plus onéreux, comme les M48 et M60 Patton, ou les M1 Abrams américains, mais aussi les Cheftain et Challenger britanniques. L’exception en occident fut représentée par l’AMX30 français, et le Leopard 1 allemand, des chars bien plus légers que leurs homologues américains contemporains.
Alors qu’une nouvelle génération de chars de combat se dessine aujourd’hui, avec le T-14 Armata en Russie, et le MGCS en Europe, les paradigmes qui sous-tendent leur développement semblent, quant à eux, inchangés, avec toujours plus de protection et plus de puissance de feu, de sorte à soutenir le feu de l’adversaire tout en le détruisant avant que lui-même ne puisse le détruire.
Pourtant, il existe un programme qui change radicalement de paradigmes dans ce domaine. Le programme CARMEL israélien prévoit, en effet, de concevoir un blindé de combat de 35 tonnes, très mobile, très numérisé, servit par un équipage de seulement deux hommes, initialement conçu une alternative aux Merkava.
Peut-on, dès lors, concevoir un char de combat de nouvelle génération, effectivement, plus performant que la génération précédente, sans céder à l’augmentation presque systématique du poids, du calibre du canon, et au final, du prix ? La réponse à cette question nécessite d’entrer un peu plus en détail dans la « théorie du char »…
Sommaire
Pourquoi et comment un char de combat est-il efficace ?
Depuis la Première Guerre mondiale, le char de combat continue de porter la même priorité, à savoir de créer la rupture dans les lignes adverses. Par sa puissance de feu, sa mobilité et sa masse, le char peut, en effet, détruire les points de résistance adverses, tout en créant, à l’instar des charges de cavalerie du Moyen Âge, une certaine sidération chez l’adversaire.
Si initialement cet outil se limitait à percer les lignes adverses, notamment pour traverser les tranchées de l’ennemie, les progrès en termes de mobilité permirent d’étendre cette notion de rupture à un échelon plus global, en s’attaquant aux lignes d’approvisionnement adverses, le privant ainsi des moyens de continuer le combat.
Cette stratégie fut appliquée par les armées allemandes durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale, particulièrement face à la Pologne et la France, dans la fameuse « Blitz Krieg », qui reposait tout autant sur la mobilité que sur la puissance de feu des panzers allemands.

Mais le char ne s’est pas limité à un rôle offensif, et durant la Seconde Guerre mondiale, il s’intégra également aux dispositifs défensifs des armées, notamment dans une nouvelle fonction, celle de « tueur de char », le char devenant son propre pire ennemi.
Du point de vue défensif, le rôle du char est précisément d’empêcher la rupture, et de contrer la sidération que peut engendrer le char adverse. En outre, il pouvait rapidement changer de posture et se transformer en arme offensive, si l’opportunité de mener une contre-attaque apparaissait.
De ces missions, et de leurs contraintes, il est possible de modéliser de façon abstraite le char de combat selon 3 critères :
- la mobilité, qui dépend avant tout de la masse du char, donc de son blindage, et de la puissance de son moteur
- la létalité, qui dépend principalement de la puissance de feu au sens large (calibre, munition, précision..), mais également, dans une moindre mesure, de sa mobilité, ainsi que de la survivabilité des chars adverses.
- la survivabilité, justement, qui dépend du blindage, mais aussi de la mobilité, ainsi que de la létalité du blindé, et de l’adversaire.
Le potentiel de combat d’un char est une fonction complexe, non linéaire et établie sur ces trois critères, avec d’importantes notions de seuils. Il en va de même pour le prix du char. On le comprend, si l’on veut détruire l’adversaire avant d’être soi-même détruit, la solution la plus évidente est d’accroitre la survivabilité, donc le blindage, donc la masse, et la létalité, donc la puissance de feu, de son propre char.
Pour conserver une mobilité identique, il est de fait nécessaire d’augmenter la puissance moteur. Le tout entraine un char certes plus puissant, mais aussi plus lourd, et sensiblement plus cher. C’est de cette manière que les chars ont évolués ces 70 dernières années.
Inversion de paradigmes : le rôle de la mobilité
Une autre solution apparait toutefois de la mise en formulation précédente. En effet, en augmentant la mobilité de façon significative, il est possible d’accroitre simultanément la létalité et la survivabilité, avec une variation de prix des plus modérées.
Il serait même possible de conserver une survivabilité et une létalité identiques, en augmentant les seuls paramètres de la puissance moteur et de la chaine de mobilité, tout en abaissant le blindage, et même le calibre de l’arme principale.
C’est exactement le pari du projet israélien CARMEL, qui remplace le blindage classique par un blindage bien moins épais, permettant de ramener la masse du blindé à 35 tonnes contre plus de 60 tonnes pour les chars modernes, en faisant de la mobilité l’arme principale du nouveau char.

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Au bon temps de l’AMX13-SS11, la hausse de combat du 75 était de 1500, ce qui permettait de tirer 3 T54 avant que celui-ci ne soit en mesure de nous attendre. La durée de vol du SS11 était de 21s à 3200m, ce qui permettait largement d’atteindre un masque si le départ du coup était observé.
Bien évidemment votre char hyper-véloce doit accélérer tous ces paramètres : il est en ce sens pertinent ; de même que le chargement automatique (type barillet de l’AMX13, génial pour l’époque) doit permettre un équipage à 2 (côte à côte en caisse) avec une télémétrie rapide et efficace.
Mais vous faîtes abstraction des mines : les allemands à Koursk envoyait des chiens avec une mine magnétique sur le dos sous les T34 adverses. Or, il existe à présent des robots chiens.
Le char de plus de 35T est d’ores et déjà condamné ne serait-ce que par son coût prohibitif / pertes prévisibles.
Sur les mines, c’est, en effet, un facteur majeur, en particulier en Ukraine. Maintenant, c’est autant une cause de l’évolution de ce conflit, qu’une conséquence : la stagnation autour des lignes a permis de déployer de vastes champs de mines, qui n’avaient pas été déployés au début du conflit, de part et d’autre, lorsque le conflit était beaucoup plus dynamique. La question est de savoir si, dans le cas d’un affrontement à venir, nous allons davantage vers un conflit dynamique, ou statique. En 2020, quant l’article a été écrit, la notion de conflit statique, défensif, semblait hors du temps. Aujourd’hui, on doit effectivement en tenir compte.
Après, les mines posent un problème identique contre un char de 60/70 tonnes et un char de 40 tonnes. Une fois dechenillé, il devient une cible facile.