Leopard 2, Leclerc, Merkava : Que valent les chars de combat modernes ? (1/3)

Depuis sa première apparition sur les champs de bataille durant la première Guerre Mondiale, le char de combat a fait l’objet tout à la fois d’une extrême fascination pour certains, et d’une totale dénégation pour d’autres. Au fil des conflits, et de l’apparition de nouveaux systèmes d’armes, comme le missile antichar ou plus récemment la munition vagabonde, la fin de la suprématie du char dans le combat terrestre a de nombreuses fois été prophétisée, à l’instar d’autres armements majeurs comme les porte-avions ou les avions de combat.

Cependant, force est de constater aujourd’hui, alors que les tensions géopolitiques ne cessent de croitre, que le marché du char se porte bien, avec plus de 4000 chars lourds vendus à l’exportation pour ces seules trois dernières années, en Égypte, Inde, Pakistan, Pologne, Hongrie ou à Taïwan pour ne citer que les principaux contrats.

Dans le même temps, une nouvelle génération de ces blindés lourds a vu le jour, la plupart du temps sur la base de modèles issus de la fin de la guerre froide dotés de nouveaux systèmes de détection, de protection et une puissance de feu accrue, faisant de ces véhicules l’outil indispensable à toute action terrestre d’envergure de moyenne à haute intensité.

Dans cet article de synthèse en trois parties, nous allons présenter les plus emblématiques des chars de combat modernes, ceux-là mêmes qui pourraient potentiellement supporter l’essentiel des affrontements dans les 15 prochaines années sur la planète, afin d’en comprendre les atouts, mais également les faiblesses, et le rôle déterminant qu’ils sont appelés à jouer durant cette période.

Allemagne : Leopard 2A7+

Le Leopard 2, développé dans les années 70 par la firme allemande Krauss-Maffei Wegmann, est en bien des domaines le char de tous les records dans ce panel. Non seulement fut-il le premier à entrer en service en 1979, mais c’est également le modèle le plus exporté et l’un des plus lourds jamais construits, avec, pour la version A7, une masse au combat dépassant les 65 tonnes.

C’est aussi l’un des chars qui a su le mieux et le plus efficacement évoluer au travers de pas moins de 16 versions, passant de la version initiale de 1979 équipée d’un canon de 105 mm et d’une électronique analogique succincte, à la version ultime A7+ dotée du canon L/55 à âme lisse de Rheinmetall, et d’une électronique et Vetronique embarquée de dernière génération, ainsi que d’une tourelle automatisée FLW200 en lieu et place de l’antique mitrailleuse MG3 initiale.

Long de près de 11 mètres pour une hauteur de 3 mètres et une largeur de 3,70 m, le Leopard 2A7+ est propulsé par un moteur V12 bi turbo-diesel MTU MB 873 Ka-501 de 1480 cv, lui conférant un rapport puissance/poids de 22,8 cv par tonne.

Le blindé peut ainsi atteindre la vitesse maximale de 68 km/h sur route, et franchir des obstacles verticaux de plus de 1,1 m. Son canon L/55 est, quant à lui, considéré comme l’un des plus efficaces du moment, capable de pénétrer 540 mm d’acier à 1000 mètres avec un obus flèche à uranium appauvri M829 et même 560 mm avec l’obus à pénétrateur au tungstène franco-allemand DM43.

Leopard 2 A7 KMW 001 Chars de combat MBT | Allemagne | Budgets des armées et effort de Défense
Au-delà de ses qualités opérationnelles indéniables, le succès du Leopard 2 allemand s’explique en grande partie par les efforts conjoints de KMW et Rheinmetall pour en permanence faire évoluer le blindé qui aura connu pas moins de 16 versions différentes au fil de ses 40 années de service.

Le Leopard 2 est également très bien protégé, avec un blindage composite alliant micro-céramique, titane et tungstène, sur lequel prennent place des briques de blindage réactif, lui conférant un équivalent blindage de 620 mm d’acier en secteur frontal, et même de 1000 mm pour la tourelle. Ceci explique pourquoi, malgré ses 40 années révolues, il continue de s’exporter sur la scène internationale, la Hongrie ayant annoncé l’acquisition de 44 Leopard 2A7+ et de 12 Leopard 2A4 d’occasion en décembre 2018.

Pour autant, le Leopard 2 n’est pas exempt de certaines faiblesses. En premier lieu, son efficacité au combat n’a jamais été démontrée jusqu’ici, puisque la seule utilisation de Leopard 2A4 enregistrée, lors de l’offensive turque contre les forces kurdes en décembre 2016, s’est soldée par la destruction de plusieurs d’entre eux par des missiles antichars de facture russe Fagot et Kornet, et par la capture de deux exemplaires par l’État Islamique. Cependant, beaucoup de spécialistes mirent en cause la mauvaise tactique turque dans cette opération, et notamment l’absence de soutien d’infanterie, pour expliquer ces pertes.

En second lieu, déplacer une telle masse requiert une importante quantité de carburant, et en dépit des 1.160 litres de ses réservoirs, le Leopard 2 peine à dépasser les 200 km en tout terrain (et en ligne droite…). De fait, le char est avant tout destiné à de lourdes, mais courtes offensives, et à des postures défensives bien préparées, par ailleurs la doctrine de prédilection de la Bundeswehr.

Enfin, en dépit, et surement en raison des nombreuses évolutions qu’à subit le blindé, le char atteint désormais ses limites, notamment en termes de mobilité, les ajouts, par exemple le système de protection actif Trophy, se faisant immanquablement au détriment de celle-ci.

Reste que le Leopard 2A7+ est incontestablement l’un des meilleurs chars de combat jamais conçu, et s’avère être un redoutable adversaire dans des postures défensives ou pour des offensives intenses. L’annonce de son arrivée prochaine en Ukraine, alors qu’une dizaine de pays occidentaux ont abondé à la décision allemande de fournir 14 Leopard 2A6 à Kyiv, marquera incontestablement un baptême du feu très observé de ce char considéré depuis plusieurs décennies comme une référence.

Chine : Type 99A

Lorsque l’on parle des progrès réalisés par l’industrie de défense chinoise ces dernières années, l’attention se porte naturellement vers le domaine aéronautique avec des avions comme le J-20 ou le Y-20, le domaine naval avec les croiseurs Type 055 ou les porte-hélicoptères Type 075, ou dans le domaine des missiles comme le DF41 ou le DF26.

Pourtant, la production de blindés est l’un des domaines les plus dynamiques de cette industrie et les innovations ne cessent d’être présentées, comme le char léger Type 15 conçu spécialement pour évoluer sur les haut-plateaux tibétains.

Et si une part importante du parc de chars de combat de l’APL est encore composé de modèles comme le Type 96, un char moyen de 45 tonnes entré en service en 1997 et dont plus de 3000 exemplaires sont en service, Pékin s’est également doté un char lourd, le Type 99, conçu pour soutenir la comparaison avec les Abrams américains.

Le premier Type 99 est entré en service en 2001, mais il fallut atteindre 2011 pour que la version aboutie de ce char, le Type 99A, rejoigne l’inventaire de l’APL. Ce blindé de 55 tonnes et de 11 mètres de long n’a, en effet, guère à envier à ses homologues occidentaux.

Type 99A APL Chars de combat MBT | Allemagne | Budgets des armées et effort de Défense
Le Type 99A chinois reprend certains aspects des chars occidentaux modernes comme la tourelle anguleuse liée au blindage céramique composite utilisé, mais également certains aspects traditionnels des chars russes, comme le train de roulement par exemple. Il n’en demeure pas moins, sur le papier au moins, un char parfaitement à niveau de ses homologues occidentaux.

L’armement du Type 99A se compose d’un canon principal de 125 mm à âme lisse ZPT-98 à alimentation automatique capable de tirer jusqu’à huit coups à la minute, permettant à l’équipage de n’être composé que de trois membres, comme pour le Leclerc français. Équipé de la munition flèche DTW-125 TYPE II, ce canon serait capable de percer 700 mm de blindage acier à 1000 m, et 600 mm à 2000 m.

En outre, le canon peut également tirer, comme les chars russes, des missiles antichars d’une portée de 5 km. L’armement secondaire se compose, quant à lui, d’une mitrailleuse coaxiale de 7,62 mm, ainsi que d’une mitrailleuse de 12,7 mm en tourelle manuelle.

Le Type 99A dispose en outre d’une vétronique et d’une électronique de bord très avancée, avec un système de surveillance et détection infrarouge à 360°, une conduite de tir numérique et une interface de combat coopératif, de communication et de positionnement avec un système de carte numérique.

La protection du char, enfin, est assurée par un blindage composite avec sur blindage actif comparable au système ERA russe. Sans que cela soit confirmé par des observations, il semblerait que les Type 99A disposent également d’un système de protection Soft-Kill Hard-Kill, à l’instar du nouveau Type 15. Au final, la protection du Type 99A est considérée comme étant équivalente à celle de l’Abrams M1A2, pourtant 10 tonnes plus lourd.

Type15 Chars de combat MBT | Allemagne | Budgets des armées et effort de Défense
Contrairement aux armées occidentales, Pékin a fait le choix de se doter d’une force blindée composée de chars légers (ici le Type 15), de chars moyens Type 96 et de chars lourds Type 99/A

Cette faible masse est justement l’un des grands atouts du Type 99A. Propulsé par un moteur turbo-diesel HP150 de 1500 cv, il obtient un rapport puissance/poids de 27 cv par tonne, sensiblement supérieure à celui de l’Abrams ou du Leopard 2. Si sa vitesse de pointe sur route atteint les 76 km/h, c’est surtout sa vitesse en tout terrain de plus de 50 km/h, et son autonomie de 600 km qui lui confère un avantage de taille, notamment en allégeant l’empreinte logistique du blindé en manÅ“uvre.

De fait, le Type 99A peut être aussi bien déployé sur les haut-plateaux himalayens face à l’Inde, que sur des théâtres subtropicaux dans l’hypothèse d’une action dans le Pacifique, avec des atouts notables vis-à-vis de son homologue américain le M1A2 Abrams.

Toutefois, il est important de garder à l’esprit que l’ensemble de ces données sont transmises par le constructeur et les autorités chinoises elles-mêmes, et qu’elles n’ont jamais pu être à proprement parler corroborées d’une manière ou d’une autre. Le char n’étant pas pour l’heure proposé à l’exportation, puisque le VT4 exporté par Pékin est lui dérivé du Type 96, seul l’avenir et d’éventuels engagements pourront déterminer la réelle efficacité du Type 99A.

Israel : Merkava IVM

À l’issue de la guerre du Kippour de 1973, les armées israéliennes prirent conscience de la nécessité de concevoir rapidement un nouveau char lourd adapté à leurs besoins spécifiques pour remplacer les Centurion et M60 qui avaient payé un lourd tribu face au T-62 et aux nouveaux missiles antichars AT2 mis en Å“uvre par les armées égyptiennes et syriennes.

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