mardi, mars 19, 2024

Les européens reproduisent-ils les erreurs des Etats-Unis pour ‘rationaliser’ l’industrie de défense ?

Depuis plusieurs années, les européens ne ménagent pas leurs efforts pour tenter de donner vie à une industrie de défense européenne rationalisée, pour objectif, à terme, d’accroitre l’autonomie stratégique du vieux continent.

C’est ainsi que plusieurs initiatives ont été lancées, notamment au niveau de l’Union européenne comme la Coopération Permanente Structurée ou PESCO et le Fonds Européens de Défense, visant à donner un cadre de coopération et un accès à des crédits à des programmes de défense, qu’ils soient industriels ou opérationnels, réalisés par des pays européens.

D’autres initiatives, comme le programme d’avion de combat SCAF, le char de combat de nouvelle génération MGCS, le drone de combat RPAS Eurodrone ou les frégates FREMM, ont été lancés au travers d’accords nationaux, parfois dans le cadre de l’OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement).

Un constat sans appel

Il faut dire que le constat fait par les autorités européennes, il y a quelques années, avait de quoi intriguer. Ainsi, si les Etats-Unis mettaient en œuvre, en 2019, 2.779 avions de combat appartenant à 11 modèles différents, tous produits sur le sol américain, les membres de l’Union, de leurs côtés, n’alignaient que 1.700, mais de 19 modèles différents, dont plus de la moitié avait été importée.

Cette situation est loin de ne concerner que les avions de combat, étant strictement identique dans le domaine des blindés, des systèmes anti-aériens, des navires de combat ou encore des hélicoptères, même si dans plusieurs de ces catégories, la part des équipements européens s’avère supérieure.

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Les armées européennes mettent en œuvre deux fois plus de modèles d’avions de combat que les armées US, pourtant 50% plus imposantes.

Face à de tels chiffres, il semblait évident qu’il était nécessaire de rationaliser non seulement les programmes d’équipements des armées européennes, de sorte à en améliorer l’interopérabilité, mais également de réduire les couts et améliorer la maintenabilité et l’évolutivité des flottes, et ainsi éviter d’inventer plusieurs fois la même roue.

À titre d’exemple, aujourd’hui, quatre industriels européens (TKMS, Kockums, Navantia et Naval Group) conçoivent des sous-marins à propulsion conventuelle ou AIP, alors que six grands bureaux d’étude navals (les quatre précédemment cités ainsi que Damen et Fincantieri) conçoivent des frégates, destroyers et grands navires de combat de surface.

Les dépenses répliquées de R & D sont évidentes, et pourraient de fait être économisées au profit de plus de matériels pour les armées, et de moins de dépenses pour les gouvernements, souvent exposés à d’importants déficits publics.

Une volonté de rationaliser l’industrie de défense européenne

De fait, et de manière prévisible, les institutions européennes, comme les dirigeants des pays les plus enclins à soutenir cette lecture de la situation comme la France ou l’Allemagne, entreprirent de « corriger le tir », en lançant des programmes conjoints, dans le cadre des institutions européennes ou de manière multilatérale.

Quelques années plus tard, force est de constater que le chemin emprunté s’est, de toute évidence, révélé bien plus chaotique qu’anticipé, alors que de nombreux programmes franco-allemands, comme MAWS, CIFS et Tigre III, ont connu un funeste destin, que les programmes SCAF et MGCS ne manquent pas de tensions et de difficultés, et que les programmes européens font fréquemment de même, surtout lorsqu’ils portent sur des capacités dimensionnantes, comme dans le cadre de la défense anti-missile.

Toutefois, de récentes déclarations outre-atlantique pourraient apporter certains éclaircissements sur les conséquences de cette stratégie européenne qui se rapproche de celle appliquée aux Etats-Unis il y a maintenant trois décennies.

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Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

Les effets pervers du nouveau paysage industriel défense américain

En effet, il y a quelques jours, l’ancien négociateur en chef des programmes d’armement du Pentagone et ancien vice-président du géant Raytheon, dressait un constat cinglant quant à l’évolution de la base industrielle et technologique US qui est, selon lui, à l’origine des difficultés rencontrées par le Pentagone pour moderniser ses forces et relever le défi posé par Pékin et Moscou.

En effet, aujourd’hui, les grandes entreprises de défense américaines, et notamment le Top 5 constitué de Lockheed-Martin, Boeing, Raytheon, Northrop-Grumman et General Dynamics, ont atteint une telle puissance économique, sociale et politique, qu’il est impossible au Pentagone de contrôler la hausse des couts des équipements, par manque de compétition.

À titre d’exemple, le missile sol-air à très courte portée Stinger coutait 25.000 $ au début des années 90, contre 400 000 $ aujourd’hui, soit 7 fois plus cher une fois prises en compte l’inflation et les évolutions technologiques.

Industrie de défense US a augmenté ses prix bien au-delà de l'inflation depuis 1993
Les Stinger envoyés en Ukraine par les Etats-Unis avaient couté 25 000 $ à l’US Army au début des années 90. Ils sont remplacés par des Stinger achetés aujourd’hui 400.000$ auprès de Raytheon.

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