Le Rafale en Arabie Saoudite, est-ce possible ? Une rumeur, relayée par des journalistes très bien informés comme Michel Cabirol de latribune.fr, circulait depuis plusieurs mois. Selon celle-ci, Ryad s’intéressait activement au chasseur français, avec une possible commande, à terme, de plus de 100 appareils.
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Pour ces sources, les autorités saoudiennes souhaitaient avant tout un chasseur moderne pour remplacer les quelque 81 Tornado IDS et 62 F-15C encore en service, qui ne soit ni américain, et même ITAR-Free pour éviter toute interférence de Washington, et German-free, pour reprendre l’expression alors employée, pour ne plus subir les aléas du Bundestag.
Toutefois, jusqu’à présent, rien n’indiquait que des négociations officielles avaient été entamées entre Ryad et Paris à ce sujet. En outre, l’hypothèse n’était jamais évoquée, même en off, par Dassault Aviation, contrairement à d’autres prospects comme l’Inde (les 26 Rafale M de la Marine indienne), la Serbie, la Colombie ou le Qatar.
De fait, l’information relayée par le même Michel Cabirol ce week-end, selon laquelle Ryad aurait demandé à Dassault Aviation une offre formelle pour 54 Rafale, constitue évidemment un développement majeur dans ce dossier.
La frustration de l’Arabie Saoudite au sujet des Typhoon et F-35A
La demande saoudienne est avant tout une réponse à l’accumulation de frustration engendrée par les difficultés rencontrées ces dernières années pour acquérir de nouveaux avions de combat auprès de ses deux partenaires traditionnels américains et britanniques.
Rappelons, en effet, que les forces aériennes saoudiennes n’ont jamais mis en œuvre d’avion de combat français, et sont restées fidèles aux Etats-Unis depuis l’achat des premiers F-86 Sabre dans les années 50, jusqu’à la commande du très avancé F-15SA dans les années 2000.
De même, depuis l’achat de BAe Lightning britanniques dans les années 60, Ryad a été un fidèle client de l’industrie britannique en matière d’avions de combat, ayant même été le seul client export du Tornado ADV et IDS, et l’un des deux seuls du Lightning, et systématiquement le plus important client export de ses appareils.
En dépit de ces relations privilégiées avec Washington et Londres, Ryad ne parvient pas, ces dernières années, à moderniser ses forces ariennes, et en particulier, à remplacer les 81 Tornado IDS et les 61 F-15C encore en service, et marquant le poids des années.
Pas de F-22 ni de F-35A pour les forces aériennes saoudiennes
Les forces aériennes saoudiennes souhaitaient, en effet, acquérir le F-22 dès l’entrée en service du chasseur de supériorité aérienne de 5ᵉ Generation américain. Toutefois, comme dans le cas du Japon, Washington a refusé l’exportation de son chasseur le plus avancé, afin de protéger les technologies avancées qu’il embarque.
Faute de F-22, Ryad s’est alors tourné vers le F-35A qui, lui, pouvait être exporté vers les alliés proches des Etats-Unis. Là encore, et comme c’est le cas d’autres pays comme les EAU ou la Thaïlande, l’autorisation d’exportation du chasseur monomoteur présenté comme le successeur du F-16, leur fut refusé, au prétexte que le chasseur ne pouvait être vendu qu’aux alliés de l’OTAN et du premier cercle américain, comme le Japon, l’Australie ou la Corée du Sud.
Ce refus a d’ailleurs engendré des réactions parfois épidermiques, comme l’abandon des négociations autour d’un contrat d’armement de 20 Md$ pour les EAU, et l’entame de négociations avec la Chine pour la Thaïlande.
L’opposition allemande empêche l’acquisition d’Eurofighter Typhoon supplémentaires
Ryad, de son côté, pouvait encore se tourner vers son partenaire britannique, auprès duquel il avait déjà acquis 72 Eurofighter Typhoon au début des années 2000. Le contrat saoudien prévoyait, en effet, une option pour 48 nouveaux chasseurs, ce qui permettrait aux forces aériennes saoudiennes de retirer du service les 81 Tornado IDS toujours en ligne.
Cependant, à la suite de l’intervention saoudienne au Yémen, et surtout à l’affaire Khashoggi, ce journaliste d’opposition saoudien assassiné par les services spéciaux du pays au consulat d’Istanbul en octobre 2018, le Bundestag allemand refusa de livrer les pièces fabriquées par l’industrie allemande à la Grande-Bretagne pour les appareils souhaités, bloquant de fait l’exécution de l’option.
En dépit des protestations britanniques et italiennes, et de l’engagement pris par Berlin de ne pas s’opposer à des exportations du Typhoon négociées par ses partenaires, le sujet est resté, depuis lors, figé, l’Allemagne refusant de faire marche arrière sur le sujet.
Pour ajouter à la frustration saoudienne, lorsque Ryad annonça être prêt à rejoindre le programme GCAP de chasseur de 6ᵉ génération emmené par Londres avec Rome set Tokyo, donc sans l’Allemagne, c’est le Japon qui s’opposa à l’arrivée de l’Arabie Saoudite dans le programme, probablement pour préserver son périmètre industriel et son poids dans le programme.
Une demande pour 54 Rafale formatée pour faire réagir Londres et Washington
De fait, aujourd’hui, les forces aériennes saoudiennes sont sans solution, en dehors de se tourner vers d’autres partenaires, pour moderniser sa flotte de chasse et remplacer ses Tornado et F-15C.
C’est dans ce contexte qu’intervient la demande saoudienne auprès de la France, pour la livraison de 54 chasseurs Rafale. La requête saoudienne peut sembler aller de soi, en ‘l’absence de possibilité aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, et sans pouvoir se tourner vers Moscou ou Pékin, au risque de provoquer l’ire de Washington et de sa législation CAATSA.
En outre, le chasseur bimoteur français est aujourd’hui l’appareil de sa génération le plus exporté dans le monde, ne cédant qu’au F-35 sur l’ensemble du marché des avions de combat depuis plusieurs années.
Pour autant, le formatage de l’offre saoudienne, révèle l’intention sous-jacente de Ryad. En effet, si l’Arabie Saoudite avait pleinement l’intention de se tourner vers le chasseur français pour moderniser ses forces aériennes, la demande n’aurait pas porté sur 54 appareils, soit juste assez pour armer deux escadrons et consacrer six chasseurs à la formation et transformation des pilotes.
Alors que les autorités saoudiennes ne cessent de vouloir developper leur propre industrie de defense, la demande aurait très probablement porté sur un nombre plus important de chasseurs, plus de 100, soit un nombre suffisant pour justifier d’un important partenariat industriel et peut-être même d’un assemblage local.
Une telle négociation aurait évidemment pris bien plus de temps que les quelques semaines données par Ryad, qui veut une offre de Dassault Aviation d’ici au 10 novembre.
De fait, il s’agit, ici, de manière évidente, d’une contre-proposition destinée à faire pression sur Londres, et par transitivité, sur Berlin, pour permettre la levée de l’option, et donc l’acquisition de 48 Typhoon supplémentaires, mais aussi vers Washington.

En effet, si Ryad venait à se tourner vers le Rafale français, cela constituerait une menace directe pour les exportations à venir britanniques, en particulier pour le futur GCAP, dont l’Arabie Saoudite devait être un ceint export naturel pour Londres.
Alors, le Rafale n’est-il ici qu’un leurre pour faire réagir Londres et Washington ? C’est probable. Pour autant, il s’agit là d’une opportunité unique pour Dassault Aviation, qui dispose d’un canal de négociation ouvert avec Ryad pour faire valoir ses arguments. Et ceux-ci sont nombreux.
Des chances bien réelles pour le Rafale en Arabie Saoudite de Dassault Aviation
En effet, jamais dans l’histoire récente, l’industrie aéronautique de défense française, a-t-elle été en situation si favorable pour convaincre l’Arabie Saoudite de se tourner vers ses avions de combat, et peut-être de remplacer l’un des deux partenaires traditionnels du Royaume dans ce domaine.
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L’adhésion de l’Arabie Saoudite, avec l’Iran, aux BRICS en janvier 2024 a dû quelque peu refroidir ses relations avec les USA et justifie vraisemblablement leur refus de vendre des F22 et autre F35 à un pays dont le rapprochement avec la Chine est acté. En espérant, si le contrat Dassault est signé, que les USA ne nous le fasse pas payer car le futur PANG ne sera pas ITAR free!