dimanche, novembre 10, 2024

Comment la survivabilité des blindés israéliens à Gaza peut-elle améliorer l’efficacité de l’aide militaire à l’Ukraine ?

Alors que les pertes de blindés de première ligne sont considérables en Ukraine, tant au sein des armées russes qu’ukrainiennes, l’intervention israélienne à Gaza n’a enregistré que des pertes marginales dans ce domaine, alors même que les Merkava et Namer de Tsahal évoluent dans le plus difficile des environnements, en zone urbaine.

L’analyse des raisons de cette survivabilité des blindés israéliens, face à leurs homologues ukrainiens et russes, peut donner des pistes quant à la manière dont l’aide occidentale peut s’orienter pour contenir l’évolution du rapport de force dans ce conflit, voire pour venir à bout du pat défensif constaté depuis un an et demi.

À la fin des années 2000, il ne restait que peu de spécialistes et de militaires pour continuer à croire dans l’efficacité du char de combat. Les progrès réalisés en matière d’armes antichars, et les difficultés pour les blindés lourds d’évoluer en combat urbain, mises en évidence à Grozny mais aussi dans les territoires palestiniens et même en Irak, avaient semble-t-il convaincu jusqu’aux états-majors de l’obsolescence en devenir de cette arme, qui avait été le mètre-étalon de la guerre froide.

Le retour en première ligne du char et des blindés lourds

De fait, en application des accords russo-américains post guerre froide, et surtout en raison d’une foi inébranlable des gouvernants quant à la fin des grandes menaces symétriques, les flottes de char et de blindés lourds chenillés de première ligne, fondit comme neige au soleil de 1995 à 2020. Le char était jugé trop lourd, trop couteux, et inadapté aux conflits asymétriques auxquels les armées étaient confrontées.

Leclerc VAB VBCI Armée de Terre
Comme la plupart des armées européennes, l’Armée de Terre française a vu son parc de chars et de blindés lourds chenillés fortement se réduire depuis 1990, pour n’aligner, aujourd’hui, que 200 Leclerc comme seuls blindés chenillés.

Cette perception erronée a radicalement changé ces deux dernières années. En effet, les chars et blindés de première ligne, ont joué, et jouent toujours un rôle central dans le conflit russo-ukrainien, mais aussi, plus récemment, dans le conflit opposant l’Armée israélienne et le Hamas dans la bande de Gaza.

Si ces deux conflits ont remis la force blindée au cœur des préoccupations des planificateurs militaires, il suffit d’observer l’activité commerciale et industrielle à ce sujet depuis 2022 pour s’en convaincre, ces deux théâtres présentent pourtant des tableaux très éloignés quant à leur efficacité au combat, et surtout concernant leur vulnérabilité.

Comment expliquer ces divergences radicales, et dans quelles mesures peuvent-elles fournir les enseignements nécessaires pour améliorer l’efficacité de l’aide occidentale à l’Ukraine, face à la montée en puissance de l’industrie de défense russe ?

Ukraine et Gaza, des théâtres très différents pour les blindés de première ligne

Les chars de combat, comme les blindés de première ligne tels les véhicules de combat d’infanterie, les transports de troupe blindés ou les véhicules de combat et de reconnaissance blindés, jouent un rôle central au sein des armées russes et ukrainiennes, comme dans l’intervention israélienne à Gaza. Cependant, si ces deux théâtres ont seulement quelques points communs, ils ont aussi d’importantes différences.

Namer Gaza IDF
La plupart des combats menés par Tsahal à Gaza depuis le début de l’offensive se sont déroulés en zone urbaine, considérée comme la plus difficile pour les blindés lourds et les chars.

Ainsi, si en Ukraine, d’intenses combats ont eu lieu en zone urbaine, comma a Bakmut et Avdiivka, un grand nombre d’entre eux eurent lieu en espace ouvert, le long de la ligne d’engagement, dans des conditions très différentes des engagements presque exclusivement urbains auxquels les unités israéliennes sont confrontées à Gaza.

Surtout, la nature même du conflit et des belligérants diffèrent entre les deux conflits. Ainsi, en Palestine, le conflit est de nature asymétrique, opposant une armée conventionnelle israélienne à un adversaire composé majoritairement de forces légères mobiles, mais n’ayant que de faibles moyens lourds, d’aucune artillerie ni d’aviation, mais disposant d’importants moyens antichars, roquettes RPG, missiles antichars et de drones légers.

Le conflit en Ukraine, quant à lui, oppose deux adversaires alignant chacun l’ensemble de la panoplie du combat de haute intensité, y compris d’importants moyens d’artillerie, de drones, de munitions rôdeuses et d’un grand nombre de mines. Les uns, comme les autres, ont largement contribué aux lourdes pertes de chars et blindés lourds de part et d’autre.

La survivabilité des blindés israéliens à Gaza très supérieure à celle des blindés en Ukraine

De fait, on ne peut pas strictement comparer les pertes de blindés durant ces deux conflits, d’autant qu’ils reposent sur des conditions d’emplois de la force armée, elles aussi différentes. Cependant, l’ensemble de facteurs différenciant ne suffisent pas, à eux seuls, à expliquer l’immense contraste observé dans les pertes documentées de blindés de première ligne en Ukraine et à Gaza.

Leopard 2A6 et M2 Bradley détruits en mai 2023
Les offensives blindées en espace ouvert, qu’elles soient russes ou, comme ici, ukrainiennes, ont rarement été couronnées de succès, et ont toujours enregistré de très lourdes pertes.

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1 COMMENTAIRE

  1. Article passionnant, le débat sur l’importance du char étant ce qu’il est, ces informations apportent une mise à jour sérieuse et fort à propos sur cette question. Les deux conflits en cours vont probablement rebattre les cartes en termes de choix budgétaires (de l’arrivée des drones à la pertinence de maintenir une flotte de fort tonnage (destruction du Moskva et impossibilité pour la flotte russe de faire ce qu’elle veut en mer noire) en passant justement par l’investissement ou la continuation des investissements dans la possession d’unités de chars en nombres au vu des dégâts terribles occasionnés en Ukraine. J’en étais il y a quelques mois à me dire que la puissance des missiles antichars (et donc le rapport coût destruction) remettait en cause la primauté du char mais comme souvent et cet article l’illustre bien, tout va très vite et rien n’est figé. Bref le débat qui déjà avait surgi à l’occasion de la guerre du Kippour ou les chars avaient subi (et c’était nouveau à l’époque de lourdes pertes) est donc toujours aussi pertinent.

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