Pourquoi l’effort de défense des Européens devrait dépasser 3 % PIB ?
À l’exception de quelques pays d’Europe de l’Est, la plupart des États européens se sont engagés dans une trajectoire pour atteindre, parfois légèrement dépasser, un effort de défense équivalent à 2 % de leur PIB, alors que la menace, aujourd’hui, est sans commune mesure avec ce qu’elle était il y a dix ans, et qu’une nouvelle menace pèse, désormais, sur la protection américaine de l’Europe, et le soutien de Washington à l’Ukraine.
D’où vient ce seuil, et est-il adapté à la situation sécuritaire aujourd’hui ? Dans le cas contraire, quelle serait la valeur requise de l’effort de défense européen, pour relever la compétition avec la Russie, tout en soutenant l’Ukraine et en assurant la sécurité de ses intérêts sur les théâtres appartenant à sa zone de responsabilité ?
Sommaire
Le seuil de l’effort de défense de 2% PIB et ses limites
Comme évoqué précédemment sur ce site, le seuil d’investissement de défense établi à 2 % du PIB, par l’OTAN, à l’occasion du sommet de Cardiff de 2014, n’est en rien lié à un complexe calcul des moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de défense à venir, par ailleurs très différemment envisagés en 2014, qu’ils ne le sont effectivement dix ans plus tard.
Au contraire, ce seuil, comme son échéance à 2025, ont été définis politiquement, comme le plus grand montant pouvant être admis par l’ensemble des membres de l’OTAN présents à ce sommet.
Les négociateurs de l’OTAN, qui sont parvenus à arracher cet accord, en particulier auprès de certains pays particulièrement peu enclins à augmenter leurs investissements de défense, comme l’Allemagne, mais aussi l’Italie, l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas et bien d’autres, avaient comme consigne d’obtenir le meilleur résultat possible, notamment pour rééquilibrer l’écart flagrant entre l’effort de défense US, et celui d’une grande majorité des autres membres de l’OTAN, France y compris.
L’échéance à 2025, a d’ailleurs été l’outil le plus efficace pour vaincre ces réticences. Les dirigeants présents au sommet de Cardiff, savaient pertinemment qu’ils ne seraient plus en poste à cette date, pour assumer le fait de ne pas y avoir satisfait.
D’ailleurs, il fallut attendre la fin des années 2010, et parfois le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour créer la dynamique afin d’atteindre cet objectif d’ici à 2025, alors que plusieurs pays, dont l’Italie, la Belgique, ou l’Espagne, estiment toujours qu’ils atteindront ce seuil, mais au-delà de cette échéance.
Quoi qu’il en soit, non seulement le seuil des 2 % PIB n’a pas été imaginé pour constituer une puissance militaire suffisante pour garantir la sécurité de l’Alliance, mais au moment où il a été conçu, la perception des risques, largement partagée, y compris aux États-Unis, était loin d’envisager les évolutions qui ont eu lieu en Europe depuis cette date.
Quel est l’équivalent européen du budget de la défense de la Russie ?
Alors, si le seuil des 2 % ne repose sur aucune analyse capacitaire cohérente avec la réalité des menaces, à quel niveau d’investissement, les Européens doivent-ils amener leur effort de défense, pour ce faire, aujourd’hui ?
En admettant que les européens doivent être en mesure de contenir, seuls, la menace russe, il conviendrait qu’ils alignent des moyens équivalents à ceux dont disposent et disposeront les armées russes, dans les années à venir.
Comment comparer les budgets de défense européens et russes ?
On pourrait penser que tel est déjà le cas. En effet, le budget des armées russes, autour de 110 Md€ en 2024, est inférieur à celui des européens, autour de 270 Md€, proche du seuil des 2 %, en moyenne, attendu par l’OTAN.
Cette comparaison est cependant erronée. En effet, les armées russes paient leurs équipements de défense, entre 3 et 5 fois moins chers, que les européens, à équipement équivalent. Ainsi, un Leopard 2A7 neuf coute entre 15 et 18 m€, selon les standards et équipements, contre moins de 2 m€ pour un T-90M.
Le chasseur Su-35, lui, coute moins de 30 m€, le Su-57 autour de 37 m€, contre autour de 100 m€ par Rafale et Typhoon, et 120 m€ concernant le F-35A. Dans le domaine naval, les frégates Amiral Gorshkov et les sous-marins Iassen-M, sont acquis pour 300 m€ et 800 m€ respectivement, contre 700 m€ pour une FDI, et autour de 1,8 Md€, pour un SSN Astute.
Cet écart se retrouve aussi dans les couts de personnels. Ainsi, les 1,35 million d’hommes, dont 600 000 conscrits, des armées russes, nécessitent un budget global de 45 Md€. Pour 207.000 hommes, les armées françaises dépensent presque 20 Md€ chaque année, soit un rapport de 1 à 3,5, alors même que la Russie dépense plus massivement qu’à l’accoutumée, en primes et soldes, pour attirer des volontaires pour l’opération spéciale militaire en Ukraine.
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