Faut-il spécialiser les armées françaises face aux évolutions internationales des menaces ?
Si les autorités françaises aiment à présenter leurs armées comme « la première armée en Europe », nombreux sont ceux qui expliquent que si celles-ci sont, en effet, les seules, au sein de l’Union Européennes, à disposer de l’ensemble des compétences requises pour mener des engagements modernes, elles ont, le plus souvent, sacrifié la masse pour y parvenir.
De fait, la capacité de ces armées « d’échantillons », à soutenir, dans la durée, un engagement de haute intensité contre un adversaire symétrique, comme la Russie, même en coalition, est remise en cause par certains spécialistes du sujet, non sans arguments.
Alors que des voix convergentes poussent pour une prochaine nouvelle augmentation de l’effort de défense européen à 3 % du PIB, on peut s’interroger sur la pertinence, pour la France, et pour la sécurité européenne, de conserver ce format d’armées globales, face à une structure davantage spécialisée pour assurer la sécurité du pays, tout en servant, au mieux, la protection de la paix et des intérêts français en Europe et dans ses emprises stratégiques ?
Sommaire
L’Armée française globale, un modèle hérité de la guerre froide
Le modèle d’Armée française globale, employé aujourd’hui, est hérité des évolutions politiques, technologiques et internationales, durant la guerre froide. Après l’intervention franco-britannique à Suez en 1956, et les menaces soviétiques et américaines, pour faire reculer Paris et Londres, les autorités françaises acquirent la certitude qu’il était nécessaire, pour disposer d’une réelle autonomie stratégique, de se doter de l’ensemble des moyens requis pour mener cette politique, en particulier militaire.
Cette doctrine se décomposa en deux volets. D’abord, la France allait se doter d’une dissuasion nucléaire entièrement autonome, contrairement à la Grande-Bretagne, qui décida, à l’inverse, de se rapprocher au plus près de Washington pour défendre ses intérêts.
Ensuite, la France allait se doter d’une armée, mais aussi d’une industrie de défense, autonomes et complètes, lui permettant d’agir sur l’ensemble du spectre conventionnel, là encore, en parfaite autonomie, s’appuyant notamment sur une imposante armée de conscription, encadrée par un puissant corps de militaires professionnels d’active.
Bien qu’ayant renoncé à la conscription en 1996, la France conserva, après la Guerre Froide, cette ambition d’Armée et d’industrie de défense globale. Toutefois, face à la baisse des tensions internationales, à la professionnalisation des forces, et aux fameux « bénéfices de la paix », qui handicapèrent les crédits de défense européens pendant plus de 20 ans, cet objectif ne put se faire qu’au détriment de la masse.
Ainsi, aujourd’hui, si les armées françaises disposent bien de (presque) toutes les capacités opérationnelles faisant une armée globale, celles-ci sont, bien souvent, très limitées en volume, avec 200 chars lourds, 120 tubes d’artillerie, un unique porte-avions ou encore 220 avions de combat.
Un contexte stratégique radicalement différent des années guerre froide
Si le modèle d’Armée Globale française a perduré au-delà de la guerre froide, le contexte stratégique, qui s’impose aujourd’hui en Europe, et dans le Monde, est, lui, très différent de ce qu’il était à ce moment-là.
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Bonjour,
Le propos ne me paraît pas choquant, et je pense que je pourrais y adhérer, à ceci près que je pense qu’il ne faudrait pas abandonner quoi que ce soit, juste conserver sans augmenter en nombre les capacités qu’on a de manière échantillonnaire. En effet, il ne faudrait pas faire l’erreur de se débarasser de quelque chose qui pourrait être utile à plus long terme.
Du coup pour l’Armée de Terre, je plaiderais pour garder le format projetable d’une division, mais en en faisant une vraie division complète avec de vrais moyens artillerie, génie, antiaériens, drones, guerre électronique, etc. Pour les forces nucléaires, je ne saurais être pertinent, et pour les forces aériennes comme maritime le projet décrit ici me paraît bon
C’est en effet le cas, puisqu’il n’est question ici que de l’utilisation des éventuels crédits supplémentaires pour passee de 2 a 3 % PIB. L’existant, tel que planifié, reste inchangé.
La population russe est aujourd’hui de seulement 145 millions d’habitants, alors que l’Union Soviétique atteignait 286 millions d’habitants en 1990, plus que les États-Unis (246 mh), mais moins que les pays européens de l’OTAN (315 mh).
Cet argument est spécieux : Combien d’européens sont-ils prêts à mourir pour ce « Dantzig » mafieux qu’est devenue l’Ukraine ? Combien de russes pour défendre leur patrie ?
Il est spécieux parce que vous le considérez au seul spectre de la force militaire, pas de la force économique et sociale. En outre, tant que nous ne sommes pas en guerre et directement menacé, il est très difficile de savoir quelle sera la réponse des opinions face à une telle agression. Enfin, affirmer qu’une majorité de Russes sont prêts à défendre la patrie, est très exagéré. Ils n’ont, pour la plupart, pas le choix, que ce soit du fait de la pression économique, et de la transformation de la conscription. Vous focalisez votre attention sur le million de soldats recrutés ou conscrits depuis 2022. Vous oubliez que 1,5 million de jeunes russes ont quitté le pays lors des 4 premiers mois de la guerre, pour justement éviter ce risque.
Cette affaire prends une bonne direction. Je pense que si l’on revenait à une flotte de 300 avions de combat plus des drones, 2 SNLE de plus, une artillerie un peu plus sérieuse et des patrouilles navales correctement coordonnées avec les britanniques, les espagnols et les italiens, l’ensemble serait intéressant. Cela dit, il ne faudrait pas que les allemands, les polonais, les roumains ou les scandinaves le perçoivent comme un abandon. Sinon… ça ne marchera pas. Quand dans une alliance, l’un de partenaire n’est pas prêt à payer le prix du sang au moment de l’épreuve, c’est tout de suite beaucoup plus compliqué. Il faudra des mécanismes de consolidation.
Revenir à 6 SNLE, pour séduisante que soit cette option, ne pourra se faire sur un claquement de doigt. Au-delà des délais de construction et de disponibilité des bâtiments liés à nos capacités industrielles, cela impliquera la formation de 4 équipages dont la marine ne dispose pas du premier homme. Une telle montée en puissance s’étalera sur environ 10 ans pour être effective, au mieux.
Il en va de même pour la force aérienne pour disposer d’un nombre de pilotes formés et d’infrastructures adaptées.
Quant à la flotte de surface, le problème récurrent du personnel est aussi à l’ordre du jour : 2 PA = 2000 marins supplémentaires + des frégates avec des équipages (x2) supplémentaires car s’il s’agit de revenir au principe de PA1 opérationnel et PA2 indisponible avec transfert d’équipage cela n’aurait aucun sens dans cette période d’insécurité et de prévision de guerre de haute et longue intensité.
Tout cela est bel et bon mais de telles réalisations nécessiteront un passage en économie de guerre réelle et des choix budgétaires qu’il n’est pas certain que les Français acceptent.
Tout cela n’est pas une opinion personnelle mais une simple analyse car, à mon sens, une telle remontée en puissance aurait du être entamée il y a belle lurette !
Je dirais plutôt 15 ans. Car une telle hypothèse ne peut s’entreprendre que dans le cadre du SNLE 3G, et il faudra déjà construire les quatre premiers bâtiments.
Oui, cela demande une augmentation massive des crédits. Raison pour laquelle l’article part du postulat d’un passage à 3 % PIB de l’effort de défense imposé par les États-Unis, en se concentrant sur l’aspect : comment utiliser au mieux les 1% supplémentaires ? Notez que cela n’altère pas la trajectoire actuelle de la LPM et l’utilisation des 2 % prévue jusque-là. C’est uniquement en chapeau.
Réflexion intéressante, mais ne manque-t-il pas le pendant ? Si certains pans et missions des armées pourraient être renforcés dans cette optique de spécialisation, lesquelles doivent être réduites voire abandonnées ? (Quid de l’avenir du char de bataille dans cette configuration ?)
C’est ce que sous-entend la partie sur l’Armée de terre. L’idée est de dire que se doter d’un corps de bataille à deux brigades mécanisées, ne constitue pas une exploitation efficace et pertinente des spécificités françaises, y compris de celles de son armée de terre, ce d’autant que d’autres armées alliées le font très bien, qu’elles sont devant nous face à la Russie, et qu’à part la Russie, je ne vois pas bien où nous pourrions avoir besoin de chars…
La logique est valable, sauf si ça commence à tirer. Dans ce cas là, il y aurait une distorsion d’efforts colossale. En décodé, on peut faire cela nous français parce que c’est le mieux pour nous. Mais on ne sera peut-être pas écouté outre mesure et les contributions que l’on peut faire dans cette alliance d’intérêts ne seront peut-être pas valorisées à la même aune par nos voisins.
Je pense que votre propos est logique. Je ne suis pas certain pour autant qu’il soit bien pris par nos voisins Finlandais ou Baltes.
Par ailleurs, s’il est utile d’avoir des usines loin du front, je ne suis pas certain que nos voisins est européen acceptent que les usines de chars soient en France. No pain, no gain. Enfin, si on prend les petits pays qui on peur de l’Ours Russe, dire à ces pays qu’on va les protéger avec du nucléaire et des chasseurs bombardier, ça ne fait pas sérieux du tout. Leur dire que la Pologne va les protéger n’est pas beaucoup plus crédible, même si ça l’est en partie. Au corps de bataille Russe, il faut opposer un corps de Bataille européen, dont à minima nous ferions partie avec un peu d’unités lourdes. Et ce corps de bataille doit être à parité, en puissance de feu. Plus de blagues.
Pourquoi une distorsion d’effort. Si au lieu de dédier 60 Rafale au front de l’Est, la France en emploie 120 ou 180, cela sera un effort tout aussi sensible, probablement même plus sensible que deux brigades lourdes ne pouvant pas régénérer leurs pertes, non ? En outre, il ne s’agit pas de retirer les troupes au sol, mais d’exploiter ce que les unités françaises savent le mieux faire, des GTIA très mobiles, autonomes, capables d’agir là où cela est nécessaire, avec des courts délais, et des effets démultipliés. Dans l’esprit, cela revient à créer un nouvel échelon intermédiaire à l’échelle du régiment (GTIA), entre les unités de ligne, et les forces spéciales.
Ce qui m’embête n’est pas le coût budgétaire. C’est le nombre de morts. Si tel catégorie d’européens perçoit qu’elle prends plus de risques physiques que les autres, le bloc se désassemble. C’est le cas entre les habitants des grandes villes Russes et les habitants de Sibérie ou autres régions reculées qui paient le prix fort.
Après, on définit généralement un ordre de bataille initial, puis le conflit suis sa dynamique propre et l’ordre de bataille initial devient rapidement un ancien souvenir.
Pas faux. Dans tous les cas, il faudrait certainement se mettre autour de la table avec les polonais, les baltes, les scandinaves et les roumains, pour leur demander ce sui, selon eux, serait le plus utile. En tout cas, ca ne couterait certainement rien de demander.