jeudi, décembre 12, 2024

Il manque 95 avions de chasse à l’Armée de l’Air et de l’Espace, et 12 à l’Aéronautique Navale française.

Depuis la fin de la guerre froide, la flotte de chasse de l’Armée de l’air et de l’Espace, a été divisée par trois, passant de plus de 600 Mirage F1, Mirage 2000 et Jaguar, à moins de 200 Rafale et Mirage 2000D et -5F. La flotte de l’Aéronautique navale a, elle aussi, subi une sévère cure d’amaigrissement, passant de 80 Super-Étendard, F-8 Crusader et Étendard IVP, a seulement 40 Rafale M.

Cette réduction de format a souvent été critiquée, par les spécialistes du sujet, ainsi que par certains parlementaires, et même, plus récemment et de manière plus feutrée, par les états-majors eux-mêmes. Ainsi, l’Armée de l’Air et de l’Espace estime, publiquement, qu’il lui faudrait « au moins », 225 avions de combat, pour répondre à son contrat opérationnel.

Toutefois, le format optimal de la chasse française semble, aujourd’hui, davantage une question de négociations politiques et budgétaires, que le résultat d’un raisonnement objectif, face aux besoins auxquels l’Armée de l’Air et l’Aéronavale doivent être en mesure de répondre.

Dans cet article, nous tenterons de mener ce raisonnement, et de déterminer quel serait ce format, nécessaire et suffisant, pour permettre à la chasse française, de remplir pleinement et efficacement ses missions présentes et à venir. Comme nous le verrons, le format actuel apparait très sous-estimé.

Le format de la flotte de chasse française aujourd’hui, son origine et son contrat opérationnel

Ce format, justement, quel est-il, et d’où vient-il ? Aujourd’hui, le LPM 2024-2030 vise à amener la flotte de chasse française à 225 avions de combat, avec 185 chasseurs pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, et 40 pour l’Aéronautique navale.

Armée de l'air et de l'Espace Rafale Mirage 2000D
Il manque 95 avions de chasse à l'Armée de l'Air et de l'Espace, et 12 à l'Aéronautique Navale française. 6

Ce format a été fixé par la Revue Stratégique 2022, elle-même le reprenant de la Revue Stratégique 2018, qui servit de support à la création de la LPM 2019-2025 précédente. Là encore, ce n’est pas la Revue Stratégique 2018 qui fixa cet objectif, puisqu’elle avait pour consigne de reprendre l’ensemble des formats des forces, définis par le Livre Blanc de 2013.

C’est, en effet, ce Livre Blanc qui établit, pour la première fois, ces 225 avions de combat, avec la répartition 185/40 entre l’AAE et la Marine nationale. Pour arriver à ce résultat, les concepteurs de ce Livre Blanc, qui avaient pour ligne directrice de réduire autant que possible le format des forces armées françaises, fixèrent un contrat opérationnel relativement simple aux deux forces aériennes.

Pour l’AAE, il fallait être en mesure de garantir la projection de 15 avions de combat, y compris sur des bases distantes, comme ce fut le cas au Niger et en Jordanie, pour soutenir les forces françaises et alliées, déployées dans le Sahel ou en Irak et en Syrie. En outre, l’AEE devait assurer la disponibilité de la composante aérienne de la dissuasion française, avec deux escadrons équipés de Rafale. La Marine nationale, elle, devait permettre d’armer de 18 chasseurs le porte-avions Charles de Gaulle, pour deux déploiements de deux mois par an, ainsi que les missions de police du Ciel et d’entrainement.

Cette diminution permettait, d’ailleurs, de réduire sensiblement les besoins de formation et d’entrainement des équipages, ainsi que les stocks de munitions, d’autant que la principale menace conventionnelle alors envisagée, concernait des conflits dissymétriques, en Afrique ou au Moyen-Orient, avec une menace très réduite sur les appareils eux-mêmes, et une pression opérationnelle relativement limitée pour les forces déployées.

La pression opérationnelle sur la chasse française depuis 2014, sensiblement supérieure à celle estimée par le Livre Blanc 2013

Comme on pouvait s’y attendre, cette pression opérationnelle, depuis 2013, n’a absolument pas respecté la planification du Livre Blanc. L’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi dû, à plusieurs reprises, déployer vingt à trente appareils de combat en missions extérieures, y compris en Europe. Le porte-avions, quant à lui, a souvent largement dépassé les quatre mois de mer par an prévus, avec un record de 8 mois à la mer pour l’année 2017, avant son IPER (Indisponibilité PERiodique pour entretien et modernisation).

RAfale Gripen AAE
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7 Commentaires

  1. Merci beaucoup pour cet article. Le Rafale est-il par sa polyvalence et son coût assez élevé le piège de l’armée de l’air? On gagnerait tant à avoir un mono réacteur supersonique pour les missions de défense aérienne… Le couple mirage III mirage IV en quelque sorte. S’il s’avérait impossible de parvenir à ce niveau d’effectifs en ligne, serait-il possible de remplacer la mission défense aérienne par une DCA de premier ordre? Ou alors de remplacer une partie des missions de bombardement (CAS, Deep strike) par une flotte de drones? Je ne pense pas que nous aurons les 110 Rafales de plus.

    • Je ne pense pas que l’engagement vis-à-vis de l’OTAN permette la substitution d’avions pilotés par des loyal wingmen, tout au moins, pour l’instant. Je pense qu’il faut davantage les considérer comme des appendices de nouvelle génération, et non comme des alternatives.
      Après, c’est certain, un monomoteur, que l’on pourrait developper, par exemple, avec les suédois, permettrait de faire croitre ce format à moindre cout par appareil, mais les surcouts de conception viendraient très certainement neutraliser ce bénéfice. Tant que l’on ne considérera pas, dans l’équation économique, les recettes comme les dépenses, nous serons amener à prendre des décisions sous contraintes fortes, amenant à des arbitrages contestables.

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