L’annonce de Bogotá a frappé fort : dix-huit Gripen E/F, une signature annoncée en octobre et un montage à crédit, comme l’a détaillé Infobae. L’effet d’annonce est indéniable, mais il se heurte à une arithmétique implacable : au prix agrégé de 1,9 milliard de dollars, le périmètre paraît incomplet. La question cesse alors d’être technologique pour devenir politique et industrielle : que paye-t-on réellement, et que peut-on effectivement livrer ?
Le contexte bilatéral alourdit cette équation. La Colombie a durci le ton avec Israël dès mai 2024, avant de multiplier, en 2025, les passes d’armes verbales avec Washington. À l’Assemblée générale de l’ONU, les échanges se sont tendus au point de mettre à nu une crise récurrente avec les États-Unis. Dans ces conditions, tout système d’armes qui dépend de licences américaines ou d’équipements israéliens devient un pari sur l’humeur du moment.
Dès lors, la problématique n’est pas de savoir si le Gripen E/F est un bon avion, mais si l’annonce colombienne protège la capacité de chasse en 2026, lorsque les Kfir sortiront d’entretien programmé. Entre cadres juridiques d’exportation, calendrier matériel et crispations politiques, la marge d’erreur se réduit. C’est dans cette étroite fenêtre que se joue la crédibilité d’un choix censé rétablir, et non fragiliser, la supériorité aérienne colombienne.
Sommaire
Du Kfir à l’annonce Gripen : une transition sous respiration artificielle
La séquence qui mène au Gripen E/F résulte de plusieurs tentatives avortées et de relances successives. La piste Rafale s’est évanouie, l’option F-16V n’a pas convaincu, et l’offre suédoise s’est imposée dans le débat public, à la faveur d’un montage financier et de la promesse de transferts. Pour autant, la chaîne opérationnelle ne s’est pas raffermie ; elle reste suspendue à un maintien en condition des Kfir obtenu in extremis et limité dans le temps, comme abordé dans un précédent article sur ce site, précisant que l’accord entre Bogota et Jerusalem était un accord à minima, ne portant pas au delà de juillet 2026.

Cette prolongation n’a donc pas inversé la pente des disponibilités des chasseurs colombiens. Le parc des Kfir s’est réduit à une poignée d’appareils réellement aptes, avec une usure qui pèse sur la posture d’alerte et la sûreté du ciel. Le moindre incident, ou la moindre immobilisation suffit à neutraliser une fraction trop importante de la composante de chasse, tandis que les réserves en pièces restent tributaires d’une relation israélo-colombienne à éclipses.
Surtout, le répit offert par Israel a une date de péremption précise. Le contrat d’entretien en vigueur couvre jusqu’au 30 juillet 2026, comme l’a documenté Militarnyi, « un accord d’une valeur de 7,2 millions de dollars, valide jusqu’au 30 juillet 2026 ». Au-delà, l’équation capacitaire devient binaire : soit les Gripen sont livrés, équipés, armés et prêts à l’emploi, soit la Colombie devra se passer, pour un temps indéterminé, de sa flotte de chasse. C’est cette mécanique de calendrier, plus que le débat des fiches techniques, qui devrait guider l’analyse de risque.
Gripen E/F : gabarit, propulsion, capteurs et armements — ce que l’avion exige pour exister
Le Gripen E/F s’inscrit dans la catégorie des chasseurs monomoteurs dits de génération 4.5, à forte polyvalence. D’après la fiche générale de l’avionneur suédois Saab, l’appareil affiche une longueur de 15,2 mètres, une envergure de 8,6 mètres, dix points d’emport et une masse maximale au décollage de 16 500 kilogrammes. Il est propulsé par un unique turboréacteur F414-GE-39E développant 98 kilonewtons en postcombustion. Du côté brésilien, la documentation de l’Académie de l’Armée de l’air situe la masse à vide du JAS-39E autour de 8 000 kilogrammes, formant un couple poids-puissance adapté pour un chasseur agile (Força Aérea Brasileira — AFA).
Au-delà du gabarit, la crédibilité opérationnelle du Gripen procède de la triade capteurs-munitions-guerre électronique. La série E embarque un radar Leonardo PS-05/A Raven à antenne active AESA et un système de poursuite infrarouge IRST Finmeccanica-Selex ES Skyward G, avec fusion de données et architecture de mission actualisable, comme le décrit la brochure « Game Changer » de Saab. Cet ensemble est complété par une suite d’autoprotection de type Arexis et par des capacités de pods de désignation modernes ; en pratique, les forces suédoises ont commandé des pods Litening 5 d’origine israélienne, qui structurent l’emploi air-sol guidé.

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bonjour, peut être, mais ce n’est qu’une supposition, SAAB aurait peut être proposé une partie (6 unites par exemple) d’occasion, comme nous l’avions fait pour la grece et la croatie ? ceci pourrait expliquer le prix plus bas et faciliter le délai de livraison accéléré. maintenant je ne sais pas si ITAR s’applique aussi à l’occasion ?
il n’y a pas de de JAS 39 Gripen E d’occasion pour l’instant. cela regle le probleme.