Le débat revient, tel un métronome politique, avec la promesse d’un « cadre pour servir » et la tentation d’un retour à un service militaire. L’annonce évoquée porte un service militaire volontaire de dix mois pour les majeurs, rémunéré entre 900 et 1000 euros, avec reconnaissance académique et un objectif de 50 000 volontaires en 2035. L’intention affichée est double, renouer le lien armée‑nation et constituer un réservoir mobilisable. La posture est séduisante sur le papier, puisqu’elle prétend répondre à la fois à une demande civique et à un besoin de masse, sans rétablir une conscription universelle.
Ainsi, les arbitrages à venir ne pourront ignorer les angles morts criants. Le financement n’est pas inscrit dans la LPM 2024‑2030, alors que des évaluations comparables dépassent allègrement le milliard annuel. L’encadrement manque, les infrastructures ont été réduites, et la réserve opérationnelle n’est pas calibrée pour absorber des flux nouveaux. Surtout, le volontariat crée une imprévisibilité des entrées que les armées ne peuvent planifier. La question est difficile, puisque l’on promet un dispositif valorisant sans en affronter les coûts réels, le coût LPM implicite et l’effort d’encadrement indispensable, au risque d’entretenir l’illusion plutôt que la capacité.
Sommaire
De la Revue stratégique 2025 au service militaire volontaire: intention politique, contraintes capacitaires
Le projet prospère sur une légitimation stratégique explicite, puisque la RNS 2025 a ouvert la voie en évoquant la création d’un « réservoir de personnes mobilisables en cas de crise ». La trajectoire politique s’aligne sur cette orientation, avec l’idée de proposer un cadre de formation militaire socle pouvant déboucher sur un engagement. Comme l’a détaillé le Huffington Post, l’exécutif met en avant la continuité avec le discours de juillet et la nécessité de répondre à l’aggravation des menaces. L’intention est claire, mais l’architecture concrète demeure, elle, encore flottante.
Par ailleurs, l’expérience du SNU demeure un précédent encombrant. L’empilement d’objectifs flous, l’empreinte budgétaire et l’externalisation aux ministères non‑militaires ont laissé une marque durable. Un rapport très critique sur le SNU a rappelé combien cette dérive de planification fragilise tout nouveau dispositif. Cette mémoire opérationnelle pèse sur l’acceptabilité d’un service, fût‑il volontaire, et appelle une clarification préalable des buts, des moyens et des cibles. Sans cela, l’« outil » est condamné à l’ambiguïté et à l’inefficacité.
Surtout, la professionnalisation des armées a profondément réduit la masse disponible et les capacités d’accueil. Les années 2000‑2010 ont vu les effectifs et le patrimoine d’hébergement fondre, au point que les armées ont perdu plus de 100 000 militaires en une dizaine d’années. Cette trajectoire interdit toute montée en puissance immédiate. Réactiver un service suppose des investissements lourds et progressifs, une reconstitution d’infrastructures et une pyramide d’encadrement aujourd’hui indisponible. Tout le reste relève du vœu pieux.
Enfin, la configuration politique a privilégié une ligne d’acceptabilité sociale. Le dispositif envisagé écarte la conscription universelle et met en avant le volontariat, pour rassurer l’opinion et éviter la fracture symbolique. L’argument est audible, mais il reporte à plus tard la confrontation avec des réalités capacitaires. Sans cadre stabilisé, un service militaire pensé pour ménager les sensibilités risque d’ignorer l’essentiel, à savoir la cohérence entre flux, formation, affectation et usage réel en temps de crise.
Rémunération des volontaires, durée et cible 2035: une ambition civique sans référentiel d’emploi
Le cœur du mécanisme est limpide, puisqu’il prévoit dix mois pour des majeurs volontaires, rémunérés entre 900 et 1000 euros et assortis de crédits académiques pour ne pas pénaliser les études. La promesse de reconnaissance reconnaît implicitement le coût d’opportunité pour les jeunes. L’articulation avec un éventuel engagement ultérieur est esquissée, mais la chaîne de valeur militaire reste, pour l’heure, largement théorique. Sans référentiel d’emplois, de formation continue et d’unités d’accueil, l’incitation académique ne suffit pas à justifier la dépense publique, ni à transformer l’essai en capacité utile.
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Ces réflexions sont intéressantes, mais il serait souhaitable pour le gouvernement d’avoir une approche plus opérationnelle, centrées sur les objectifs et effets attendus.
Quels seraient les objectifs pour les armées?
1) Disposer de ressource à bas coût (épargner de la masse salariale et l’investissement dans une formation longue) pour prendre en charge certaines missions et permettre d’affecter les militaires d’active aux missions les plus exigeantes. Le besoin recouvre à la fois des unités élémentaires (compagnies et escadrons) et des postes variés « non combattants » au sein des armées (Air, terre, mer) sur le territoire national (logistique, administration, entretien, cuisine, sécurité….). Les unités élémentaires pourraient prendre en charge « sentinelle » et les prépositionnements dans les DOM-TOM : Guyane (2 compagnies), Antilles (1 compagnie), Réunion (1 compagnie), Polynésie (1 compagnie), Nouvelle Calédonie (2 compagnies).
2) Développer un vivier formé et acculturé pour irriguer les unités d’active et de réserve, et renforcer le lien entre l’armée et la société
Quel bénéfice pour les volontaires ? Satisfaction morale, développement personnel, expérience à valoriser sur son CV, aventure, formation professionnelle
Focus sur les unités élémentaires (formées par les unités d’active) :
Une compagnie d’infanterie par régiment d’active, à terme 28? (compétences : sécuriser une zone, escorter, patrouiller, défendre une position et se replier en bon ordre)
Un escadron sur véhicule blindé léger par régiment d’active, à terme 12 unités à 4 pelotons? (compétences : éclairer, appuyer l’infanterie, patrouiller, sécuriser une zone, se replier en bon ordre)
Un schémas opérationnel pour un service de 12 mois pourrait s’agencer en 4 phases avec un décalage de permettant d’avoir 1/4 des unités dans chaque phase:
3 mois de formation de base initiale
3 mois de formation avancée (niveau section et compagnie + interactions avec les appuis et autres unités)
3 mois de déploiement en pré positionnement dans les DOM-TOM – donc 7 compagnies d’infanterie et 12 pelotons de cavalerie
3 mois d’opération sentinelle – donc 7 compagnies d’infanterie et 12 pelotons de cavalerie
Au final quel volume à terme? Probablement pas plus de 6000 conscrits en unités élémentaires dans l’armée de terre, et un « budget » de 6000 autres spécialistes répartis dans les 3 armées?